Les bilharzioses
Connues depuis la plus haute Antiquité et très répandues sous les tropiques où elle atteignent quelques 300 millions dindividus, les bilharzioses figurent parmi les sévères endémies de lAfrique Noire, des Antilles et du Sud-Est asiatique.
Dès le début de la colonisation, les médecins font les premiers relevés épidémiologiques. Ensuite, dans le cadre de lAMI, au cours des années, des millions de malades sont détectés et traités. Seuls, les dérivés de lantimoine connaissent quelques succès. Il faut attendre 1975, après la décolonisation, pour quarrive le premier médicament efficace, le niridazole.
Le Corps de santé colonial sillustre dune part dans la description des signes radiologiques de la bilharziose vésicale, dautre part dans létude des grosses rates et gros foies bilharziens, enfin dans la cure chirurgicale des complications de la maladie.
La prophylaxie collective de ces maladies repose sur lhygiène urinaire et fécale, la lutte contre la pollution des barrages, des rivières et des marigots, et la destruction des mollusques, dhôtes intermédiaires des embryons issus des oeufs éliminés avec les selles et les urines des malades.
LES BILHARZIES PATHOGÈNES POUR LHOMME ET LEUR BIOLOGIE
– La bilharziose urinaire, essentiellement vésicale est due à une bilharzie appelée Schistosoma haematobium, dont les oeufs, passant à travers la muqueuse de la vessie, sont éliminés avec les urines. Le principal signe est la présence périodique de sang en fin de miction.
– Les bilharzioses intestinales sont dues aux quatre autres espèces (Schistosoma mansoni, S. intercalatum, S. japonicum, S. mékongi). Elles ont en commun le fait que les oeufs, traversant la muqueuse du rectum, sont éliminés avec les selles. Une diarrhée à répétition en est la traduction mais elle passe souvent inaperçue.
Entraînés par les eaux de ruissellement vers les mares ou les puits, ces oeufs donnent naissance en quelques minutes à un embryon mobile. Il ne survit que sil rencontre un mollusque deau douce (particulier pour chaque espèce) et il le pénètre. Dans lorganisme de ce mollusque, il subit une série de transformations. Quelques semaines plus tard, des "larves infectantes" quittent le mollusque et se répandent dans le milieu aquatique. Par piqûre, elles traversent activement la peau du baigneur ou simplement du passant qui traverse le marigot. De fait, la contamination se fait généralement dans lenfance (entre 6 et 10 ans).
Après une série de transformations, les vers adultes, retranchés dans les vaisseaux profonds de labdomen, ont une redoutable longévité : pendant une vingtaine dannées, les femelles émettent un nombre impressionnant doeufs qui, pour la plupart, sont éliminés dans le milieu extérieur sauf ceux qui, transportés par le sang, vont entraîner des troubles dans lappareil génito-urinaire, le foie, la rate, le poumon.
Dans les zones dendémie, la grande majorité de la population est infectée mais reste toute sa vie "en bonne santé" apparente, en dehors de quelques brefs épisodes espacés de diarrhée ou durines sanglantes.
LES PREMIERS RELEVÉS ÉPIDÉMIOLOGIQUES
La bilharziose urinaire est une endémie essentiellement africaine. Depuis les "pissements de sang" des caravaniers sahariens du XIV° siècle, les populations autochtones en connaissent les signes. Dès 1749, lexplorateur français, Adanson, signale au Sénégal la présence du mollusque hôte intermédiaire du ver.
Fréquente en Egypte (présence doeufs dans les momies), présente en Afrique du Nord, cette "bilharziose des sables" est répandue en AOF. Dès 1912, Joyeux* la signale en Guinée, Bouet* et Roubaud* au Dahomey. Clapier*, en 1916, trouve dans une région de Guinée 54 % de bilharziens dans la population. Certaines enquêtes se limitent à lenfance, période de prédilection de la contamination. Selon M. Léger* et Redier*, si, dans la ville de Dakar, 6 % des enfants sont parasités, dans la banlieue, zone de marigots, le taux sélève à 39 %. Le tiers des populations rurales africaines est affecté par cette endémie.
En AEF, la répartition est moins homogène. Jamot*, Notais* et Robert* la signalent au Tchad tandis quen 1920, on estime quelle épargne lOubangui et le Moyen-Congo.
A Madagascar, les études montrent que la maladie est présente seulement dans la moitié Ouest de lîle.
La bilharziose urinaire est inconnue en Indochine et aux Antilles.
La bilharziose intestinale à Schistosoma mansoni a pour terres délection le Brésil,
La bilharziose à Schistosoma intercalatum est spécifique de lAfrique équatoriale. Quant à la bilharziose à S. japonicum, elle est à lorigine de formes sévères et aiguës, exclusivement asiatiques avec des foyers indochinois.
Il convient de savoir que le caractère apparemment capricieux de la distribution géographique des bilharzies tient à la répartition des mollusques aquatiques, hôtes intermédiaires des parasites.
LES SIGNES RADIOLOGIQUES DE
Les perfectionnements de la radiographie et larrivée des premiers radiologistes du Corps de santé colonial permettent des acquisitions intéressantes. En 1958, Pellegrino* à Dakar fait connaître lintérêt de la radiographie sans préparation du petit bassin. Lirritation bilharzienne, après plusieurs années, provoque un épaississement et une calcification des parois de la vessie, dont le pourtour devient opaque aux rayons X. Pleine, la vessie apparaît comme un globe régulier tandis quaprès la miction, le même liseré reste visible mais tout chiffonné, comme un ballon dégonflé. Le signe de Pellegrino* est très utile en pratique courante…
Toujours dans le domaine radiologique, utilisant lurographie intraveineuse, le même auteur décrit avec précision les images de larbre urinaire, profondément remaniées chez de nombreux bilharziens. Entre autres, la dilatation des cavités du rein et des uretères fait apparaître des images dites "trop belles", traduisant la sténose urétérale.
GROS FOIES ET GROSSES RATES BILHARZIENNES
Les bilharzioses intestinales, essentiellement à Schistosoma mansoni provoquent au bout de quinze à vingt ans (donc chez ladulte) une hypertrophie du foie et/ou de la rate.
Sur le plan clinique, nombreux sont les médecins coloniaux qui contribuent à létude de ces complications, entre autres F. Blanc*, M. Martin*, Charmot*, Armengaud*, Sankalé*…,
Étudiant au microscope les coupes de foie et de rate, les anatomo-pathologistes coloniaux contribuent à une meilleure connaissance de ces complications. En particulier, à Dakar, Camain* différencie les lésions bilharziennes des autres affections hépatiques tropicales. Il décrit le granulome bilharzien qui mène sur le plan clinique à lhypertension portale.
Enfin, la menace dhémorragies digestives graves ou de ruptures traumatiques de certaines rates géantes conduisent les chirurgiens coloniaux à des interventions dont ils codifient les techniques et les indications.
Pendant toute la période coloniale, le traitement médicamenteux des bilharzioses étant peu opérant et les contaminations se répétant, la maladie évolue chez le même sujet pendant plusieurs décennies et un certain nombre de complications se constituent. Sclérosées ou calcifiées, ces lésions anciennes sont irréversibles et le recours à la chirurgie est un palliatif appréciable. De nombreux chirurgiens du Corps sillustrent dans cette chirurgie : Botreau-Roussel*, Assali*, Dejou*, Delom*, Carayon*, Nosny*, Perquis*.
Les principales indications chirurgicales sont :
– En urologie, les rétrécissement de luretère et les reins "détruits", justiciables dune ablation.
– En gynécologie, les inflammations chroniques des ovaires et des trompes, sources de stérilités et de grossesses extra-utérines.
– En chirurgie viscérale, les anastomoses ou dérivations vasculaires au cours de certaines hépatomégalies compliquées dhémorragies digestives; ou encore lablation de la rate, gênante par son volume.
– En neurologie, les petites tumeurs bilharziennes comprimant le cerveau ou la moelle épinière.
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