LE POUVOIR EXPRESSIF DES « SONA »EXPÉRIMENTÉ

Cela a été fait dans le catalogue calendaire 2006 qui vient d´être largement distribué á Luanda, la capitale angolaise.

Annoncé en début d´année, ce magnifique support, de 30 x 22 cm, imprimé en quadrichromie, est un nouvel outil de double promotion, qui fait le pont entre les fameux «  sona « , pictogrammes lunda-cokwé et l´art angolais contemporain.

Il est l´aboutissement d´une exposition-concours intitulée «  Sona. Dessins sur du sable » organisée l´année dernière, et sponsorisée par la société pétrolière norvégienne Hydro, á l´occasion de son centenaire. 

 

 

 

Ce calendrier reproduit treize œuvres sélectionnées parmi celles qui avaient été primées ou présentées lors de ce programme d´émulation artistique.

 

Une sculpture en bois fait office de page de garde. Elle est suivie par onze peintures á l´huile, avec ajouts d´applications diverses, et un dessin qui couvrent donc, mensuellement, l´année en cours.

Le thème de ce concours avait, en réalité, repris le titre de l´ouvrage de deux anthropologues norvégiens Unni Skogen et Sonja Skaug, consacré á ces idéogrammes, l´une des particularités du riche patrimoine traditionnel des peuples lunda-cokwé, aujourd´hui répartis entre l´Angola et la République Démocratique du Congo.

L´initial bois sculpté, intitulé « Tshambamba ou Dyahotwa » ( oiseau) , façonné par José Manuel Pedro, représente, dans le contexte d´une fables parmi les plus classiques, l´un des spécimens de la famille des volatiles , le Caprimulgus sp , ( Noitibo ), qui fût envoyé auprès de Nzambi ( Dieu ) afin de solliciter et recevoir des instructions sur leur rôle social, ici bas.

Le Créateur de l´univers établit donc á leur intention une répartition qui leur permet désormais d´assurer, par le chant, diverses tâches, dont notamment, l´approche du crépuscule, des pluies et celle de la saison sèche, l´apparition de la nouvelle lune, le temps de la moisson, l´imminence des pluies et des dangers.

Quatre œuvres s´inscrivent dans ce registre de la tradition orale : l´éclatante toile «  Les deux frères et le monstre » de Pedro Dala, le très arabesque tableau «  La poule et le serpent » de Victor Gaspar et l´agréable composition picturale «  Le serpent d´Olumo » de Daniel Adão.

L´on y inclura aussi, la réalisation très cuivrée «  Mukishi wa tshihango » de Feliciano Pedro, reprise d´un conte impliquant, cette fois-ci, l´un des inévitables masques costumés de la région.

 

PICTOGRAPHIE

 

Dans un autre champ du corpus oral, le proverbe, l´on retrouve, avec beaucoup d´intérêt, la grande étoile féminine des arts visuels en Angola, Ana Suzana David, la prodige «  Kiana ». Elle rappelle, bien á propos, les vertus de la prudence, dans son tableau, á double quadrilatère, «  La valeur de l´intelligence ».

 

Le troisième axe thématique mis en lumière ce calendrier est celui des traditions sociales.

C´est ainsi que Capitão da Silva reprend, dans un tableau diptyque, superbement diapré, l´inaccessible «  Mwana pwo » ( la fameuse vierge) et l´accueillante jeune fille « Mpovo » .

A cette célibataire qui aime danser, Sózinho Lopes lui a prodigué un bon conseil, dans un support en jute, très chic, la plus belle de la collection, «  Maulenguela ». Le délicat plasticien  y a apposé une corde en labyrinthe ornée de perles de couleur violâtre. Pour  l´artiste, elle devra recevoir cette corde ou mieux cette ceinture de danse de son futur époux.

 La dot qui les accompagnera est traduite dans une élégante création á courbes géométriques brodée, de Manuel Mateus João.

Quant aux familles qu´elles formeront, elles sont symbolisées, dans une vision très stylisée par Vuvu Kua Nzambi..

Le mois de décembre 2006 a été réservé, en véritable épilogue, au magnifique tableau de Hildebrando de Melo intitulé, tout simplement, « Sona ».

 

Résultat d´un programme de recherche anthropologique et de promotion artistique cohérent et original, cet admirable album est l´exemple typique qui établit des passerelles entre la pictographie ancienne bantu et les arts contemporains. En effet, le verbe « sona » est bien attesté dans le proto-bantu, le très révélateur système de concordances des langues de l´Afrique centrale, orientale et australe.

Il est incontestable que les peuples bantu ont donc perpétué depuis plus de 3000 ans, diverses expressions scripturales. La preuve de cette remarquable continuité historique est confirmée dans les langues actuelles.

L´on note donc, entre des centaines d´exemples, en dehors de la zone lundacokwé, en kikongo « sona », en kimbundu « soneka » et en mongo « – koma « .

 

Bien intégrés dans la peinture contemporaine en Angola, les « sona » caractérisent toute une tendance qu´a sublimé l´immense Viteix et qu´apure, aujourd´hui, sa grande disciple, en pleine maturité, Marcela Costa.

Ce courant á succès est remarquable par une attachante abstraction géométrique qui met en relief, par des couleurs en aplats, le pouvoir esthétique des lignes et figures.

Bien plus qu´un outil de communication d´entreprise, ce catalogue s´inscrit , opportunément bien, au cœur de l´indispensable établissement des passerelles entre le patrimoine traditionnel et la créativité artistique contemporaine, seule condition pouvant garantir la réconfortante diversité des cultures du monde.

 

Simão SOUINDOULA

 

Spécialiste de l´art bantu contemporain

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