Des artistes de génie pullulent à la Gare centrale (Uhuru)

 

A la gare centrale de Kinshasa, il se développe un commerce assez particulier. Il s’agit de la vente des œuvres d’art livrées à la consommation des férus de l’art. Exposés de part et d’autre dans des étalages de fortune, les toiles et autres tableaux intéressent à peine des compatriotes congolais préoccupés plutôt par autre chose. Communément appelé « Marché ya bikeko », cet endroit stratégique semble être le lieu par excellence où gravitent les seuls initiés.

Les artistes qui y oeuvrent sont de plusieurs expressions. On y retrouve des peintres, des sculpteurs, des céramistes. Ce qui du reste est symbolisé par la diversité et la nature des œuvres mises en vente tableaux, statuettes, tapis, masques etc. Tout y est dans cet endroit qui intéresse énormément les antiquaires et autres collectionneurs étrangers. L’expression culturelle congolaise est présentée dans toute sa splendeur à l’image des masques Pende ou encore, des tissus traditionnels Kuba offerts à la clientèle.

Toutes les œuvres d’art émanant de l’arrière pays atterrissent d’abord à ce lieu avant de trouver un éventuel preneur. Un véritable business qui profite aux artistes qui ont su tisser quelques affinités avec des blancs ou asiatiques passionnés de l’art congolais. « Les blancs y viennent acheter ces œuvres d’art parce qu’ils sont cultivés et connaissent les vertus d’une œuvre d’art.

Par contre, nos frères congolais n’achètent pas régulièrement si ce n’est à des circonstances bien précises. Nous recevons par exemple, des commandes spéciales des officiels lorsqu’il s’agit de remettre des cadeaux à des hôtes de marque », commente un vendeur devant ses toiles. Il ajoute que la crise économique accouplée à un déficit de connaissance sur les vertus de l’art est à la base de l’indifférence dont souffrent leurs produits de la part des compatriotes congolais.

Ces artistes qui fulminent dans ce coin de la capitale n’ont pas tous la formation requise. Beaucoup d’entre eux n’ont pu franchir le seuil de l’université et se retrouvent dans ce marché d’art bien malgré eux. On retrouve également dans le lot, des artistes formés sur le tas qui ont su capitaliser l’expérience des autres.

La plupart de ces artistes portent en estime leurs collègues tels Botembe ou encore Dikisongele qui ont réussi à briser les murs de l’isolement pour se mettre aux diapasons des standards internationaux. Tous pour la plupart affichent une bonne mine, preuve que le métier nourrit son homme. « Nous parvenons à nourrir nos familles, à payer les minervals de nos enfants et à nous suffire grâce à ce métier », explique Achille, artiste céramiste. Toutefois, explique un autre, ce commerce a connu quelques perturbations du fait de la guerre.

Cette dernière a largement influé sur le cours de la vente à telle enseigne que les recettes réalisées aujourd’hui sont sans commune mesure celles d’autrefois. Pour contourner la difficulté, les vendeurs d’art ont résolu de revoir leurs prix à la baisse en présentant des œuvres à la portée de toutes les bourses.

Même à 5 dollars us, on peut, en effet, se procurer une œuvre de bonne facture. Les matières premières telles que le malachite, le métal battu, le bronze etc, se font de plus rares. Qu’à cela ne tienne. Malgré cette conjoncture difficile, les artistes du « marché ya bikeko » tentent tant bien que mal, de survivre.

Ceux qui ont la chance de voir leurs œuvres être exposées dans des salons internationaux tels que les Saio (Salons internationaux africains de Ouagadougou) se retrouvent. Ces ouvertures vers le monde sont des opportunités que capitalisent ces artistes qui n’ont pas d’ateliers connus et dont les œuvres risquent de passer inaperçues faute d’un marketing approprié.

Mireille Mukoko | Uhuru Kinshasa , 21.04.2006 | Culture

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Des artistes de génie pullulent à la Gare centrale (Uhuru)

 A la gare centrale de Kinshasa, il se développe un commerce assez particulier. Il s’agit de la vente des œuvres d’art livrées à la consommation des férus de l’art. Exposés de part et d’autre dans des étalages de fortune, les toiles et autres tableaux intéressent à peine des compatriotes congolais préoccupés plutôt par autre chose. Communément appelé « Marché ya bikeko », cet endroit stratégique semble être le lieu par excellence où gravitent les seuls initiés.

Les artistes qui y oeuvrent sont de plusieurs expressions. On y retrouve des peintres, des sculpteurs, des céramistes. Ce qui du reste est symbolisé par la diversité et la nature des œuvres mises en vente tableaux, statuettes, tapis, masques etc. Tout y est dans cet endroit qui intéresse énormément les antiquaires et autres collectionneurs étrangers. L’expression culturelle congolaise est présentée dans toute sa splendeur à l’image des masques Pende ou encore, des tissus traditionnels Kuba offerts à la clientèle.

Toutes les œuvres d’art émanant de l’arrière pays atterrissent d’abord à ce lieu avant de trouver un éventuel preneur. Un véritable business qui profite aux artistes qui ont su tisser quelques affinités avec des blancs ou asiatiques passionnés de l’art congolais. « Les blancs y viennent acheter ces œuvres d’art parce qu’ils sont cultivés et connaissent les vertus d’une œuvre d’art.

Par contre, nos frères congolais n’achètent pas régulièrement si ce n’est à des circonstances bien précises. Nous recevons par exemple, des commandes spéciales des officiels lorsqu’il s’agit de remettre des cadeaux à des hôtes de marque », commente un vendeur devant ses toiles. Il ajoute que la crise économique accouplée à un déficit de connaissance sur les vertus de l’art est à la base de l’indifférence dont souffrent leurs produits de la part des compatriotes congolais.

Ces artistes qui fulminent dans ce coin de la capitale n’ont pas tous la formation requise. Beaucoup d’entre eux n’ont pu franchir le seuil de l’université et se retrouvent dans ce marché d’art bien malgré eux. On retrouve également dans le lot, des artistes formés sur le tas qui ont su capitaliser l’expérience des autres.

La plupart de ces artistes portent en estime leurs collègues tels Botembe ou encore Dikisongele qui ont réussi à briser les murs de l’isolement pour se mettre aux diapasons des standards internationaux. Tous pour la plupart affichent une bonne mine, preuve que le métier nourrit son homme. « Nous parvenons à nourrir nos familles, à payer les minervals de nos enfants et à nous suffire grâce à ce métier », explique Achille, artiste céramiste. Toutefois, explique un autre, ce commerce a connu quelques perturbations du fait de la guerre.

Cette dernière a largement influé sur le cours de la vente à telle enseigne que les recettes réalisées aujourd’hui sont sans commune mesure celles d’autrefois. Pour contourner la difficulté, les vendeurs d’art ont résolu de revoir leurs prix à la baisse en présentant des œuvres à la portée de toutes les bourses.

Même à 5 dollars us, on peut, en effet, se procurer une œuvre de bonne facture. Les matières premières telles que le malachite, le métal battu, le bronze etc, se font de plus rares. Qu’à cela ne tienne. Malgré cette conjoncture difficile, les artistes du « marché ya bikeko » tentent tant bien que mal, de survivre.

Ceux qui ont la chance de voir leurs œuvres être exposées dans des salons internationaux tels que les Saio (Salons internationaux africains de Ouagadougou) se retrouvent. Ces ouvertures vers le monde sont des opportunités que capitalisent ces artistes qui n’ont pas d’ateliers connus et dont les œuvres risquent de passer inaperçues faute d’un marketing approprié.

Mireille Mukoko | Uhuru Kinshasa , 21.04.2006 | Culture

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