Les Lettres dans la société congolaise : quelle mission ? Quel rôle ?

LES ETUDES LETTRES AU SEIN DE L’UNIVERSITE : DE LEUR NECESSITE ET UTILITE

Grâce à ses cycles de graduat, de licence et de D.E.S (le diplôme d’études supérieures) couronnés éventuellement par le doctorat, les études en langue et littérature française assurent une formation académique et scientifique des étudiants dans ces deux disciplines. Quoique d’autres carrières de diffusion culturelle (radio, télévision, presse, etc.), dans l’administration publique (Ministères de la culture et des Arts, de la Recherche scientifique, etc.), dans les services administratifs des entreprises tant publiques que privées, centre de recherche, etc., l’Enseignement secondaire, supérieur et universitaire représente pour eux le débouché principal. C’est dire le rôle capital que les formés en Lettres doivent jouer dans l’édification de notre pays.

La promotion du peuple, le renforcement et l’amélioration des structures politiques, économiques et administratives du pays ne sont possibles qu’à la condition qu’il se diffuse largement un enseignement de qualité aux divers niveaux et dans les diverses branches de l’organisation scolaire : nos dirigeants politiques doivent en être convaincus du fait qu’ils ne cessent de le proclamer à plusieurs reprises. Le développement de l’enseignement conditionne tout le progrès d’une nation.

Les valeurs humanistes que dispensent les études des Lettres ont pour tâche propre de dégager, de mettre en lumière l’étude scientifique des littératures et de langues. A ce titre, elles ne sont pas moins précieuses pour l’Afrique d’aujourd’hui en général et la Rd-Congo en particulier, comme d’ailleurs pour le reste du monde, que les acquisitions vertigineuses des sciences de la matière et les admirables réalisations de la technique. Seule la conjonction de ces deux grands courants de l’activité humaine assurera l’harmonie interne et la plénitude d’être de la civilisation moderne.

Il sied de rappeler ici que l’université est une institution scolaire où rien de ce qui est humain ne doit être négligé comme objet d’étude. C’est le lieu où toute science, sociale ou exacte, doit être enseignée. L’université se veut donc universelle ou générale dans son principe qui est celui de ne négliger a priori aucune branche du savoir. Cet idéal principal se trouve dans l’étymologie du mot université qui fut forgé vers la fin du moyen âge européen.

Concernant la réalisation de cet objectif, on peut se demander, sans mettre en cause son fondement ou sa raison d’être, s’il peut être réalisé. La réponse à cette question n’est pas unique. Je dirais que certaines universités enseignent à l’heure actuelle toutes les disciplines du savoir et de l’activité humaine. C’est notamment le cas dans certaines grandes universités américaines qui forment aussi bien des menuisiers, des nageurs, des cuisiniers, des ménagères que des ingénieurs, des médecins, etc.

Dans cet ordre d’idées donc, les études de Lettres ont leur place dans n’importe quelle université en général et dans l’Université congolaise en particulier. L’université doit enseigner toutes les sciences, tous les savoirs humains, indistinctement.

LE ROLE DE LETTRES DANS LE DEVELOPPEMENT NATIONAL

Les études de Lettres, on le sait, ouvre à l’esprit de larges perspectives sur le monde, dans le temps comme dans l’espace, par l’enseignement des grandes langues de culture, mortes et vivantes, tendances esthétiques et transformations sociales, par l’appréciation pertinente des chefs-d’œuvre universels de la création artistique.

Mais si l’humanisme est plus que jamais à vocation mondiale, il ne saurait être étranger à l’Afrique en général et à la Rd-Congo en particulier. L’accord de l’universalité et de l’africanité et/ou de la congolité est au centre de préoccupations de la formation dispensée. En témoignent notamment l’inscription parmi les cours généraux de certaines matières spécifiquement africaines et dernièrement non seulement l’introduction dans le nouveau programme de la littérature congolaise moderne, mais l’ouverture de tout un Département des Lettres et Civilisation congolaises à l’université de Lubumbashi qui compte cette année trente finalistes du premier cycle, le graduat.

Fondée en octobre 1956, l’ancienne Faculté de Philosophie et Lettres a accompli trois lustres au terme de l’année 1970-1971. transférée à Lubumbashi à la faveur de la création de l’Université Nationale du Zaïre (1971-1981), la Faculté –dénommée aujourd’hui Lettres et sciences humaines-, est récréée à l’Université de Kinshasa dans les années 1980. L’actuelle Faculté compte sept Départements : Philosophie, Sciences historiques, Sciences de l’Information et de la Communication, Lettres et Civilisations et langues vivantes. La vitalité de ces départements est attestée, entre autres, sur le plan de la recherche scientifique par les nombreuses publications de leurs membres. A ce propos et à titre purement illustratif, le professeur Jean-Marie Mutamba Makombo est co-auteur et auteur à ce jour de :

– Cadres et dirigeants au Zaïre : qui sont-ils ? Dictionnaire biographique, Kinshasa, Ed. du C.R.P., 1986, 542p (en collaboration avec Mabi Mulumba).

– L’Histoire du Zaïre par les textes : 1885-1955, Kinshasa, EDIPES, 1987, 314p.

– Makoko, roi des Bateke, 1980-1892, Kinshasa, Ed. Du C.R.P., 1987, 136p.

– Patrice Lumumba, correspondant de presse (1948-1956), Bruxelles, Cahiers Africains, n°3, 1993, 84p.

– L’organisation des élections démocratiques au Zaïre : principes et conditions (dir.), Kinshasa, IFEP/FKA, 1995, 176p.

– Système éducatif au Zaïre : d’une réforme à l’autre, Kinshasa, Bureau Unesco/Kinshasa, 1995, 90p.

– Valeurs et objectifs d’un parti politique démocratique social et chrétien, (dir), Kinshasa, IFEP, 1997, 64p.

– Du Congo belge au Congo indépendant 1940-1960. Emergence des « évolués » et genèse du nationalisme, Kinshasa, Publications de l’Institut de formation et d’études politiques, 1998, 688p. Enseignant au Département des Lettres et Civilisation françaises, je suis auteur et co-auteur à ce jour de :

– Guide de littérature zaïroise de langue française (1974-1992), Kinshasa, Editions universitaires africaines, 1993, 144p.

– Profils d’auteurs congolais, Ontario (Canada), Ed. Glopro, 2004, 88p.

– De l’aube au crépuscule…Manuel de littérature et de civilisation congolaise, Kinshasa, Afrique-Editions/CEDILIC, (2007), 272p. (en collaboration avec Itshieki Putu Basey et Jean-Luc Ilonga Bosenge)

– Méthodes d’analyse littéraire. Applications à la littérature négro-africaine, Kinshasa, Ed. du CEDESURK, 2007, 192p. (en collaboration).

– Littérature congolaise écrite, Bruxelles, Editions universitaires intereuropéennes/Peter Lang (sous presse).

– Promouvoir la recherche scientifique et technologie en Rd-Congo. Engeux pour l’avenir, Paris, L’Harmattan (sous presse)

– La littérature congolaise moderne de langue française : de 1966 à nos jours, Paris, L’Harmattan (sous presse).

Et bien d’autres comme le professeur Ngoma Binda Phambu du Département de philosophie. Comme on le voit, les Lettres sont d’une importance considérable pour la Rd-Congo. Elles contribuent aussi, à leur manière, à l’instar d’autres savoirs humains (droit, économie, sociologie, médecine, etc.), à l’épanouissement d’une grande et belle nation.

PROFESSEUR ALPHONSE MBUYAMBA KANKOLONGO Université de Kinshasa

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.