Les SDF à Bruxelles (Het Schutblad)

L’année prochaine, il y aura encore plus de SDF à Bruxelles.

On peut craindre qu’avec le pulullement des accueils d’urgence, le nombre des gens sans toit et sans domicile va aller croissant. L’accueil d’une nuit pourrait faire du tort à l’action des organisations qui s’efforcent d’offrir aux SDF un hébergement et un encadrement à plus long terme.

Depuis des années, ceux qui militent dans le secteur des sans abris luttent pour une aide de qualité aux SDF visant à leur émancipation. Ils estiment que les SDF sont en mesure de surmonter leur situation et de tenir debout par leur propres moyens à condition de recevoir suffisamment d’encadrement et de soutien. A leur grande surprise, il leur faut admettre, maintenant, que l’idée d’organiser un accueil qui ne recevrait les SDF que de 8 heures du soir à 8 h du matin fait son chemin.

Sous couleur d’aide inconditionnelle et gratuite, on prétend s’occuper ainsi des SDF, alors que l’on ne fait que combattre des symptômes et pérenniser la pauvreté.

Media et politiciens accordent traditionnellement une oreille plus attentive aux sans abris quand il gèle et que régne l’esprit de Noël: Impossible qu’il n’y ait "plus de place à l’auberge". Nous déplorons la mort de deux SDF durant la première vague de froid de l’hiver, mais les assistants de terrain savent que ce ne sont pas les premiers. On meurt toute l’année de ce combat épuisant pour la vie. Mais ces morts ont lieu en toute discrétion, sauf quand elles surviennent en hiver.

Pour ces SDF, l’asile de nuit est devenu l’un des éléments de leur mode de vie. Leurs nuits se passent à la crêche, pas à l’auberge. A la TV, nous les voyons s’installer pour la nuit, au sol avec une couverture, dans des endroits comme le CASU. Un peu fort de café, de la part d’une organisation qui vient d’annoncer qu’elle allait recevoir 800.000 en plus pour financer son plan d’hiver.

Pour le ministre Smet il est socialement inacceptable que des sans abris meurent dans la rue dans le froid. Il a bien raison ! Nous sommes d’accord, mais nous allons un pas plus avant que lui : il est socialement inacceptable que des gens puissent devenir des SDF, et il est encore moins acceptable que l’on contribue à maintenir cette situation de SDF comme permanente !

Ces dernières années, le secteur n’a été que trop entravé par des considérations de politique bruxelloise à courte vue, avec agendas cachés et confusion d’intérêts. Yvan Mayeur, figure de poids du PS et président du CPAS, des 5 hôpitaux publics IRIS et du CASU met tout son poids dans la balance pour arriver, avec l’aide des media, à la restructuration de l’aide différenciée afin d’en faire une structure verticale hiérachisée dont le CASU serait la référence centrale. Il faut s’opposer à tout prix à un centre de référence, quand il pour but de remplacer les places en maison d’accueil par des hébergements d’urgence. D’accord, quand il n’y avait plus de place à l’auberge, en avoir une à l’étable était un coup de chance. Ce n’est pas une raison pour transformer toute l’auberge en écurie.

Il pourrait être utile de faire, à la fin de l’hiver une évaluation de l’accroissement des hébergements d’urgence, tel qu’on est en train de l’organiser: pas seulement en terme de nombre d’hébergements, mais aussi en considérant quels sans-abris ont été hébergés. Avec l’accroissement de cet hiver ils se pourrait que l’hébergement d’urgence atteigne les 330 nuitées.

S’il devait apparaître qu’il s’est effectivement trouvé un bon trois cents SDF pour les occuper, il y aura lieu d’en tirer des conclusions afin d’éviter un tel afflux de demandes d’hébergement l’hiver prochain. En d’autre mots, il faut pouvoir déterminer quel est le groupe qui manque structurellement de possibilités d’accueil.

L’expérience du passé montre que de telles évaluations ne servent pas à grand chose. Ainsi, les assistants sociaux du secteur des sans-abris ont signalé mois après mois ces dernières années l’existence d’un problème structurel: le manque de places pour les SDF à famille nombreuse avec enfants. Il n’est pas admissible que des enfants entraînés dans des hébergements d’urgence y fassent l’apprentissage d’une existence précaire.

© Het Schutblad – Edwin Van Hollebeke, décembre 2005

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