Le Tango a une composante bantu , par Simao Souindoula

 

 

 

 

Le fait vient d’être rappelé, à Libreville,  par Simao Souindoula,  lors d’un atelier de restitution des résultats de cette importante réunion. Il y avait présenté une communication  sur l’évolution , du tout début du XIX ème siècle à nos jours, dans la région fluvio-océane baignant l’Argentine et l’Uruguay,  des candombés  de reyes, des llamadas et du fameux Conjunto Bantu de Montévidéo.

 

 

D’entrée de jeu, le principal animateur du work-shop  a tenu à souligner le fait que l’organisation à Libreville de cette activité de promotion scientifique constituait tout un symbole . la création de la future capitale gabonaise, en 1849, étant , en effet,  le résultat de la lutte contre l’exportation vers l’outre-Atlantique, de la main-d’œuvre noire.

 

En plus, pour le Coordonateur de la Bantulink, le tout nouveau Réseau International pour la Promotion de l’Identité et de la Diversité des Cultures Bantu, le fait que les actuels  territoires angolais, congolais et gabonais aient été soudés par la très esclavagiste « Loango Coast » rend digne d’intérêt l’ensemble des aspects historiques mis en relief dans l’autre ville du Golfe de Guinée.

 

Abordant la substance de la restitution, Souindoula a précisé que la rencontre du Forum Mbongui avait regroupé une trentaine de spécialistes de diverses disciplines, parmi lesquels des historiens, des ethnomusicologues, des anthropologues et  des sociologues.

 

Il a cité, parmi ceux-ci , l’élégante universitaire afro-américaine Sheila S. Walker ,  la star de la world-music  venue de Lima,  Susana Baca , la latino-américaniste basée à Paris,  Elisabetta Maino , la spécialiste française des musiques urbaines africaines, Sylvie Clerfeuille, Gihad Sami Daoud, Professeur au Conservatoire de Musique du Caire et le sémillant Adépo Yapo, du Conseil International de la Musique ; sous l’œil bienveillant de la vénérable Mme Yandé Diop , des éditions Présence Africaine, venue dans la cité océane, animer une exposition de livres en rapport avec le thème de la réunion.

Par ailleurs, l’orateur a particulièrement insisté sur la brillante intervention de Christiane Taubira, députée pour la Guyane à l’Assemblée Nationale française, qui a tenu à faire, au pas de course, le pèlerinage de la ville du « ntchévélika »        ( trafic d’esclaves) .

                                                 

SAMBA CARIOCA

 

 

Entre autres développements  proposées à partir de l’orientation thématique du symposium , ceux-ci entrecoupés par les délicieuses mélodies du griot et joueur de sanza Ya Vhos et son groupe de Pointe-Noire, le bantuiste de Libreville, qui a l’avantage d’avoir été rapporteur des travaux , a fait retenir l’analyse des cérémonies d’intronisation des « Rois du Congo » et de la « Reine Nzinga » au Brésil , la signification  du fameux «  Axé Africa » dans la très croyante Bahia , la mise en relief des préférences organologiques dans les expressions musicales   afro-péruviennes , l’ osée tentative comparative entre la tshiyanda cokwé et la torride samba « carioca » , la recherche de nouveaux recoins de la matrice noire du jazz , la grapa-kongo en Guadeloupe, les célèbres joutes  musicales dominicales de l’équivoque «  Congo »  square, l’évocation de la musique africaine dans l’œuvre du vétéran Aimé Césaire, le toujours Maire de Fort de France,  et , enfin ,  la contagieuse réappropriation des révélations bibliques dans la musique afro-caribéenne contemporaine.

 

Passant sur  sa propre communication, Souindoula a souligné que l’une des conséquences de la graduelle installation, à partir de 1680, de milliers de travailleurs noirs dans la région fluvio-océane baignant l’Argentine et l’Uruguay, a été l’enracinement, dans cette zone, de musiques et de danses bantu.

Et, parmi les variantes de ces réjouissances, l’orateur a relevé candombé, cambunda, banguela, mana, quisam, lubolo et … tango.

Classé, en 1834 , comme « candombé » (danse des noirs), le tango n’échappera pas, selon Souindoula , à un décret des autorités de l’Uruguay indépendant, l’interdisant simultanément avec les tambos, en expressions de plein air. Il sera donc confiné dans des salles, devenant de ce fait,  danse de bonne compagnie. Ce rythme des « tamboriles » africains, sera normalisé dans la presque blanche Buenos Aires, par des mains noirs. Il bénéficiera de l’enrichissement d’éléments afro-cubains, correctifs de la habanera, ainsi que des inévitables modes d’exécution espagnol et italien. Le tango, comme les autres enchaînements chorégraphiques nègres, marqua, singulièrement, le cadre artistique de la sous-région. L’historien d’origine angolaise a cité, à cet effet, entre autres faits, l’avant-première de la révélatrice pièce d’Andrés Castillo et de Francisco Merino « Del candombé al tango » , jouée , en 1972, par le Teatro Negro Independiente de la capitale uruguayenne.

Sur ce point, le Coordonnateur de Bantulink a relevé que les participants de la  rencontre de la ville atlantique, ont profondément regretté l’absence de Tomas Olivera Chirimini, le fondateur , en 1973, du Conjunto Bantu de Montévidéo.

 

Pressé – cela était inévitable – de donner son appréciation sur les prestations venues de l’ outre – Atlantique, Simão Souindoula a affirmé qu’il est incontestable que celles-ci ont été largement  à la hauteur des attentes. Il a  illustré son point de vue en restituant le profil de la cérémonie d’ouverture du festival qui s’est tenue au Stade Félix Eboué, du nom du fameux Gouverneur,  d’origine guadeloupéenne. Le spectacle produit, à cette occasion, a été, sous plusieurs plans ( représentations chorégraphiques et  ambiance son et lumière )  , de grande qualité.

Il a, ainsi, fait noter la puissante voix sortie de Los Angeles, celle de Debbie Davis, et l’irrésistible souk du groupe haitien Original H.

Et, pour lui, l’instant d’émotion la plus intense a été la réinterprétation par la  chanteuse africaine-américaine des deux classiques de la musique congolaise ;  le premier,  du regretté Franklin Boukaka et, le deuxième,  du doyen Antoine Moudanda , opportunément présent au grand stade de Poto – Poto.

 

Cet administrateur du festival a saisi la magnifique fleur offerte au Congo de la rive droite par Debbie Davis, pour affirmer, en conclusion du work- shop, qu’au-delà d’une histoire faite de chaînes et de sang, les deux rives de l’Atlantique se sont illustrées, depuis le XVI ème siècle, par des échanges culturels féconds et qui auront, à partir du début du XX ème siècle , un  fort impact international. Et, il a donné comme exemple, la déclaration faite en plein spectacle, à Paris,  par le fameux chanteur madrilène, Julio Iglésias, sur le fait que son père et sa mère se sont connus en dansant le tango, cette danse dont l’une des composantes historiques est « candombé »

 

 

 

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