Le Trésor de KALUMBI et le style de Buli ,par Louis de Strycker et Bernard de Grunne (extrait) Tribal Arts n°10 – Eté 1996

Le reste de la collection, conservé par Mme Janssens, à savoir quatorze objets utilitaires, rames, haches, tabourets et appuie-nuque provenant de diverses régions du Zaïre, ne furent pas acquis par Nash. Leur présence dans le "trésor de Miot" ne fut établie que très récemment, suite à la découverte, dans les archives du M.R.A.C., d’une liste complète de la collection, faite en 1951 par Frans Olbrechts, directeur du musée.
Selon les renseignements fournis par la famille de Miot à Nash, ce premier groupe de onze objets fut offert à Miot par le "roi des Luba", au terme de longues et héroïques négociations portant sur l'arrêt de la traite des esclaves.
Nous avons suggéré, par la suite, que ce "roi des Luba" était Kalumbi, un chef Luba vivant dans un village portant son nom. Si cette information sur le lieu de provenance précis d'une sculpture de Buli s'avérait être exacte, il serait possible de définir de manière encore plus précise l'aire de distribution géographique du style buli.
Par ailleurs, le fait d'avoir trouvé dans la même chefferie des sculptures de différents sous-styles luba associés à une oeuvre du maître de Buli ouvre de nouvelles perspectives sur l'interaction des styles régionaux entre les différents ateliers luba et les Hemba, les Tabwa et les Boyo.
L'existence de ces quartozes autres objets, également récoltés par Miot, mais provenant de régions sans aucun liens avec l'aire stylistique luba/hemba, nous oblige à revoir l'hypothèse d'une provenance unique, à savoir le village de Kalumbi, pour les onze objets achetés par Nash.
[…]
L'examen stylistique et comparatif de ces vingt-cinq pièces fait apparaître une grande variété de styles et d'origines géographiques pour certaines d'entre elles, originaires de lieux situés à des distances considérables du village de Kalumbi.
La porteuse de coupe est un objet unique dans le corpus Buli. Il s'agit en effet de la seule sculpture répertoriée de cette région en position accroupie. Par ailleurs, cette position particulière, qui a permis au sculpteur d'incurver la nuque et le dos, suggère que la personne représentée souffre d'une scoliose ou d'une ostéoporose. Ce trait naturaliste confirme l'hypothèse d'un art du portrait chez le Maître de Buli (voir C.h. Pirat).[…] ".

 

ESSAI DE CATALOGUE RAISONNE
par Claude-Henri Pirat (Introduction)

Tribal Arts n°10 – Eté 1996

Dès 1929, Frans M. Olbrechts étudia avec une prédilection particulière "un sous-style Ba-Luba" auquel il donna dans son ouvrage, Plastiek van Kongo, publi&eacte; en 1946, le nom de "style à face allongée de Buli". "De Buli" car les deux seules pièces de ce style, sur les dix qu'il dénombra dans les musées et les collections privées et dont on connaissait la provenance, avaient été récoltées à Buli en pays luba. C’était le cas de la célèbre porteuse de coupe agenouillée du M.R.A.C. de Tervuren – à l'époque Musée du Congo belge – qui fut à l'origine de ses recherches. Olbrechts découvrit dans les moindres détails les caractéristiques de ce style et concluait : "Nous n'avons pas affaire ici à un sous-style régional, mais bien à l'oeuvre d'un même artiste ou tout au moins à celle d'une même école ou d'un même atelier." Olbrechts, 1946, p. 71)
Quelques années plus tard vinrent s'ajouter à l'ensemble deux petites statuettes, homme et femme, cédées au musée de Tervuren par la veuve de l'explorateur français Edouard Foa. A cette occasion Olbrechts écrivait, rappelant la très grande ressemblance des pièces connues, "jusque dans les détails les plus minutieux" : " J'en suis arrivé sinon à la certitude, du moins à la très grande vraisemblance que toutes ces pièces ont été sculptées par le même individu, et puisque nous avons la preuve que deux de ces pièces proviennent de Buli, ce n'est pas une hypothèse très hasardeuse de considérer toutes ces pièces comme étant dues au même sculpteur et donc provenant de la même localité, c'est-à-dire Buli." (Olbrechts, 1951, p. 131) On remarque donc que, tout en restant prudent, Olbrechts laissait deviner sa conviction que les sculptures n'étaient dues qu’à un seul artiste qu'il fut convenu d'appeler alors le "Maître de Buli".
En 1948, William Fagg, dans un article consacré à "Un maître sculpteur de l'Est Congo", disait clairement aussi sa conviction de l'existence d'un artiste unique, considérant que c'était par une louable réserve scientifique qu'Olbrechts avait laissé la question ouverte, " mais que quiconque remarquait l'extrême et invariable sensibilité des douze magnifiques visages (deux des sièges étant supportés par une paire de personnages) doutait que ne serait-ce que deux artistes aussi suprêmes avec une technique et un sujet identiques puissent être trouvés dans un même village alors même que la tradition artistique est (ou était) tellement plus puissante dans la vie africaine qu'en Europe." (Fagg, 1948, p.38)
Dix ans plus tard il écrivait: " Tous les spécimens de ce style sont probablement dus à un seul artiste, deux au maximum ", laissant percevoir un certain doute (Fagg, 1958, p. 225)
En 1965 il écrivait enfin, en regard d'une illustration du siège à deux personnages du Museum für Völkerkunde de Berlin : " Il y a eu certainement deux, probablement trois maîtres à Buli et notre spécimen est sans doute dû au plus grand (et probablement au plus ancien) d'entre eux " (Fagg, 1965, p. 103). Son opinion avait donc totalement changé.
En 1980, Suzan M; Vogel, &agarve; l'occasion de l'acquisition par le Metropolitan Museum de New-York d'une oeuvre du style, se disait convaincue qu'il n'y avait qu'un unique "Maître de Buli" (S.M. Vogel, 1980, p.141)
Force est de constater que les opinions divergent et peuvent même évoluer !
A la lecture des différents développement sur la question, il apparaît que, à propos de ce style original, il a toujours été fait référence, comme le fit Olbrechts, aux similitudes et ressemblances qui sont en effet grandes et nombreuses et qui sont toutes comme autant d'arguments en faveur de l'attribution à un même artiste. En revanche, l'hypothèse de l'existence d'un "atelier" de deux ou plusieurs sculpteurs n'a jamais, à notre connaissance, été étayée de façon systématique, ce qui n'aide évidemment pas à trancher la question. […] "

L'article est disponible en intégralité dans le numéro 10, pages 54-77.
: http://www.antiquites.com/tribal/articles/doss2.htm

 

 

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