Qu'est-ce que la drépanocytose ?

A drépanocytose est en fait une maladie des gènes de l'hémoglobine, protéine du sang servant à la fixation et au transport des gaz respiratoires dans le sang : oxygène et gaz carbonique. Cette maladie porte sur les gènes beta de l'hémoglobine (qui servent à fabriquer un morceau de la protéine appellé chaîne beta de l'hémoglobine). Les gènes beta normaux sont appelés A, les gènes anormaux drépanocytaires sont appellés S ; ces gènes conduisent à la formation d'une protéine d'hémoglobine anormale, dont la présence dans les globules rouges conduit à leur destruction, et donc à une anémie très grave.

Chaque être humain possède en principe tous les gènes de son patrimoine génétique en double exemplaire et possède donc deux gènes beta, en combinaison pouvant être AA, AS, ou SS. Seuls les individus SS sont malades. Les AS sont transmetteurs sains mais peuvent donner naissance à des enfants drépanocytaires. Ceux qui ont un des deux gènes malade, par exemple AS, sont dits hétérozygotes ; chez eux la maladie ne s'exprime pas parce que le gène normal présent suffit à contrebalancer l'effet du gène malade : il permet de fabriquer assez d'hémoglobine normale pour empêcher la destruction des globules rouges. Ceux qui ont les deux gènes malades, par exemple SS, sont dits homozygotes. Ce sont ces personnes qui sont malades drépanocytaires : chez elles aucun gene beta sain n'est là pour contrebalancer les effets des gènes malades et il n'y a que des protéines anormales d'hémoglobine produites ; ces protéines ont tendance à s'agréger entre elles et à former des cristaux, dont la croissance finit par déchirer la membrane du globule rouge, qui est alors détruit.

Il y a aussi d'autres formes homozygotes comme SC, SBT. Par rapport aux autres maladies génétiques, la drépanocytose est la plus répandue : la trisomie 21 (mongolisme) atteint un enfant sur 400 partout dans le monde, la mucoviscidose atteint 1 enfant sur 2500 en France, alors qu'on évalue à 250 en France le nombre de naissances annuelles d'enfants atteints de drépanocytose et à plus de 3000 le nombre de patients drépanocytaires suivis en région parisienne. Aux Antilles et en Guyane il y a un nouveau-né sur 260 atteint de drépanocytose ; en Afrique Intertropicale, 1 nouveau-né sur 100. Dans les détails et dans l'état actuel des connaissances, les populations touchées sont :

"- Celles à très haut risque : Afrique intertropicale, Inde (certaines régions)

"- Celles à haut risque : Antilles, Amérique du Sud (Brésil), Noirs américains

"- Celles à moyen risque : Afrique du Nord, Sicile, Grèce

"- Celles à faible risque : Portugal, Turquie, Israël.

La drépanocytose est ainsi répandue parce qu'à l'état heterozygote, la présence du gène drépanocytaire contribue à protéger son porteur du paludisme ( la présence de protéines d'hémoglobine anormales empêche le parasite – Plasmodium – de rentrer dans les globules rouges), et lui procure donc un avantage sélectif par rapport aux porteurs des gènes normaux AA, qui eux sont vulnérables au Plasmodium.

Les symptômes

Il existe 4 grands symptômes dominants :

"- La douleur

"- Les infections

"- L'anémie

"- Les accidents vaso-occlusifs sévères

La douleur

La douleur est une sensation désagréable due à un dommage tissulaire ou potentiel, à la fois sentie et ressentie selon l'expérience personnelle de celui qui souffre. La sensation de la douleur est donc un phénomène subjectif, associant un aspect neuro-sensoriel. (Transmission chimique et neurologique de la douleur) et un aspect émotionnel (lié à l'affectif, l'expérience préalable de la douleur, le développement de l'enfant).

La douleur dans la drépanocytose

La douleur, en particulier quand elle est chronique, n'est pas seulement une réponse à un stimulus nociceptif, elle dépend de nombreux facteurs tant sociaux que psychologiques au niveau de sa perception et de son intégration. Dans la drépanocytose, la douleur est le symptôme qui hante les malades, les parents et l'entourage. C'est d'ailleurs la première cause d'hospitalisation. Ces crises algiques sont des épreuves redoutées car l'idée de mort imminente est présente et cela procure une certaine anxiété (nervosité, irritabilité, refus de mobilisation).D'après Taylor, un petit garçon drépanocytaire, âgé alors de 4 ans, affirmait : « C'est comme si on me cassait les os avec un marteau-piqueur comme un tremblement de terre dans le ventre, un cyclone, c'est le diable…, etc. « Quand j'ai mal, et que la morphine ne me soulage pas, je demande au bon Dieu de venir me chercher, au ciel, on ne souffre pas », ajoutera Mylène, une petite fille de 7 ans.

L'expression de la douleur

L'expression personnelle de la douleur est variable selon l'âge. Fruit de l'analyse de la perception douloureuse, de la mémoire de cette douleur, de sa reconnaissance de la capacité de l'enfant à la comprendre, et des conditions d'environnement, celle-ci est parfois difficile à reconnaître.

"- Chez le nourrisson et le petit enfant, elle s'exprime par les pleurs, l'agitation, la pâleur, l'accélération de la fréquence cardiaque, une hypertension artérielle, des sueurs, l'expression du visage.
– Un enfant plus grand peut exprimer, localiser, protéger la zone douloureuse, mais peut rester prostré, indifférent, très triste, sans que sa douleur soit moindre : certains enfants font part de sensation de (broiement), de (fractures) multiples et répétées.
Il faut donc aux soignants des critères d'appréciation de la douleur adaptés à l'âge, à la culture de l'enfant, à la connaissance que le soignant a lui-même de l'enfant.

Evaluation de la douleur du drépanocytaire en crise algique

L'évaluation de la crise douloureuse par les soignants peut s'avérer délicate, du fait du rapport que le patient entretient avec la douleur. La relation sera, quand bien même, toujours facilitée lorsque le soignant montrera clairement qu'il croit à sa douleur, et qu'il fait preuve d'empathie. L'expression de la douleur est le fruit d'épisodes douloureux et de la réponse apportée (quantitative et qualitative). Elle nécessite donc une évaluation objective, pour proposer un traitement efficace, adapté au type de douleur. Diverses échelles d'auto hétéro-évaluation sont disponibles. Elles sont différentes selon l'âge et les cultures et sont utilisables seules ou en association dans les cas difficiles. Elles doivent être suffisamment simples, non contraignantes et facilement reproductibles pour permettre un usage quotidien, voire pluri-quotidien.

Le traitement de la douleur

Moyens médicamenteux

"- Non opioïdes : acide acétylsalicylique, paracétamol

"- Opioïdes faibles : codéine, dextroropoxyphène

"- Opioïdes forts : morphine

Moyens non médicamenteux

"- Hyper hydratation oxygénothérapie,

"- repos au calme,

"- réchauffement,

"- échanges transfusionnels partiels.

La première aide possible pour lutter contre la douleur de l'enfant drépanocytaire est le traitement médicamenteux. Cependant, les moyens médicamenteux ne doivent pas faire négliger les autres « armes » dont on dispose. Peuvent être considérés comme moyens :

"- Le massage

"- La sophrologie

"- La relaxation

"- La distraction

"- La musique

L'anémie

Chez le patient drépanocytaire, le nombre de globules rouges est compris entre 2 et 2.5 millions (la normale étant comprise entre 4 et 5 millions) et le taux d'hémoglobine est compris entre 7 et 9 g/dl (normal : 11 g à 13g/dl) Ainsi, les drépanocytaires ont en permanence une anémie modérée. Ils peuvent alors mener une existence normale. Cependant, il existe des situations qui sont responsables d'aggravation de l'anémie : la carence alimentaire, notamment en fer et en vitamines, une poussée d'anémie qui survient à l'occasion d'une fièvre, dans certains cas, notamment chez le petit enfant, elle est due à un emprisonnement soudain de tous les globules rouges dans la rate. Ces situations appellent souvent des transfusions sanguines.

Les infections

Elles sont responsables d'une part importante de la mortalité et de la morbidité. La fréquence des accidents infectieux diminue avec l'âge, mais le risque persiste toute la vie. Toute infection doit être prise au sérieux et doit bénéficier d'un traitement énergique. Il existe des mesures préventives à cet égard : toutes les vaccinations doivent être à jour et une antibiothérapie préventive (oraciline) est prescrite.

"- La pneumopathie

"- L'ostéomyélite

"- Les méningites et les septicémies

Les accidents vaso-occlusifs sévères

Les infections pulmonaires sont très fréquentes et il arrive que l'infection se conjugue avec un infarctus pulmonaire et conduise à un tableau de syndrome thoracique aigu. Ce terme (« a cute chest syndrome » des anglo-saxons) recouvre un éventail de pathologies pulmonaires de gravité extrêmement variable, parfois inaugurales, le plus souvent secondaires à une infection pulmonaire ou une crise vaso-occlusive nécessitant dans les cas les plus sévères une réanimation respiratoire et un échange transfusionnel.

L'ostéomyélite

C'est une infection osseuse, qui affecte environ 10% des enfants. En Afrique où la disponibilité d'antibiotiques est limitée, nombres d'infections mal traitées dégénèrent en ostéomyélites chroniques avec anomalies de croissance osseuse et séquelles définitives.

Le syndrome pieds-mains

Ce sont des complications douloureuses, conséquences de l'ischémie osseuse. Ce sont les plus fréquentes… elles se traduisent par des gonflements des pieds et des mains chez l'enfant de moins de 2 ans.

La séquestration splénique

La séquestration splénique aiguë est liée à la captation des globules rouges dans la rate et associe une augmentation brutale du volume de cet organe et une anémie sévère. C'est une urgence vitale transfusionnelle.

L'accident vasculaire cérébral

Il s'agit aussi d'un accident vaso-occlusif sévère qui entraîne le plus souvent une hémiplégie dont l'âge moyen est de 7 ans et qui laisse des séquelles motrices et/ou intellectuelles dans 80% des cas. Le risque de récidive en l'absence de traitement va de 50 à 67% selon les séries. Ce risque et ce pronostic vital intellectuel sont des moteurs si sérieux qu'on préfère soumettre les enfants à un programme de transfusions mensuelles qui évitent les récidives dans la très grande majorité des cas. En contrepartie, une surcharge en fer peut se développer ce qui est à son tour responsable d'une morbidité et d'une mortalité significative en l'absence de traitement. Depuis quelques années, la possibilité de repérer un AVC par un doppler trans-crânien est une évidence. Le priapisme, les accidents rétiniens aigus, etc… sont beaucoup plus rares.

La prévention des crises

L'information de bonne qualité

Le drépanocytaire doit être conscient de la gravité et de la chronicité de sa maladie. Ceci doit l'amener à être capable de prévenir les complications, du moins celles qui sont évitables.

Prévention des crises

Il faudra procéder à l'éducation de l'individu ou de sa famille pour un changement de mode de vie conforme aux exigences de sa maladie.
Dans tous les cas il faut lutter contre les facteurs déclenchants ou aggravants des crises, reconnus et répertoriés.

L'hypoxémie ou manque d'oxygène

L'hypoxémie survient dans les situations suivantes :

"- altitude de plus de 1500 m

"- avion non ou mal pressurisé

"- efforts physiques plus ou moins violents (savoir respecter ses propres limites)

"- station debout prolongée

"- le refroidissement

"- le stress

La malnutrition

La nécessité d'une hygiène alimentaire s'impose au drépanocytaire car les carences alimentaires aggravent l'anémie et diminuent la résistance aux infections. Un apport supplémentaire en fer, en folates et en protéines est nécessaire et les parents devraient être informés des groupes d'aliments qui contiennent ces éléments.

La déshydratation

La déshydratation déclenche les crises et augmente la viscosité du sang. Elle doit être prévenue à tout prix. Il faudra donc éviter l'exposition solaire et boire beaucoup en cas de fièvre, diarrhée, vomissements, et pendant l'été.

Les infections

Les parents devraient savoir que pour prévenir toute source d'infections, les vaccinations systématiques et complètes (sans oublier les rappels) doivent être faites à l'enfant dès sa naissance. Ceci concerne les vaccinations obligatoires mais aussi les non-obligatoires (vaccins antipneumococciques, antihaemophilus B, antirougeole, anticoqueluche, antihépatite B). L'importance de l'hygiène corporelle et dentaire doit être sue.

L'hémolyse accrue, ou destruction des globules rouges

Les principaux signes en sont :

"- les boutons de fièvre (fébricules)

"- une coloration jaune de la peau et des muqueuses (subictère)

"- les urines foncées

Il en est de même pour :

L'obstruction vasculaire périphérique : le sang ne circule plus bien.

Les manifestations en sont :

"- un vague endolorissement

"- une douleur localisée

"- un gonflement des extrémités (syndrome pieds-mains chez l'enfant)

"- hépatomégalie et splénocalie (hypertrophie et durcissement du foie), qui peuvent être détectées par les palpés abdominaux réguliers, faciles à faire.

Dès que les parents détectent un ou plusieurs de ces signes cliniques, ils doivent agir : soustraire l'enfant aux facteurs déclenchants de crise et alerter leur médecin .

Une prophylaxie antipalustre
doit être suivie, dans les zones d'endémie ou lors des voyages dans ces zones.

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