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Pol. P. Gossiaux,

Le Bwamè du Léopard des Babembe

 

 

Notes

 

 

1 La segmentation de la population bembe interdit, après maints essais, à l'Administration belge d'y appliquer le système de la «chefferie » centralisée. Le « territoire des Bembe », créé le 15 avril 1926, devint de 1934 à 1937, la « Zone de Fizi » qui fut divisée en cinq secteurs : ceux de Ngandja, Mutambala, Tanganyika, Lùlenge et Itombwe. Ce dernier fut rattaché, le 31 décembre 1947 au territoire lega de Mwenga (voir carte I). Les Statistiques démographiques de la population zaïroise (conservées à l'Institut National des Statistiques - Département du Plan - à Kinshasa) comptabilisaient en 1975, pour les quatre secteurs de Fizi, 93.985 habitants. (Les premières recensions (c. 1930) font état de c. 35.000 habitants.) Elles ne tenaient pas compte des Babembe de l'Itombwe, ni des groupements bembe qui s'étalent de Fizi à Kalemye, ni de ceux qui se trouvent à Bukavu, au Burundi et en Tanzanie. Un nouveau recensement au 1er juillet 1984, pour la même zone de Fizi, portait le chiffre de ses habitants à 183.083. Que valent ces chiffres, quand l'on sait que les troubles qui succédèrent à l'Indépendance, l'occupation muléliste, les guerres contre l'armée nationale, l'installation du maquis de L. D. Kabila (1967-1986) ont totalement déstabi­lisé la région et qu'aucun recensement sérieux ne pouvait y être fait ? Aujourd'hui, après les « guerres d'indépendance » (1995 sv.), où de nombreux Babembe furent massacrés (d'autres prirent à nouveau l'exil), il est impossible de savoir ce qu'il reste de la population et de sa culture (voir aussi infra, n. 105). Peut-être aurais-je dû écrire cet article à l'imparfait ?

 

[Rappelons que depuis la rédaction de cet article, le Sud-Kivu n’a cessé d’être le théâtre de guerres et de tentatives de génocide. Le pays, à l’heure actuelle, est toujours en plein chaos. Nous y reviendrons ailleurs}

 

2  Nous en avons identifié - et étudié - vingt et une. Au début du 20e siècle, alors que les Babembe avaient adopté un certain nombre de sectes inspirées des Arabes et des Banyamwezi (Nunda, Goma, Bayeye), elles étaient plus nombreuses encore.

 

3 Loin de s'exclure mutuellement, les sociétés secrètes, originaires d'aires culturelles différentes, se sont hiérarchisées : le Bwamè (origine zoba, pygmée et lega) était classé « au dessus » de la société d’ ’Alùnga, l'esprit dominant du panthéon zoba, classé « au dessus » d’ ’Elanda (origine lega), etc. Ajoutons que tout Mbembe, s'il en avait les moyens matériels, pouvait demander à être initié à plusieurs de ces sociétés.

 

4 Le Bwami désigne, auprès de nombreux États de la zone interlacustre (Burundi, Rwanda, Buhunde, Buhavu, etc.), l'instance politique suprême. Cette institution résulte d'une évolution vers la centralisation, des Mami de type clanique que nous décrivons ici, et que l'on retrouve sous des formes analogues chez les Balega, Balengola, Bazimba, etc. –et, sous d’autres noms Bukota, Lilwa,  chez les Mituku et les Bambole. Les Mami du Bushi constituant une forme intermédiaire. Bafulero et Bavira possédaient également le Bwami : les grades y étaient symbolisés, notamment, par des bracelets d'ivoire, de forme et de patine différentes. Du reste, le Bwami diffère également d'une région à l'autre par ses structures, la titulature et la nomenclature de sa hiérarchie.

 

5 Les épouses des dignitaires du Bwamè, associées étroitement aux initiations, se regroupaient au sein de la confrérie du Bùhumbwa. Elle avait notamment pour mission d'assurer l'éducation sexuelle et matrimoniale des jeunes filles, sous la protection de l'esprit ‘Atalè.

 

6 Au début de son implantation sur le territoire, l’administration de l’EIC, puis du Congo belge décrivait la population bembe comme une troupe de « semi-nomades », fragmentée en plusieurs « centaines » de villages mouvants qui se voulaient indépendants. D. BIEBUYCK, ethnologue de l’époque coloniale, a pris ces descriptions au pied de la lettre et a fait de ces groupes (que, dans ses rapports au M.R.A.C. de Tervueren duquel il tenait son mandat de chercheur, il qualifie de « mosaïque énorme ») de « chasseurs » imaginaires autant d’ethnies différentes, qui avaient cependant adopté un art curieusement qualifié de pré-bembe (les populations « pré-bembe » sont des pygmées Cwa). Celui qu’il décrit dans  Statuary from the pre-Bembe hunters, (Tervuren, Royal Museum of Central Africa, 1981) est propre aux Banhoma, Bazoba et Babùyù, etc. desquels  les Babembe  ont pu adopter certains objets. Nous y reviendrons dans un prochain article.

 

7 Peu après la première guerre, l'Administration belge avait contraint le Bwamè, comme la plupart des autres sociétés secrètes, à s’occulter. Placées sous haute surveillance, les sociétés d’ ‘Elanda et d’Alùnga, qui lui servaient de relais, furent supprimées respectivemen en 1940 et 1948. L'on devine le chaos qui devait en résulter. Sans contrôle, les « sorciers » purent alors, individuellement, se livrer à des activités que le Bwamè n'aurait pu tolérer. La société du Punga et celle du « Belge » (Beleji) d'introduction plus récente (c. 1940), s'efforçèrent alors de lutter contre de telles dysfonctions. Mais dépourvuse de motivation proprement éthique, elles autorisèrent, moyen­nant payements, que certains sorciers poursuivissent leurs activités meurtrières. Elles furent également dissoutes.  Certains membres du Punga s’étaient initiés au Kitawala, toujours actif.

 

8 Au début de mon enquête, il m'est arrivé d'interroger certains Hommes-léopards sur leur identité « réelle », en présence de témoins - ce qu'il ne faut pas faire. Ces témoins m'ont affirmé, par après, avoir vu les dignitaires que j'interrogeais sous leur apparence « vraie » de léopards.

 

9 Ces concepts sont familiers aux Babembe : ’eswe = l'être ou n’tule ; ‘anyema = politesse, civilité ; bi’o’o = la culture (croyances, rituels, objets propres à une société, etc.) propre à une société secrète donnée.

 

10 Durant les guerres mulelistes (1964 sv.), les Simba forcèrent certains Babembe qui refusaient de les rejoindre, à commettre publiquement l'inceste. Plusieurs de ces personnes se sont ensuite donné la mort. Les « incestes » qui se commettent dans certains rituels  initiatiques n’étaient  pas rares. Toutefois, comme la distinction des sexes et des genres y était régulièrement abolie, les relations entre consanguins n’étaient pas nécessairement  qualifiées  d’ « inceste ».

 

11 Quoique les circonciseurs (ngaliba, wondolomina) fussent choisis dans l'ordre des sculpteurs, les chants qualifient ceux-ci de « forgerons » (batombè). Voir P. P. Gossiaux, Rites et masques de circoncision des Babembe (Kivu), (Bi’o’o na bilùba bwa bùtende bwa Babembe)  c 50 pp., à paraître sur www.anthroposys.be.

 

12 Comme de nombreux peuples voisins, les Babembe pratiquent l'élongation des labiae et du clitoris. Ces pratiques se faisaient bien avant (vers cinq ou six ans) l'initiation proprement dite (qui avait lieu après les premières règles et lorsqu' une jeune femme devenait enceinte pour la première fois (rites du mate, de l’ ‘èsala, du ‘yano), la plasticité du corps s'y prêtant alors davantage. Sans cela, disent les Babembe, une femme serait semblable à une guenon (n’héma ‘acana [cercopithèque]) : elle ne trouvera point d'époux.

 

13 Les enfants qui naissent avec une vertèbre surnuméraire, les doigts palmés, ceux dont les dents supérieures poussent en premier lieu, sont aux yeux des Babembe, des monstres/animaux et, comme tels, mis à mort : ils rendraient leur mère stérile. Dans le même sens, l'on pourrait mentionner les nombreux tabous alimentaires que doivent observer les femmes enceintes. Leur infraction entraînerait le risque, pour l'enfant, de ressembler à l'animal consommé.

 

14 Au Bùtende, par exemple, on apprenait aux initiés les techniques élémentaires de la chasse. Voir Gossiaux, Rites et masques, mentionné in n. 11

 

15 Des légendes analogues on été recueillies dès le 16e siècle, par les voyageurs qui fréquentaient la « côte d'Angole » (Gabon, Congo, Loanda, etc.). Vers 1610, le médecin J. Bontius en récoltait de semblables à Java, à propos de l'orang-outan. Le fait marqua profondément le savoir anthropologique de l'époque. Cf. P. P. Gossiaux, L'Homme et la Nature, 2e éd., Bruxelles, De Boeck, 1995, pp. 189-194 et 265-272.

 

16 Nombre de contes, cependant, qui mettent en scène des singes associent ceux-ci au feu 'aya et à la cuisine.

 

17 Les sorciers utilisent les peaux de certains singes pour tuer leurs victimes. Il existe des masques destinés à rendre ces peaux plus efficaces. Les Babembe nous ont souvent parlé d’une étrange maladie, provenant des singes, dont ils affirmaient pouvoir maîtriser les principaux effets. Nous avons acquis la certitude qu’il s’agissait du Sida – bien avant que la médecine occidentale n’ait identifié le HIV. Nous avons par ailleurs vérifié sur le terrain, après les avoir étudiées longuement, avec nos collègues en Pharmocognosie de l’Ulg (notamment le Prof. Angenot – que nous remercions ici) et  L. Montanier (directeur honoraire de l’Institut Pasteur, Paris) que les propriétés phytochimiques et biologiques de certaines des plantes qu’ils utilisent pour combattre le HIV, sont  efficaces.

  

18  Cf. n. 1 et carte p. 7.

 

19 Pour un résumé et une analyse de l'ensemble des observations et des théories émises, pendant l'époque coloniale, cf. l'ouvrage, bien connu, de P.E. Joset, Les sociétés secrètes des hommes-léopards en Afrique noire. Préface de M. Griaule, Paris, Payot, 1955. C'est encore à la thèse « totémiste » (bien qu'il n'utilise pas le mot) que se réfère Djomo,  pour expliquer l'assimilation des chefs tetela au léopard. Les travaux de M. Singleton sur les « Hommes-Lions » de Tanzanie proposent une tout autre épistémologie, beaucoup plus séduisante, du phénomène. Cf. M. Singleton, « L’Homme-Lion. De la métamorphose magique à la manipulation génétique », dans Cahiers du Cidep, 2 (juillet 1989), pp. 5-86.

 

20  Ce nom apparaît très tardivement dans les généalogies imaginaires des Babembe.  Vers 1940, les clans d’origine Lega se réclamaient  leur ascendance d’Ikama. Les autres ne se donnaient aucun ancêtre commun. (Archives AIMO des AT.  A. Willemart, Spitaels, Preumont, etc.). Aujourd’hui, tous les Babembe affirment descendre de Mbondo (ou  M’mbondo).

 

21 L'homme possède de surcroît une « âme » m’tèma et un « dou-ble » ’ècule ou ’ecucumbe. Ils survivent après la mort. La plupart des Babembe admettent qu’ ’Abeca (« Dieu ») en est l'origine.

 

22 Ces traditions n'existent plus qu'à l'état de fragments dont il est cependant possible de recons­tituer le système. Nous en avons écarté tout ce qui nous semblait marqué par la double influence de l'Islam et du christianisme (protestant et catholique).

 

23 C'est à ce moment que Soleil, Cùba, et Lune, ‘Abali ou Mweci, plus proche de l'eau, se dispu­tèrent. Sur le conseil du ciel, Ikulu, leur mère, ils se partagèrent le jour et la nuit. Les étoiles  tutonde suivirent Lune.

 

24 Les « pluviatores » (baloci ba mbùla) bembe entendent également maîtriser le vent : ils se ser­vent d'une sorte de battoir (mcùmbolo) ou de palette en bois, souvent orné de glyphes complexes, destiné à appeler ou chasser celui-ci.

 

25 Le climat de l'Ubembe varie considérablement du nord (Itombwe) au sud. À l'extrême nord, les pluies tropicales y sont presque continuelles. L'on y reconnaît huit saisons (différentes des « mois »). Au sud, l'on en comptabilise trois. Classificatoirement, les Bacwa (initiés) d’ ’Alùnga, en admettent quatre.

 

26 À quoi, il convient d'ajouter les statuettes de sorcellerie qui passent pour des êtres vivants. Cf. sur ce point, P.-P. Gossiaux, « Recherches sur l'art bembe. Une statuette de sorcellerie », dans Arts d'Afrique noire, 11 (1974), pp. 26-40.

 

27 L'essence lumineuse du coq lui interdit de dormir « vraiment », c'est pourquoi, il n'est pas - contrairement à ce que nous pensons ici - tout a fait « normal ».

 

28 Faut-il dire que l'excrément est assimilé à la chair des morts ? ’Alùnga, l'esprit de la mort, se vante, dans l'un de ses couplets, d'être un « chien mâle mangeur d'excréments » (Kabwa m’lume nzala kuziya mazale na tubi : « chien mâle, la faim [me fait] enterrer (i.e. : manger) des ordures et des excréments »). Remarque : ce chant n'est pas en ‘ebembe, mais en kizoba comme la plupart de ceux d’ ’Alùnga.

 

29 Chacune des premières phases initiatiques du Bwamè, par exemple, exige, le don de trois ou quatre chèvres. La phase ’engwe en réclamait de 10 à 100.

 

30 Lors de certaines des phases de l'initiation au Bwamè, les Bahùmbwa prennent des poses obscènes, pour exhiber notamment cet organe. Le candidat Mwamè doit, tantôt, se montrer totalement indifférent à ce spectacle, tantôt, au contraire, prouver qu'il en domine toute la lubricité.

 

31 Lorsqu'on remet la dent, senge, du phacochère, à une Mùhumbwa, on lui rappelle qu'elle doit toujours avoir, en réserve, de la nourriture (pâte de manioc) prête à accueillir un hôte imprévu.

 

32 Le m’sala (litt. : « rayons de lune »), le frère aquatique de la lune, est un poisson très plat, qui de profil, s'inscrit dans un cercle prolongé par une queue en forme de croissant de lune. Il est, de surcroît, phosphorescent. La présence de plusieurs tétraodons (notamment le redoutable Mbu ou Nungu le Tetroadon pardus Schouteden, et le Mbumbye, Tetraodon Boulenger, que connaissent bien les Babembe) est attestée en Afrique centrale et plus particulièrement dans les estuaires des affluents du Tanganyika. Mais à notre connaissance, ils ne sont pas fluorescents.

 

 33 L'embryologie bembe est complexe et relève clairement de théorèmes épigénétiques. En voici quelques-uns, valables pour l'homme : jusqu'à sept mois, l'embryon, ‘cemi, s'offre sous l'apparence d'une masse informe, essentiellement faite d'eau froide et d'ombre. Ce n'est qu'à cet âge que le principe lumineux, et chaud de la semence, mbùto, masculine, arrive à coaguler cette masse pour lui donner forme. Mais le « travail de l'homme » ne dure que trois mois (la naissance, ’ebyele, se produit lorsque l'enfant a dix mois lunaires). Pas assez pour compenser l'essence nocturne de l'enfant.

 

34 Le fait explique que les yeux des chiots aveugles, des taupes, de la chauve-souris, d'un avorton, etc., entrent dans la composition de la charge ’ecunju, dont les initiés usent pour rendre invisibles, notamment, tous leurs objets rituels bi’o’o. Sur la charge ’ecunju, voir Pol P. Gossiaux, « Anthropologie Bembe. D'ombres et de lumières », dans Voir, 15 (Bruxel­les, Ligue Braille, déc. 1997), pp. 4-17.

 

35  Lorsque les initiés évoquent le tragélaphe, Tragelaphus, ils le nomment, nous l’avons dit, « l'oiseau » (dénomi­nation qu'ils appliquent parfois au léopard). Interrogés sur le point de savoir s'il s'agissait d'une métaphore, ils me répondaient que de « toute façon », il valait mieux l'appeler « l'oiseau » et même le « roi des oiseaux », mwamè wa tunyoni.

 

36 II convient de se méfier de ces généralisations, comme de tout symbolisme aisé. Tout doit être pensé dans le contexte total de ses signatures. Toutefois, il est clair que, lorsqu'on fixe un léopard, animal tué à la chasse, sur une claie pour pouvoir le mettre debout, et lui rendre hommage, l'on entend symboliquement le restituer à la vie pour recevoir son pardon (Cf. infra, n. 166).

 

37 Le grand varan d'argile qui représente l'esprit-varan, Mtambala (Cf. Ill. 27), recèle à la place du cœur, une croix faite de deux fragments de lianes du Tanganyika (ou de la rivière Mtambala). Cependant, le cœur du varan n'a qu'un seul ventricule.

 

38 Les Bamè ba mbùla utilisent des cristaux de quartz aigus pour attirer la pluie. Des cristaux en bolas (Cf. Ill. 13) pour l'arrêter. Deux autres sociétés secrètes réclament également le droit d'utiliser le quartz sous ses deux formes (ici, dans un but thérapeutique) le Bùgabo bwa Mwandjalulu (esprit du lac Tanganyika) et le Bùgabo bwa na katoko ou Bùsangosango. Notons que les initiés au Bùtendamwa utilisent, eux, des galets ronds - causes de paralysie infantile.

 

39 Les Babembe ignorent le sexe de la lune. Par ailleurs, dans certains lignages, l'on pense que le/la lune est, chaque mois, un astre différent.

 

40 Le triangle, nommé ‘asalo (« la marque » : bùkeci), posé sur la pointe, tatoué sur le front des hommes était le signe distinctif des Babembe. Perçu comme la moitié d'un losange, complété grâce au mariage, par le triangle pubien de la femme. Ces deux triangles, unis par leur angle aigu, forme une croix (de saint-André) - que l'on retrouve notamment sur les masques de circoncision bilùba bya bùtende.

 

41 Certains clans bembe admettent que la foudre m’meniheni jaillit des yeux d'une chèvre noire divine.

42 Nous préférons ce terme qui est la traduction littérale d’ ’e’ombo, à celui de « calotte » qui nous semble dégrader inutilement cet objet. L’ ’e’ombo est constitué en effet d'une couronne de lianes tressées, à laquelle est fixée la peau, disposée en demi-sphère, de l'animal dont on reçoit l'identité. 


                

ILL. 41. ‘Eombo ya Pinji. (celui de l’ILL. 16).  Couronne de liane ‘abùbè. Peau de chèvreau noir. Amulettes magiques. M’muse, fragment de peau de varan mbùlù  (à l’intérieur). Ø 175 mm. (©Photo de P.P. Gossiaux).

 

 

Tous les biombo - traditionnels - ont cette forme : seule la peau diffère, selon les titres.Notons qu’à l’époque arabe, un faux Bwamè s’était constitué : ses membres portaient une sorte de fez, inspiré des bonnets d’Oman.

 

43 II existe en effet, des léopards géants. Nous en avons vu les dents : elles mesurent près du double de celle du léopard « commun ».

 

44 Dans toute l’Afrique équatoriale de l’Est , l’on croit à l’existence du NUNDA, décrit tantôt comme un chat sauvage gigantesque, tantôt comme un chat-léopard monstrueux –particulièrement cruel.  Pour apaiser cet animal, des sectes d’ Hommes-Nunda s’étaient constituées, notamment, en Tanzanie. Certains clans bembe s’en firent également les adptes, à l’époque arabe. L’on a parfois soupçonné les membres de cette secte de commettre des meurtres rituels, déguisés en « Nunda ». En Ubembe, la secte disparaît vers 1920.

 

45 Cf. infra.

 

46 Un coq qui chante la nuit est un animal extravagant, sorcier. Il est sacrifié et l'on frotte de son sang le tambour d’ ’Alùnga.

 

47  Sur ce point, cf. notamment, P.P. Gossiaux, « Anthropologie Bembe. D'ombres et de lumières », dans Voir, 15 (Bruxel­les, Ligue Braille, déc. 1997), pp. 4-17. et infra.

 

48 L'Uromanis longicaudata (Brisson), le pangolin à longue queue, ne semble pas connu.

 

49  Les Babembe affirment que le pangolin peut dresser ses écailles et que celles-ci sont vénéneuses. Il n'est pas impossible qu'elles soient vectrices de certaines toxines exogènes.

 

50 La civette noire « prête » ses dents au pangolin qui en est dépourvu, disent les Babembe.

 

51 C'est la salive des termites qui confère sa résistance à l'argile qu'elles utilisent. Une fois délayée, cette terre est fort malléable. Elle entre dans la composition des grandes représentations du varan Mtambala et des figurines des esprits de la mort Wakekyama et Yangya (avec certaines résines, pour ce dernier). Sèche, la terre des termites retrouve sa consistance.

 

52 Cf. n. 35.

 

53 Les Hommes-pangolins du Bwamè ne peuvent le chasser, ni le manger. Chez les Balega, on ne peut le chasser, mais lorsqu'on en trouve un, mort naturellement, on doit le manger.

 

54 Le coq, tellement lumineux, « veille la nuit » - disent les Babembe. Mais il lui arrive, las, de s'endormir. La roussette se charge alors de le réveiller de ses cris.

 

55 Le pangolin passe pour monopare. Les Babembe nient le fait. Ils font remarquer que la femelle, possédant un double utérus, met régulièrement au monde des jumeaux. Toutefois, le pangolin en abandonne un aux morts, en forme de contre-don. L'on notera que parmi les nombreuses plantes que reçoit le candidat au titre d'Akanga, se trouvent des graines de shi'e (Abrus precatorius) et des racines de m’moco (Acacia, s.p.) aux propriétés abortives (redoutables, pour le dernier). Des graines de shi’e (surnommées par les Babembe : « œil de la nuit ») se trouvent également fixées sur les rarissimes statuettes céphalomorphes-janus que conservent les Bamè ba’akanga.

 

56 En quoi elles se distinguent des guenons, qui portent volontiers leur petit sur la hanche.

 

57 Le suc de certaines acantes et haemanthes (yal’amba) qui poussent sur les termitières est utilisé par les femmes, pour leur toilette intime, en vue de favoriser leur fécondité.

 

58 Les Balega (nord des Babembe) vouent également une sorte de culte au pangolin, ikaga, pour la même raison.

 

59 Ces primates ne sauraient entrer dans la titulature du Bwamè. Vouloir s'identifier à ceux-ci serait oublier que ces singes ont eux-mêmes rompu les liens qui les unissaient à l'homme : ce dernier ne saurait s'humilier au point de vouloir renouer avec cette ancienne fraternité. Toutefois, nous savons déjà que les Bamé-Léopards conservent soigneusement des crânes de chimpanzés et de gorilles. Mieux, il existe dans certains clans un titre Ngoma (tambour) qui précède celui d’ ’engwe. Or, le petit tambour (ou plutôt gong) que portent les Bamè ba ngoma sur le front, recèle un fragment de gosier de coq et un morceau de larynx et de cervelle de gorille, ’enguti.

 

60 Les Babembe en distinguent davantage d'espèces que nos naturalistes : ’e’ungu correspond un peu aux descriptions classiques du Colobus abyssinicus dit magistrat ; ‘asonga : colobe dont le camail blanc prédomine sur le noir, ’amba : colobe brunâtre à face rayée; luende : colobe portant une sorte d'aigrette noire sur le front, etc.

 

61 Le colobe possède un estomac à plusieurs poches, dont la structure rappelle celle des ruminants.

 

62 Le pouce du colobe est, en effet, presque complètement atrophié. Les Babembe ne manquent pas de faire la relation avec le léopard dont la patte ne laisse l'empreinte - outre la paume - que de quatre doigts.

 

63 Cf., pour une représentation de ce masque, Gossiaux P.P. « Recherches sur l’art bembe » dans « Arts d’Afrique Noire », 1973 et Rite et masques de circoncision... (à paraître dans  sur www. anthroposys.be)

 

64 Les Babembe notent que les chimpanzés et les babouins, bampokya, quoique végétariens, sont parfois carnivores. Non seulement, ils se mangent entre eux, mais n'hésitent pas à se nourrir de petites antilopes (charognes abandonnées dans les arbres par le léopard), d'insectes et - précisément - de rats. Le mythe de l’ ’e’ungu laisse entendre que s'il se mit à manger des feuilles, abandonnant les rats au hibou, c'est qu'avant, il en consommait également.

 

65 Pour les initiés d’ ’Alùnga, ces signatures blanches sont explicitement associées au soleil, proche de son crépuscule.

 

66 On rappelera que c'est pour les qualités musicales - autre moyen de la communication tout aussi important, associé à la danse - de sa peau, que le varan, mbùlu, est l'un des titres du Bwamè.

 

67 Le lecteur s'étonnera peut-être, en se souvenant de ce qui a été dit plus haut, de voir attribuer à un singe l'origine d'une pratique qui autorise l'homme à affirmer sa différence, et son écart loin des singes. Les Babembe répondraient, sans plus, qu'ils ne se tatouent pas en urinant.

 

68 II existe des sociétés d'Hommes-Porcs-épics (swahili : bangu, manungunungu, ) en Tanzanie. Nous en avons rencontré des représentants au Buha (sud du Burundi). Leur mission, nous ont-ils dit, est, notamment, d'aller discuter, eux, avec les porcs-épics pour savoir ce que les pythons, basatu, leur avaient dit. Cela ne leur interdit pas de les chasser.

 

69 Cette croyance a longtemps été reçue en Occident. Le porc-épic est capable non de lancer ses dards, mais de les forcer à se détacher en agitant sa queue.

 

70 Connu également sous le nom de zibizi, l'aulacode est, taxinomiquement, assez proche du porc-épic. Il en diffère notamment par les poils qui sont plus courts, moins épineux et de forme aplatie.

 

71 Nous en avons recueilli plusieurs versions. Celle qu'on va lire est de Mpèlèlè, Mwamè d'un sous-clan des Bashimnyaka.

 

72 II est possible que le lien du Datura et du porc-épic s’explique par la forme des fruits de la plan­te, hérissés comme l'animal. Selon les Babembe Le Datura est une des –très rares- plantes qui pourraient pallier quelques-uns des effets de la Ttx, dont les piquants du porc-épic pourraient servir de véhicule (communication de M. Noirfalise, toxicologue de l’U.Lg. – que nous remercions ici). Or, en kingwana (swahili  notamment, de l’Est du Congo, Nungu désigne et le porc-épic et le tetraodon. (Cf. A. LENSELAER, Dictionnaire swahili-français, Paris, Karthala, 1981, P.367. Notons également que le porc-épic est en relation avec le cactus bùtenge (Opuntia vulgaris Miller) dont les piquants entrent dans les rituels d'exorcisme. Il suffit qu'une culture choisisse ce trait - positif - pour inverser le sens et la fonction du porc-épic (comme c'est le cas en Tanzanie).

 

73 Notons que Sengi, l'aulacode, consomme surtout sagement des roseaux.

 

74 La genette, m’shimba, a risqué une aventure semblable : elle mangeait les petits du chien et fut condamnée à rester dans la forêt (voir ci-dessous, n. 91). Sa peau est toutefois associée à plusieurs grades du Bwamè.

 

75 Le léopard, en fait, ne déteste pas le poisson. Mais il découvre dans l'eau l'un de ses rares pré­dateurs : le crocodile, ngwena, l'ancien compagnon de l'homme.

 

76 Pour lequel les Babembe éprouvent, curieusement, un certain dédain, en précisant qu'« il n'a pas beaucoup de magie ». Les poils du lion et sa graisse étaient cependant utilisés par les sorciers, et les Bamè conservent encore des peaux et des os de lion. Il faut préciser que le lion a disparu de l’Ubembe, vers 1935.

 

77 II importe, du reste, de noter que si tous les animaux importants du Bwamè  se trouvent reproduits, sous forme de statuettes, le léopard ne l'est presque jamais. Il n'apparaît (mais méconnaissable) que sur les masques (nous n'en avons observé que trois) que portent, dans certains clans, les bawondolomina (circonciseurs). Cependant, l’ è’ombo (coiffe) des Bamè du grade Léopard est parfois constitué du sommet  (parfois avec ses dents supérieurs) momifié du crâne d’un léopard

 

78.   Des poils de moustache de léopard dont toujours fixés sur l’ è’ombo des Hommes léopards. Cf. aussi l’ ILL. 22 où des poils d’éléphant servent de substitut à la moustache du félin  « divin ».

 

79 La dent du léopard est, de loin, l'élément qui recèle la magie la plus puissante de l'animal. C' est à l'aide de cette dent, m’menge, dont la base est enfermée dans un petit filet contenant de multiples ingrédients magiques, que les Bamè peuvent se transformer en léopard, et envoyer « le » léopard, dans un but agressif, contre un ennemi ou un sujet récalcitrant. Par ailleurs, lors de l'initiation à ’Alùnga, la phase m’menge wa ’engwe (l'une des dernières) marque le moment où le candidat est autorisé à recueillir les secrets sorcellaires, mikongy’a, conservés dans le lignage de son père.

 

80 J'ai bien songé à une contre-épreuve : photographier une poule sur laquelle j'aurais fixé des moustaches et une queue postiches. Mais en imaginant que les Bamè eussent reconnu dans cette nouvelle photographie, un « vrai » léopard, je risquais d'être accusé d'avoir voulu momifier le noble animal en papier à deux dimensions. Mon enquête en eut été compromise.

 

81 L'impossibilité de décrypter une photo doit être exclue. J'avais « éduqué » depuis longtemps mes informateurs à cette technique, en effet fort difficile. Ainsi parvenaient-ils à déchiffrer, avec une aisance relative, des photos de singes, d'antilopes, etc.

 

82 Je ne m'aventurerai pas, faute d'investigations suffisantes, à étendre cette conclusion au reste de l'Afrique, ni aux autres continents (Inde, Chine, Sibérie, Amérique) où les grands félins (lion, panthère, tigre, jaguar, ocelot, puma, etc.) ont été également pris pour des êtres magiques (sinon divins) dont l'homme devait investir les formes. A fortiori, à appliquer cette idée à la lycanthropie asiatique et européenne.