20.03.06 Lor à la base des conflits sociaux au Kivu (Le Soft)
Depuis longtemps, lor a fait la fortune de la métropole et de lEtat congolais. En Ituri, lexploitation de lor était lexclusivité de lOffice dor de Kilo Moto, Okimo, sur une superficie de 82.000 Km², avec des réserves évaluées à 100 tonnes. LOkimo, on le sait, a traversé une zone des turbulences à cause de la mauvaise gestion. A partir de 1996, les droits dexploitation sont accordés à des majors, notamment à la Mindev, un consortium canado-belge, sur une concession de 2.000 Km² et à la Barrick Gold Corporation, BGC, qui espérait en tirer la totalité de la réserve. Il semble que BGC, deuxième producteur de lor au monde – après lAnglo American Corporation, AAC dAfrique du Sud – fait ses importantes acquisitions en Amérique, Asie et Afrique et quelle nacquiert que des concessions dau moins 60 tonnes et dont la prospection est déjà faite par dautres dans le but de réduire les coûts de production. Récemment, la puissante Anglo Gold Ashanti a signé un contrat de partenariat avec lOkimo. Au siège de cette entreprise à Kinshasa, la valeur de linvestissement est gardée comme un secret de famille. Néanmoins, explique un membre du comité de gestion, « Anglo Gold Ashanti est la seule qui puisse donner des signes de perspectives encourageantes pour lavenir ».
Lor de tous les enjeux.
En R-dCongo, cest plutôt le Kivu-Maniema qui est considéré comme le pays de lor. Les réserves sont évaluées à 150 tonnes pour lensemble des concessions de lex-Sominki, productrice dor et étain. Parallèlement à lexploitation officielle, sest développée lactivité des milliers dorpailleurs, principalement à Kamituga, avec en tête le rêve dune fortune facile. Comme en Ituri, lexploitation aurifère au Kivu-Maniema par plusieurs sociétés minières remonte à lépoque coloniale. La Sominki, Société minière du Kivu, est née de la fusion, en 1976, de toutes ces sociétés et a été prospère jusquen 1985. La crise de létain, à partir doctobre 1985, frappa la société de plein fouet. Conséquence : aucun investisseur sérieux nétait intéressé par la reprise de la Sominki du fait de la vétusté déquipements et de lépuisement des gisements connus détain. Seul lor dont les gisements de Tangwiza étaient encore inexploités, pouvait attirer les compagnies internationales.
En dépit des tensions dans la région et le conflit armé dans le pays, Banro Corporation accepta de prendre, en 1995, le gros risque dinvestir. Pendant la guerre à lEst, en 1996, les installations minières de Kamituga et Lugwusha furent complètement pillées. En 1997, il est créé sur les ruines de la Sominki dissoute la Société aurifère du Kivu-Maniema, Sakima, dont Banro Corporation est actionnaire majoritaire.
Selon les experts, lexploitation de lor du Kivu-Maniema nécessiterait au moins 50 millions de dollars. Cependant, avant dentamer directement lexploitation, Banro choisit de se lancer dabord dans la prospection pour sassurer des réserves. En effet, explique le géologue André Kisenge, « les dernières études prospectives datent des années 50 et il faut nécessairement les actualiser ». Banro a effectivement entamé les travaux dexploration en 1997 et, depuis lannée dernière, ils sont entrés dans leur deuxième phase avec le forage du noyau de remplissage. Ces travaux sont menés sur 4 dépôts majeurs, sétendant sur 210 Km au Sud-Kivu et Maniema. Il sagit de Tangwiza, Lugushwa, Namoya et Kamituga.
A ce jour, explique une source, « Banro a identifié 2,45 millions de grammes de ressources mesurées et indiquées ainsi que 5,5 millions de grammes dans la catégorie indiquée. Soit un total de 8 millions de grammes ». Mais, précise-t-elle, il reste encore beaucoup à découvrir. En effet, Banro va poursuivre le programme de forage jusquen 2007. On souligne aussi quelle aurait débloqué, pour 2006, quelque 20 millions de dollars pour lexploration afin de maintenir le « cash burn » à son niveau actuel jusquen avril 2007. Pris séparément, le gisement de Tangwiza représente 3,2 millions de grammes des réserves indiquées sur une étendue explorée de seulement 800 mètres alors que les études indiquent que le gisement sétend sur un rayon de 4 Km. A Lugwusha, les réserves indiquées sont de 2,7 millions de grammes. Mais il semble que les travaux de forage ne sont pas aussi avancés quà Tangwiza et davantage moins sur les sites de Kamituga et Namoya. « Néanmoins, ces deux concessions sont aussi prometteuses que Tangwiza et Lugushwa bien quelles nécessitent une exploration en profondeur », fait remarquer André Kisenge. Cest dire que rien ne reflète encore la richesse que représentent ces gisements du Kivu-Maniema. La province vit encore sous le poids de la pauvreté et de la tradition. Elle connaît également les soubresauts de la politique. En effet, lenjeu majeur que représentent les minerais en général, attise des conflits entre les populations autochtones et les sociétés minières implantées sur les terres jugées riches en matières précieuses. Depuis des années, est entretenue une opinion locale hostile aux sociétés minières. Les chefs traditionnels, voire lélite locale, déclarent que les milliers de dollars qui sont tirés de « leur » sous-sol, ne profitent guère aux populations autochtones. Et saccentuent les revendications sociales en vue dune culture industrielle. Banro est accusée de toutes parts de pomper lor du Kivu-Maniema.
Culture minière.
Certes quau stade actuel, souligne lexpert géologue contacté, Banro peut procéder à la production, ou du moins au pré-développement. Certes aussi quavec 3 millions de grammes dans le sous-sol, lexploitation éventuelle de chacun de ces 4 sites peut rapporter 110 à 130 millions de dollars par an. Mais la réévaluation des ressources paraît être la voie royale. « Le travail dévaluation des réserves indiquées peut prendre au moins 9 mois. Si le forage continue à prouver les réserves, nous prendrons une année de pré-possibilité et une autre pour compléter la possibilité et les études. Ensuite une autre année, voire 18 mois, pour installer une mine et une usine de traitement », explique-t-on chez Banro, boulevard du 30 juin. Ici, on nexclue pas la possibilité de partenariat avec dautres conglomérats opérant en R-dCongo : « Il arrivera un moment où le partenariat et le joint venture devront être considérés, mais cela ninterviendra que quand nous aurons, nous-mêmes, évalué les compétences, les ressources techniques et financières requises pour compléter le programme actuel ». Sur le terrain, Banro utilise plus de 800 agents dont 22 géologues locaux et étrangers venus du Ghana, Tanzanie… Ladministrateur délégué de Banro, Peter Cowley, déclare : « quand il sagit de mener les activités minières, nous privilégions les compétences locales disponibles. La situation du Congo est semblable à celle du Ghana au milieu des années 80 ou à celle de la Tanzanie dans les années 90, cest-à-dire les compétences existent mais elles sont actuellement sous-employées ». Outre le grand investissement qui crée lemploi et des activités connexes, Banro mène une politique sociale de proximité pour accompagner la demande sociale. Cest dans ce cadre quune fondation va être créée et chargée du volet développement social : construction des écoles, hôpitaux, adduction deau, réhabilitation des infrastructures… Banro a déjà doté un hôpital dune cuisine moderne, fourni des bancs et objets scolaires aux écoles de Namoya… Pour longtemps encore, lor alimentera le développement mais aussi toutes les tensions au Kivu.
Tshimanga Dolay | Le Soft Kinshasa , 18.03.2006 | Economy