06.04.06 Fin tragique du Programme économique du gouvernement (Le Potentiel)
Le Programme Economique du Gouvernement (PEG), lancé avec pompe en avril 2002 sur les vestiges du Programme Intérimaire Renforcé (PIR) est dans limpasse. Cest en tout cas ce qui ressort de la lettre de Me Alexis Thambwe Mwamba publiée dernièrement dans la presse en réponse à une correspondance, provenant certainement de la Commission économique et financière du gouvernement, le mettant en cause dans léchec du processus délaboration et de préparation du Document finale de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
Dans cette réplique, Alexis Thambwe Mwamba note que « après léchec du PEG dont la 6ème revue par les Institutions de Bretton Woods na pu être conclue suite aux dérapages des finances publiques causés par la boulimie de certains animateurs des institutions de la transition (dont nous préférons encore taire les noms), le DSRP est aujourdhui le seul instrument qui puisse permettre de relancer le dialogue avec la communauté financière internationale représentée par les Ibw. Aujourdhui, larrêt du Programme économique du gouvernement sonne le glas de laction gouvernementale et les souffrances atroces pour la population dans la mesure où lessentiel des ressources propres de lEtat devront aller au service de la dette extérieure ».
LA RELANCE HYPOTHEQUEE
Conçu dans le prolongement du PIR, le PEG sétait pourtant fixé comme objectif, sur la période 2002-2005, de consolider la stabilisation, dappuyer la reconstruction et dimprimer un nouveau dynamisme à la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté par la relance de léconomie nationale.
Cest au niveau de sa cinquième revue, conclue difficilement le 29 août 2005 après presquune année de négociation et de réajustement avec les services du Fonds Monétaire International (FMI) que le PEG commençait à afficher clairement des signes de faiblesse. Des dérapages au niveau notamment des finances publiques ont été tels quil y a eu résurgence de linflation mettant fondamentalement en déséquilibre les prix intérieurs. Le PEG donnait dès lors limage dun édifice en plein écroulement.
En effet, son fondement, constitué des acquis du PIR, exprimés en termes de limitation du taux dinflation dans de faibles marges de fluctuations et la stabilité du taux de change, nétait plus que de vieux souvenirs. Car, depuis le dernier trimestre 2004, tous les indicateurs macro-économiques classiques se rapportant à lévolution des prix intérieurs et du taux de change de la monnaie nationale par rapport aux grandes devises étrangères étaient pratiquement au rouge.
Dans son format initial, le PEG comportait trois séquences : la stabilisation comme prolongement du PIR, la reconstruction sur la période 2002-2004 et le développement à partir de 2005. Au-delà, de cette répartition, à linstar du PIR, le PEG était soumis à des indicateurs quantitatifs, suivant des revues semestrielles décidées entre le gouvernement et les partenaires extérieurs, plus particulièrement le Fmi, parrain de ce programme. Il sagissait donc, globalement, des mêmes critères que le PIR, à lexception de la constitution des dépôts mensuels de 100.000 Dts clôturée depuis lapurement en 2002 des arriérés de la RDC au Fmi au titre dobligations financières. Pendant toute la durée de son exécution, lefficacité du PEG sest mesurée sur onze critères, dont le maintien du plancher sur les avoirs extérieurs nets de la Banque centrale du Congo et du plafond du crédit net à lEtat.
DEFICIT DE COORDINATION
Avec la « suspension » du Peg, cest plus de cinq ans defforts de stabilisation et de relance de léconomie congolaise qui viennent dêtre sacrifiés sur lautel des « rivalités politiques ». Loin de permettre la consolidation des acquis de la stabilisation et la poursuite sans relâche du Programme économique du gouvernement, la formule « 1+4 » a plus que jamais fissuré la situation économique et financière du pays en favorisant une expansion exponentielle des dépenses publiques sans contrepartie. Les déséquilibres qui sen sont suivis ont fini par alimenter lincertitude, plongeant le Peg dans une véritable impasse.
Labsence de coordination des actions au sein notamment de la commission économique et financière du gouvernement, a nettement prouvé lincapacité, sinon limpuissance de lExécutif à sauver ce programme. Car, lon doit dire que la spécificité du PEG résidait dans le fait que lessentiel de la croissance attendue au terme de son exécution devait être impulsée par des apports extérieurs.
Doù, une attention particulière devait, tout au long de la mise en œuvre de ce programme, être portée sur lamélioration de la qualité des politiques budgétaire et monétaire. Au plan budgétaire, le gouvernement avait lobligation de veiller non seulement sur ladéquation entre les recettes et les dépenses, mais surtout sur la viabilité des premières et à une allocation efficiente des moyens mobilisés au profit des secteurs-clés à impact social visible (santé, éducation et infrastructures de base).
Pour ce faire, le gouvernement devait sen tenir à lamélioration de la qualité de la dépense par la réhabilitation et lapplication stricte de la chaîne de la dépense publique. De son côté, la Banque centrale devait poursuivre la mise en œuvre dune politique monétaire restrictive par notamment le non-recours au financement monétaire du déficit public, cest-à-dire la planche à billets. Toutes ces mesures, conçues cependant comme bases de réussite du PEG, ont vite fait de voler en éclats dès la deuxième moitié de lannée 2004.
Le gouvernement na pas su tirer des leçons de la cinquième revue du PEG. Il a demeuré pratiquement dans les mêmes erreurs, ne faisant aucunement mention dans son plan de dépense des exigences imposées par les partenaires en vue de la consolidation des équilibres macro-économiques fondamentaux.
Malgré les conseils et mises en garde du Fmi et dautres partenaires extérieurs, le gouvernement de transition a continué à pécher en entretenant le doute autour de sa volonté de corriger son comportement pour le maintien dans les normes du niveau des avoirs intérieurs nets, des avoirs extérieurs nets et du crédit net à lEtat, trois critères pour lesquels la RDC a dû, durant toutes les revues du PEG, bénéficier dune dérogation du Fmi. Cest aussi le non-respect depuis 2002 de ces trois critères qui a conduit à léchec du PEG.
Se tromper une fois, cest encore acceptable, mais demeurer dans lerreur en revenant sur les mêmes fautes relève purement de la mauvaise foi et de labsence de toute volonté de changer. Cest à cette conclusion quest arrivé, croit-on savoir, le Fmi. Car, depuis 2002, le Fmi comme dautres partenaires extérieurs qui ont décidé daccompagner la RDC dans ses efforts de stabilisation et de relance étaient jusqualors convaincus de la volonté du gouvernement de se faire violence pour réussir le difficile pari du PEG. Cinq ans après, lon se rende bien compte que des animateurs de la transition, format « 1+4 », ont été animés dune volonté toute autre qui navait en tout cas rien de commun avec lobjectif fixé dans le PEG. Léchec du PEG, PEG, sonne le glas dune économie en totale perdition, condamné à revenir sur la case départ pour repartir sur de nouvelles bases.
A QUI LA FAUTE ?
Léchec du PEG nest plus à démontrer. Car, rien de tout ce qui a été prévu en 2002 na pu être réalisé jusquen mars 2006, date programmée de la fin de ce PEG, après prolongation. La monnaie nationale peine à se stabiliser. Sur les marchés, les prix intérieurs ne sont plus sous contrôle et continuent à défier les stratégies, parfois surréalistes, élaborées par la Banque centrale. En lespace de quelques mois, le taux dinflation qui, depuis fin 2001 a été toujours dun chiffre, a désormais dépassé la barre de 10%. La maison économique de la RDC brûle.
Et, à lheure des élections, personne nen parle de peur de détourner lattention de son électorat. Pourtant, la situation est catastrophique pour autant que léchec du PEG bloque la voie qui doit mener la RDC au point dachèvement à linitiative en faveur des pays pauvres très endettés. Si lactualité reste dominée par le rejet ou non du Dsrp-final, cest plus la suspension du PEG par les services du Fmi – si les informations en provenance de Washington sont confirmées – qui devra plus que tout autre fait inquiéter la commission économique et financière du gouvernement. La consolidation de la stabilisation, autrement dit la poursuite du PEG, est la première condition fixée par la communauté des bailleurs pour lexamen du dossier RDC dans le cadre de linitiative Ppte, lélaboration du Dsrp nétant donc quen seconde position. Réussir le Dsrp-final sans la poursuite du PEG ne va nullement favoriser la RDC dans son passage au point dachèvement à cette initiative. Mais, comme par enchantement, personne nen parle.
FINANCES PUBLIQUES : LE DESORDRE CONTINUE
Le drame de léconomie congolaise réside dans le désordre au niveau des finances publiques.
Cest sans doute pour cette raison que la représentation du Fmi en RDC soutient continuellement dans ses différentes interventions la reprise de la coordination des actions au sein de lEcofin dans la mise en œuvre des réformes économiques et financières.
Il sagit de faire respecter la chaîne de la dépense en dépensant sur base caisse et en évitant des dépenses ostentatoires, en ce qui concerne le gouvernement. Par conséquent, pour y parvenir, il importe de limiter les centres dordonnancement des dépenses publiques.
Lheure nest plus, pense-t-on, aux accusations croisées ni encore au rejet de responsabilité. Léchec, pourtant redouté du PEG, doit plutôt servir de leçon aux acteurs économiques congolais sur la nécessité de faire bloc pour renouer avec les actions qui ont permis en mars 2002 de réussir le PIR en cassant lhyper-inflation et en maîtrisant le taux de change.
Il nest pas trop tard pour le gouvernement de revenir à des bons sentiments en cherchant en se conformer aux prescrits de la lettre dintention adressée au directeur général du Fmi et signée le 6 août 2005 par le chef de lEtat ainsi quau mémorandum en annexe sur les politiques économiques et financières. Demeurer dans lesprit de cette lettre sera signe pour le gouvernement de transition quil tient au respect de ses engagements librement pris vis-à-vis de ses partenaires extérieurs, dès lors quil y va du salut de la nation.
Cest à lui donc de redoubler deffort pour atteindre lobjectif final qui est plutôt de sortir le pays du lot peu honorable des pays à la fois pauvres et très endettés, en passant par le point dachèvement, cest à dire par lannulation denviron 90% du stock de la dette, soit près de 10 milliards Usd en numéraires.
Mais, pour y arriver, il faut maintenir le momentum imprimé à laction gouvernementale depuis mai 2001 en vue de lancrage de la bonne gouvernance politique et économique. Car, « les bonnes politiques économiques constituent un socle pour une paix durable », a dit, en son temps, lex-ministre des Finances, André-Philippe Futa.
Faustin Kuediasala
Kinshasa, 6/04/2006 (Le Potentiel, via mediacongo.net)