Les défis de la démocratisation, du développement durable et du renforcement des capacités en République Démocratique du Congo

Rappel historique

La République Démocratique du Congo se trouve actuellement en plein processus de démocratisation et de reconstruction, après avoir passé 45 années d’indépendance politique plutôt tumultueuses voire ruineuses au plan économique et social.

En effet, cette indépendance octroyée par la Belgique le 30 juin 1960 sous pression et sans préparation minutieuse s’est avérée être un piège pour la jeune élite congolaise.  Pour preuve, des lobbies occidentaux puissants, notamment belges et américains, ont apporté leurs appuis multiformes aux forces centrifuges qui ont neutralisé le gouvernement et le parlement légalement élus, provoqué la sécession au Katanga et au Sud-Kasaï, assassiné le tout premier Premier Ministre Patrice Emery LUMUMBA et donné lieu à une rébellion tout aussi dévastatrice.

Bien plus, la Constitution du 1er  août 1964, si patiemment négociée, n’a pas pu aboutir à la restauration de la démocratie confisquée ni ouvert la voie au développement économique et humain de ce grand pays doté d’immenses potentialités naturelles.  Certes, une deuxième législature fut élue et instituée en 1964 sur base de cette Constitution ; mais celle-ci a été balayée  par le coup d’Etat militaire du 24 novembre 1965.  Le pays a ainsi fonctionné sans texte fondamental jusqu’au 24 juin 1967, date de la promulgation de la Constitution théoriquement bipartite de la Deuxième République.  Le Mouvement Populaire de la Révolution, «MPR » en sigle, parti du général Joseph MOBUTU, a été constitué.

Ainsi prenait corps un monolithisme politique  pur et dur, car un amendement constitutionnel ultérieur institua le monopartisme sous la bannière  du « MPR, Parti-Etat ».  Depuis lors, la survie du régime  a reposé sur une paix de cimetière, un musellement de l’opinion et, sans doute, des violations massives des droits humains tant civils et politiques qu’économiques et sociaux.

En fait,  le régime  Mobutu a été utilisé par  Washington et d’autres capitales occidentales comme bouclier contre la poussée du communisme et du socialisme au cœur de l’Afrique.  Il a même fait office de gendarme appelé à faire et à défaire les régimes politiques dans cette partie du monde.

Dans cette logique, il a fallu attendre l’avènement de la perestroïka dans l’ex Union-Soviétique et la chute du mur de Berlin, en 1989, pour que le régime Mobutu sente sonner le glas.  Et alors, un certain 24 avril 1990, le Président-Fondateur du « MPR », a décidé de prendre congé de son parti politique et de laisser libre court à un multipartisme à trois d’abord puis intégral ensuite.

Toutefois, Monsieur Mobutu a été poussé par son entourage immédiat à continuer à régner « par défi ».  Aussi mit-il à contribution tout son arsenal militaire pour mater toute contestation politique et créer, de son vivant, un imbroglio qu’il avait lui-même qualifié en ces termes : « Après moi, le déluge ».

Certes, la Conférence nationale souveraine, CNS en sigle, tenue en 1991 et 1992, s’était fixé pour objectif de procéder à la relecture critique de l’histoire du « Congo-Zaïre » et de préparer la voie à l’avènement de la démocratie et de l’Etat de droit. Toutefois cette ambition fut arrêtée par la violence politique du régime en place.

Il n’en demeure pas moins vrai que la carotte était cuite.  Les parrains d’hier n’ayant  pas trouvé, au sein de la classe politique nationale, un pion capable de préserver leurs  intérêts géostratégiques, ils se sont servis du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda pour provoquer la fuite d’un Mobutu somme toute minée par la maladie.

En fait, à la suite d’une guerre assez rapide dite de libération et menée de septembre 1996 à mai 1997, ces trois pays des Grands Lacs installèrent au pouvoir à Kinshasa l’AFDL (Alliance des forces démocratiques de libération du Congo-Zaire) de Monsieur Laurent Désiré KABILA.

Pour avoir réveillé ses vieux sentiments de résistant lumumbiste et n’avoir pas obéi au diktat de ses parrains, ce dernier a dû faire face à une nouvelle guerre dite d’agression à partir du 2 août 1998 ; il a succombé à un assassinat à domicile le 16 janvier 2001 ; mais une guerre lavée s’est poursuivie jusqu’à la signature d’un accord politique (Accord global et inclusif) le 17 décembre  2003 entre les belligérants (Gouvernement Kabila, Rassemblement Congolais pour la démocratie d’Azarias Ruberwa, Mouvement congolais de libération de Jean­-pierre Bemba Gombo, RCD/Kisangani-Mouvement de libération de Mbusa  Nyamwuisi, le RCD national de Roger Lumbala, Mouvement des Résistants Maï-Maï du général Padiri),  l’opposition politique non armée et la société civile.

Certes, les Institutions issues du Dialogue intercongolais ont été installées en 2003, mais des groupes armés continuent à semer la désolation à l’Est du pays, en Ituri, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et au Nord-Katanga avec  l’appui du Rwanda et de l’Ouganda.

Le défi de la démocratisation

Pour le peuple congolais, le défi de la démocratisation consiste à l’élimination de toute forme de monolithisme, à la promotion d’une pluralité d’opinions politiques et idéologiques au respect des droits fondamentaux et des libertés publiques, et surtout, à la légitimation du pouvoir de la base au sommet.

En vue de relever ce défi, deux moyens s’imposent : un vaste travail de changement des mentalités et la mise en œuvre des mécanismes régulier d’organisation des élections à tous les niveaux.

En fait d’élections, la majorité de l’opinion congolaise voudrait au moins retrouver l’ambiance  des élections  pluralistes telles qu’organisées à la veille de l’indépendance et sous la Première République.

Car, on reproche à toutes les élections de la Deuxième République, le fait de n’avoir pas été démocratiques à part le fait que les femmes étaient devenues électrices et éligibles.  En général, lesdites élections n’étaient pas libres, surtout pour l’élection présidentielle, où il n’y avait qu’un  candidat unique, Monsieur  Mobutu, Président-Fondateur du MPR.  Il s’agissait tout simplement de voter « Vert » c’est-à-dire « Oui », ou « Rouge », c’est-à-dire, « Non ».  Bien des électeurs de cette époque affirment que le bulletin « vert » leur était tendu presque de force et que le vote « rouge » était lourd de conséquences pour la sécurité de  son auteur.  Quant aux élections législatives, elles occasionnaient certes une grande compétition entre les candidats, mais pas entre des projets de société, tout le monde étant membre du MPR, de gré ou de force. Encore que les vrais détenteurs du pouvoir d’Etat étaient nommés discrétionnairement par le Chef de l’Etat sans tenir compte des résultats des urnes.

Dès lors, on comprend pourquoi l’Accord global et inclusif a retenu comme ultime finalité de la transition, l’organisation des élections libres, transparentes et fondatrices d’un Etat constitutionnel démocratique.

S’agissant du changement des mentalités, il est sur toutes les livres depuis l’avènement de la Conférence nationale souveraine qui a largement contribué à la démystification de l’ancien régime monolithique et créé un déclic pour l’éclosion de la liberté de pensée, d’opinion, de presse, de manifestation publique, etc.

Pendant la même période, l’on a assisté également à la libéralisation de l’espace associatif et à l’émergence d’une des sociétés civiles les plus dynamiques d’Afrique.  Il en résulte une surveillance assidue de la situation des droits de l’homme et à la levée des tabous sur les cas des violations desdits droits commises essentiellement par les éléments des troupes d’agression, des groupes armés, des forces armées et de la police ainsi que par certaines autorités publiques et autres agents et fonctionnaires de l’Etat zélés.

Toutefois, le vrai changement des mentalités demeure encore un  idéal lointain.  L’inversion des valeurs est telle que dans l’appareil de l’Etat, la mégestion  et l’impunité sont la règle et la bonne gouvernance l’exception.  Le détournement, le vol et la violence sont favorisés par la pauvreté ambiante,  l’absence de l’Etat de droit et de la justice distributive.

Comme partout dans le monde, le défi de la démocratisation tel que décrit ci-avant nécessite que soient votés certains textes juridiques tels que la Constitution et les lois.  Cet exercice avait été entamé avec enthousiasme par la Conférence nationale souveraine, mais il y a un sempiternel recommencement au gré des changements politiques. Au moins une de ces lois a résisté à l’épreuve du temps : la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 portant modalités d’exercice de la liberté de la presse.

A l’état actuel des choses et depuis le deuxième semestre 2003, il importe de capitaliser les textes ci-après :

          le projet de Constitution à soumettre au référendum ;

    

          la loi portant fonctionnement des partis politiques ;

          les lois portant organisation, attributions et fonctionnement des Institutions d’appui à la démocratie (Commission Electorale Indépendante, Haute Autorité des Médias, Observatoire National des Droits de l’Homme, Commission Vérité et Réconciliation, Commission de l’Ethique et de la Lutte Contre la Corruption) ;

          la loi portant identification et recensement des électeurs ;

          la loi référendaire.

Dans les prochains jours, la République Démocratique du Congo pourra également disposer d’une loi électorale, d’une loi portant statut des magistrats et d’une loi portant organisation du Conseil Supérieur de la magistrature. Les deux dernières ont pour finalité de consacrer l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif, d’améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats de manière à lutter tant soit peu contre les anti-valeurs tant décriées.

Pour revenir au projet de Constitution adopté au premier semestre 2005 par le Sénat et l’Assemblée Nationale, il apparaît comme une récupération des atouts de la Constitution de 1964 et de celle de la Conférence Nationale Souveraine « CNS ».  Certes, il n’échappe pas aux critiques des personnes averties ; néanmoins, il intègre minutieusement les valeurs liées aux droits humains et aux libertés fondamentales ; il supprime la peine de mort, il impose à l’Etat le devoir de promouvoir la parité homme-femme ; il pose les principes fondamentaux de l’Etat de droit ; il renforce la séparation des pouvoirs, en particulier, il libère les cours et tribunaux de toute tutelle de l’exécutif, le Conseil Supérieur de la magistrature étant  composé uniquement des magistrats et institué comme un organe aussi bien de discipline, de promotion que de gestion administrative et financière. 

En plus, ce projet met quasiment fin au centralisme étatique, pour autant qu’il assure un nouveau découpage des provinces (25 au lieu de 10) plus proches de la population et autonomes dans la gestion de leurs affaires.  Il va de soi qu’il y a recentrage des domaines des compétences exclusives et concurrentes de l’Etat et des provinces.  Il est aussi prévu l’élection des dirigeants nationaux, provinciaux et locaux.  En bref, on y décèle une réelle volonté d’instauration de la démocratie et d’initiative de développement à la base.

Mise en place des institutions

Depuis le discours dit de « démocratisation » du 24 avril 1990 jusqu’à ce jour, en passant par la CNS, les acteurs politiques congolais se sont toujours préoccupés de la mise en place des Institutions, étant donné que chaque révolution ouchaque réforme vient avec ses hommes.

La première mise en place véritablement différente de la Deuxième République a eu lieu dans la foulée de la CNS avec le Gouvernement Etienne Tshisekedi chargé d’appliquer le programme de ladite CNS, suivi de l’équipe Birindwa, une antithèse du dernier cité, désigné par les « Forces du Conclave » proches du défunt Président Mobutu.  Ensuite est venu le Gouvernement Kengo, une résultante des négociations politiques du Palais du Peuple (1993-1994).

La Conférence nationale précitée avait aussi accouché d’un Parlement de Transition appelé d’abord Haut Conseil de la République (HCR) puis Haut Conseil de la République-Parlement de Transition (HCR-PT).

Cependant, la révolution Kabiliste est venue bousculer l’ordre de la CNS.  Depuis lors, les Institutions ont été établies par la seule volonté du Président de la République Monsieur Laurent-Désiré Kabila. Ce nouveau pouvoir a aussi créé son Institution Législative l’Assemblée constituante et Législative-Parlement de transition (ACL-PT), installée à Lubumbashi, à + 2.000 km de Kinshasa.

Quant aux Institutions actuelles qui tirent leur légitimité du Dialogue inter-congolais de Sun City, elles sont : le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée Nationale, le Sénat, les Cours  et Tribunaux, ainsi que les Institutions d’Appui à la démocratie (CEI, HAM), (ONDH, CVR, et CELCC).

A dire vrai, le Dialogue a permis aux anciens belligérants, à l’opposition politique et à la société civile de se partager le pouvoir en échange de la réunification du territoire national, de la réconciliation nationale et du retour au processus de démocratisation.

Ce partage s’est effectué au prorata de leurs forces sur terrain, le Gouvernement Kabila, le RCD et le MLC s’étant octroyé la part du lion, y compris dans les forces armées , la police nationale et, bientôt, la territoriale, la diplomatie et le portefeuille de l’Etat.  Quant à la présidence des Institutions d’appui à la démocratie, elle a été réservée aux acteurs de la société civile.

L’opinion a longuement épilogué sur la formule 1 + 4, c’est-à-dire un Président de la République assisté de 4 Vices-Présidents qui dirigent presque collégialement le pays ; mais  seul le Chef de l’Etat dispose du pouvoir de signature pour la promulgation des lois, les décrets et la nomination aux hautes fonctions de l’Etat.

Il est reproché à cette formule : la lourdeur administrative, le tiraillement au gré des intérêts divergents, la mégestion, l’impunité et, in fine, la fragilité de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.

Néanmoins, cette formule a le mérite d’avoir facilité le cessez-le-feu, la réunification, une certaine extension de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, ainsi que  la libre circulation des personnes et des biens.

Bien que les ténors des composantes et entités soient encore préoccupés par le placement des leurs dans la territoriale, la diplomatie et le portefeuille de l’Etat, les yeux sont actuellement tournés vers les futures Institutions de la  Troisième République.  Les uns et les autres s’y préparent en affûtant leurs  armes par les prochaines élections.

Au niveau national, il s’agira du Président de la République, du Premier Ministre, du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale (d’environ 400 membres), du Sénat et des Cours et Tribunaux.  Ces derniers, qui assument le pouvoir judiciaire, connaîtront l’éclatement de l’actuelle Cour Suprême de Justice en trois nouvelles institutions ; la Cour de Cassation, la Cour Constitutionnelle et le Conseil d’Etat.

Au niveau provincial et local, on aura à faire aux Gouvernements provinciaux, aux assemblées provinciales et aux  instances élues des collectivités locales.

Le défi de la reconstruction et du développement

En République Démocratique du Congo, on parle de reconstruction du fait des destructions diverses occasionnées tout au long de son histoire post-coloniale, et surtout avec les pillages de 1991-1993 ainsi que les guerres successives de 1996 à 2003.  En plus, de 1991 à 2000, le pays a connu une croissance négative et une aggravation sans pareil de la  misère des masses.  Cette période était également celle de la rupture de la coopération structurelle décidée en 1990 en représailles contre les violations des droits humains par le régime Mobutu.

Depuis lors, il s’est avéré nécessaire d’opérer une reconstruction sur les ruines du passé avant même de penser au développement proprement dit.  Car, la situation du Congo-Kinshasa ressemble à celle de l’Europe au sortir de la 2ème guerre mondiale, situation qui, en son temps, avait nécessité la mise en place du plan marshall.

Déjà, au deuxième semestre 1997, le Gouvernement Laurent-Désiré Kabila avait initié un programme volontariste de reconstruction nationale.  En un temps record, ce programme avait réussi à casser l’hyperinflation et la spirale des prix, il avait engagé des investissements publics prometteurs sur fonds propres.

Malheureusement, ce régime non moins autocratique n’était pas dans les bonnes grâces de la communauté internationale et n’a donc pas bénéficié des ressources de la coopération internationale.  Ce qui pris est, son effort de reconstruction a été totalement compromis par une nouvelle guerre  barbare qui a occasionné,  la  mort de 3,5 millions de congolaises et de congolais sans compter les destructions matérielles et des pillages éhontés des ressources nationales.

Il a fallu attendre l’avènement du jeune Président Joseph Kabila  en 2001 pour voir instaurer un programme de stabilisation d’abord et de relance ensuite, avec l’appui notamment du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) et, par ricochet, d’autres  partenaires multilatéraux et bilatéraux tels que la Banque Africaine de Développement (BAD), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Union Européenne (UE), la France, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, le Japon, l’Afrique du Sud, etc.

Néanmoins, l’accroissement de l’aide publique au développement (APD) n’était pas véritablement à la hauteur des enjeux, surtout en comparaison avec les aides et crédits alloués aux autres pays de la région africaine des Grands Lacs tels que le Rwanda et l’Ouganda.

Certes, ce programme intégré dans l’action gouvernementale a permis d’inverser le rythme de croissance positive, de contenir l’inflation et de promouvoir des investissements publics multiformes.  Elle a occasionné ainsi un flux financier extérieur représentant, en 2005, pas moins de 1 milliards de dollars u.s., soit plus de 50 % du modique budget de l’Etat.  Toutefois, la prétendu discipline budgétaire n’a pas  permis d’améliorer la situation sociale des masses populaires en général, des militaires, policiers et autres agents et fonctionnaires de l’Etat en particulier.  Pendant ce temps, l’opinion dénonce l’enrichissement sans cause des personnalités placées dans les hautes Institutions nationales et les entreprises publiques.  Dans ses discours officiels, le Chef de l’Etat a plusieurs fois dénoncé cette dichotomie sans qu’on assiste à un réel changement des mentalités.

En plus, la République Démocratique du Congo a été admise, depuis juillet 2003, à l’initiative  de pays pauvres très endettés (PPTE) et attend le moment propice pour accéder au point d’achèvement de ce processus, en vue d’obtenir un allégement substantiel de sa dette publique extérieure évaluée ) + 14 milliards de dollars us.  Une telle initiative devrait à la longue dégager des ressources internes et externes additionnelles pour les actions futures de développement.  Toutefois, une certaine opinion nationale ne manque pas  de souligner le paradoxe d’une République Démocratique du Congo dotée des potentialités économiques incommensurables mais réduite actuellement au statut peu enviable de  PPTE et de PMA (pays les moins avancés) à cause des crises politiques répétitives et téléguidées, mais aussi de la mauvaise gouvernance intérieure.

Toutefois, depuis 2001, jusqu’à ce jour, pendant qu’on parle de l’allégement de la dette extérieure, les avertis  sont frappés par le poids persistant du paiement de ladite dette, dans le cadre du budget de l’Etat, au point de bloquer toute amélioration de la situation salariale du personnel de carrière  de l’Etat.  L’on se demande combien d’années il faudra encore entendre pour inverser cette situation plutôt désagréable.  Un autre paradoxe, c’est qu’il manque cruellement de ressources pour payer la dette intérieure évaluée à plus  de 1 milliards de dollars u.s. et due essentiellement aux opérateurs économiques et aux membres du personnel de l’Etat.  En 2004 et 2005, le Gouvernement n’a pas su dégager plus de 50 millions $us pour cette action dont l’impact sur l’économie nationale n’est plus à démontrer.

Par ailleurs, il n’est pas vain de souligner la constitution des églises (surtout catholique, protestante, Kimbanguiste et orthodoxe), des ONG et donc de la société civile dans l’allègement de la misère des populations congolaises, la reconstruction nationale et le développement durable.

En effet, ces organisations ont abondamment mobilisé leurs ressources humaines et, parfois, matérielles et financières.  Surtout, elles ont canalisé les rares ressources extérieures de la coopération décentralisée ainsi que les aides humanitaires dans  des situations généralement désespérées.

Somme toute, la République Démocratique du Congo, notre pays, devrait s’insérer dans l’orbite des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui consistent , à l’horizon 2015, notamment à:

    1. réduire de moitié la proportion de la population vivant dans la misère absolue, c’est-à-dire avec moins de 1 dollar u.s. par jour et par individu, et, de ce fait, mettre fin à la famine ;

    2. éliminer l’analphabétisme ;

   3. réduire sensiblement les affres de VIH-Sida et d’autres endémies telles que le paludisme et la turbeculose, de manière à améliorer l’espérance de vie à la naissance.

A notre avis, notre pays ne peut relever un défi que dans les conditions suivantes :

        –          une croissance économique durable à 2 chiffres, c’est-à-dire plus de 10 % l’an ;

          l’accroissement de l’aide publique au développement (APD) ainsi que des investissements nationaux et étrangers, condition sine qua non pour la création de nouveau emplois et des revenus ;

          la rétrocession du pouvoir politique et des initiatives de développement aux provinces et aux entités territoriales de base ;

          la promotion de la coopération internationale décentralisée impliquant les provinces et d’autres entités territoriales de base, les organisations de la société civile et le secteur économique privé ;

          la promotion de l’Etat de droit et d’une justice distributive systématique.

En vue de réaliser cette justice distributive, il est recommandable que des ressources PPTE servent en priorité dans la création des mécanismes d’appui direct ou indirect aux couches sociales les plus défavorisées, en l’occurrence les enfants défavorisés (y compris les enfants de la rue), les vieillards, les retraités, les sans emploi, les paysans démunis, les militaires, policiers, agent et fonctionnaires sous-payés de l’Etat.

Renforcement des capacités

Le grand chantier de démocratisation, de reconstruction et de développement de la République Démocratique du Congo nécessite un renforcement des capacités humaines et institutionnelles tant au niveau de la société civile que du secteur privé et de l’Etat.

Bien sûr, le Congo-Kinshasa est un des pays d’Afrique sub-saharienne qui comptent le plus de diplômés universitaires, mais pas assez pour tous les besoins, surtout dans des domaines telles que la médecine, les techniques médicales, le génie civile et l’enseignement supérieur et universitaire.

Néanmoins, il y a un paradoxe selon lequel beaucoup de diplômés congolais sont en chômage ou s’insère dans le mouvement de fuite des cerveaux parce que l’activité économique n’est pas suffisamment développée pour les employer ou encore parce que les salaires sont très bas.

Par ailleurs, la rupture de la coopération structure au début de la décennie 19 M a annihilé les possibilités de formation approfondie ou spécialisée à l’étranger tout comme à l’intérieur du pays.  Ainsi, on voit s’accroître le nombre des étudiants alors que celui des professeurs d’université reste stagnant.

Dans le même ordre d’idées, la République Démocratique du Congo est resté longtemps en marge de l’évolution de la science managériale et des nouvelles technologies.  Jusqu’à un passé récent, elle comptait parmi les pays d’Afrique les plus attardés en matière  informatique et de nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).  A l’heure actuelle, des changements perceptibles sont en  cours.

En matière de renforcement des capacités, la société civile a vraisemblablement été à l’avant-garde en raison de son ouverture pendant cette période sombre.

En effet, les églises, ONG, syndicats et autres associations ont dû non seulement se structurer aux fins d’assumer leurs nouvelles charges telles que décrites ci-dessus.  Les animateurs de ces organisations ont aussi été formés sur le tas au pays et à l’étranger dans des domaines pratiques et divers tels que l’animation sociale, le plaidoyer, l’élaboration et la gestion des projets, l’informatique et les NTIC, l’observation électorale, la documentation et l’élaboration des rapports sur les droits humains.

Dans ces actions, lesdites organisations ont bénéficié de l’appui technique, matériel et financier des partenaires extérieurs comme 11.11.11., USAID, Union Européenne, Croix Rouge Internationale, les organisation du système des Nations Unies, EISA ? International Law Group, IFES (Fondation Internationale pour les systèmes électoraux), NDI (National Democratic Institute), NED (National Endowment for Democracy), la Fondation Konrad Adenauer, la Fondation Fridrich Newman et surtout CORDAID, BILANCE, UNIFEM, URGENT ACTION, WINROCK INTERNATIONAL, CNCD etc…

Dans le secteur public, les plus grands programmes de renforcement des capacités ont vu le jour à partir de 2001, à la faveur de la redynamisation de la coopération structurelle.  Ainsi a vu le jour, le programme national d’urgence de renforcement des capacités (PNURC), dont la coordination est assurée par le secrétariat national de renforcement des capacités (SENAREC).

Depuis lors, plusieurs programmes de reforme ont été engagées en vue de préparer le terrain pour la démocratisation, la reconstruction et le développement.  Nous pourrions citer, entre autres:

               le programme multisectoriel d’urgence de reconstruction et de réhabilitation (PMURR) ;

          le bureau central de coordination (des ressources des institutions de Bretton Woods), BCECO en sigle ;

          la reforme de l’administration publique ;

          la reforme de portefeuille de l’Etat ;

          la reforme du secteur minier ;

          le programme de lutte contre l’impunité (document stratégique de réduction de la pauvreté, DSRP en sigle) ;

          la reforme du système judiciaire.

Après le signature de  l’Accord Global et Inclusif, plusieurs programmes et fonds ont été mis en place en vue d’accompagner le processus de transition à sa bonne fin.  C’est dans ce cadre que se situe le « Trust Fund » qui a rassemblé les ressources des divers bailleurs de fonds,  avec l’Union Européenne en tête.  On note aussi le « Projet d’Appui aux Institutions de la Transition » géré par le PNUD, bénéficiant du financement de plusieurs partenaires dont le Royaume Uni, et destiné à appuyer l’Assemblée Nationale, le Sénat et les Cinq Institutions d’appui à la transition.

Comme indiqué dans les lignes précédentes, le chantier de redressement de la République Démocratique du Congo s’avère immense pour que les différents programmes de renforcement des capacités s’arrêtent en si bon chemin.  Au contraire, ils doivent s’intensifier pour permettre à la RDC d’entrer dans la dynamique des pays émergents.

L’engagement socio-politique du Conafed

Le Comité National Femme et Développement, « CONAFED » en sigle, réseau national autonome à ce jour est une émanation  du Conseil National des Organisations Non Gouvernementales de Développement « CNONGD » en sigle.  Celui-ci est né autour des années 1989 à un moment où les populations congolaises ont commencé à ressentir, de plein fouet, des effets de la crise économique, et que les pouvoirs publics n’arrivaient plus à répondre correctement à leurs attentes.  Le CNONGD est venu canaliser les efforts des organisations agissant sur terrain, auprès des communautés de base, aux fins de suppléer aux efforts du gouvernement pour réaliser le bien-être de la population dans des domaines aussi variés que l’éducation, la santé, l’environnement, la fourniture en eau potable et en énergie, l’encadrement des personnes vulnérables, etc…

A partir de 1993, le CNONGD a dû faire face à la nécessité d’une meilleure intégration de la femme au processus de développement et de prise de décision.  Ainsi se sont développées des réflexions qui ont abouti en 1997, à la création du CONAFED comme un service jouissant d’une autonomie administrative et financière et spécialement chargé de la thématique « genre et développement ».

Les activités du CONAFED portent essentiellement sur l’échange d’expériences, la circulation des informations, la formation et le lobbying.  A ce titre, il a participé activement au processus national de démocratisation, de reconstruction et de développement humain.  Au cours des dernières années, le CONAFED a mené plusieurs actions, soit seul, soit avec d’autres associations et regroupements d’associations, mais toujours  avec l’accompagnement  de divers partenaires tels que Cordaid (Hollande), CNCD, UNIFEM, Développement et Paix (Canada), 11.11.11. (Belgique), Eddi-Winrock (Usa),  les ambassades des USA et du Canada à Kinshasa.

A titre illustratif, voici quelques activités dont il est possible de mesurer l’impact sur terrain:

deux sessions de formation thématique sur la lecture gender et du Code de la famille (2002), cela nous a permis de former 31 leaders en cette matière ;

     1.

   2. une enquête nationale en 2003, sur le niveau de représentativité des femmes dans les organes de décision et de question du mouvement associatif et des principales églises.  Cette enquête a atteint 7 pour cents des femmes dans les organes de décision ;

    3. une formation, entre mars 1999 et avril 2000, en leadership organisationnel, en technique de lobbying et en marketing social a été tenu;

    4. une enquête et un forum sur l’entreprenariat féminin et la micro-finance ;

    5. une campagne nationale ayant permis d’inventorier les éléments de coutume discriminatoires à l’endroit des femmes, tout en formant les femmes leaders et juges coutumiers de manière à combattre ces coutumes négatives ;

     6. un appui à la formation des jeunes filles douées des milieux pauvres pour qu’elles acquièrent une instruction solide et se préparent à assumer des fonctions de prise de décision.  L’organisme américain Eddi Winrock a mis à cet effet 105 bourses que nous avons redistribuées aux filles de 4ème, 5ème et 6ème secondaires.

Cependant pour mesurer les effets des actions du Conafed, il faut les mettre en synergie avec le travail d’autres plates-formes similaires.  Il n’en demeure pas moins vrai que nous pouvons nous réjouir aujourd’hui de quelques résultats palpables.    A l’heure qu’il est, la République Démocratique du Congo compte 22 femmes parlementaires,  2 vice-ministres et un vice-gouverneur issu du réseau Conafed.

Par ailleurs, les femmes parlementaires et leurs alliés partenaires masculins ont su arracher, dans le cadre des lois organiques, une représentation des femmes de l’ordre de 30 % au moins dans les institutions congolaises d’appui à la démocratie, à savoir : la Commission Electorale Indépendante (CEI), la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), l’Observatoire Nationale des Droits de l’Homme (ONDH), la Haute Autorité des Médias (HAM) et la Commission de l’Ethique et de la Lutte Contre la Corruption (CELCC). En tout cas,  à la mise en place de la CEI, on a retrouvé, si heureusement 10 femmes sur les 21 membres.  Ils ont aussi réussi à faire codifier le principe de la parité homme-femme dans la constitution.

© Elise Muhimuzi, septembre 2005 

Madame Elise MUHIMUZI est licenciée agrégée en histoire de l’Institut Pédagogique National (IPN) de Kinshasa, diplômée de maîtrise en Economie Appliquée et en Gestion de l’Université Catholique de Louvain. Enseignante (Chef des Travaux) de l’Université Pédagogique Nationale (UPN) de Kinshasa, elle s’est dévouée au mouvement associatif national et occupe depuis plusieurs années le poste de Secrétaire Permanente du Comité National Femme et Développement).  A ce titre, elle a participé à des multiples actions et publications dans et sur la société civile tant en République Démocratique du Congo et sur la société civile, tant en République Démocratique du Congo que dans plusieurs pays de tous les continents.

 

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