Autant savoir : Le paludisme ou malaria.

 Causes et facteurs de risque

L’agent infectieux responsable  est un parasite du genre Plasmodium. Plusieurs espèces de Plasmodium peuvent infecter l’homme :

              Plasmodium falciparum : représente l’espèce la plus fréquente et surtout la plus dangereuse ;

              Plasmodium ovale : n’est retrouvé qu’en Afrique noire ;

              Plasmodium vivax : n’est pas retrouvé en Afrique noire ;

              Plasmodium malariae : plus rare que les espèces précédentes.

Le parasite est présent dans toutes les régions intertropicales chaudes et humides, à l’exception des Antilles françaises, de Tahiti, de la Réunion et de la Nouvelle-Calédonie. L’anophèle est absente des agglomérations urbaines d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est ainsi que des zones traversées par les circuits touristiques en Extrême-Orient.

Enfin, il a été décrit des cas de paludismes dits d’ "aéroports" (moustique transporté dans la soute à bagage d’un avion en provenance d’un pays tropical, cas observé dans des pays à climat tempéré).

 

Les signes de la maladie

Accès de primo-invasion :

 

Il survient 8 à 20 jours après la piqûre du moustique.

Il se manifeste par une fièvre élevée accompagnée  de douleurs diffuses (maux de tête, courbatures) et de troubles digestifs (nausées, diarrhées).

Des signes de gravité peuvent être présents à ce stade :

              Troubles de la conscience ;

              Ictère (teint jaune de la peau et des muqueuses) précoce et marqué ;

              Atteinte de la fonction rénale.

 

Accès rythmés (récidivants) :

 

Ils correspondent à l’évolution d’un accès de primo-invasion qui n’ a pas été traité.

Ils peuvent survenir plusieurs mois ou plusieurs années après la primo-invasion.

Ils évoluent de façon caractéristique en 3 phases successives :

              Début brutal marqué par des frissons intenses ;

              Suivi de pics fébriles (température corporelle à 40-41°). L’état du patient est alarmant ;

              Et enfin sueurs abondantes précédant la disparition totale de la fièvre.

Chaque accès dure environ 6 à 8 heures. En l’absence de traitement spécifique, les accès se répètent pendant 3 semaines avant de disparaître spontanément laissant un malade très fatigué.

Ces accès se répètent sur un rythme tierce (1er, 3ème, 5ème, 7ème jours) pour Plasmodium vivax, Plasmodium ovale et Plasmodium falciparum et sur un rythme quarte (1er, 4ème, 7ème jours) pour Plasmodium malariae.

 

Accès pernicieux ou neuro-paludisme :

 

Il n’est l’apanage que de Plasmodium falciparum et fait toute la gravité du paludisme.

Il représente l’évolution d’un accès de primo-invasion non traité ou il peut survenir d’emblée.

Les signes cliniques sont :

              Une fièvre très élevée ;

              Des troubles neurologiques (désorientation, violents maux de tête) précédant l’apparition d’un coma ;

              Des troubles de la fonction du foie ou du rein.

 

La consultation

Accès de primo-invasion : l’examen clinique est le plus souvent normal en dehors d’éventuels signes de gravité que le médecin recherchera par un examen clinique complet (augmentation de volume du foie à la palpation abdominale, troubles de la conscience…).

Accès rythmés : examen général complet. Les signes cliniques dans un contexte évocateur permettent au médecin d’évoquer le diagnostic.

Accès pernicieux : l’examen neurologique doit être complet (profondeur du coma) mais ne retardera pas la mise en route de traitement.

 

Examens et analyses complémentaires

La certitude de l’infection parasitaire est fournie par le laboratoire de parasitologie : le sang du patient (prise de sang banale) est étalé sur une lame qui est ensuite colorée et examinée au microscope. L’espèce de Plasmodium est mise en évidence dans les globules rouges du patient. Il s’agit d’un diagnostic rapide qui permet en outre de déterminer la parasitémie (pourcentage de globules rouges où le parasite est retrouvé).

Les autres examens de laboratoire retrouvent une anémie (diminution du taux d’hémoglobine) et une thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes dans le sang).

Le laboratoire fournit également des éléments en faveur d’un accès grave lié à Plasmodium falciparum :

              Parasitémie > 5% ;

              Hypoglycémie (diminution du glucose dans le sang) ;

              Troubles de la fonction du rein ;

              Lymphopénie (diminution du nombre de lymphocytes dans le sang) ;

              Thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes dans le sang).

 

 Evolution de la maladie

En dehors de l’accès pernicieux, l’évolution est favorable lorsque le traitement est bien conduit. En l’absence de traitement, les différents accès peuvent guérir après plusieurs jours d’évolution.

Le pronostic de l’accès pernicieux dépend de la rapidité et de la qualité du traitement. Son évolution est mortelle lorsqu’il n’est pas traité.

 

Ne pas confondre avec…

L’accès de primo-invasion peut faire évoquer une infection virale ou bactérienne (salmonellose). La notion d’un séjour récent en zone d’endémie palustre fait penser au paludisme.

Tout trouble de la conscience survenant dans un contexte de fièvre chez un sujet revenant d’un pays de la zone intertropicale doit faire évoquer un accès pernicieux palustre (dû au paludisme) et faire pratiquer en urgence les examens de laboratoire.

 

Traitement

Les médicaments disponibles :

              La chloroquine ;

              Le méfloquine ;

              L’halofantrine ;

              La quinine ;

              La pyriméthamine ;

              Le proguanil ;

              La sulfadoxine.

 

Les résistances aux médicaments antipaludéens :

Au fil des années sont apparues des résistances aux médicaments antipaludéens (le médicament est moins efficace en raison de modifications d’ordre génétique apparues chez le parasite).

Seul le Plasmodium falciparum peut être résistant à la chloroquine (chloroquino-résistance la plus fréquente), au proguanil, la pyriméthamine et sulfadoxine.

 

La résistance aux médicaments antipaludéens varie en fonction des zones géographiques.

 

Selon leur degré de résistance, les pays impaludés sont classés en trois groupes qui correspondent aux trois zones définies par l'OMS. La répartition de la chimio-résistance est en évolution rapide et il convient de vérifier avant le départ qu'il n'y a pas eu de changement récent.

 

Le paludisme est absent d'un certain nombre de pays

              Afrique : Maldives, Réunion, Seychelles ;

              Amérique : Argentine (sud), Brésil (sud), Canada, Cuba, Etats-Unis, Guadeloupe, Jamaïque, Martinique, Porto-Rico, Uruguay ;

              Asie : Corée, Formose, Hong-Kong, Japon, Macao, Mongolie, Singapour ;

              Océanie : Australie, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Tahiti ;

              Moyen-Orient : Chypre, Israel, Jordanie, Koweit, Liban.

 

PAYS DE LA ZONE 1 sans chloroquinorésistance

              Afrique : Cap-Vert, Egypte, Ile Maurice

              Amérique : Argentine (nord), Belize, Bolivie (sud), Costa Rica, Guatemala, Haïti, Honduras, Mexique (Chiapas), Nicaragua, Paraguay (est), Pérou (ouest), République dominicaine, El salvador, Nord Panama

              Asie : Azerbaïdjan (sud), Chine (nord-est), Tadjikistan (sud)

              Moyen Orient : Iran (sauf sud-est), Irak, Maroc, Syrie, Turquie

 

PAYS DE LA ZONE 2 avec chloroquinorésistance présente

              Afrique : Afrique du Sud (Transval, Natal), Bénin, Bostawana, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Namibie, Niger, Sénégal, Sierra Léone, Somalie, Tchad, Togo

              Asie : Afghanistan, Bhoutan, Inde, Indonésie, Malaisie, Népal, Pakistan, Philippines, Sri Lanka

              Moyen-Orient : Arabie saoudite (ouest), Emirats Arabes Unis, Iran (sud), Oman, Yemen

 

PAYS DE LA ZONE 3 avec prévalence élevée de chloroquinorésistance et risque de multirésistance

              Afrique : Angola, Burundi, sud du Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Guinée équatoriale, Kenya, Malawi, Mayotte, Mozambique, Nigéria (sud), sao Tomé et Principe, Ouganda, République Centrafricaine, RDC, Rwanda, Soudan, Swazilland, Tanzanie,, Zambie, Zimbabwe ;

              Amérique : Bolivie (nord), Brésil (Amazonie), Colombie, Equateur, Guyana, Guyane française, Panama (sud), Pérou (est), Surinam, Vénézuela ;

              Asie : Bangladesh, Birmanie, Cambodge, Chine (Yunnan et Haïnan), Laos, Myanmar, Thaïlande (zones frontalières), Vietnam ;

              Océanie : Iles salomon, Indonésie (Irian, Jaya), Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu (ex Nouvelles Hébrides).

 

PAYS DE LA ZONE 4 : multirésistances

zones forestières frontalières entre la Thaïlande et Myanmar (ex-Birmanie) et entre la Thaïlande et le Cambodge.

 

Classification IMTA.

Il existe une autre classification de l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers, basée elle aussi sur les données de l'OMS mais prenant en compte le type et la durée du voyage ainsi que les régions visitées. Les zones sont classées en A, B et C :

              Zone A : pas de risque dans les grandes villes, risque le plus souvent faible et saisonnier à base de P. vivax ;

              Zone B : pas de risque dans les grandes villes ;

              Zone C : risque majeur.

Les conseils de prophylaxie peuvent donc être donnés en fonction de cette classification.

               

La prévention du paludisme :

Elle comprend :

              Une prévention contre les piqûres de moustiques (moustiquaire, port de vêtements longs surtout le soir quand le moustique pique, insecticides, répulsifs…) ;

              La prévention par certains médicaments antipaludéens (voir aussi : les modalités de la chimioprophylaxie).

La chimioprophylaxie (prévention par les médicaments) n’est pas efficace à 100 %. Les modalités de chimioprophylaxie (en fonction des zones CSHP)

 

Les séjours inférieurs à 3 mois  et les pays du groupe 1 (zones sans chloroquinorésistance) :

              Adulte : Nivaquine (chloroquine) : un comprimé à 100 mg/jour 6 jours sur 7 ;

              Femme enceinte : Nivaquine : un comprimé par jour 6 jours sur 7 ;

              Enfant : Nivaquine (1,5 mg/kg/j)

o             moins de 1 an (<5 kg) : 1 cuillère de sirop un jour sur trois

o             de 5 à 10 kg : 1 cuillère de sirop un jour sur deux

o             de 1 à 4 an (de 10 à 19 kg) : 1 cuillère par jour

o             de 5 à 8 ans (de 20 à 30 kg) : 2 cuillères/j ou 1/2 cp/j

o             de 9 à 15 ans (de 31 à 45 kg) : 3 cuillères/j ou 3/4 cp/j

o             plus de 15 ans (>45 kg) : 4 cuillères/j ou 1 cp/j

 

Pays du groupe 2 (zones de chloroquinorésistance rare ou modérée) :

              Adulte : Nivaquine (chloroquine) : 1 cp/j et Paludrine (proguanil) : 2 cp à 100 mg/j en une prise au cours du repas ;

              Femme enceinte : Nivaquine : 1 cp/j et Paludrine : 2 cp/j ;

              Enfant : Nivaquine et Paludrine à prendre dans le biberon ou au cours du repas :

              Moins de 1 an (<5 kg) :

o             1 cuillère de sirop Nivaquine un jour sur trois

o             1/4 comprimé Paludrine à 100 mg/jour ;

              Moins de 1 an (de 5 à 10 kg) :

o             1 cuillère de sirop Nivaquine un jour sur deux

o             1/4 cp Paludrine/j ;

              De 1 à 4 an (de 10 à 19 kg) :

o             1 cuillère de sirop Nivaquine par jour

o             1/2 cp Paludrine/j ;

              De 5 à 8 ans (de 20 à 30 kg) :

o             2 cuillères/j de sirop Nivaquine ou 1/2 cp/j

o             1 cp/j de Paludrine ;

              De 9 à 15 ans (de 31 à 45 kg) :

o             3 cuillères/j ou 3/4 cp/j de Nivaquine

o             1,5 cp/j de Paludrine (soit 150 mg/j) ;

              Plus de 15 ans (>45 kg) :

o             4 cuillères/j ou 1 cp/j de Nivaquine

o             2 cp/j de Paludrine (soit 200 mg).

 

Pays du groupe 3 (zones de chloroquinorésistance fréquente ou multirésistances) :

              Adulte : méfloquine (Lariam) : un comprimé à 250 mg/semaine (4mg/kg) ;

              Femme enceinte : Nivaquine : 1 cp/j et Paludrine : 2 cp/j ;

              Enfant de moins de 2 ans : Nivaquine et Paludrine ;

              Enfant à partir de 15 kg : Lariam ;

              De 2 à 4 ans (de 15 à 19 kg) :

o             1 cp à 50 mg par semaine ;

              De 5 à 8 ans (de 20 à 30 kg) :

o             2 cp à 50 mg par semaine ;

              De 9 à 15 ans (de 31 à 45 kg) :

o             4 cp à 50 mg par semaine ;

              Plus de 15 ans (>45 kg) :

o             1 cp à 250 mg par semaine.

La méfloquine (Lariam) doit être prise deux semaines avant le départ en raison de son délai d'action ; en revanche, il suffit de commencer à prendre la chloroquine et le proguanil le jour du départ.

Le voyageur doit se munir d'un antipaludéen supplémentaire qu'il gardera en réserve pour l'utiliser en "autotraitement" en cas d'accès fébrile survenant pendant le séjour, si les conditions locales ne lui permettent pas d'obtenir rapidement un diagnostic et des soins médicaux. Ces médicaments peuvent être : l'halofantrine (Halfan), le Fansidar, la méfloquine (Lariam) ou la quinine.

 

Les séjours supérieurs à 3 mois

Le choix est réduit à deux possibilités :

              Chloroquine seule en zone de sensibilité (zone I) ;

              Chloroquine (Nivaquine) + proguanil (Paludrine) en zone de résistance (zones 2 et 3).

 

Dans les pays de la zone 4 :

              Adulte : Vibramycine (doxycycline) : 1 cp à 100 mg/j au cours du repas à débuter la veille du départ, à poursuivre pendant tout le séjour et 1 mois après le retour ;

              Femme enceinte : séjour contre-indiqué ;

              Enfant de moins de 12 ans : séjour contre-indiqué ;

              Enfant de plus de 12 ans : Vibramycine ;

              40 à 50 kg : 1/2 cp/j ;

              65 kg : 1 cp/j.

Au retour, le traitement préventif médicamenteux doit être maintenu pendant 4 semaines pour la méfloquine et 8 semaines pour l'association chloroquine-proguanil. L'arrêt trop précoce de la chimioprophylaxie lors du retour en France est responsable de la plupart des accès pernicieux constatés.

Toute fièvre accompagnée de nausées, vomissements, douleurs abdominales, céphalées, fatigue après un séjour en pays tropical doit faire consulter le médecin

Pour les femmes en âge de procréer, il faut éviter toute grossesse pendant 1 semaine (Vibramycine) à 3 mois (Lariam). Si une grossesse survient durant ces périodes, il faut consulter son médecin ou le centre de pharmacovigilance.

 

Le traitement curatif :

              Infection à P.vivax, P.ovale ou P.malariae : le médicament de référence est la chloroquine ;

              Infection à P. falciparum :

o             En l’absence de signe de gravité d’accès pernicieux : si pas de suspicion de résistance, chloroquine. En cas de suspicion de résistance, méfloquine ou halofantrine ou association pyriméthamine-sulfadoxine.

o             En cas d’accès pernicieux : le traitement doit être entrepris en urgence, au mieux à l’hôpital (grande urgence mettant en jeu la vie du patient). Si pas de suspicion de résistance, quinine par voie intraveineuse pendant 2 à 4 jours puis chloroquine par voie orale. En cas de suspicion de résistance, Quinine par voie intraveineuse associée à une cycline (antibiotique), puis méfloquine.

 

© Dr Lyonel Rossant, Dr Jacqueline Rossant-Lumbroso.

 

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