10.03.06 Télécommunications en Afrique: un marché prometteur mais encore réduit (JA/AFP)

Réunis la semaine dernière à Libreville à l'initiative de l'Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance), opérateurs, entreprises et autorités de régulation se sont réjouis du "boom" du secteur sur le continent le plus pauvre de la planète, surtout en matière de téléphonie mobile et d'internet.

"L'explosion du mobile représente le plus gros choc du secteur des télécommunications en Afrique", écrit le consultant Ernst and Young dans un rapport rendu public lors du colloque de Libreville. "En 2001, les téléphones portables ont supplanté en nombre les téléphones fixes avec 22 millions d'abonnés +mobiles+ contre 20 millions d'abonnés +fixes+".

Les chiffres sont spectaculaires. De 1999 à 2002, le nombre d'abonnés au téléphone mobile est ainsi passé de 5.000 à 563.000 au Cameroun et de 91.000 à plus d'un million en Côte d'Ivoire.

"Cette explosion est largement alimentée par la dérégulation qui a ouvert le marché du mobile aux opérateurs privés", explique Denis Boutoille, directeur commercial de la société française Metracom. "Elle profite aussi de la faiblesse des infrastructures fixes et de la généralisation du système des cartes prépayées, qui réduit le risque financier pour les opérateurs".

De l'avis des experts, le mouvement ne devrait pas ralentir de sitôt. "Nous n'en sommes qu'au début. Ici, on compte par centaines de milliers d'abonnés nouveaux", se réjouit Patrice Miconi, gérant de Global Engineering Telecom.

Faute de réseaux terrestres dignes de ce nom, c'est donc la technologie satellitaire ou hertzienne qui mène la danse. Pour le téléphone comme pour l'internet. Au Gabon, trois sociétés privées utilisant ces technologies ont ainsi débarqué pour combler le vide laissé par la saturation de l'offre haut-débit de l'opérateur historique.

"Grâce à ces techniques, l'Afrique devrait rattraper rapidement une partie de son retard sur le reste du monde", estime Patrice Miconi. "Pour le mobile, le passage de la 2e à la 3e génération sera beaucoup plus rapide qu'en Europe".

Pourtant, la santé du marché africain des télécommunications n'est pas aussi éclatante que pourraient le laisser suggérer les indicateurs de croissance à trois chiffres du nombre d'abonnés.

Dans tout le continent, seule une minorité de la population détient une ligne téléphonique, fixe ou mobile. Plus de 30% au Gabon mais à peine 1% en Guinée ou au Mali, selon le document d'Ernst and Young.

Surtout, les obstacles à la croissance y restent de taille, insistent les entrepreneurs français. "C'est d'abord un problème politique. Les Etats doivent encore beaucoup faire pour faciliter l'installation des opérateurs privés", diagnostique Eric d'Aboville, de la société E-Qual.

"Et puis le frein financier est considérable", ajoute-t-il. "Trop peu d'investisseurs sont prêts à financer le coût des nouveaux équipements et les services restent très chers, notamment pour internet".

En ouvrant le colloque, le ministre gabonais des Télécommunications René Ndemezo Obiang a insisté sur les "efforts" de son pays en matière de dérégulation des télécommunications, convaincu de "leur rôle déterminant pour le développement et la croissance du pays".

"Les économistes tablent pour les dix ans à venir sur une croissance de 10% du secteur", résume Denis Boutoille. "Mais il faut rester réaliste. Les besoins existent, pas le pouvoir d'achat. Nous n'échapperons pas à la réalité économique du continent".

9 mars 2006 – AFP/ Jeune Afrique

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