2.03.06 Possibilités de relance de la Gecamines et de l’industrie minière au Katanga (Le Potentiel)

Depuis sa création, suite à la nationalisation de l’Union Minière du Haut Katanga (Umhk) en 1967, la Gecamines a connu un parcours caractérisé, jusqu’en 1991, par une volonté réussie de se maintenir au niveau historique de cinquième producteur mondial du cuivre et de premier producteur mondial du cobalt malgré les événements politiques qui ont perturbé maintes fois son action (fermeture de la voie de chemin de fer de Lobito, guerres de 80 jours et de 6 jours à Kolwezi).

Les produits marchands transformés dans ses usines de traitement métallurgique étaient élaborés jusqu’à la phase de métal, laissant à peine 1 à 2% de traitement de raffinage à l’étranger. Plus de 98% de la valeur ajoutée était réalisée dans le pays. Une nouvelle usine d’électro-raffinage a même été construite à Luilu pour augmenter la valeur ajoutée au pays, mais son démarrage a été entravé par les événements politiques de 1992. Aujourd’hui, tous les opérateurs miniers installés au Katanga, qu’ils soient partenaires de la Gécamines ou bénéficiaires de titres miniers, ne produisent et n’exportent aucun produit à l’état métallique.

Plusieurs d’entre eux exportent des minerais bruts tandis que d’autres produisent des concentrés, des alliages Cu-Co ou des sels de cobalt dont la teneur en métal reste, dans tous les cas, inférieure à 30% et exceptionnellement à 45%. Une part importante de la valeur ajoutée qui était jadis réalisée dans le pays est actuellement confiée aux raffineries des pays étrangers. Parmi les usines de raffinage à l’étranger qui reçoivent les produits venant du Katanga, il y a celles de la Zambie dont la capacité est devenue supérieure aux tonnages extraits des mines zambiennes à cause de l’épuisement des gisements. En effet, les gisements du coperbelt zambien s’épuisent alors que les usines de transformation, récemment réhabilitées, offrent des capacités de traitement qui vont de plus en plus absorber les produits congolais. Les échanges se font actuellement de manière individuelle et informelle sans communication des statistiques aux administrations fiscales congolaises.

Les premiers contrats entre la Gecamines et ses partenaires qui produisent des concentrés Cu-Co, obligeaient ceux-ci à remettre leurs produits pour traitement à façon à la raffinerie de Shituru. Quelques tonnes de concentrés avaient été remises à la Gecamines, mais cette clause contractuelle n’est plus respectée pour les raisons suivantes : forte diminution de la capacité de traitement de cette usine faute de réhabilitation et de maintenance, les moyens financiers faisant défaut à cet effet ; faible productivité, faible rendement de récupération et absence de rigueur dans la conduite des opérations. Jadis, la commercialisation de tous les produits était confiée globalement et successivement à la Société générale des minerais (Sgm), filiale de la Société générale de Belgique, ensuite à la Sozacom devenue Gecamines commerciale. Ces sociétés occupaient une position de force sur le marché des métaux du fait d’importantes quantités de produit dont elles assuraient directement la vente sans passer par des intermédiaires. Un faible pourcentage était confié aux traders pour des besoins de régulation du marché. En ce moment, la commercialisation de la production des Sociétés en partenariat avec la Gecamines est confiée aux partenaires privés. Chacun d’eux vend ses produits à des traders et négocie souvent des clauses de mise sur le marché non favorables à la Gecamines. La traçabilité des métaux extraits des mines de la Rdc depuis leur production jusqu’à leur mise sur le marché devient hypothétique et prive la République des statistiques qui lui permettent de conforter sa position sur le marché international des métaux non ferreux. Enfin, tous les partenaires actuels de la Gecamines ne possédaient pas au départ l’expérience minière à la hauteur des projets qui leur ont été confiés. Ils ont tous fait recours à l’expertise de la Gecamines, à son personnel disponible et aux Sociétés minières internationales pour démarrer leur exploitation.

Par suite de l’effondrement de la mine de Kamoto, des départs massifs de près de 40% des effectifs refoulés vers le Kasai et de l’embargo décidé par les bailleurs de fonds à partir de 1992, l’activité de la Gecamines a régressé. Sa production a été drastiquement réduite jusqu’à atteindre, en 2003, le niveau très bas de 9000 tonnes de cuivre et 3000 tonnes de cobalt par an contre 470.000 tonnes de cuivre et 15.000 tonnes de cobalt de capacité annuelle réalisée jadis. Aujourd’hui, la Gecamines n’émarge plus au budget de l’Etat. Avec une dette de plus de 2 milliards Usd, elle est l’objet de plusieurs poursuites et saisies judiciaires. Malgré ce sombre tableau, la Gecamines possède encore trois atouts majeurs qui peuvent lui permettre de relancer ses activités et qui sont : la possession de réserves minières contenues dans des gisements riches et abondants (Kamoto, Kov, Mastaba et Kananga au groupe Ouest, de Tenke et Fungurume au groupe Centre, de la mine de Zinc, cuivre et souffre de Kipushi); les ressources humaines compétentes qui composent l’expertise technique de l’industrie minière nationale ; les grandes unités de production qui sont à l’arrêt et dont le démarrage nécessite quelques financements (mine de Kamoto, Concentrateur de Kamoto, usines de Luilu et mine de Kipushi). En définitive, l’industrie minière du Katanga est en crise profonde. Comment l’en sortir? La question ainsi posée mérite un débat approfondi qui dépasse, sans doute, les limites de l’hemicyc1e de l’Assemblée nationale.

Pour sa part, la Commission spéciale apporte à la réflexion quelques propositions ci-dessous.

PISTES DE RELANCE

A l’effet de relancer l’industrie minière au Katanga et la Gecamines, la Commission spéciale de l’Assemblée nationale fait les recommandations ci-après:

Au gouvernement de la République, la Commission propose de définir une politique minière claire et rationnelle afin de faire bénéficier au pays le produit de ses ressources minières et de mieux organiser ce secteur; de définir un cadre juridique de partenariat entre l’Etat, directement ou à travers les entreprises publiques, et les privés; de soumettre toute convention minière, tout accord de partenariat entre entreprise publique ou l’Etat et les privés d’une durée égale ou supérieure à dix ans, à une évaluation obligatoire après chaque période de 5 ans avec possibilité de résiliation en cas de non respect par le partenaire des engagements pris ; de fixer un délai d’évaluation périodique obligatoire des exonérations et autres avantages fiscaux ou douaniers accordés dans le cadre d’une convention minière ou d’un accord de partenariat ; de mettre en application sans faille le Code minier qui est favorable au pays au lieu de continuer à gérer le secteur minier sur base de conventions minières qui souvent comportent des clauses financièrement léonines et fiscalement défavorables au pays; de n’autoriser l’exploitation minière artisanale que dans le strict respect du Code minier ; d’imposer à toutes les sociétés minières publiques et privées l’obligation de traiter à façon au pays leurs produits miniers afin que la production minière nationale soit aussi cotée au plan international; d’interdire absolument et sans délai l’exportation des minerais bruts de la République puisqu’il existe au pays les structures pour un traitement à façon ; d’instruire les entreprises publiques minières à ne conclure des contrats avec les tiers qu’après un appel d’offres pour les gisements miniers importants (Kamoto, Tenke-Fungurume, Kananga, Kov…) ; de suspendre sans délai le Comité de gestion de la Sodimico et traduire les fautifs en justice après le rapport d’audit de la Cour des comptes ; de recycler et former les notaires affectés dans la province du Katanga afin d’appliquer correctement la loi.

Aux entreprises publiques minières et aux services publics, la Commission a émis le vœu de les voir exiger toujours l’évaluation des apports en nature ou en industrie effectués dans les sociétés créées en partenariat avec les tiers ; de mettre en application immédiate les recommandations de la Commission sur les partenariats conclus par chaque entreprise publique.

RELANCE EN DEUX ETAPES

La relance de la Gecamines peut être envisagée en deux étapes. A court terme, grâce à un financement dont il faut évaluer la hauteur, il est prévu de procéder à la réhabilitation progressive et partielle des concentrateurs de Kambove et Kolwezi ; des sections des usines de Shituru et de Luilu destinées à la lixiviation des concentrés en provenance des concentrateurs de Kambove et de Kolwezi ainsi que de ceux à fournir par des partenaires pour traitement à façon ; d’acquérir une unité de production d’acide sulfurique à partir de souffre à importer dont il faut déterminer la capacité en fonction des tonnages à alimenter à la lixiviation ; d’organiser, à travers l’Emak, l’exploitation minière artisanale dont les produits seront achetés par la Gecamines pour alimenter en partie les concentrateurs de Kambove et de Kolwezi ; de résilier tous les contrats signés en paiement des créances et établir un plan d’apurement des créances des tiers; de renégocier les contrats de sous-traitance pour l’exploitation des mines de Tuilezembe, Kamatanda et autres pour compte de Gecamines ; de centraliser au niveau d’une structure à organiser au sein de la Gecamines la commercialisation de l’ensemble des produits finis.

A moyen et long terme, pour permettre une relance de la Gecamines et partant de l’industrie minière du Katanga à une échelle correspondant au niveau de production anciennement atteint, la Rdc doit recourir à d’importants financements extérieurs. La mobilisation de ces financements et la garantie d’accès à une technologie moderne et appropriée requièrent un appel à des partenaires privés en vue de réhabiliter, d’adapter et d’exploiter les grandes unités à l’arrêt ainsi que les grands gisements disponibles.

Cependant, la Commission est restée d’avis que l’avenir de la Gecamines exige qu’une option claire soit préalablement levée par le gouvernement congolais concernant le statut de cette entreprise publique. Continuera-t-elle à exploiter directement les mines ou deviendra-t-elle une Holding minière intervenant dans ce secteur par voie d’accords de partenariat avec les sociétés privées et de participation au capital social de ces sociétés ? Ou encore, sera-t-elle tout simplement privatisée ?

A cet effet, la mission confiée au Copirep revêt une importance réelle. Il est indispensable qu’elle aboutisse assez rapidement et que le gouvernement de la République y accorde une attention particulière. C’est à l’issue de l’étude de Copirep qu’il sera possible d’obtenir tous les éléments techniques nécessaires à la levée des options fondamentales en vue de la réforme du portefeuille de l’Etat, en général, et à la restructuration d’une entreprise publique comme la Gecamines, en particulier.

Faustin Kuediasala
Kinshasa, 20/03/2006 (Le Potentiel, via mediacongo.net)

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