Initiation Nande et chrétienne: Continuité ou discontinuité, par Emery-Justin KAKULE MUVAWA (partie 1)

0.1. Argument : la dynamique de l’initiation

 

Dans sa communication au second colloque du CERUKI- Centre de Recherches Universitaires du Kivu- sur ‘le mythe et les rites de Lyangombe’, le professeur Mulago exposait sans atermoiements toute la dynamique de l’initiation africaine et ses analogies avec les rites de l’initiation chrétienne(sans en négliger les différences) en ces termes : « Qu’il s’agisse de l’initiation clanique ou de l'initiation spirite chez les Africains, les idées maîtresses sont celles de la mort symbolique, de la re-naissance ou résurrection, de l’accession à un autre mode d’existence soulignée par l’imposition d’un nom nouveau et de l’entrée ou incorporation dans la communauté des adultes(initiation clanique) ou des membres d’une société religieuse(initiation spirite) »[1].

 

Dans le langage courant, le mot initiation signifie généralement l’entrée dans un nouvel ordre de connaissance, d’expérience ou d’existence. Ainsi est-on initié à la philosophie, à la lecture, à la médecine, à la théologie, etc. Ce mot vient du vocabulaire sacral latin où il désigne la cérémonie par laquelle on entre (initium-ineo) et on est admis à de cultes à mystères.

 

On serait tenté de donner au terme ‘initiation’ la signification de l’éducation, de socialisation ou d’acculturation, par le fait que ces mots ont en commun l’idée d’un processus par lequel quelqu’un est introduit dans la manière de penser et d’agir d’un groupe social. Cela est vrai mais demeure, semble-t-il, partiel. 

 

Dans la société traditionnelle africaine, lorsqu’un individu arrive à la maturité biologique, il est pris en charge par les adultes afin qu’il puisse atteindre aussi une certaine maturité de comportement, la maturité sociale. Celle-ci s’acquiert par l’initiation qui « pourrait être comprise comme un processus rituel et célébratif au cours duquel une communauté donnée fait passer à une vie nouvelle, les candidats qu’elle accueille dans ses rangs »[2]. Cette vie nouvelle est possible car l’initiation poursuit « la modification radicale du statut religieux et social du sujet à initier ». En effet, pour Mircea Eliade, l’initiation équivaut à une ‘mutation ontologique du régime existentiel’[3].

 

Quand une nouvelle génération monte, la société veut maîtriser les risques de l’irruption d’une nouvelle culture, celle des non-initiés, qui, du point de vue des anciens, est une régression dans le progrès de la société. L’initiation permet l’emprise des aînés sur les cadets et oriente la personnalité de l’initié de telle manière que celui-ci ne puisse plus concevoir la vie en dehors du cadre de la coutume. Il y a là une volonté affichée d’assurer une production conforme des comportements, des relations homme-femme, etc.

 

L’initiation introduit le néophyte dans la communauté des adultes à condition qu’il accepte la rupture avec le monde de l’enfance en se détachant de sa mère et passe par une série d’épreuves pour entrer dans le monde du groupe initiateur : ses comportements, ses systèmes de valeurs, les noms des dieux et l’histoire des ancêtres[4]. 

 

L’initiation, peut-on dire, restructure les rapports entre les générations; les liens sociaux se resserrent et deviennent plus intenses. C’est le moment où la société prend en main son futur en assurant la continuité et la succession des générations par de nouveaux membres. 

 

Tout cela se réalise grâce à un passage symbolique et rituel par la mort et la résurrection de l’initié. Celui-ci, devenu autre, sera accueilli dans la société comme un héros qui a vaincu la mort, et, en même temps, comme un nouveau-né qui devra apprendre à vivre comme un adulte[5].

 

 

0.2. Les raisons d’un choix

 

 

Cette dynamique initiatique des sociétés traditionnelles, bien que succinctement brossée, ne s’écarte pas assez de l’initiation chrétienne. C'est pourquoi, dans le cadre du cours de ‘Baptême et Confirmation’, qui, avec l’Eucharistie, sont appelés sacrements de l’initiation chrétienne, nous avons voulu nous questionner sur le rapport de continuité et/ou de discontinuité de ces deux types d’initiation.

 

 

En outre, disons-le tout de suite, pour éviter une vision uniformisante de l’initiation traditionnelle, nous avons choisi le cadre africain pour le confronter au scénario chrétien. Mais l’Afrique est aussi plurielle. C’est ainsi que la culture nande[6] nous fournira le type d’initiation pour notre recherche afin de comprendre la formation, l’éducation et l’instruction auxquelles le jeune africain, et nande en particulier, était soumis. C’est ce jeune que nous trouvons protagoniste de la vie de tous les événements de la société chrétienne. Et pour mieux connaître et interpréter son agir, il paraît utile de connaître son genre de formation. Pourquoi cette restriction ? Il semble que parler de l’initiation tout court, c’est utiliser une notion abstraite. Le risque est grand, celui d’isoler certains éléments alors que ‘‘le rituel initiatique apparaît, aux yeux de l’observateur, comme un fait social total’’[7]. 

 

Par ailleurs, dans la culture nande, nous nous limiterons à l’initiation des garçons, olusumba ou la circoncision. Ceci ne veut nullement dire que les filles ne passaient pas par l’initiation. Il est attesté que les filles nande passaient une initiation propre à elle, ‘Erihinga’. Celle-ci avait pour objectif d’apprendre à la jeune fille nande à devenir adulte, mère de famille; comment entretenir son mari et ses enfants, gérer le foyer, et comment se comporter comme épouse et mère, etc. Bref, il s’agissait de préparer la fille à ses responsabilités dans le mariage et lui faire comprendre le rôle de la femme dans la société. La culture nande considère la femme comme symbole de la vie. De ce chef, elle doit non seulement donner, mais aussi protéger la vie. Dans cette optique, l’initiation à l’âge adulte est comme ‘l’art de réussir sa vie et la sagesse de réussir toutes les vies’[8]. 

 

Dans le cadre de notre recherche, nous ne parlerons plus de cette initiation des filles. En effet, l’étude du lusumba voudrait nous permettre de bien comprendre si, après la rencontre de la culture nande avec le christianisme, il y a lieu, en dépit des différences possibles (rupture), de tenter une piste d’inculturation de l’initiation chrétienne. Et, rappelons-le, l’initiation des filles ne permet point un tel cadre. Mais il est vrai que, dans le processus d’inculturation, la culture nande peut apporter une contribution. En effet, il est prouvé que le génie, de quelque peuple qu’il soit, est un apport important à la réalisation de la personne humaine, chrétienne. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la suggestion de Fabien Eboussi Boulaga qui veut qu’en Afrique, soit instituée une véritable initiation chrétienne où la doctrine se fait rite, jeu liturgique, expérience communautaire, transmission d’une discipline et d’un style de vie[9]. 

 

Ces rudiments une fois posés, force nous est d’analyser l’initiation nande du lusumba et l’initiation chrétienne avant d’envisager la perspective d’une inculturation de l’initiation chrétienne en milieu nande.

 

 

1. L’initiation nande du lusumba : description phénoménologique

 

 

Le rite d’inculturation lusumba (circoncision) est observé sur toute l’aire nande et dans la quasi-totalité de l’Afrique subsaharienne, et même en dehors de l’Afrique[10]. En matière d’initiation, tout jeune nande devait subir la circoncision. Exception était faite du fils du chef destiné à la couronne- celle-ci nécessitait un rite particulier d’initiation pour le préparer à l’intronisation-, et les fils de certains sages dotés des pouvoirs surnaturels qu’ils transmettaient aux enfants pendant un rite approprié. C’est l’initiation de ces deniers que le professeur Mulago analyse et appelle chez les Bashi et les Banyarwanda, ‘initiation spirite’[11]. 

 

Les conditions pour accéder à cette formation sont bien indiquées par les anciens. Il fallait être un garçon et posséder une maturité physique, spirituelle et morale, capable de supporter le voyage initiatique, qui durait au moins six mois. C’est ainsi que le plus jeune qui s’y rendait devait avoir au moins douze ans. Selon la tradition, l’initiation lusumba se déroulait en trois grades étapes : la séparation, la réclusion et la réintégration. Celles-ci étaient précédées par une préparation qui n’est as sans intérêt. 

 

1.1. La préparation

 

 

La coutume nande veut que l’initiation se fasse loin, dans la brousse ou dans la foret de sorte qu’elle reste une réalité mystérieuse aux yeux des non-initiés. La période de l’initiation est, de préférence, celle de l’abondance des récoltes, afin que les candidats à l'initiation et leur maître ne manquent pas de prévisions alimentaires dans le bosquet initiatique. Le moment venu, le kapipi[12] frappe un gong (mukumo) pendant près de deux jours. Il rappelle aux hommes, à coup de tambour, de faire initier leurs enfants. 

 

Pendant ce temps, les pères et les aînés(déjà initiés) des candidats à l’initiation viennent de partout pour construire, au plus vite, les huttes pour l’hébergement de futurs initiés. Elles sont très modestes et reflètent déjà l’esprit d’initiation. Celle-ci, en effet devait se faire dans les conditions les plus modestes pour permettre aux candidats de faire montre d’un esprit créateur pour améliorer eux-mêmes l’ambiance et les conditions du temps d’initiation. Les cases sont construites non loin d’une source d’eau, rivière ou grand ruisseau et un peu loin du village, c'est-à-dire dans la forêt ou dans une grande brousse pour éviter tout contact avec ceux qui sont restés au village[13]. 

 

1.2. La séparation: rassemblement et départ pour la brousse 

 

Au jour prévu pour le début de l’initiation, les jeunes garçons regorgent de plusieurs villages voisins pour se rassembler dans le village situé sur le chemin de la brousse choisie. Chaque candidat est accompagné de son père, de sa mère et du ‘samba’. Le samba est l’homme que la famille a choisi comme parrain de leur enfant. Il doit être nécessairement un ancien, un homme tellement expérimenté qu’il est un assistant du maître d’initiation. Après que tous se seront mis d’accord, on choisit seulement quelques samba, selon le nombre des candidats à l’initiation, qui accompagneront les enfants au bosquet initiatique. 

 

Rassemblées au même village, les familles organisent une grande fête à la quelle tout le village participe. Le lendemain matin, se forme un grand cortège vers la brousse : le maître de l’initiation (le kipite) à la tête, suivi des candidats et leurs parents et parrains. La procession se fait au rythme des chants de joie et au son de tambour(mukumo). 

 

Avant d’atteindre le village de l’initiation, appelé ‘mbuko’ ou littéralement endroit de circoncision, tout le monde s’arrête. Les femmes rentrent au villages toutes tristes, après avoir saluer leurs fils. En effet, elles ignorent si leurs fils reviendront de l’initiation surtout qu’elles ne savent rien de ce qui s’y passe. En outre, si un enfant y meurt, il n’est pas pleuré et sa famille ne sera jamais averti, car, pense-t-on, le non-initié est encore un non-né[14].

 

La séparation a comme but premier de sortir le jeune de son milieu où il n’avait aucun statut défini, une sortie de l'anonymat dans lequel il se mouvait pour prendre conscience de la recherche de son identité. C’est une étape de prise de conscience avant même d’apprendre les secrets de la société à laquelle on veut appartenir pleinement. Il s’agit, peut-on dire, d’un saut physique, mental, psychologique et même spirituel. La séparation est comme une mort aux siens pour re-naître de l’expérience de l’initiation. Pour les parents(surtout pour les mères), les enfants qui leurs sont enlevés sont morts symboliquement, et ils ne le reverront que quand ils seront devenus hommes nouveaux, c'est-à-dire initiés, autres que ce qu’ils étaient avant l’expérience du bosquet initiatique.

 

1.3. La réclusion

 

Pour une bonne initiation, les anciens ont voulu que les candidats soient soustraits de leur environnement ordinaire. C'est pourquoi, ils sont reclus dans un endroit jugé capable d’offrir au rite les possibilités de son accomplissement. Cette mise à l’écart manifestait déjà une distance vis-à-vis des anciennes habitudes (d’enfant), qu’il faut abandonner au profit des nouvelles qui correspondent à leur état de vie.

 

Pendant que les mères se séparaient de leurs fils, le maître de l’initiation (le kipite) s’est éclipsé dans le camp pour apprêter ce qu’il faut au départ. Les samba, les candidats et leurs pères se dirigent vers le ‘mbuko’ où l’on aura construit une cabane initiatique. En face de cette hutte, ils disposent sur le ‘mulo’, l’arbre de l’initiation. Le kapipi et le kipite les y rejoignent. Un bélier et un coq blanc sont sacrifiés au Dieu Katonda, pour implorer sa protection et sa bienveillance sur les candidats à l’initiation et sur tout le temps initiatique[15].

 

Après ce sacrifice, les candidats sont aspergés du sang de bélier en signe de protection, de purification et de consécration à Dieu Nyamuhanga. Le maître de l’initiation (le kipite) montre alors les masques et les statuettes du mukumo, sans explication aucune. C’est ce qu’on appelle « Erivan’olusumba », montrer le mystère. Cette cérémonie se passe dans un silence sacré et inviolable.

 

L’initiateur pose ensuite une série de questions auxquelles les néophytes doivent répondre avec exactitude. Ce questionnaire concerne surtout les nom et attributs de Dieu. Les néophytes citent tous les attributs de Dieu, même son nom, Nyamuhanga. Alors le maître qui, par ce procédé, a vérifié si les parents donnent une connaissance religieuse à leur enfants, informe les enfants que le nom de Dieu ne se prononce pas, peu importe celui qui le demande. On nomme Dieu, chez les Nande par ses attributs. C’est un grand délit quand un homme, c'est-à-dire un initié, prononce le nom de Dieu (Nyamuhanga) : tout le village doit déménager vers un autre endroit car Dieu a été offensé à l’endroit même[16]. Cela est tenu pour dit. On y reviendra plus qu’à la fin de l’initiation.

 

Après le questionnement commencent alors les épreuves de réclusion initiatique : celles qui symbolisent la mutation de l'être et celles de la vie harmonieuse au sein de la communauté nande. 1.3.1. Les épreuves de la mutation de l’être

 

Il s’agit principalement de la circoncision qui symbolisent le changement de statut et l’épreuve ‘kapupa’, qui signifie chez le Nande, le changement de la vie. 

 

1.3.1.1. La circoncision

 

 

Epreuve la plus difficile, la circoncision constitue le tournant décisif dans la vie du néophyte. A celui qui veut devenir un homme, il est demandé maîtrise, patience et courage pour affronter un avenir nuageux. Le candidat ne doit pas chercher à hâter ni anticiper l’événement, mais l’accepter, l’assumer et vivre positivement le temps douloureux de l’épreuve. 

 

En général, il y a un kapipi. Mais si les garçons sont nombreux, on admet qu’il y en ait deux. Les candidats se présentent l’un après l’autre, ou même deux à deux, devant les kapipi, venant d’une station préalablement désignée. Les plus jeunes, puisque l’âge n’est pas toujours le même, se sentent mal à l’aise et ont envie de pleurer plutôt que de rire. Certains tremblent et il n’est pas rare que quelqu’un tente de s’enfuir. C’est ici que les samba, parrains ont un rôle à jouer : réconforter les jeunes et les convaincre que le kapipi ne cherche que leur bien, les rend homme au sens viril du mot. D’ailleurs, peut-on entendre, il n’use que de l'ongle de son petit doigt et un coup, c’est fini[17]. 

 

A dire vrai, la réalité n’est pas si simple. Elle est susceptible d’arracher de cris de désespoir et des larmes à qui la supporterait mal. C’est pour encourager les jeunes que les samba assistent le kapipi pendant l’opération. Afin de dissimuler les éventuels cris ou gémissements, cette épreuve se passait non loin d’une chute d’eau. Et pendant ce temps, le gong retentit et on entend les autres chanter : « Tuez l’enfant qui est en vous !». De la sorte, le bruit fracassant de la chute d’eau emporte l’esprit de gémissement et d’enfance ; et le cri angoissé de l’opéré ne sèmera aucune panique chez ses compagnons qui entendent encore leur tour[18]. Un jeune vaillant se conduit lui-même au lieu d’opération et n’a pas besoin d’être tenu comme les autres. Et dès que l’opération est fini, il se précipite chez ses compagnons et leur crie : « Ce n’est rien. Je suis resté debout et personne ne m’a tenu »[19]. 

 

Il faut noter que pendant son travail, le kapipi est surveillé par un ancien du village, une lance à la main afin de le rappeler à l’ordre si, par mégarde, il faisait mal son travail. Tout compte fait, le kapipi est un homme expérimenté et l’histoire n’a recensé que quelques cas où un kapipi non expérimenté a failli à son service. Toutes les précautions sont prises auparavant. Du médicament est prévu non seulement pour soigner les éventuelles infections, mais aussi pour pallier aux mauvaises opérations. Et il y a toujours un spécialiste dans le groupe des samba.

 

Après avoir opéré tous les jeunes, le kapipi rentre chez lui. Les Pères promulguent les derniers conseils à leurs fils et le encouragent à tout supporter car, sans l’initiation, le garçon ne sera jamais admis à la véranda, ne pourra se marier et aucune responsabilité ne lui sera confié dans la société. Il sera toujours avec les femmes, ce qui ne lui procure que mépris et honte pour la famille. C’est alors qu’ils rentrent tous au village en prenant soin de ne pas parler de ce qui se pas dans la forêt de l’initiation, ni même à leurs femmes qui peuvent leur demander des nouvelles de leurs fils. 

 

Les samba restent en brousse pour suivre l’évolution de jeunes circoncis, avatende. Il convient de noter que le kapipi et les pères des enfants, bien qu’ils soient à la maison, continuent à veiller sur les jeunes circoncis. De ce fait, ils sont astreints à une discipline telle qu’ils peuvent transgresser certains interdits. Ils doivent s’abstenir, par exemple, de relations conjugales pendant tout le temps de l’initiation.

 

Somme toute, pour le Nande, l’être incirconcis constitue la confusion en l’homme. L’incirconcis ne sait distinguer ni les racines des feuilles, ni sa mère de sa grand-mère. Il est en quelque sorte un imparfait qui réunit en lui la féminité et la masculinité. L’ablation du prépuce le libère de cette confusion, l’identifie réellement aux hommes et le rend même acceptable par les femmes comme un véritable homme. Avant cela, il était comme un homme efféminé car il ne se promenait qu’avec les femmes (Ekitamby’avakali). 

 

Notons que les marques laissés sur le corps, pendant l’initiation, ont un sens identique en Afrique. Cela est d’autant plus vrai que, après avoir analyser plusieurs types d’initiations africaines, Van Gennep ne peut se lasser de dire : « Couper le prépuce équivaut exactement à faire sauter une dent(…), à couper la dernière phalange du petit doigt(…), à pratiquer les tatouages ou scarification : on sort l’individu mutilé de l’humanité comme par un rite de séparation(…) qui, automatiquement l’agrège à un groupe déterminé, et de la manière que, l’opération laissant des traces indélébiles, l’agrégation soit définitive »[20]. 

 

Si l’ablation du prépuce est le signe de l'entrée officielle dans la communauté humaine, le sang versé est tout autant porteur d’effets bénéfiques pour l’initié. Non seulement il est signe de consécration à Dieu, mais aussi ‘le signe de promotion hiérarchique et d’identification fraternelle’[21]. 

 

Les nouveaux circoncis suivent alors un règlement strict pendant six mois, jusqu’à leur guérison complète. La restauration leur est assurée du village, par une femme(Nyavatende, la mère de ceux qu’on vient de circoncire). Elle vient chaque matin, déposer la nourriture à un endroit convenu avec les samba. Un des samba vient la récupérer à mi-chemin, car les femmes n’ont pas accès au village initiatique. Pendant cette période pénible, les jeunes circoncis sont soumis à diverses épreuves, celles du changement de vie. 

 

1.3.1.2. L’épreuve kapupa et le changement de vie 

 

Après la cicatrisation de la plaie, le maître de l’initiation (le kipite) fait passer les néophytes par une sorte de baptême appelé ‘Kapupa’. Les samba forgerons apportent des braises de la forge pour cette épreuve. Ils construisent un grand autel(butara) sur lequel il allume un feu, dit de Dieu. Après toute l’opération, une poule et une chèvre sont sacrifié au Dieu Katonda.

 

Au même moment, les vieux habits de nouveaux circoncis sont brûlés. Les jeunes gens passent, l’un après l’autre, nus sous le brasier, alors que le maître de l’initiation (le kipite) ou un autre samba bouge l’autel et laisse tomber quelques étincelles de feu sur les néophytes. En passant, chaque garçon chante : « Namasoka okw’ikala Liwe », c'est-à-dire ‘Le feu de Dieu me purifie’. A la fin de cette séquence d feu de Dieu, ils mettent de nouveaux habits, Emilumba. Le mulumba est un tissu obtenu de l’écorce d’un faux figuier, Mukimba. Il est d’une élégance telle que les anciens l’utilisent aussi pour le couronnement de chef. Pour les néophytes, les habits sont trempés dans du kaolin en signe de protection contre les mauvais esprits et de nouveauté de leur vie.

Ce rite signifie que l’initié est désormais purifié comme une houe à la forge. S’agit-il là d’un péché originel dont le Nande serait purifié dans ce rite ? Sans pour autant le nommer tel, il convient de penser qu’il s’agit là d’un mystère que les Nande connaissaient déjà. Cependant, ils ne savaient pas l’expliquer en attendant que le Christ vienne révéler l’homme à lui-même dans sa misère. 

 

Tout compte fait, à l’issue de cette épreuve, l’initié reçoit un nom nouveau pour ratifier son entrée officielle dans la communauté clanique, bien que déjà signifiée par le rejet du prépuce et la cicatrice de la blessure. Le port du nouveau nom, symbole du changement de vie, est le signe du renforcement de vie chez l’initié. Il identifie en même temps son appartenance à la tribu[22]. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le proverbe nande selon lequel « le nom, c’est la personne » (Erina y’omundu). En fait, dans une société d’hommes et de femmes, seul l’initié a un nom, seul il est un homme. L’incirconcis, dans le cadre de notre recherche, est classé parmi les sous-hommes et ne peut point se marier, car lui-même est considéré comme une femme. Or la tradition Nande n’admet nullement que deux personnes de même sexe se marient. Aucune femme ne voudrait être son épouse. Pour éviter l’opprobre dans la société, les jeunes désiraient ardemment l’initiation.

 

L’initiation, précisons-le, ne s’arrête pas là. Il y a bien d’autres épreuves afin que les jeunes hommes deviennent à la hauteur de ce qui les attend dans la société. 

 

1.3.2. Les autres épreuves

 

1.3.2.1. Les épreuves de solidarité et d’hospitalité 

 

L’épreuve de solidarité s’appelle le ‘lusava’. Au cours de cette épreuve, les jeunes circoncis ramassent un tas de brindilles l’une après l’autre à la file indienne. Le premier place une brindille entre les lèvres et la passe à son voisin sans la toucher du doigt. Cette brindille de l'amitié passe de bouche à bouche jusqu’au dernier et l’exercice se poursuit jusqu’à épuiser le tas[23].

 

Avec cette épreuve, l’on veut initier les jeunes à la solidarité clanique qui se meut sous le signe du rendez-vous du donner et du recevoir. C’est en somme une nouvelle manière d’être au monde qui est enseigné aux jeunes. En un mot, c’est un « savoir et recevoir pour livrer(…), ouvrir ses mains en un seul geste pour recevoir grâce à une autre main qui donne et ainsi de suite : cet échange des mains qui s’ouvrent pour recevoir, c’est le symbole de la tradition initiatique »[24].

 

Cette épreuve est essentielle car on ne peut habiter les collines sans cette solidarité, condition de possibilité de l'ordre et de la paix. Pour vivre heureux, les hommes doivent se tenir la main dans la main et se communiquer de bonnes choses. Le don de soi dans une vie de solidarité et de réciprocité, tel est l’esprit que voudrait communiquer l’initiateur aux jeunes gens pour contribuer la construction du village. De la sorte, selon le professeur Waswandi, celui qui refuse la solidarité humaine est appelé sorcier chez les Nande[25]. Mais cela ne suffit pas, il faut de l’hospitalité.

 

L’épreuve d’hospitalité, les Nande l’appelle ‘mulyanyenze’. L’esprit d’hospitalité est inculqué aux jeunes essentiellement dans l’enseignement de la danse mulyanyenze, littéralement mangeur des cancrelats. Nul n’ignore qu’en Afrique[26], la danse est une communion totale à l’événementiel, expression de joie, de la peine, etc.

 

Pendant cette épreuve, on apprend aux jeunes à célébrer les moments de joie et de tristesse en esprit de communion vitale avec les autres. Comme on l’aura constaté, le Nande ne doit pas vivre replié sur lui-même dans son être-au-monde et dans son être-avec. Il doit vivre dans l’ouverture maximale de partage du bonheur et de malheur. En effet, une vie pleinement humaine oscille entre ces deux pôles.

 

1.3.2.2. Les épreuves de la vie pratique

 

Trois épreuves se succèdent ici pour que le jeune Nande s’engage dans la vie pratique. Il y a tout d’abord l’épreuve du tir-à-l’arc (ngungutsya). Les jeunes circoncis lancent une flèche sur une effervescence du bananier suspendue entre deux arbres. Les initiés tirent un à un d’abord, puis à la fois, pendant qu’un samba caché sous un arbre tire une corde et fait bouger l’effervescence pour mesurer l’adresse et la dextérité de compétiteurs. 

 

L’initié apprend que la vie ne consiste pas à agir sans objectif, mais à se fixer une finaliTé bien précise pour ne pas être à la merci des faits et des événements. Une mis en garde est faite à ceux qui ratent leur tir, car ils risquent de constituer une classe dangereuse pour la société : celle des paresseux qui vivent aux dépens de la communauté et détruisent ainsi la société[27]. 

 

Cette épreuve se poursuit avec l’apprentissage des mythes, légendes et devinettes. Dans cette société de l’oralité, la sagesse se communique dans la parémiologie. En plus des us et coutumes à connaître, il est demandé à l’initié de maîtriser les noms des feuilles qui l’entourent, surtout celles qui ont un pouvoir curatif, même si chaque être animé a une force vitale. 

 

La deuxième épreuve se déroule en deux phases. Un samba feint d’introduire un fer rouge (musughusughu) dans la verge du jeune homme. C’est là une façon de vérifier le degré de courage, sa capacité de résistance et de discrétion en cas de menace. Si quelqu'un s’avoue incapable de garder le secret, on frôle sa pudeur avec le fer rouge. Après cet épisode, le maître de l’initiation (le kipite) prodigue des conseils aux initiés pour qu’ils soient discrets dans la vie. La parole, peut-il dire, est aussi brûlante que le feu. Elle n’est pas un morceau de bois avec lequel on peut s’amuser. En devenant homme, l’initié doit renoncer à se faire bavard comme un oiseau. De ce fait, tout ce qui se passe au bosquet initiatique ne peut pas être raconté aux non-initiés, moins encore à une femme, fut-elle sa mère ou son épouse. C’est alors que le maître de l’initiation (le kipite) dévoile du mystère(Erivan’olusumba). 

 

Dans cette seconde phase, il s’agit d’exposer et d’interpréter aux initiés, les figurines et masques de l’initiation lusumba. Le symbolisme de celle-ci constitue le compendium éthique et religieux véhiculé en milieu nande. Les initiés conservent très jalousement ce condensé comme un secret et un trésor inaliénable : n’oubliez jamais le secret initiatique(Ekumbo yo Lusumba) [28], leur dit-on toujours. 

 

Donnons-en quelques exemples. Il y a la figure du simple caméléon. On sait que ce reptile prend toutes les couleurs selon son environnement. Un homme initié ne doit pas vivre comme un caméléon. Il doit lutter contre tout papillonnage et instabilité. Il y a aussi la figurine d’un caméléon à double tête, synonyme de la duplicité (akalumira haviri). La duplicité sucre l’avenir de l’homme et de la communauté tout entière car elle détruit les relations amicales dans le village. Un homme qui dit oui alors qu’il pense non vit dans la gadoue, la bassesse. La queue du caméléon est symbole des relations amicales avec les femmes. Dans ce genre de relation, rappelle l’initiateur aux jeunes hommes, il faut être circonspect pour ne pas être esclave des sentiments (kirisya vakali, littéralement celui qui donne à manger aux femmes avec prodigalité, c'est-à-dire un coureur des jupons).

 

 

 

Le bosquet initiatique nande a environ quatre-vingt quatre figurines que le maître doit présenter et interpréter pour les jeunes qui sont initiés à la vie responsable. On leur enseigne le respect du chef de la communauté, des aînés, des anciens, des femmes comme protectrices de la vie ; le sens de la responsabilité de l'homme dans le foyer et dans la société, le sens du secret, le sens d’appartenance à la famille comme le respect des coutumes de la tribu ; l’interdiction de voir le lit de ses parents et la nudité de sa sœur ; la patience, le courage, l’esprit d’écoute ; le travail assidu, l’honnêteté, le respect de biens d’autrui, le souci de la vérité, le respect de la parole donnée ; l’horreur du meurtre, du mensonge, de l’adultère, de la sorcellerie ; le mépris de l’oisiveté, de la paresse ; le sens de l’honneur et de la dignité, et tant d’autres enseignements[29].

 

En fin de compte, cette épreuve musughusughu est une pièce maîtresse de l’initiation. C’est pendant cette période que les valeurs de la sociétés et ses coutumes sont enseignées aux néophytes, de même que leur rôle dans la société comme futurs ‘patres familias’ et responsables. Cette épreuve est aussi le moyen mnémotechnique pour assimiler toute la formation initiatique.

 

La dernière épreuve est celle de l’esprit de force. Les initiés la subissent avant les cérémonies de clôture. Le langage initiatique nande l’appelle ‘Kikoko’, c'est-à-dire poule mouillée. L’épreuve consiste à cogner un peu fortement les genoux des initiés de façon à leur faire un peu mal. Par ce procédé, on entend libérer les jeunes initiés de l'esprit de peur et de timidité qui caractérise la poule mouillée. L’initié ne doit pas imiter cette poule devant les difficultés lorsqu’il s’agit de défendre l’honneur de la famille, de la communauté ou du clan. Le rite veut enseigner à l’initié qu’il n’y a rien de plus odieux pour un homme (digne, c'est-à-dire initié) de cacher littéralement sa barbe quand survient un danger, un malheur. Il est de son devoir de laisser entrevoir, et susciter une lueur d’espérance ou d’espoir, là où les femmes et les enfants lisent le signe du désespoir.

 

Ce rite culturel, peut-on dire, non seulement présente un bénéfice pour la santé physique, mais surtout il produit un effet important au niveau psychologique. Il renforce l’identification au groupe et permet au jeune homme d’intérioriser les valeurs positives de sa société. Maintenant il sait que le salut de la cité dépend aussi de lui.  

 

1.3.3. Eryubalo ou les cérémonies de clôture  

 

Les cérémonies de clôture se font en deux principaux moments. Deux jours avant de retourner au village, les initiés passent le rite« Ndanda » ou provision. Tout le monde se rend à la rivière. Un samba descend dans l’eau et cache un anneau entre ses orteils. Il prétend que l’anneau vient de se perdre dans l’eau. Le maître de l’initiation (le kipite) demande aux jeunes de le retrouver. Entre temps, le samba reste dans l’eau, comme pour marquer le périmètre de la recherche, mais il ne doit pas se baisser dans l’eau pour ramasser l’anneau, entendu que les plus jeunes le feront. Tous les jeunes initiés cherchent en vain l’anneau. Finalement, le maître ou le samba plonge une fois sa main dans la rivière et relève l’anneau. Tous se baignent et rentrent au village.  

 

Ce rite veut apprendre aux jeunes que, dans la vie, il faut toujours demander conseil aux plus avisés ou expérimentés. La seule provision ndanda qu’on donne aux initiés est un conseil : quand bien même ils peuvent voler de leurs propres ailes, les jeunes initiés doivent continuer à se mettre à l’école des anciens, initiés avant eux. En fait, pour le nande, « Omukulu syavula eka, avandu sivikala nga mahembe w’embene », c'est-à-dire il y a toujours un ancien au village et les hommes ne vivent pas comme les cornes d’une chèvre.

 

Le soir, les jeunes passent un examen final et sont marqués des signes de l’irréversibilité de l’initiation. Au tour du feu dans la cabane initiatique, les samba interrogent les garçons sur tous les rites qu’ils ont passés. Chaque fausse réponse est suivie d’une brimade. On peut intimider un jeune en lui disant qu’il va, seul, refaire l’initiation ou qu’il attendra la saison suivante. En réalité, cela n’est qu’une façon de lui dire de prêter toujours attention à tout ce qui se passe. En effet, nul ne peut passer deux fois l’initiation[30]. C’est ainsi que beaucoup d’autres recommandations sont données aux jeunes hommes.  

 

Pendant ce temps, un samba guérisseur s’est mis à reproduire sur le corps des initiés des desseins des figurines du Lusumba. Il leur met sur l’épaule des tatouages, que le langage initiatique nande appelle ‘Nyonyu’, et qui sont le symbole de la liberté. Ensuite, sur l’avis du kapipi qui a rejoint le groupe au bosquet initiatique, le kipite (maître de l’initiation) organise la danse de l’épervier, Endara. Ce sont là, les signes que l’initiation est terminée. Les jeunes initiés, Vasumba, peuvent dès maintenant être introduits dans la communauté.  

 

1.4. Le retour au village : la réintégration.  

 

Il faut tout de suite dire que tout le village guette impatiemment le retour des hommes nouveaux. C'est pourquoi dès qu’il est possible, chacun veut leur souhaiter un bon retour et leur manifester sa joie, celle de tout le village qui a ‘gagné de nouveaux hommes responsables, capables pour le mariage et aussi pour protéger la tribu, le village en temps de guerre’[31]. Mais avant d’en arriver là, il y a encore des cérémonies d’usage.

 

1.4.1. L’adieu au bosquet initiatique  

 

La veille de la sortie, le maître de l’initiation, s’il ne veut pas envoyer un samba, va lui-même annoncer retour des Vasumba (initiés) au village. Les femmes préparent le repas festif et toute la communauté vibre au rythme du tamtam.  

 

Le matin avant la sortie, au bosquet initiatique, les huttes de l’initiation ainsi que les habits des Vasumba sont tous brûlés pendant qu’ils sont couchés à l’écart, la face contre terre et couverts de feuilles mortes de bananier, evirere. Ils garderont cette position jusqu’à ce que se dissipe la fumée du feu qui a consumé huttes et vieux habits. Dès qu’ils se relèvent, ils se font couper cheveux et ongles, se lavent, s’enduisent de parfum (ovukwa) et d’huile de ricin, et mettent les jupes de raphia. C’est avec cette tenue que les nouveaux initiés rentrent au village[32]. Avant de quitter le bosquet initiatique, ils adressent une prière de remerciement à Katonda, Dieu des initiés. Alors ils ouvrent la procession de retour par des chants de fêtes.  

 

1.4.2. L’accueil au village  

 

Arrivés au village, les jeunes initiés sont conduits dans la case commune, Ekyanghanda (la véranda), et ne peuvent être vus des femmes et des enfants. Le retour au village est une grande fête qui ne s’arrête que tard dans la nuit. Cette fête se déroule en deux moments, de façon qu’on peut dire qu’il y a deux fêtes.  

 

Il y a d’abord celle de la réception des jeunes dans la communauté des adultes. Pendant ce temps, le autres cases sont fermées, et les femmes et leurs enfants ne peuvent pas sortir. Durant tout ce temps qu’ils festoient, les anciens testent les connaissances sur le secret initiatique. Ils leur lancent des charades ; les jeunes y répondent sans tergiverser. A la fin de ce test, le tamtam retentit pour annoncer l’admission et l’incorporation définitive des Vasumba dans la classe des hommes libres et adultes.  

 

Les cases peuvent alors s’ouvrir pour laisser aux femmes l’occasion de recevoir leurs fils. Elles procèdent d’abord à leur identification. Celles qui reconnaissent leurs enfants enfilent quelques bracelets en fibre de palmier sur une baguette placée exprès devant la maison du chef. Celles qui se trompent se font aider par les samba et leur donnent quelque chose en guise de récompense.  

 

Un grand banquet s’organise ensuite chez les parents des nouveaux initiés. Tout le village est en liesse. Plusieurs danses sont exécutées à l’honneur des Nouveaux- Fils dans la communauté. Et chaque fois que l’un des Nouveaux Hommes rend visite à la famille de son co-initié(Yamara), les réjouissances festives se renouvellent. C’est alors que devient effective, l’intégration totale des jeunes dans la communauté et dans toute la tribu.  

 

Après cette analyse de l’initiation yira, on peut se demander pourquoi toute cette démarche hallucinante, qui paraît un peu trop anthropologique. Nous pensons simplement qu’une école initiatique bien pensée par nos ancêtres peut nous faire bénéficier de ses effets dans l’Eglise. Dominique Zahan est-il digne de foi quand il affirme : « L’initiation africaine se veut être une sorte de sacrement qui, après une mise à mort symbolique du novice, est susceptible de lui octroyer la résurrection et une nouvelle vie. Cet aspect du passage à la connaissance est de nature plus saillante que le premier, et s’affirme avec une évidence encore plus grande(…). On admet habituellement que la mort et la résurrection du néophyte correspondent à l’idée de renouvellement de l’être qui, grâce à ce traumatisme symbolique, dépouille le vieil homme qu’il était pour se muer en un nouvel homme correspondant à son état spirituel d’initié »[33]

 

En ce sens, l’institution initiatique lusumba peut offrir sa pédagogie à l’initiation chrétienne pour faire de nos chrétiens des vrais Africains et de vrais croyants. Plus concrètement, en milieu nande, bien que la circoncision se passe maintenant à l’hôpital lorsque l’enfant vient de naître, la sagesse qui accompagnait les pratiques traditionnelles reste vivante chez le peuple. Il y a une sorte de permanence, malgré les mutations de la société, de pratiques traditionnelles[34]. Les anciens savent bien que cette sagesse doit se transmettre aux générations futures. Ces survivances de l’initiation traditionnelle ne nous font pas douter de son utilité dans le cadre de notre recherche. Avant de voir dans quelle mesure cette initiation nous est utile dans le milieu chrétien, il convient de jeter un regard sur l’initiation chrétienne.

 

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