APERÇU DE LA DANSE DES MASQUES « MINGANJI » DANS LE REFLET ARTISTIQUE PENDE*

Elle mérite d’être soigneusement conservée afin de la transmettre aux générations futures.
C’est dans ce cadre qu’un intérêt artistique et culturel non moins important a été suscité en
nous grâce au cours de Philosophie de l’art. Cet intérêt nous a poussé à entreprendre une petite
herméneutique des masques pende, les minganji en particulier et la danse qui est le lieu de leur
déploiement
De la sorte, le présent travail voudrait, tout en restant modeste, pousser à une quête de sens
des masques pende. Nous voulons donc lire à travers cette expression culturo-artistique, une
signification qui se donne grâce à la beauté. Bref, nous voulons faire une petite analyse
esthétique de la danse des masques minganji, une étude qui consistera à décrire le portrait
des minganji à partir de ce reflet, et essayer d’interpréter leur sens profond.
2. AUTOPSIE
Il est hors de doute qu’à chaque époque, chaque peuple alloue une valeur et une fonction
symbolique à un certain nombre des choses aussi bien naturelles qu’inventées. C’est dans ce
cadre que chez les Pende, les masques sont porteurs d’un message traduisant certaines réalités
de la vie familiale, sociale, religieuse, économique et politique. Par de-là leur multiplicité, les
masques pende renferment tout un univers de signes, de symboles, de formes qui constituent
un langage à la fois riche en contenu, mais aussi silencieux et énigmatique aux non pende.
Dès lors, il convient de rechercher, grâce au bagage artistique, la vérité, le sens caché et sacré
de la symbolique des masques minganji.

 3. CLASSIFICATION DES MASQUES PENDE

La tradition artistique pende a produit une diversité d’œuvres d’art, parmi lesquelles figurent
les masques mbuya, minganji et ikhokho. Chacun de ces masques a son  histoire, sa
signification, sa forme ainsi que son contexte propre. Quant à nous, nous nous sommes
proposé de nous intéresser particulièrement à la deuxième catégorie de masques, à savoir
les minganji.
Il s’agira spécialement, pour nous, d’analyser une des expressions ou mieux le moment de
la manifestation des masques minganji : la danse

Danseur Minganji "Gitenga",

4. LA DANSE DES MASQUES MINGANJI 

Point n’est besoin de rappeler  combien la danse a généralement, en toutes les époques, 
joué un grand rôle, grâce à sa capacité de rassembler les gens et de  susciter la joie et le désir
de vivre ensemble en société. Notamment grâce à la manière d’intégrer le chant, le geste, le
pas et le mouvement rythmé du corps. Cette somme d’harmoniques faisait et fait encore vibrer
tous les peuples, mais d’une manière spéciale, les Pende, car, plutôt que de se retrouver
uniquement entre hommes et femmes, plutôt que de se trouver face à face avec un musicien,
un artiste bien connu, les Pende ont merveilleusement su diversifier leur style de danse en
mettant notamment le peuple en présence des personnes masquées qui avaient une danse
très originale que tout le peuple accompagnait. La danse des masques n’est pas la danse de
l’homme ordinaire.
En effet, la danse des masques minganji ne se fait pas au gré du hasard, elle est exécutée de
façon particulière et à l’occasion des circonstances précises.
 
4.1. Circonstances de la danse 
Il existe beaucoup d’occasions au cours desquelles les minganji peuvent exhiber. Nous en 
retenons quatre seulement. La première circonstance a été traditionnellement fixée par les
anciens aux jours qui suivent la fin définitive de la session d’initiation des jeunes gens, qui
désormais peuvent être comptés parmi les adultes. Cette initiation s’appelle « mukanda ».
A cette occasion donc, les minganji dansent pour marquer l’accueil des jeunes initiés dans la
communauté des adultes
La deuxième représentation peut se faire en faveur des malades atteints par un sort (hamba)
qui n’est autre chose qu’une punition des esprits une fois que la personne a osé transgressée
les interdits du mukanda.Les minganji exhibent aussi la danse à l’occasion de l’intronisation ou
de la mort d’un chef (fumu ya dimbo). Il y a aussi exibition après une victoire guerrière ou une
victoire du village après procès (milonga) contre un clan (giphuta) d’un autre village. Enfin, la
représentation la plus ordinaire et fréquente est celle organisée pour la réjouissance populaire.
Elle peut se faire lors des grandes fêtes ou être organisée pour réchauffer, revivifier un village
qui avait été frappé par un deuil, ou encore pour sortir la population de la monotonie de la vie.
Généralement, ces exhibitions publiques des minganji sont judicieusement préparées à l’avance 
en secret, c’est-à-dire à l’insu des autres personnes, surtout les non initiés.
Les minganji constituent tout un art qui est généralement réservé aux initiés du mukanda
( akwa mukanda). Ce n’est donc pas n’importe qui peut s’hasarder à danser avec les minganji.
C’est pourquoi, étant réservé aux initiés seulement, les préparatifs se font à l’insu des femmes
et des enfants (les non-circoncis).
Est aussi exclu de cette sphère, le chef du village (fumu ya dimbo ou fumu dia mbanji).
En effet, bien qu’étant « circoncis », le chef est désormais assimilé aux femmes.
Car, par ses attributions, il détient la fertilité du sol et la fécondité des vivants.
C’est pourquoi il se trouve éloigné des activités des masques.
 
4.2. Les personnages 
	  1. Le danseur : 
Il est l’acteur principal de la scène nommé mukinyi wa ulumbu. C’est la personne qui figure 
dans les masques. Il est généralement choisi parmi les plus doués dans l’expression corporelle
et mimique. Il doit nécessairement être passé à l’initiation traditionnelle et à la danse (ulumbu).
Certains peuvent aussi l’hériter d’un grand-parent ou d’un quelconque aïeul.
Le danseur doit être d’une grande discrétion et d’une grande souplesse. Ni sa femme, ni ses
enfants, ni personne d’autre ne peut savoir qu’il est danseur de minganji.
Le danseur est généralement vêtu d’un cagoule fait en raphia (phusu), cousu à l’aide d’une
aiguille en bambou, et un autre masque qui recouvre la tête. Il convient de souligner cette
trouvaille exceptionnelle qui fait du Muphende, un des peuples à avoir conçu et réalisé le
pantalon chaussé, la chemise manche longue et une cagoule. Aux hanches il porte généralement
une jupe appelée mazanga.
 	2. Le couturier et (ou) l’habilleur du masque
C’est la personne qui ajuste et coud le costume du masque. Il est soumis à la discrétion totale 
et à certains interdits dont l’abstinence sexuelle quelques jours avant l’exhibition du masque
munganji. Autrement, agir à l’encontre serait casser les reins aux danseurs (gubogola mitanda).
Il est aussi généralement celui qui habille le masque.

Les batteurs et les chantres 

 

Outre les akini a ulumbu (danseurs), la joie est assurée par le rythme produit par les
chanteurs (ayimbi) et surtout par les batteurs des tam-tams (mbunji) dont le rythme bien
harmonisé emballe tout le monde.
Ceux-ci sont aussi initiés au mukanda.Contrairement au mukini, il n’est pas nécessaire que les
mbunji et les ayimbi soient masqués. L’utilité du batteur de tam-tam est révélée dans un diction
phende : « washiya mbunji, washiya dimbo », qui veut dire « qui tue un batteur de tam-tam tue
le village ». Il y a un batteur principal avec le grand tam-tam ( ngoma ijima) et les autres
batteurs qui doivent suivre son rythme.  
                   Les spectateurs

 

Ils sont de deux sortes : les initiés et les profanes (thondo). Les thondo sont les femmes et les
enfants non-initiés. Les spectateurs prévoient des cadeaux à offrir aux minganji qui les égaient.
Les femmes apportent généralement des produits agricoles : du manioc (sogo), du maïs (masa)
…et le hommes apportent des raphia ou des tissus en raphia.
Ces derniers temps, c’est l’argent qui est souvent offert. 
Il y a aussi d’autres gratifications qui agrémentent la danse, notamment les applaudissements 
et les cris (miyelélé). 

 

4.3.  Le lieu et le temps

C’est généralement le soir ( kumbi dia ngweze) que se produit l’exhibition des minganji. 
Les minganji sont tenus à respecter ce temps. Il faut noter que ce temps n’est pas choisi sans
raison pertinente : le soir est le temps où tous le monde est dégagé  après le travail des
champs, la chasse et tant d’autres occupations de la journée ; il est aussi le temps où les
esprits des ancêtres campent dans le village.
Cependant, pour des raisons d’organisation et parce que cette exhibition peut réunir plusieurs
villages environnants, le ulumbu peut être organisé dans les après-midi. Le lieu est aussi choisi
d’avance et doit être respecté.
La tradition phende suppose que quelques jours avant l’exhibition, les esprits des ancêtres
habitent déjà le lieu choisi. Ainsi, aucun thondo ne peut traverser ce terrain de danse ni arriver
au lieu d’habillement des masques qui est généralement à l’écart du village appelé « gitumba »
Au cas où ces interdits sont violés, le récalcitrant a, dit-on, cassé les reins des danseurs
( gubogola mitanda). Une amende est exigée à une telle personne (un animal domestique), 
autrement il s’expose à la sanction des ancêtres. En de violation du lieu de la danse ou de celui
de l’habillement des masques, la femme ( mukhetu) peut être frappée de stérilité ou avoir
des règles interminables.
 

5. Accessoires
- Le grand tam-tam, ou le grand gong en bois creux ( mukhokho) qui sert d’annonceur 
d’événements. La veille, dès le premier chant du coq (mu makolombolo) et à certains
intervalles réguliers de la journée, le mukhokho retentit pour annoncer l’événement qui
approche, mais aussi rappeler à chacun ses devoirs : pour certains il s’agit de se préparer
spirituellement et psychologiquement ( tel est le cas des danseurs, des chanteurs, des
batteurs, des habilleurs…) qui doivent s’abstenir des relations sexuelles, et apprêter les
matériels des minganji  (transport des masques la nuit à l’insu des autres personnes).
- Les tam-tams : les plus grands ( ngoma ijima) et le petit ( ngoma ya zonda)
- Les castagnettes (isangu)
- Les minganji étant généralement symbole de la puissance ou de la force militaire, ils tiennent 
dans la plupart des cas, un fouet avec lequel ils peuvent mettre la main sur quelqu’un qui
s’attarde à jouer avec eux. Ils peuvent aussi en profiter pour corriger quelqu’un qui s’est mal
comporté. Notons en passant qu’il est strictement interdit de répliquer ou d’injurier le masque
munganji quand il vous frappe. Il le fait sérieusement et la seule issue possible pour se sauver
est de se rendre au lieu où les femmes pillent du manioc ( guma akhetu anu twa) car le masque
ne peut pas arriver à cet endroit.
  6. Illustration
Dans cette partie nous voulons de présenter une partie du déroulement de la scène et donner 
l’illustration de quelques masques.
En effet, au jour fixé, alors que les batteurs et les chantres sont déjà en place, les spectateurs
se mettent en cercle autour du terrain choisi, mais ils doivent laisser ouvert d’un côté pour
l’entrée des masques. Aussi doivent-ils se mettre à une bonne distance car on ne s’approche
pas des minganji étant donné qu’ils sont habités par les esprits des ancêtres.
Contrairement aux  mbuya qui sont généralement doux, les minganji sont parfois méchants.
Ce qui fait qu’il est prudent de ne pas s’approcher d’eux.
Après avoir habillé le masque, l’ancien  qui l’habille sort du gitumba et fait signe aux batteurs 
que le masque est prêt. Ceux-ci, par des sons et des chants appropriés de chaque masque
l’appelle « iza, iza, iza, kumbi dia ya », comme pour dire « viens, viens, viens, le temps avance »
Le premier masque qui doit obligatoirement ouvrir la piste est le munganji nommé « Gitenga » 
Aussi longtemps qu’il ne fait pas irruption, aucun autre masque ne peut sortir.
Ses gros yeux sont rouges et font peur.
Il convient de noter que Gitenga est l’équivalent du tundu pour les masques mbuya.
Gitenga est le masque qui produit beaucoup de spectacles grâce à ses multiples gestes et
comédies.
Une fois  son exhibition terminée, il peut rester dans les alentours et laisser la place aux
autres masques. Toutefois, à certains moments il peut encore apparaître sur scène et provoquer
les autres masques.
Le deuxième masque munganji est celui qu’on appelle munganji ya meso, à cause de ses 
gros yeux, plus ressortis et pareils aux jumelles. Ses gros yeux expriment sa vigilance, car par
sa force et sa puissance, il est protecteur du village. Il apparaît souvent portant un arc et une
flèche qu’il essaye de tendre vers le public  comme s’il voulait lancer sur quelqu’un.
Vient alors le troisième groupe des minganji appelés mithato. Les mithato sont des excellents
danseurs. Une tenue plus collante et simplifiée, et grâce à leur capacité gestuelle et à la
manipulation des différentes parties de leur corps, ils sont réputés d’être des bons danseurs.
 
  7. Le langage des masques minganji
Aussi bien les mbuya, les minganji que les ikhokho sont des témoins vivants et complexes 
d’une histoire et d’une tradition artistique et culturelle qu’on ne peut nier chez les Pende.
Ces masques naissent et se développent dans un contexte donné, dans un milieu donné,
c’est-à-dire dans le temps et dans l’espace où ils fonctionnent à la manière d’une langue.
Par conséquent, tout comme une langue, comprendre le langage des masques n’est pas chose
aisée, surtout pour les non-initiés. Beaucoup de spectateurs d’ailleurs, ne possédant pas une
clé de lecture adéquate, se laissent facilement emporter par l’ambiance de la danse et passent
vraiment à côté du message qui leur est transmis. Ceci montre qu’il y a souvent un problème
réel de décryptage et de décodage. En effet, aussi bien dans le théâtre, les chansons, les films,
les comédies, les romans, les bandes dessinées, la liturgie que dans les cérémonies des
masques, il y a un message qu’il faut savoir lire, à condition d’avoir la clé de lecture, ce que
beaucoup ne possèdent pas et se contentent de l’émotion et de la réalité des faits.
Le langage des minganji ne se limite pas aux simples paroles balbutiées par le porteur du 
masque. Il faut lire aussi tout ce qui s’affiche à travers son habillement, sa spécificité, son
attitude et ses gestes. En effet, il faut interpréter les expressions gestuelles et celles du corps
d’une part, ainsi que d’autres expressions symboliques dont les outils, les couleurs…
Il nous faut aussi rappeler en outre qu’il faut éviter que l’identité de la personne masquée soit
découverte. Ainsi, quand bien même les minganji peuvent parler ou chanter, ils le font de
manière à déformer la voix afin que rien de ce qu’ils articulent ne soit facilement audible.
Mais ceci, pourrait-on se demander, ne rend-il pas la compréhension davantage difficile ? 
C’est déjà un début de compréhension que de le savoir.
Cependant, malgré cette difficulté, les cérémonies d’exhibition des minganji constituent
globalement un champ thématique très varié et englobant les aspects aussi bien religieux,
moral, politique, socio-économique, culturel, esthétique et philosophique. C’est pourquoi il est
utile de chercher à tout prix à comprendre ce que les minganji ont d’expressif et qu’il faut
découvrir et interpréter une compréhension globale. L’expression vocale peut aussi se compléter
grâce aux chants qui accompagnent l’exhibition. Très souvent le chant raconte déjà toute
l’histoire qui est derrière le masque et par conséquent on y décèle le message.
Comme cela apparaît, munganji d’un côté, danse du munganji de l’autre constituent un 
ensemble riche de sens et de beauté. La beauté peut cacher le sens, comme beaucoup vont au
cinéma ou au concert pour voir sans comprendre. Un vrai cinéphile, un vrai lecteur de tintin,
un vrai mélomane ou un vrai ami du théâtre est plutôt celui qui sait apprécier la beauté totale
de ce qu’il voit, de ce qu’il entend et du sens transmis. C’est ce que nous avons essayé de
dégager à propos des minganji et de leur danse.
 

 

 

* Pende s'écrit aussi Phende                                       

                                            Max  Kupeles  Ilunga sj.  

 

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