Pay-Pay, son carnet d’adresse à l'étranger paraît exemplaire (Le Soft Online)

Le candidat Président de la République de la R-dCongo passe alors – et ne s’en cache pas – pour être le véritable grand financier et donc le vrai grand manitou de la redoutable toile d’araignée anti-Mobutu, l’UDI, Union des Démocrates Indépendants, qui rassembla toute l’expertise économique et financière nationale d’alors – Alexis Thambwe Mwamba qui en fut le président, Marco Banguli Sambwe Mbali, Pierre Selemani Mwana Yile, Max Munga Mibindo, Katanga Mukumadi wa Mutamba, Patrice Djamboleka, Mulenda Mbo, Charles Mwando Nsimba, Mutamba Dibwe, Ekila Liyonda, bref, tous ceux que « le Soft» surnomma à tort les «Kengo Boy’s» avec surtout Léon Kengo wa Dondo lui-même et Seti Yale 01. Expertise qui, faute de fédérateur, se retrouve aujourd’hui émiettée.

A Sun City

L’ex-Zaïre a déjà entrepris de tourner la page du long règne de Mobutu et s’apprête à faire triomphe au rebelle Laurent-Désiré Kabila quand l’homme prend congé des affaires de l’État. C’est en février 1996.

En 1997, avec l’entrée de l’AFDL dans la Capitale, Pierrot prend la route de l’exil. Il n’y mettra fin qu’en février 2002 avec le début de la normalisation politique qu’ouvre le processus du Dialogue inter-congolais, DIC.

En Afrique du Sud déjà, à Sun City où se tient le Dialogue, son nom fait le tour de Cabanas (l’hôtel des Délégués) comme probable Premier ministre de la transition. Roi des escarpements des Kivu, l’ex-mouvement rebelle du RCD n’y trouve aucun inconvénient. La délégation gouvernementale non plus, ni les partenaires du Dialogue qui connaissent la réputation de Pierrot. Sauf… JP Bemba Gombo, l’homme fort des rebelles du MLC qui négocie en secret un accord aux Cascades (du nom de l’hôtel où il est logé) et se fait nommer Premier ministre…

Réseau de relations

Le RCD n’est pas d’accord. L’UDPS non plus… L’échec des concertations politiques est patent. Ce Sun City ne deviendra qu’une phase du DIC…

Mais la délégation de Kinshasa a réussi son coup: terrasser la rébellion dont elle avait mission d’appâter et de diviser… Sans le RCD comme partie à l’accord, aucune perspective de réunification du pays n’est possible.

Aux yeux de tout analyste, observateur de la scène politique ex-zaïroise, Pierrot est, avec Léon Kengo wa Dondo Lobitch, celui qui est le mieux ancré dans le mental – le cognitif – des populations et de l’élite.

Comme «l’homme de la rigueur», trois fois Premier ministre de Mobutu, il est celui qui, sous le Léopard, a le plus duré dans la même fonction, nul doute pour son sens d’efficacité.

Gouverneur de la Banque du Zaïre en 1985, il ne la quitte qu’en 1991. À ce jour, hormis JCM Mulongo qui pousse dans sa huitième année, il est celui qui a battu le record de longévité à la Banque Centrale. À 58 ans pétants (né le 10 juillet 1946), P3 dispose d’un réseau de relations – et donc un carnet de chèques – au moins aussi impressionnant que celui de «l’homme de la rigueur» avec ce plus qui fait la différence: c’est un meneur d’hommes par sa chaleur humaine qu’il distille et sa capacité exemplaire à fédérer.

Homme du cru, marié depuis trente-cinq ans avec la fille d’un Chef Shi du Sud-Kivu, la discrète mais très présente Marie-Thérèse Chirishungu de la lignée du Mwami Luwindja, il est diplômé de Science Éco de l’ex-université de Lovanium à Kinshasa qu’il quitta en 1969 avec grande distinction. Il fit à ce point impression que le recteur Mgr Tshibangu Tshisiku – le même encore aujourd’hui adulé pour être le père fondateur de l’Université r-dcongolaise – en fit son premier directeur de cabinet, en même temps qu’il le nomma assistant à la Faculté des sciences économiques avec la charge des cours d’Économie Politique et des Statistiques.

De 1980 à 1984, il est ministre successivement du méga ministère de l’Économie, Industrie et Commerce, puis du Portefeuille avant de retourner à l’Économie et Commerce puis de faire un tour au portefeuille de l’État comme P-dg de la Gécamines Commerciale.

Quand il abandonne l’ex-BZ, c’est encore pour retourner au gouvernement mais cette fois, comme ministre des Finances.

Ralliements monstre attendus

Impossible de le rencontrer de bonne heure chez lui. «Le patron n’est pas là», vous répondent interminablement les gardes. En fait, il est sur les courts de tennis.

Les après-midi, il a son caddie et parcourt les petits trous de la petite plaine verdoyante du golf. La nuit, il arrive qu’il couche sur l’Internet où il entreprend d’ouvrir un site – le sien propre – www.membres.lycos.fr/paypayp.

Premier au premier tour

Quel bonheur! Le site – Pay-Pay W.S. Pierre, Président de Société, Député National – sur fond vert malachite, s’ouvre sur une musique reposante. Mais quand on clique, une bande annonce défile indiquant que le site est en construction.

La photo du maître des lieux est là: regard perçant, sourire éclatant. Comme pour vous inviter à venir à sa rencontre.

Cet homme qui pourrait donner son nom aux Kivu a tout investi aux Kivu: hôpitaux, dispensaires, écoles en grand nombre et toujours, en collaboration avec les Évêques du Kivu qui, le moment d’appel patriotique ayant sonné, feront pencher la balance. Moyens de communication de masse (radio-tv) aussi: à Bukavu, Goma et… Butembo.

Car c’est ici sa niche. C’est ici où il creusera le plus l’écart.

Selon un bureau d’études dont un vent favorable a fait débouler les projections aux bureaux du «Soft International», au 4 novembre, la province du Nord Kivu l’élisait à 65% ex aequo avec le Sud-Kivu, la province Orientale à 30%. Le Bandundu lui donnait 25% de ses voix ex aequo avec l’Équateur, le Kasaï Oriental 20%, ensuite le Katanga 15% ex aequo avec Kinshasa.

Au premier tour des élections, Pierre Pay Pay wa Syakasighe se faisait créditer, toujours à la même date, de 26% contre le président en exercice Joseph Kabila Kabange (22%), Étienne Tshisekedi wa Mulumba 20%, Jean-Pierre Bemba Gombo (9%), Antoine Gizenga (5%), Me Azarias Ruberwa Manywa (3%).

Gratin et gros format

Selon ces projections, le deuxième tour opposerait ainsi Pierre Pay Pay wa Syakasighe à Joseph Kabila Kabange que le premier, selon toutes les hypothèses, remporterait haut la main puisqu’il réaliserait une plus grande coalition autour de son nom. C’est sur ces hypothèses que le bureau de campagne de Pay Pay déjà sur le pied de guerre, travaille.

On y trouve du gratin et du gros format de la scène politique r-dcongolaise. Ils viennent de toutes les provinces et de tous les partis politiques. On est en bout de piste pour les chefs de composantes – et donc les composantes traditionnelles qui vont très vite voir s’en aller leurs «majors».

«Le Soft International» est en mesure de faire état des départs massifs pour la Grande Coalition Pay Pay des principales têtes du leardership r-dcongolais.

Longtemps, et depuis les travaux du Comité de suivi du Dialogue inter-congolais, dont il présida la Commission des Marchés, Pay Pay fut considéré par l’entourage du président Kabila comme un allié, tout au moins en puissance.

Cap de dignité

En réalité, son engagement officiel aux côtés des «forces d’occupation» dans les Kivu fait passer le chef de l’État pour proche de tout originaire du Kivu – particulièrement du Sud-Kivu.

Lors des funérailles de l’archevêque de Bukavu, le président a reçu Pay Pay. Plutôt que de se dérouler dans la discrétion, la rencontre a eu lieu au Palais de la Nation. Pire, dans les jardins de la présidence…

De toutes les fenêtres du Palais de la Nation, les fonctionnaires ont ainsi vu les deux tourtereaux marchant, en toute intimité, dans les jardins sans imaginer ce qu’ils pouvaient bien se dire. Mais l’essentiel pour un homme habile, n’était-il pas la photo? Montrer que Pay Pay pouvait compter sur l’amitié présidentielle…

Nul ne se rappelle pourtant, depuis la fin des travaux du Comité de suivi du DIC, avoir vu Pay Pay franchir les grilles du Palais.

Vers un rush

Un ministre – à l’heure d’aller sous presse encore sur les listes de JP Bemba – mais régulièrement donné comme ayant rompu les amarres du MLC, s’est ainsi «supris» d’apprendre l’annonce de la candidature de Pay Pay. «Je croyais que nous allions nous passer la main pour faire élire le chef de l’État», a-t-il confié, à un autre qui s’est dit, à son tour «horrifié» qu’une telle hypothèse ait pu être imaginée. «Vous y pensiez, vraiment…!»

Tout récemment, Pay Pay a fait savoir à des proches qu’«aucun digne fils de ce pays ne saurait accepter l’incurie dans laquelle le Congo vit aujourd’hui, absence totale d’État, mégestion sans pareille dans l’histoire du Congo indépendant, mise au ban sinon raillerie au sein de la Communauté internationale». Ce serait cet état de faits qui aurait décidé celui qui avait, pendant plus d’une décennie, l’habitude de franchir les portes matelassées des institutions de Bretten Woods, de se lancer dans la course présidentielle.

«Ils sont nombreux qui attendent le moment venu pour rallier la Grande Coalition», explique au «Soft International», un homme du sérail.

Ce moment peut être fin novembre, début décembre ou entre les deux tours, explique-t-on, signalant que le pays va vivre, au cours des prochaines semaines, un véritable rush, un raz-de-marée en direction de la Grande Coalition Pay Pay qui va transformer le paysage politique.

«Beaucoup, même ceux qui sont dans la mouvance présidentielle, ne s’imaginent pas que la chance de ce pays se trouve dans l’élection de l’un ou l’autre du groupe des cinq (ndlr 1+4). Il était temps d’aller puiser ailleurs», analyse un spécialiste.

Quant à la capacité de mobilisation, parions que cela fait des années que Pierrot y pensait, y travaillait dans le secret de ses appartements éparpillés dans le monde et dans le pays.

© Le Soft Online – T. Matotu, 15.11.05

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