Coopération – solidarité pour le développement, points de vue de deux élus belges

Les politiques et pratiques belges de coopération au développement

Le concept de l’aide au développement est né en Europe au lendemain des décolonisations, au nom d’une responsabilité historique envers les anciennes colonies et était , à cette époque, plus de nature caritative et humanitaire. Cette tendance tend à disparaître.

Au départ, il y a eu des secrétaires d’Etat à la coopération qui ne siégeaient pas au conseil des ministres et dont le rôle consistait à donner au ministre des affaires extérieures des avis sur des points bien précis. La complexité des enjeux du développement, leur rapide évolution et la haute technicité des mécanismes d’intervention ont nécessité une spécialisation ainsi que la création d’un ministère à part entière en la matière. Le budget du ministère de la coopération au développement est le double de celui du ministère des affaires étrangères.

Actuellement, le but de la coopération au développement est de stabiliser et sécuriser le monde. Le déploiement des nouvelles technologies d’information et de communication ont amplifié le phénomène de la globalisation. Tout le monde est au courant de tout de manière quasi instantanée. Même au fin fond d’un village africain sans eau ni électricité arrivent, par antenne parabolique, des images de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Les jeunes africains, auxquels leurs sociétés n’offrent aucune perspective, subjugués par ces images, n’ont qu’une obsession : rejoindre les univers paradisiaques du Nord de la planète. Ce qui explique les drames des enclaves de Ceuta et Melilla.

Aussi, une des finalités de la coopération au développement est-elle devenue de contenir efficacement cette pression migratoire. C’est cette volonté entre autres qui a sous-tendu la définition des Objectifs du Développement du Millénaire dont l’axe névralgique est de réduire, d’ici à l’an 2015, de la moitié, les 20 % des personnes qui vivent avec moins de 1$ USA par jour et d’assurer à tous, et plus particulièrement aux filles, l’éducation et les soins de santé de base. A cette fin, les pays économiquement développés se sont engagés à accroître leur aide au développement à la hauteur de 0,7 % de leur PIB.

A ce jour, la Belgique affecte 0,45% de son PIB à la coopération au développement, soit 1 milliard 200 million d’euros et compte atteindre les 0,7 % de son PIB, en 2010. Elle est en sixième position après la Norvège avec son 1% de son PIB consacré à l’aide au développement, la Suède,,le Danemark, les Pays-Bas et le Luxembourg.

En outre, l’accent est particulièrement mis sur l’impérative nécessité de la réappropriation des programmes de développement par les habitants des pays aidés. Ce qui implique qu’ils aient confiance en leurs pays, responsables politiques et institutions. Raison pour laquelle il est impérieux de promouvoir et soutenir l’avènement et la persistance d’une gouvernance démocratique seule susceptible de favoriser ces attitudes.

Parmi les 18 pays qui sont en partenariat pour le développement avec la Belgique, 13 sont situés en Afrique. Et parmi ces 13, le Burundi, la RDC et le Rwanda sont privilégiés. Les actions prioritaires y sont : l’appui à la bonne gouvernance, le renforcement de la capacité de gestion publique et des institutions.

De nos jours, la première menace qui pèse sur le monde est le déséquilibre sans cesse croissant entre les pays économiquement riches et les pays en voie de développement économique. Les conflits sont devenus un instrument de la survie. En Afrique Subsaharienne, à cause de la paupérisation extrême, les conflits relèvent de plus en plus du banditisme où des seigneurs de guerre prennent en otage le développement de toute une région.

En dépit du fait qu’une politique vis-à-vis de l’Afrique est une des spécificités intrinsèques de l’Etat Belge, la Belgique rompit, en 1990, la coopération avec le Zaïre. Il s’en suivit un désintérêt mondial généralisé vis-à-vis de ce pays. Tant que la Belgique tenait le Zaïre en dehors de ses préoccupations, aucun autre pays n’agissait pour qu’il en soit autrement. L’implication et la détermination personnelles de M. Louis Michel ont réussi à ressusciter l’intérêt pour la RDC et ont conduit à la reprise de la coopération avec le Congo tant au niveau belge, européen que mondial.

Les congolais sont appelés à ne plus se complaire dans l’assistanat mais à s’impliquer en comptant sur leurs propres forces.

 

Synthèse des échanges

 

Du détournement de l’aide au développement

Ce n’est pas parce que la corruption est très répandue à tous les niveaux qu’il faut moins investir dans l’aide au développement. Il faut au contraire doubler les efforts et financer des programmes de lutte contre cette pratique.

Le problème de la corruption est très complexe. Au niveau des fonctionnaires, les salaires bas et irréguliers en sont la cause majeure. Il en va de même pour le militaire impayé qui, dès lors, est acculé à utiliser son outil de travail pour survivre. Au niveau institutionnel, une forte pression familiale et sociale incite à la corruption. La communauté estime que si une personne devient ministre c’est aussi grâce aux sacrifices collectifs. Elle est donc tenue de récompenser les siens. Il faut beaucoup de formations pour changer les mentalités et arriver à faire comprendre et admettre aux élus que leur famille est désormais tous les citoyens pour lesquels ils doivent désormais travailler.

Il est absolument indispensable de continuer à promouvoir la bonne gouvernance. Au delà du discours, des progrès sont observables: 35 pays africains se sont engagés dans le processus de la démocratisation en organisant des élections. En ce sens, les efforts pour augmenter l’aide publique au développement sont à démultiplier.

20 milliard de $ sont consacrés à l’aide au développement. 300 milliard de $ subventionnent chaque année les productions agricoles du Nord; une opération qui entravent la vente des productions des pays du Sud à des prix compétitifs même sur leurs propres marchés. 1.000 milliard $ sont affectés à l’armement.

Cette répartition doit absolument être modifiée. Il est question de doubler l’aide publique au développement au niveau européen, d’ici 2010.

De la motivation de l’Etat belge pour coopérer au développement, de l’impact des interventions et leurs retombées pour la Belgique

Faut-il parler d’aide, de coopération ou de solidarité pour le développement ? Le terme partenariat est préférable. Exception faite d’une décision exceptionnelle accompagnée d’un ensemble des mesures de suivi rigoureuses et contraignantes, la Belgique ne donne pas d’aide financière en espèces mais soutient des projets et programmes de développement.

En retour, elle attend des pays partenaires le réveil, le décollage et la prise en charge par eux-mêmes de leur essor économique pour qu’enfin cesse l’aide publique au développement.

Les pays partenaires sont soutenus afin qu’ils parviennent à assainir leur environnement institutionnel et judiciaire pour ainsi attirer des investissements privés qui sont indispensables pour assurer un développement économique viable et durable.

La Belgique ne décide pas seul dans son coin mais au sein de l’UE où sont conçus les politiques et programmes de partenariat pour le développement, en concertation avec d’autres pays du Nord.

Elle n’agit plus pas mauvaise conscience. Les responsables politiques belges actuels, n’ayant pas directement joué un rôle dans la politique coloniale, n’ont pas à culpabiliser. C’est au nom des liens historiques entre les pays qu’ils ont lutté pour remettre le sort de la RDC au cœur des préoccupations belges et européennes. Malgré le départ de M. Louis Michel du ministère des affaires étrangères, il y a continuité de la ligne politique envers la RDC qu’il avait marquée de son empreinte. La Belgique va continuer à soutenir la transition congolaise jusqu’au déroulement des élections, au printemps 2006. Un signal clair et fort !

La coopération au développement est et restera une compétence de l’Etat fédéral. Certes, les entités fédérées peuvent dans le prolongement de leurs propres compétences mener des actions de développement mais cela ne signifie nullement qu’il y a régionalisation en la matière.

Les actions menées touchent directement les administrés. La réhabilitation ou la construction d’un hôpital permet aux personnes d’accéder aux soins de santé. La réfaction d’un pont, d’une route ou d’un réseau hydraulique bénéficie directement aux collectivités et producteurs locaux. Lorsque l’on focalise sur la RDC on a l’impression que rien ne bouge. Mais globalement, les choses évoluent plutôt positivement. Les résultats des politiques de l’aide publique au développement sont mesurables en terme d’efficacité.

Cette aide comporte trois piliers :

Aide bilatérale ou directe : 25%

Aide multilatérale  qui consiste en des cotisations obligatoires auprès des institutions internationales : 40%

Aide indirecte : 35% , qui transite par les ONG et autres associations ou organisations replissant une tâche bien spécifique relevant de la stratégie de la coopération au développement

8% à 10% de l’aide publique au développement restent en Belgique au titre de frais de fonctionnement

De l’implication des membres des diasporas dans les politiques et programmes de coopération au développement.

Concernant les flux financiers des migrants qui sont estimés à 120 milliards de $ USA tous continents confondus, l’on ne peut vraiment pas affirmer qu’ils participent à l’aide au développement. Il s’agit surtout d’une solidarité familiale ou d’une aide humanitaire ponctuelle. Si les 12% des frais d’envoi qu’empoche, en l’occurrence Western Union, étaient versés dans des banques de développement pour financer des actions structurelles alors l’on pouvait parler de l’aide au développement.

Quant à l’usage de l’expertise des membres de la diaspora dans les secteurs vitaux susceptibles de générer le développement économique, la Belgique finance le projet MIDA qui permet, chaque année, à 116 experts africains de travailler, durant une période allant de six semaines à un an, au Burundi, en RDC ou au Rwanda.

Une idée qui est encore à l’étude consisterait à permettre aux médecins ou infirmiers de transférer leurs connaissances et savoir-faire dans les pays d’origine tout en percevant leurs salaires d’ici.

De la remise de la dette des pays pauvres très endettés

L’annonce de cette remise de dette, lors du dernier G8, participait plus d’une propagande médiatique que d’une réelle volonté de passer à l’acte. La Norvège, les Pays-Bas et la Belgique ont soulevé avec pertinence le problème de la compensation. En effet, cette remise de dette devant être effectuée via la Banque Mondiale, le Fond Monétaire Internationale et la Banque Africaine de Développement porte sur un montant de 45 milliard de $ USA récupérable sur 40 ans. Qui durant toute cette période va alimenter ces institutions internationales de crédits de sorte qu’elles continuent à financer d’autres projets de développement ? Matière à suivre ….

Hélène Madinda, octobre 2005

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