Sons, paroles et musiques d’Afrique (MRAC)

 

Le 1 octobre 2003, le projet DEKKMA a ete lance dans le cadre du Programme pluriannuel de soutien au developpement de la societe de l’information (PPSI) de la Politique scientifique federale. La realisation du projet est le fruit d’une collaboration  entre  le  Musee  royal  de  l’Afrique  centrale (MRAC),  en  particulier  son  service  d’ethnomusicologie  – coordinateur – et son service ICT, d’une part, et, d’autre part, les partenaires de l’Universiteit Gent (Instituut voor psychoacus-tica en elektronische muziek – IPEM – et le groupe Database, Document and Content Management – DDCM –) et de l’Univer-site libre de Bruxelles (departement d’ethnomusicologie). L’amorce du projet a ete la constatation que les archives sonores du MRAC etaient, jusqu’il y a quelques annees, tres peu accessibles au grand public et qu’une partie de la collection necessitait une restauration urgente et une conservation durable. Le PPSI offrait la possibilite d’apporter une solution a cette double problematique.De nombreux instituts a travers le monde qui possedent des archives sonores, en ont deja entame la digitalisation, ou en ont le projet.Les  archives  sonores  du  service  d’ethnomusicologie  du MRAC contiennent une collection d’enregistrements sonores  de  musique  traditionnelle  du  monde  entier,  mais  le Congo et le Rwanda jouissent d’une place privilegiee. Ces enregistrements couvrent actuellement un total de 3.000 heures, les plus anciens datant de 1910. Cette collection a ete constituee durant et apres la periode coloniale du royaume de Belgique et peut etre consideree comme la memoire musicale de l’Afrique centrale. En raison de la quantite d’enregistrements, de la documentation et de la qualite musicale, il s’agit sans aucun doute des archives sonores les plus importantes du monde en ce qui concerne cette region. Il va des lors  de  soi  que  la  digitalisation  des  enregistrements  du Congo, du Rwanda et du Burundi constitue une premiere priorite au sein du projet.

 

Problemes de conservation et d’accessibilite

 

Comme dans toutes les archives sonores a valeur historique, on retrouve dans celles du MRAC differents supports (les cylindres de cire, les Sonofils, les bandes magnetiques, les disques pour gramophones, les cassettes audio, les CD, …). Ceci a pour consequence que la qualite technique des enregistrements  n’est  pas  toujours  satisfaisante  (notamment pour ceux datant d’avant les annees 1950), mais, surtout, que l’etat materiel des supports sonores les plus anciens ne permet pas d’utilisations frequentes. Le fait que les supports sonores  les  plus  anciens  puissent  subir  les  outrages  du temps rend necessaire le transfert des collections audio completes vers un support durable, avant que des pans entiers de ces archives ne soient endommages ou definitivement perdus.

L’accessibilite des archives constitue un second probleme. Actuellement, pour une etude approfondie, il faut effectuer des copies de travail de l’original, avec le risque constant de

l’endommager. En outre, les meta-donnees (systeme de fiches) et information contextuelle liees directement aux enregistrements ne peuvent etre consultees que sur place. Pour y remedier et pour ouvrir les archives sonores a un public plus  important, une banque de donnees et un acces en ligne sont necessaires.

 

Les objectifs du projet

 

Dans la realisation de ce projet, il convient de tenir compte de divers facteurs si l’on veut elaborer un instrument complet et efficace pour une utilisation interne et externe.

 

¦  La digitalisation sonore

  La digitalisation de l’ensemble des archives sonores du service d’ethnomusicologie du MRAC est realisee dans son propre studio audio.

  A travers des initiatives et des publications recentes, desgroupes de travail internationaux ont argumente quant a la necessite de la digitalisation ainsi que sur les aspects techniques et autres elements corollaires au processus de numerisation. La source la plus importante a ce sujet est l’International Association of Sound and Audiovisual Archives (IASA). Comparativement aux autres institutions plus avancees, le projet de digitalisation des archives sonores ethnomusicolo-giques du MRAC est assez tardif et une approche urgente s’avere necessaire pour suivre les standards internationaux dans le domaine de l’archivage audio.Il va de soi que les differents supports sonores necessitent chacun une approche qui leur est propre et qu’une partie des enregistrements les plus anciens (cylindres de cire et Sonofils)  doivent  etre  restaures  avant  que  l’on  puisse passer a la fabrication d’une copie. Quant aux autres supports sonores, nous partons du principe que les premieres copies digitales doivent approcher le plus possible l’original et que le travail de restauration ne peut s’effectuer que sur cette premiere copie.

Les rouleaux de cire (457 pieces) les plus anciens datent de 1910 et ont ete enregistres par le capitaine Armand Hutereau dans la province du Uele (R.D. Congo). Ils ont une  grande  valeur  historique  et  proviennent  d’une  periode ou les enregistrements sonores en etaient a leurs premiers balbutiements, ce qui est particulierement vrai pour l’Afrique ou la nature du materiau exigeait les plus grandes precautions. Ces rouleaux de cire seront d’abord restaures puis copies sur support digital durable, pour etre enfin transcrits sur disque dur. Cette tache sera realisee en collaboration avec le Museum fur Volkerkunde de Berlin, qui dispose egalement d’une grande collection de ce type de support et qui a developpe un systeme de res-tauration et de digitalisation adapte.

La collection de Sonofils pose de grands problemes sur le plan de la restauration, en raison de la nature du materiau. Il s’agit, en effet, d’un fil metallique tres fin enroule sur une bobine, qui doit, dans de nombreux cas, etre d’abord demele puis passe dans un lecteur adequat, avant d’etre copie.

Pour la collection de disques pour gramophones, nous nous limitons dans un premier temps a la digitalisation des disques 78 et 45 tours (au total 1.142 pieces) datant des annees 1940 et 1950.

Les archives sonores comptent un total de 1.750 bandes magnetiques d’une duree moyenne de 60 minutes. La plus grande partie de ces bandes est restee en bon etat et peut etre digitalisee directement. A cet egard, la qualite et l’age du materiel sont determinants. Sur ce type de support,  le  son  est  code  magnetiquement  et  le  materiel encourt inevitablement des degradations.

Les archives abritent en outre 650 cassettes audio d’une duree moyenne de 60 minutes, quelques centaines de cassettes DAT et de CD qui seront enregistres lors d’une phase ulterieure du projet de digitalisation.

 

La digitalisation des meta-donnees

 

Nous entendons par la la digitalisation des donnees qui ont un lien avec les enregistrements audio et qui ne sont actuellement  disponibles  qu’a  travers  un  systeme  de fichiers. Ces meta-donnees sont notamment constituees d’informations relatives au pays et au lieu ou l’enregistrement a ete effectue ou au peuple concerne, et fournissent des  donnees  sociales,  anthropologiques  et  culturelles quant a la fonction, aux instruments de musique, aux executants et aux genres musicaux.

Partant de la forme standardisee de cette information, une banque de donnees digitale propre a ete developpee et est disponible sur Internet en francais, neerlandais et anglais. Tous les elements mentionnes sur le fichier initial associe a l’enregistrement audio sont controles quant a leur exactitude et adaptes, le cas echeant, avant d’etre integres dans la banque de donnees.

 

 Banque de donnees et systeme d’integration

 

Il  a  ete  necessaire  d’archiver  tant  les  enregistrements musicaux numerises que les meta-donnees, et ce, de preference, de maniere a ce qu’une future actualisation et toute  recherche  d’informations  se  poursuive  de  facon efficace et (semi-)automatique. En d’autres termes, il fallait structurer et conserver toutes les donnees disponibles de sorte que les archives soient accessibles aisement et a travers un systeme d’exploitation convivial. Pour cette raison, nous avons choisi de developper une solution qui integre une banque de donnees faite sur mesure, multilingue et capable de contenir toutes les donnees disponibles, afin d’eviter toute perte d’information. Il y a d’autres exigences  a  respecter.  Le  systeme  developpe  doit  etre integre pratiquement sans transition dans d’autres systemes d’information existant au sein du Musee, et les donnees doivent etre facilement transferables ou interchangeables. En raison de l’equipement materiel et logiciel preexistant du Musee, nous avons choisi de travailler avec un systeme de banques de donnees relationnel, ce qui est actuellement la technologie utilisee le plus couramment. Apres etude approfondie, nous avons elabore, au moyen de la technique de modelisation « Enhanced Entity Relationship », un projet de schema de banque de donnees fait sur mesure, que nous avons ensuite mis en oeuvre. Ceci garantit, pour les donnees, un format de stockage  optimal  et  independant.  Pour  promouvoir l’echange de donnees, la deuxieme phase du projet elaborera un certain nombre de procedures visant a convertir

les donnees dans un format d’echange standard. Un acces convivial a la banque de donnees est obtenu par l’utilisation d’un site web integre et cree sur mesure.  La digitalisation de l’information contextuelle L’information contextuelle concerne la documentation complete, presente dans le service, qui est en relation avec une source sonore, a savoir des photos, des videos, des notes de terrain, des publications, des informations generales relatives aux instruments de musique et a la culture  musicale  du  peuple  ou  l’enregistrement  a  ete effectue,

… Une partie importante de cette information contextuelle peut etre consultee a travers la banque de donnees placee sur Internet. Celle-ci presente a l’utilisateur un contexte large dans lequel il peut situer l’enregistrement. Le travail est execute par un personnel competent familiarise avec cette matiere : soit les chercheurs ont realise eux-memes les prises de son sur le terrain, soit ils sont familiarises avec la culture musicale de leur pays au point qu’ils peuvent ajouter des informations precieuses aux meta-donnees existantes. C’est le cas notamment de J.-B. Nkulikiyinka, ancien chef du Ballet national du Rwanda et musicologue implique dans le projet.

 

A la recherche d’un contenu musical

 

Depuis quelques annees, une partie des etudes sont consacrees aux manieres de decrire les contenus musicaux interessants et d’utiliser ensuite ces descriptions pour retrouver la musique dans la banque de donnees. Cette approche offre la possibilite d’effectuer une recherche dans une banque de donnees sur la base d’un exemple sonore, ou sur celle d’une description des proprietes emotionnelles de la musique. Cette analyse combine deux approches. La premiere consiste a tirer du son des observations  de  structure.  Il  s’agit,  par  exemple,  de detecter des informations sur la tonalite, d’identifier les instruments de percussion, de reconnaitre les couleurs des  sons  (chantes  ou  instrumentaux).  La  deuxieme approche concerne les observations subjectives que l’on tente de decrire. Celles-ci peuvent avoir trait, par exemple, au caractere structurel de la musique (la melodie, ou encore le modele rythmique) ou le caractere emotionnel qui emane de la musique (gai, melancolique). Ensuite, il s’agit de voir dans quelle mesure les descriptions verba-les peuvent etre associees aux caracteristiques physiques de la musique, afin de creer un lien entre les descriptions basees sur le contenu et les observations de l’energie physique de la musique. Le projet DEKKMA adapte les algorithmes du projet MAMI a la musique africaine. L’objectif est de voir dans quelle mesure il est possible de rechercher, dans une banque de donnees, une musique sur base de son contenu.

 

Vers une solution integree et rationnelle de stockage de donnees

 

Pour que le projet produise de bons resultats, il est necessaire de developper des fonctions qui a la fois seront utiles dans la gestion interne du service d’ethnomusicologie (acquisition, documentation, accessibilite et conservation des documents, contenu) et permettront aux utilisateurs externes d’avoir acces aux archives sonores du Musee, y compris a l’information contextuelle, et de pouvoir ecouter des exemples musicaux. Tout cela exige bien entendu une strategie interne sur le plan de l’equipement informatique, des logiciels, de l’entretien et de la protection.

Etant donne l’explosion du nombre de projets de digitalisation  gourmands  en  espace  disque  (plusieurs  dizaines  de TeraBytes), il etait imperatif de repenser la maniere de stocker tous les fichiers produits par ces activites en vue de diminuer le cout total d’exploitation du parc des serveurs du MRAC. Une solution elegante s’est imposee naturellement : la virtualisation de serveurs et de leurs ressources (memoires, disques durs, cartes reseau, onduleurs…) via le logiciel VMWare. L’equipement de base est assez lourd mais est vite rentabilise car il permet de faire evoluer les ressources en fonction de la demande, de maniere centralisee, en evitant ainsi une gestion multiple des serveurs. Cette solution permet de mieux gerer les ressources materielles des serveurs (une seule interface web) mais aussi celle de l’espace du local serveur, des connexions reseau, des contrats d’entretien, de la puissance electrique et des peripheriques. Il est egalement possible de faire cohabiter plusieurs types de systemes d’exploitation differents.

L’espace de stockage prevu dans le cadre du projet sera progressivement etendu a raison de 1,5 TB par an pendant 4 ans. Les protections d’usage sont de mise : alimentation et onduleurs redondants ; disques geres par un controleur de type RAID5E permettant le remplacement a chaud de deux disques,  simultanement  defectueux,  sans  perte  de  donnees. Dans l’attente d’une solution d’archivage centralisee, une copie de sauvegarde est prise sur support LTO de deuxieme generation permettant le stockage de 200 GigaBytes de donnees non compressees par cartouche.

Le projet DEKMMA se terminera le 31 decembre 2007. A ce moment, la plus grande partie des archives sonores seront digitalisees. Le service d’ethnomusicologie peut cependant garantir la poursuite de la numerisation, tant sur le plan de l’audio que sur celui de l’importation des donnees a mesure que les archives s’enrichiront de nouvelles collections. Grace a ce projet, une base a ete etablie pour une gestion durable des archives et pour leur accessibilite au public.

Jos Gansemans / Marc Leman / Guy De Tre / Andre De Muelenaere

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