14.05.06 JUSQUÀ QUAND LE CENTRE SUPPORTERA-T-IL IMPASSIBLEMENT LÉQUATION « PALUDISME = PÉRIPHÉRIE = INSOLVABLE = INCURABLE » ? (CNCD)
A l'instar du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA, le 25 avril de chaque année attire lattention du monde sur la lutte contre le paludisme. A ces dates, il nous est rappelé, outre l'ampleur sans précédent des catastrophes sanitaires et des évolutions peu réjouissantes, quil existe des traitements, des vaccins ou des médicaments. Se souvient-on aujourdhui de lannonce en août 2004 quune équipe internationale de chercheurs découvrait une nouvelle molécule contre le paludisme ? Une goutte dans locéan, semble-t-il, puisque le paludisme reste une plaie béante au niveau du monde et l'une des principales causes de morbidité et de mortalité dans les pays en développement.
Selon l'OMS, on dénombre, chaque année, entre 300 et 500 millions de cas de paludisme. Cette maladie cause la mort de 1,5 à 2,7 millions de personnes par an. Environ 40 % de la population mondiale (soit deux milliards d'individus) vivant dans quelques 90 pays dAmérique latine, dAfrique sub-saharienne et dAsie est vulnérable. De plus, 90% des décès dus au paludisme ont lieu en Afrique. Si à ces chiffres on ajoute ceux des victimes du VIH/SIDA (3 millions en 2005) ou de la tuberculose (plus d'un million pour la même année), un rapide tour dhorizon des trois pandémies situe l'Afrique au cœur du mal. La santé y est donc un enjeu prioritaire de développement, et la lutte contre l'un des défis à tous égards fondamental pour lévolution et le développement du continent.
Lenjeu de la santé cristallise des tendances apparues au cours des dix ou quinze dernières années et accélérées à lère de la globalisation : écarts croissants de développement entre centre et périphérie, interdépendance globale des échanges et des acteurs, accélération des progrès technologiques qui bénéficient à une minorité localisée dans les centres et qui a pour corollaire l'abandon pur et simple des zones périphériques de la planète. Ainsi la logique de rentabilité à court terme du marché menace la recherche et le développement pour les médicaments essentiels et met en péril la santé publique mondiale. La fulgurance de ces maladies ravageuses nous rappelle au quotidien que la communauté internationale est toujours incapable de répondre à l'urgence de manière à ce que la santé soit enfin un droit universel… pour toute lhumanité.
Alors que la communauté internationale ne cesse de proclamer comme prioritaire la lutte contre les trois pandémies et que le G8 de Gleeneagles de juillet dernier a affirmé dans sa déclaration finale vouloir donner un accès universel aux traitements pour 2010, les différentes initiatives multilatérales lancées depuis quelques années, connaissent des échecs retentissants. A la réunion de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre les trois épidémies en septembre dernier, alors quil sagissait dapporter
7,1 $milliards au Fonds pour 2006-2007 (à savoir : 4,3 milliards pour le sida et 2,8 milliards pour la tuberculose et le paludisme… soit des montants qui couvrent moins 15% des besoins totaux), les pays du centre nont promis que 3,7 $milliards, juste de quoi payer les programmes en cours et éviter la faillite. L'initiative 3×5 de l'OMS (visant à mettre 5 millions de malades sous traitement) fait état d'un déficit de
2 $milliards… promis mais jamais débloqués. Ces initiatives souffrent donc de l'insuffisance chronique et de la volatilité des ressources. Il est donc urgent d'accroître et de pérenniser les contributions réelles des bailleurs. Une telle situation est par ailleurs structurellement aggravée par l'absence de volonté réelle des pays du centre pour définir un système multilatéral favorisant la production des médicaments génériques bon marché.
Il reste donc un besoin urgent de chercher, de découvrir, de développer et dassurer un accès équitable pour tous aux médicaments. Face à cette situation générale, la recherche de moyens additionnels et stables de financement doit aujourdhui être au centre des préoccupations de la communauté internationale. Les pays du centre d‘abord. La Belgique aussi doit passer des paroles aux actes et traduire ses engagements internationaux dans des initiatives nationales susceptibles d'apporter des moyens financiers additionnels et durables. Or en Belgique, à linitiative du parlement, il existe des initiatives intéressantes et de première importance :
– une loi établissant une taxation sur la spéculation financière a été adoptée en 2004, mais son entrée en vigueur est conditionnée à son application dans tous les autres Etats membres de la zone euro. On ne peut en ce sens que déplorer la tiédeur de la Belgique dans ses actions diplomatiques pour défendre cette originalité au sein des enceintes européennes et internationales ;
– des propositions de loi en termes dannulation de la dette bilatérale des pays les moins avancés sont en cours de discussion, malgré les freins et sabotages des Ministres de la Coopération et des Finances et de leur groupe parlementaire ;
– une proposition de loi quant à une contribution de solidarité sur base dun prélèvement obligatoire sur les billets davion est déposée à la Chambre, puisque le gouvernement belge faute des mêmes Ministres na pas encore adopté de position et est resté en rade sur le sujet, alors que 12 pays forment déjà une avant-garde mondiale ;
– une résolution parlementaire est en cours de finalisation sur les paradis fiscaux.
Ce sont là des initiatives essentielles : elles vont toutes dans le sens de « lhumanisation de la globalisation », pour paraphraser laccord de gouvernement, et de la recherche de moyens alternatifs de financement du développement. Mais il est inacceptable que certains Ministres libéraux opèrent un blocage systématique de telles initiatives. Leur tiédeur na dégal que le lustre de leur discours, dûmes-nous dire leur grand écart et leurs doubles-discours en fonction des moments et des lieux. Quand donc passerons-nous à laction pour mettre fin à linsupportable équation « pandémies = périphérie = insolvable
= incurable » ?