Initiation nande et initiation chrétienne, par Emery-Justin KAKULE MUVAWA (2)
2. Initiation chrétienne
Lon sest familiarisé à une notion dinitiation définie comme une préparation progressives aux mystères, et un passage par étapes (séparation, réclusion, agrégation) dun statut inférieur à un autre supérieur. Cette notion semble étrange aux Pères de lEglise ancienne. Pour eux, linitiation est plutôt un moment sacramentel et célébratif de la nuit pascale, où les catéchumènes deviennent fidèles[35].
Dans le septénaire sacramentaire, lEglise reconnaît le baptême, la confirmation et leucharistie comme sacrements de linitiation. Par eux sont posés les fondements de toute vie chrétienne. En effet, « nés à une vie nouvelle par le Baptême, les fidèles sont fortifiés par le sacrement de Confirmation et reçoivent dans lEucharistie le pain de la vie éternelle. Ainsi, par ces sacrements de linitiation chrétienne, ils reçoivent toujours davantage les richesses de la vie divine et savancent vers la perfection de la charité »(CEC,1212).
Les auteurs spirituels, dit Hamman, ont aimé découvrir dans les étapes de l'initiation chrétienne le rythme de la vie théologale ou les trois étapes de la vie spirituelle: purification, illumination, union. Le Baptême est le sacrement de la foi et de la naissance à la vie de Dieu ; la confirmation correspond à lespérance et à la progression, sous l'action de l'Esprit, qui développe et affermit chez les baptisés les énergies de 'la grâce germinale du Baptême'; l'Eucharistie est le sacrement de l'amour, avant-goût de la perfection, où le mystère de l'Eglise et de chacun de ses membres s'achève dans la possession plénière de Dieu. Elle approfondit la grâce baptismale et la mène à son achèvement. C'est pourquoi, dit Hamman, le nouveau rituel du baptême pour adultes prévoit que les trois sacrements soient donnés dans leur ordre traditionnel au cours dune même célébration[36]. Ces trois sacrements de linitiation, peut-on lire dans les Préliminaires généraux à linitiation chrétienne, « senchaînent pour conduire à leur parfaite stature les fidèles qui exercent, pour leur part, dans lEglise et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien(LG, 31) »[37].
Dès le temps des Apôtres, devenir chrétien se réalisait par un cheminement et une initiation à plusieurs étapes. Bien que cette initiation ait beaucoup varié selon les communautés apostoliques, elle comporte toujours les éléments essentiels : lannonce de la parole, laccueil de l Evangile entraînant une conversion, la profession de la foi, le Baptême, leffusion de lEsprit Saint, laccès à la communion eucharistique (CEC, 1229).
Le concile Vatican II (AG, 14) et lOrdo Initiationis Christianae Adultorum (1972) font entrer dans la notion dinitiation le catéchuménat en innovant, comme le dit Pierre-Marie Gy, par rapport à la tradition ancienne de lEglise[38]. Celle-ci rejoint, dans sa notion dinitiation , du point de vue structurel et dynamique, celle connue par les anthropologues et les historiens des religions.
Lhistoire a montré que les adultes comme les enfants reçoivent le baptême. Dans le cadre de notre recherche, nous nous limiterons au rituel pour adultes. Le grand déploiement qua connu linitiation chrétienne au cours de premiers siècles de l'Eglise a présenté une longue période de catéchuménat et une suite de rites préparatoires qui jalonnaient liturgiquement le chemin de la préparation catéchuménale et qui aboutissaient à la célébration des sacrements de linitiation chrétienne. Ce sont ces moments que nous voulons analyser dabord, pour tenter ensuite de mettre en dialogue linitiation chrétienne et linitiation traditionnelle nande pour mieux en saisir les éléments analogues et ce qui fait loriginalité de chacune.
2.1. Le pré-catéchuménat
Cest le temps de la première évangélisation. Il sagit de premières rencontre avec les ‘sympathisants ou candidats en recherche et un groupe de chrétiens qui les accueillent dans un climat damitié, découte et de partage. Celui qui, un jour, demande le baptême arrive à cette décision après une longue recherche. Il rencontre une communauté convoquée par
La foi naît en effet de lécoute. Le récit de grandes œuvres accomplies par Dieu dans lhistoire, Ancien et Nouveau Testament, permet à la personne de comprendre les œuvres sacramentelles que Dieu lui-même accomplit aujourdhui en Jésus par lEsprit, dans lhistoire de lEglise. Lévangélisation commence, accompagne et suit chaque étape de litinéraire initiatique chrétien. Selon Arnold Van Gennep, le pré-catéchuménat avec léveil à la foi est comme une séparation. Le candidat se détache dune certaine vision de la réalité, de certaines habitudes inconciliables avec la nouvelle foi qui germe en son cœur, pour entrer dans la vie chrétienne.
Lorsque la première annonce de
2.2. Le catéchuménat
Selon le code de droit canonique, un adulte qui, ‘après avoir achevé le temps de précatéchuménat (Can.788, §1), demande le baptême, sera admis au catéchuménat dans la mesure du possible conduit par les divers degrés à linitiation sacramentelle (Can.851 §1).
Le catéchuménat est la période de lapprofondissement de la foi et du risque qui décidera du futur car « entrer en catéchuménat, cest entrer dans une aventure »[39]. Dans le cheminement initiatique chrétien, cette phase est la plus importante en tant que ‘passage entre ce quon nest plus vers ce quon nest pas encore[40]. Le catéchumène nest plus un incroyant, ni un simple sympathisant. Il est fidèle mais pas encore chrétien[41]. Lon ne devient chrétien que dès le baptême.
Cette période en marge est le temps de la lutte entre les vieilles tendances, les doutes, les tentations dun retour en arrière. Il passera par la mort et la résurrection du baptême. Il deviendra en Jésus Christ, auquel le baptême lincorpore, une créature nouvelle, un membre à part entière dans lEglise, corps du Christ.
Le catéchuménat est linstitution initiatique par laquelle lEglise se donne de nouveaux membres (AG, 14). Ce temps est consacré à la catéchèse, à lapprofondissement de lhistoire du salut, à la conversion et au changement de mœurs. Graduellement saccomplit le passage du vieil homme à lhomme nouveau. Cela demande du temps.
La formation des catéchumènes a pour but de permettre à ces derniers, en réponse à linitiative divine et en union avec une communauté ecclésiale, de mener leur conversion et leur foi à la maturité. Selon le Concile Vatican II, il ne sagit pas simplement dun exposé des dogmes et préceptes, mais « dune formation à la vie chrétienne intégrale et un apprentissage par lesquels les disciples sont unis au Christ leur Maître. Les catéchumènes doivent donc être initiés comme il faut au mystère du salut et à la pratique des mœurs évangéliques, et introduits, par des rites sacrés à célébrer à des époques successives (SC, 64-65), dans la vie de la foi, de la liturgie et de la charité du peuple de Dieu » (AG, 14).
Il faut noter que toute la communauté ecclésiale est concernée par ce travail. Elle est en fait engagée dans les différents rôles ministériels accomplis par le garant, le parrain ou la marraine, le catéchiste, le prêtre ou lévêque. Le catéchumène est dans lEglise et participe aux célébrations de la parole. Cependant, il nest pas encore admis à la vie sacramentelle.
La durée du catéchuménat, relativement longue, peut dépendre dun certain nombre de facteurs : du nombre des catéchistes, diacres ou prêtres, de la collaboration de chaque catéchumène, de la possibilité facile ou non de joindre le siège du catéchuménat, de laide apportée par la communauté. Cest compte tenu de tout cela que la tâche de déterminer la durée est dévolue à lévêque[42]. Comme le cheminement de la foi des catéchumènes varie selon linitiative de lesprit et la libre réponse de lhomme, le rituel prévoit que ce temps peut durer plusieurs années[43].
2.3. Les rites et symboles dans les sacrements de linitiation et la mystagogie
Il faut noter que ces sacrements sont conférés de façon privilégiée pendant la célébration de
Plusieurs rites interviennent pendant la préparation aux sacrements de linitiation. Lentrée au catéchuménat est célébrée avec un rite daccueil, qui est suivi dune liturgie de la parole de Dieu. Laccueil culmine dans la signation des catéchumènes, qui sont marqués du signe de croix pour signifier que le Seigneur prend possession deux. Souvent, on signifie lentrée en catéchuménat en remettant aux catéchumènes une croix ou le livre des Evangiles.
Pendant le catéchuménat, il faut signaler le rite de lexorcisme. Il sagit dune ‘prière dexorcisme, demandant à Dieu darracher les catéchumènes aux forces du mal, appel à la tendresse du Seigneur pour quil les aide dans leur montée vers lui[44]. Quand les catéchumènes ont compris les implications majeures de la foi en Jésus-Christ, deux autres rites ont lieu, précédée chacune par une célébration de
Linitiation chrétienne est étroitement liée au mystère pascal célébré pendant lannée liturgique. C'est pourquoi le temps de carême constitue le temps de lultime préparation pour les candidats. Au premier dimanche de carême, a lieu le rite délection[45]. Cest lappel décisif adressé par lévêque ou un autre prêtre à ceux qui (catéchumènes), ‘en toute conscience de leur faiblesse, se sentent aptes à répondre à lappel du Seigneur et à y conformer leur vie[46]. Il convient de signaler ici que lEglise écoute aussi lavis de la communauté qui a accompagné les catéchumènes pendant la préparation. Cest cette communauté qui doit témoigner du sérieux de leur engagement. Cest parmi ses membres que, normalement, on doit chercher les parrains et les marraines des futurs baptisés[47].
Il nest pas superflu de nous arrêter un peu sur la personne du parrain. Ce dernier peut être différent du garant que le catéchumène, encore simple sympathisant, a choisi pour le présenter à la communauté en témoignant de ses intentions et donc laccompagner jusquau catéchuménat[48]. Le parrain est choisi par le catéchumène et délégué par la communauté ; et il doit être agréé par le prêtre responsable. Il intervient officiellement lors du rite de lélection, de la célébration des sacrements de linitiation , et pendant toute la période mystagogique. Par son exemple et ses conseils, il montre à son filleul comment vivre et pratiquer lévangile dans sa vie personnelle et sociale. Par son amitié et sa présence fraternelle, il aidera le néophyte dans ses difficultés, ses doutes, afin quil puisse être fidèle à ses engagements[49]. Toujours est-il nécessaire de signaler que le parrain doit avoir reçu les sacrements de linitiation et vivre en cohérence avec sa foi et avoir laptitude et lintention dassurer ce ministère daccompagnement (Can. 874 § 1).
Les autres dimanches du carême sont consacrés aux scrutins et aux traditions. Chacun des scrutins se développe autour de lEvangile de ces dimanches, qui tiennent une place de choix dans la catéchèse pré-baptismale. Par–delà la samaritaine, au troisième dimanche, cest aux futurs baptisés que Jésus-Christ offre le don de Dieu et promet leau vive. La guérison de laveugle-né dans la piscine de Siloé, au quatrième dimanche, rappelle que le baptême est une illumination. Quant à la résurrection de Lazare, au cinquième dimanche, elle révèle dans le baptême un passage de la mort à la vie offert par Jésus-Christ à quiconque croit en lui. Chaque scrutin est, selon le rituel présenté par Pierre Jounel, suivi de lexorcisme qui a pour but dobtenir aux futurs baptisés dêtre victorieux de lesprit du mal et de souvrir à lemprise de lEsprit Saint[50].
A lapproche de Pâques, de préférence le samedi saint, une journée de recueillement et de pénitence est marquée par des rites hérités de la tradition de lEglise. En effet, quand on a remis le Symbole aux catéchumènes, le samedi saint est consacré à la ‘redditio symboli(proclamation solennelle du credo) et au rite de ‘leffattà(exprimant la nécessité de la grâce pour pouvoir entendre la parle de Dieu et la professer, ce qui rappelle aussi que lhomme répond aux appels de Dieu en souvrant à lui et à son être[51]). Le plus souvent, il y a aussi lonction avec lhuile des catéchumènes pour signifier que la force du Christ agira dans leur faiblesse pour lutter contre le mal[52]. Même si on peut adapter le calendrier de ces célébrations à différentes situations, la nuit pascale devra toujours être le temps privilégié pour la célébration des sacrements de linitiation. Les dimanches, de Pâques jusquà
Sans pour autant entrer dans les détails, parcourons rapidement la mystagogie de la célébration des sacrements de linitiation, et recensons les différents symboles de cette célébration très riche(CEC, n°1235-1244, 1297-1301) . Chronologiquement, il y a la signe de croix, empreinte du Christ qui nous as sauvés par la croix ; lannonce de la parole de Dieu qui suscite la réponse de la foi ; un ou plusieurs exorcismes sur le candidat(on loint ou on lui impose les mains) qui renonce explicitement à Satan pour confesser la foi de lEglise. Leau baptismale consacrée par une prière dépiclèse, le rite essentiel du sacrement de baptême manifeste les catéchumènes ‘naissent de leau et de lesprit(Jn 3,5) : la triple immersion dans leau baptismale(le plus souvent on verse trois fois leau sur la tête) ‘signifie et réalise la mort au péché et lentrée dans vie trinitaire à travers la configuration au mystère pascal.
Lonction du saint chrême fait devenir chrétien le baptisé : oint de lEsprit Saint, incorporé au Christ oint prêtre, prophète et roi. Dans la liturgie orientale, rappelle le Catéchisme de lEglise catholique, lonction postbaptismale Eglise est le sacrement de la confirmation, alors quen Occident elle annonce une autre qui confirmera et achèvera lonction baptismale(CEC,n°1242). Avec le vêtement blanc, on revêt le Christ(Ga3, 27) : on est ressuscité avec lui.
Le cierge pascal renvoie au Christ lumière qui illumine le néophyte et en qui il doit être lumière du monde(Mt 5, 14 ; Ph 2, 15)[54]. Dès lors, devenu enfant de Dieu, le néophyte peut prier le Pater noster ; il est aussi ‘admis au festin des noces de lAgneau : cest la communion eucharistique, troisième sacrement de linitiation. La bénédiction solennelle conclut la célébration du baptême.
Si le sacrement de confirmation est célébrer un autre jour, on remarquera la prière dimposition des mains prononcée par lévêque sur les confirmands pour leur transmettre la plénitude des sept dons de lEsprit qui les configurent au Christ, lOint de Dieu[55]. Le geste dimposition des mains signifie justement cette prise de possession de ces dons. Le rite essentiel de la confirmation est lonction du saint chrême sur le front du confirmand. Se faisant en signe de croix, il signifie que ‘‘les combattants portent linsigne de leur chef(la croix), à lendroit plus visible(le front) car cest leur identité[56]. « Le baiser de paix qui achève le rite signifie et manifeste la communion ecclésiale avec lévêque et avec tous les fidèles »(CEC, 1301).
Il est important, note François Luyeye, d'expliquer clairement et sans ambiguïté le sens de ces symboles aux fidèles lors des célébrations et de souligner que ces éléments ne deviennent des signes efficaces de la grâce divine que par la parole et la prière de l'Eglise. Noublions pas que le nouveau chrétien porte un nom nouveau. Ce nom est généralement celui dun saint et lui rappelle une vie vécue dans le Christ.
3. La culture nande et le christianisme : confrontations de deux parcours initiatiques
Avant de conclure sa communication à la première semaine philosophique de Kisangani, le Père René De Haes disait : « L'inculturation représente un second modèle important de la théologie contextuelle. Le terme est nouveau et récent, bien que la foi chrétienne n'ait jamais existée autrement que traduire dans une culture (sic). Ce fait est un trait essentiel du christianisme (…). On a fini par admettre que la pluralité des cultures implique une pluralité de théologies, ce qui signifie pour les Eglises du Tiers-Monde un adieu à une démarche eurocentrique. La foi chrétienne doit être repensée, reformulée et vécue sous une forme nouvelle dans chaque culture humaine, ce doit être d'une façon vitale, en profondeur, en allant jusqu'aux racines de la culture (…). L'inculturation ne signifie pas que la culture doive être détruite pour qu'on reconstruise quelque chose de nouveau sur ses ruines; mais cela ne signifie pas non plus qu'une culture particulière doive être simplement approuvée sous sa forme actuelle(…). L'inculturation reste un processus expérimental et permanent non seulement parce que les cultures ne sont pas statiques, mais encore parce que l'Eglise peut être amenée à découvrir des mystères de la foi précédemment ignorés »[57].
En cette perspective, évitant ce que le père René De Haes appelle 'réponses traditionnelles de l'exclusivisme, de l'accomplissement et du relativisme'[58], nous pouvons tenter de rapprocher l'initiation chrétienne et l'initiation traditionnelle nande dans ce qu'elles ont de particulièrement positif car, comme le dit Monseigneur Laurent Monsengo, archevêque de Kisangani, ‘pas tout peut être inculturé[59].
3.1. Aspects majeurs de deux initiations
De prime abord, il convient de reconnaître que, dans linitiation chrétienne et linitiation traditionnelle nande, cinq aspects sont significatifs. Ladmission à linitiation, le temps initiatique, le lieu de linitiation, la communauté initiatique et la pédagogie de linitiation, dans lune ou lautre initiation, synchronisent en telle enseigne que lon pourrait, non sans raison, estimer que le peuple nande na pas eu beaucoup de difficulté à adhérer à la foi chrétienne[60].
Nous avons vu que nimporte qui ne peut y être admis à linitiation traditionnelle yira du lusumba. Elle est réservée aux garçons (les filles ont la leur à part) que leurs parents auront jugés mûrs et capables de supporter les épreuves. Même si lâge peut varier (souplesse), en tout cas, le candidat doit être ‘idoine, ni déséquilibré, ni malade, ni malfamé, ni voleur incorrigible, ni querelleur, ni immoral[61]. De même, le candidat ne doit pas être marié. En effet, un des buts de l'initiation est de préparer le jeune aux relations justes avec lautre sexe, de le faire passer ainsi à une sexualité socialisée et de lui reconnaître le droit de se marier et de procréer. En outre, le candidat doit être, en général, un membre issu de la communauté initiatrice. Normalement létranger nest pas admis[62].
Par contre, pour linitiation chrétienne, « tout être humain non encore baptisé, et lui seul, est capable de recevoir le baptême » (Can. 864) ; « Tout baptisé non encore confirmé peut et doit recevoir le sacrement de
Si la marge de liberté personnelle est assez restreinte dans linitiation yira, le jeune ne prenant pas linitiative lui-même, la pratique chrétienne a affaire avec des gens qui, « ayant écouté lannonce du Christ, et par grâce de l'Esprit Saint qui ouvre leur cœur, consciemment et librement cherchent le Dieu vivant et commencent leur cheminement de foi et de conversion »[63]. LEglise demande au candidat dexprimer son adhésion personnelle explicite et pleinement libre : ‘explicita voluntate (Can. 206 §1) : « LEglise interdit sévèrement de forcer qui que ce soit à embrasser la foi, ou de ly amener ou attirer par des pratiques indiscrètes » (AG, 13 ; DH, 2, 4,10). Le jeune nande pouvait être forcé à aller à linitiation dune façon ou dune autre.
Tout compte fait, dans la communauté nande, les parents et la communauté décident sans appel de ladmission. Du côté chrétien, une demande dadmission sera évaluée par les responsables de la communauté et, si les conditions nécessaires sont remplies (maturité, conversion, sens de la pénitence et de l'Eglise), le candidat sera admis. Ici les deux initiations convergent, mais dun point de vue uniquement.
Chez les Nande, pour ce qui est du facteur temps dans linitiation, le début des initiations est assez varié et différents éléments entrent en jeux[64] : saison sèche, lunaison etc. Mais cest surtout la saison après les récoltes (abondantes) qui est la plus traditionnelle. Quant à la durée, elle ne dépasse pas généralement 6 mois. La fréquence comme la durée des initiations est soumise à des facteurs démographiques : nombre des candidats, qui conditionne celui des samba initiateurs. La date est souvent choisie par le haute autorité de la communauté, le chef, ou par un conseil de notables.
Dans le christianisme, le rituel est assez souple pour la dimension temporelle. Pour les cas particuliers et urgents, il est possible de raccourcir, ou même dabolir lélément temporel, par exemple en cas de danger de mort[65]. Mais ce sont-là des cas limites, il faudrait respecter le temps prévu pour linitiation : un temps nécessaire pour prendre la décision personnelle de suivre le Christ (pré-catéchuménat), un long temps dapprentissage, dapprofondissement et de maturation de la foi (catéchuménat). Ce temps peut dépendre de plusieurs circonstances, comme nous lavons vu, mais, cest à lévêque que revient la tâche de déterminer le temps du catéchuménat[66].
Mais comme la référence temporelle de linitiation chrétienne est fondamentalement christologique, et non liée à des facteurs sociaux et cosmo-biologiques comme le rythme temporel de linitiation yira, il faut signaler les temps forts de carême et de pâques qui imposent un certain rythme à la démarche initiatique chrétienne. Et cela différencie les deux initiations du point de vue temporel.
Pour le lieu de linitiation, le lusumba nande se déroule toujours quelque part, hors du village, en pleine forêt ou en brousse, près dun cours deau. Seuls les initiés et les candidats y accèdent. Et lisolement est presque total. Lendroit peut être stable et servir pour plusieurs séances dinitiations, ou bien être choisi à chaque fois. Mais toujours est-il que le samba et le kipite choisissent un emplacement qui, après linitiation, sera complètement détruit par le feu.
Pour linitiation chrétienne, il nest pas tellement question dun lieu matériel, mais plutôt dun espace humain où se nouent des relations nouvelles entre les catéchumènes et la communauté qui chemine avec eux. Le rituel voudrait tout de même que ces endroits soient convenables et tiennent compte des exigences pastorales et des ‘nécessités particulières quon trouve dans les régions de mission[67]. En tout état de cause, les catéchumènes quittent leur milieu, se séparent des leurs non sans sacrifice ni douleur. Ils vivront, au lieu de linitiation, un style de vie en commun différent de celui qui leur est habituel. De ce point de vue, on nest pas très loin de lesprit initiatique traditionnel nande.
Quant à la communauté initiatrice, tous y participent : toute la tribu ou toute la communauté ecclésiale est concerné et ne joue pas un rôle anonyme. Ce sont toujours les initiés expérimentés, samba, kipite, catéchistes, prêtres, qui conduisent linitiation. Cela va sans dire chez les nande. Pour linitiation chrétienne, la communauté ecclésiale tient une place de choix dans litinéraire catéchuménale. Cest tout le peuple de Dieu, c'est-à-dire lEglise, qui transmet et nourrit la foi reçue des Apôtres. Cest elle qui doit préparer au baptême et former les chrétiens. Le concile Vatican II a affirme explicitement lengagement de toute communauté en ces termes : « (…) Cette initiation chrétienne au cours du catéchuménat doit être loeuvre non pas des seuls catéchistes ou des seuls prêtres, mais de toute la communauté des fidèles » (AG, 14).
Les deux initiations accordent un rôle particulier à certaines personnes : samba, kipite dune part, catéchistes, parrains, dautre part. Mais, au-delà de tout cela, cest le chef ou lévêque, cest selon, qui est le premier responsable de linitiation.
Sagissant de la pédagogie de linitiation, disons tout simplement que, dans lune ou lautre modèle, il ne sagit pas de suivre des cours systématiques comme à lécole. En effet, comme le notait si bien André Aubry, « lécole a des élèves qui apprennent un savoir, linitiation a des disciples qui découvrent une vie »[68]. Cela se passe de tout commentaire pour linitiation nande. Il faut remarquer que les épreuves de linitiation traditionnelle, douloureuses parfois, sont absentes dans linitiation chrétienne. Les rites de cette dernière, bien que similaires à ceux de celle-là, qui privilégie la formation et non linformation.
La foi nest pas le fruit dun enseignement, mais un don de Dieu accueilli et cherché de façon libre et consciente. Lenseignement catéchétique dispensé au catéchumène est une initiation à la vie dans lEsprit ; et les notions doctrinales, morales ou sacramentelles sont en fonction de cette expérience vitale. Il sagit darriver à une co-naissance intime du mystère du Christ. On est proche de la notion de stage que de cours.
Il importe de noter que linitiation chrétienne na pas de secret quil faut cacher aux non initiés, comme dans linitiation yira où il prélude à la maîtrise de la parole et permet aux initiés de renforcer pouvoir et prestige sur ceux qui ne le savent pas. Les thèmes, les vérités chrétiennes et les rites sont publics. Le renvoi des catéchumènes après la liturgie de la parole, pendant la célébration eucharistique na de raison que parce quils ne peuvent pas participer à la communion sacramentelle, ils sont encore en route[69].
Ce que le catéchumène a découvert et vécu lors de son initiation, ne doit pas rester caché. Il est tenu à le proclamer et de le témoigner autour de lui. Là encore, nous sommes dans une perspective bien différente de deux initiations de notre étude. Cependant, on trouve beaucoup de concordances. Tentons den approfondir quelques-unes.
3.2. Correspondances dans les deux initiations
Dentrée en jeu, lon peut mentionner la circoncision comme un antécédent israélite que le baptême chrétien accomplit. Cela va sans dire. Si Paul, dans sa lettre aux Colossiens (Col 2,8-15) peut argumenter à laide de la circoncision au sujet du baptême, on peut penser une chose. Il se peut quil retrouve dans le baptême, un des effets de la circoncision : lintégration au peuple de Dieu qui, sous la nouvelle alliance, se fait par le baptême (et non plus par la circoncision comme dans lancienne alliance).
Il sagit là de quelque chose tout à fait parallèle au passage du sabbat au dimanche. Si, après des hésitations parfois dramatiques, lEglise na pas exigé la circoncision à ses membres mâles, cela ne vaut-il pas dire que ce que conférait la circoncision est donné et plus vraiment encore par le baptême ? De là, une recherche approfondie aboutit à des analogies, peut-être troublantes, selon lexpression de Sanon[70]. En tout état de cause, il est net de comparer les valeurs de linitiation baptismale à celle de linitiation nande, surtout quand il sagit du temps initiatique, du mystère de la mort et de la vie, et de lintégration post-initiatique dans la communauté des adultes.
3.2.1. Le temps initiatique : Erivanalo
Le temps initiatique est une période sacrée. De profane quil était avec les activités quotidiennes, il devient sacré avec linitiation traditionnelle. En effet, comme nous lavons vu plus haut, ce temps est encadré par les prières sacrificielles pour implorer (au début) lassistance de la divinité et pour la remercier (à la fin) de sa bienveillance. Les prières au début, note Erny, sont une supplication de la faveur et de la présence active du monde céleste pour quil y ait moins daccident pendant les multiples épreuves de linitiation. Celle est, en effet, ‘une longue période de stage consacré à une éducation intensive, physique, religieuse, militaire, technique, au code de la vie morale et sexuelle[71]. Quant aux prières sacrificielles de clôture, elles sont une action de grâce rendue au Dieu et aux ancêtres pour la réussite de linitiation.
Le catéchuménat est aussi un temps sacré où lon se met sous la protection de
3.2.2. La nouvelle naissance : Eributwa
La régénération dont se prévalent les deux rites de linitiation chrétienne et du lusumba yira se pose en similitude entre les deux cultures et peut favoriser une rencontre harmonieuse. Les épreuves sont conçues comme une nouvelle naissance dan linitiation yira. De même, le catéchuménat renforce la conversion qui devient une nouvelle naissance au baptême en faisant de nous des enfants de Dieu. Cette re-naissance est un mystère, une œuvre de Dieu et des ancêtres chez les Nande, et, dans le christianisme, une œuvre de
Dans linitiation chrétienne comme dans lacte chrétien de régénérer, la théologie affirme que lEglise est notre mère[72]. De même, dans linitiation nande, le temps initiatique est comparé à lobstétrique qui est la figure de la renaissance. Il dure effectivement neufs lunaisons, temps que les anciens ont estimé nécessaire pour lengendrement dun homme à la vie nouvelle. Le temps initiatique célèbre le retour mystique dans les seins maternels (regressus ad interum), la cabane initiatique où les jeunes passent une partie de leurs épreuves ne symbolise-t-elle pas le ventre maternel ? Mircea Eliade le dit explicitement en parlant de l'état de semence devant une pure virtualité : « Cette régression à létat embryonnaire, à létat fœtal, équivaut à une régression au monde précosmique avant laube du premier j our. Linitié vit, non pas comme avant sa naissance biologique dans le ventre maternel, mais plutôt dans la nuit cosmique, dans lattente de laurore, c'est-à-dire, de la nouvelle création »[73].
Dans lEvangile, lentretien de Jésus avec le pharisien Nicodème est illustratif pour une seconde naissance. Le vieux docteur de la loi se demandait comment un homme vieux comme lui pouvait rentrer dans le ventre de sa mère pour re-naître. Mais le langage du Fils de lHomme était symbolique : « Jésus lui répondit : ‘En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : ‘ Comment un homme pourrait-il naître s'il est vieux? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? Jésus lui répondit : ‘ En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s'il ne naît d'eau et d'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas si je t'ai dit : ‹ Il vous faut naître d'en haut. Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de lEsprit. Nicodème lui dit : ‘Comment cela peut-il se faire ?Jésus lui répondit : ‘Tu es maître en Israël et tu n'as pas la connaissance de ces choses ! En vérité, en vérité, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et, pourtant, vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel?(…) »(Jn 3, 3-12).
3.2.3. Le mystère de la mort et de la vie : Erihola neriluvuka
Initiation nande et initiation chrétienne ont aussi en commun le symbolisme du changement de vie qui est exprimé en termes de voyage, de traversée, de passage de la mort à la vie. Le rite nande de linitiation fonctionne dans la conception de la mort qui engendre la vie. La mort est déjà symbolisée par la réclusion(Eriyayo). La cérémonie impressionnante par laquelle les parents accompagnent leurs fils jusquau lieu de linitiation fait penser au cortège funèbre. A la fin de linitiation, les néophytes se couvrent de branchages couchés la face contre terre pour signifier la nuit cosmique. Cette mort mystique est clairement perceptible quand on brûle la cabane initiatique et les vieux vêtements que les initiés portaient pendant le stage initiatique.
Tout cette symbolique avec le port de nouveaux habits, ladoption du nouveau nom expriment le passage de la mort à la vie. Cest là un véritable baptême dont lépreuve kapupa vient préciser le sens. Linitié passe en dessous de lautel du feu de Dieu en disant : ‘Le feu de Dieu me purifie. Dominique Zahan y voit un « ‘aliquod sacramentum, une sorte de sacrement qui, après la mise à mort symbolique du novice, est susceptible de lui octroyer la résurrection à la nouvelle vie »[74]
Par le mystère du passage de la mort à la vie, linitiation yira veut signifier que seuls les hommes nouveaux peuvent bâtir un village nouveau, un monde habitable garantissant la dignité de lhomme. De même, dans le baptême chrétien, seuls les hommes nés de nouveau, régénérés en fils de Dieu, sont capables de collaborer à la construction dun monde nouveau, le royaume de Dieu qui est paix, joie et justice (Rm 14, 17). En effet, dans la communauté, le baptisé conscient de son engagement fera toujours intervenir lamour absolu qui fait mourir au péché et naître à la grâce.
3.2.4. Lintégration dans la communauté : embuluka yobulume.
La finalité commune de nos deux rites est de créer un nouvel être et lintégrer dans la communauté des responsables. Il sagit de remodeler linitié pour lintégrer dans une communauté.
Avant linitiation, lhomme nande est un être indifférencié qui conserve en lui la féminité et la virilité. Après la circoncision, il devient réellement un homme. Cest pourquoi, à la fin de linitiation on chante : ‘La corde sexuelle de lhomme et de la femme est cassée, akalandi komulume nomukali katwikire. Dès lors, linitié porte, en lui, les marques qui lidentifient comme membre de la communauté clanique. Ny a-t-il pas là une ressemblance avec le caractère baptismal qui agrège à la communauté chrétienne ?
Linitiation est lentrée juridique et solennelle de lindividu dans la communauté qui le déclare apte à figurer au registre des hommes[75]. A partir du moment où le jeune homme est initié, la communauté peut lui confier une responsabilité. Il peut jouir des privilèges des hommes adultes, car, dit-on, linitiation est la porte dentrée dans le village de la vie adulte.
Limage du baptême comme porte des sacrements et moyen daccès au bien de lEglise pourrait ici être rapprochée à linitiation traditionnelle yira. Cest ce sens que Von Allen confirme en déclarant : « En agrégeant à lEglise, le baptême donne des droits(…). Cest donc comme un accès à lEglise(…). Cest que, par le baptême, on débouche sur la salle où déjà on goûte au repas messianique. Le baptême fait de celui qui le reçoit un ayant droit au libre accès dans le lieu très saint(…), quelqu'un habilité et donc invité, comme avec les autres chrétiens, à sapprocher de ce lieu saint avec un cœur sincère, avec un foi pleine et entière, le cœur purifié des souillures dune mauvaise conscience et le cops lavé dune eau pure »[76].
Nous pourrions prolonger la liste des analogies en rapprochant, par exemple, larbre de la croix avec larbre de linitiation(mulo), lentrée en communion avec les saints dun côté et avec les ancêtres, de lautre, le baptême reçu une seule fois et le lusumba qui ne se répète pas, les hiles de part et dautres, etc. Les correspondances sont significatives. Celles que nous avons relevées peuvent suffire à étayer notre thèse. En effet, elles ont suffisamment montré, à travers lanalyse que nous avons faite, que linitiation chrétienne et linitiation traditionnelle yira du lusumba sont les deux approches complémentaires.
Dans cette perspective, pour une meilleure inculturation, nous devons partir de la situation culturelle concrète de notre société locale face au christianisme en y prenant les éléments bons et en faisant tomber tout ce qui peut porter préjudice à léclosion de la foi en Jésus-Christ et au Dieu Trine et Un. Ensuite, il faut éclairer ces éléments pris par la révélation interprétée par le Magistère. Cest ici que, selon Mokaka mwa Bomunga, tout théologien Africain doit déployer tous ses talents kérygmatiques de telle sorte que ‘la nouveauté chrétienne soit connaturelle à notre africanité[77]. Pour une initiation chrétienne inculturée, il faut sefforcer de satisfaire le besoin du peuple chrétien nande. Pareil objectif ne peut être atteint que si le peuple lui-même accepte dévangéliser son rituel initiatique traditionnel. Cela veut dire, pour Gravrand, modifier linstitution initiatique pour la rendre bonne et agréable à Dieu. En effet, dit-il, si nous voulons donner à la catéchèse la forme dune initiation proprement africaine, les convertis se sentiraient moins dépaysés pendant le catéchuménat ; une formation plus conforme à leur mentalité exprimerait en eux des convictions et des réflexes chrétiens[78].
4. Pour conclure : la plénitude du Lusumba dans linitiation chrétienne
Il serait étonnant de continuer à penser que les anciens nande se sont opposés à lentrée du christianisme puisquils ne voulaient pas évoluer de leurs rites. La seule raison valable, que nombre des missionnaires ont reconnue plus tard, est à chercher ailleurs. Pour les Nande, le nom de Dieu, Nyamuhanga, le Grand Esprit(Omulimu Mukulu), est incommunicable. Ce nom propre de Dieu, les Nande ne le prononcent quen tremblant. Jurer par ce nom est un grand délit. Ne peut prononcer ce nom que le vieux sage, pas à cause de la crainte, mais pour honneur. Plus de dix ans de labeurs apostoliques, les premiers missionnaires reconnaissaient que, pendant tout ce temps, aucun nande na prononcé le nom de ‘Nyamuhanga, à lexception dun vieux sage. Alors ils comprirent que les prédicateurs parlaient de ce Dieu à tout bout de champ et le priaient par son nom. Pour un nande initié, jamais il ne pouvait prononcer le divin nom. Il sait en effet que le nom de Dieu Nyamuhanga ne se prononce jamais sous peine de faire déménager tout le village[79].
Le décalogue peut trouver ici une pierre dattente pour apprendre au chrétien nande : « Le nom du Seigneur, tu honoreras, tu ne le prononceras pas en vain », ou encore, « Tu ne jureras pas par le nom de ton Dieu »(Dt 6, 13), car le nom du Seigneur est Saint. En parlant du second commandement, le Catéchisme de lEglise catholique enseigne que ‘lorsquil est véridique et légitime, le serment met en lumière le rapport de la parole humaine à la vérité de Dieu. Le faux serment appelle Dieu à témoigner dun mensonge(CEC, 2152). De même, les blasphèmes sont-ils une offense au saint nom de Dieu(CEC, 2147). Cest en ce sens que lEglise interdit tout usage inconvenant du nom de Dieu, de Jésus-Christ, de
En outre, les enseignements reçus par les initiés nande pendant les épreuves de la vie pratique ne sont en rien différente de celles que lEglise propose au chrétien. De ce fait, soutenir encore que le christianisme devrait abolir le scénario initiatique nande serait ressusciter la théologie de la tabula rasa. Il va sans dire que, au-delà de quelques éléments du lusumba quil faut laisser de côté(marquant ainsi la rupture ente les deux initiations), linitiation chrétienne peut être présentée comme une continuation de linitiation traditionnelle. En ce sens, les valeurs de linitiation yira sont comme de pierres dattente dont le christianisme devra tenir compte, et, par voie de conséquence, le lusumba trouve sa plénitude dans le christianisme.
Somme toute, linitiation lusumba comporte un cadre symbolique important, pierre dattente pour inculturer le chemin initiatique chrétien en milieu africain en général, et nande, en particulier. Il faut préciser ici quil sagit surtout du rituel baptismal pour Adultes[80]. Nul nignore que depuis lantiquité chrétienne, deux éléments se sont imposés : la foi et le rite de leau. Mais lEvangile de Marc présente dautres éléments explicatifs du rite : le jeûne et la pénitence qui précèdent le baptême(Mc 2, 20 ; 9, 24), la renonciation à Satan (Mc 1, 12 ; 8, 33), lexorcisme (Mc 1,21-24), limposition de la croix. Ces éléments signifient lappartenance au Christ (Mc 8,34). Il y a aussi lhabit blanc après limmersion (Mc 9,3). En fin vient lonction qui consacre le baptisé pour ‘offrir des sacrifices et proclamer les merveilles de Dieu[81].
Ces éléments devront être incorporé dans un rituel baptismal inculturé. Ce chemin de processus initiatique pourrait comporter une retraite initiatique, un catéchuménat extra-paroissial, un baptême pascal paroissial, suivi ordinairement du retour au village. Cest en ce sens que la proposition de Fabien Eboussi Boulaga paraît plus fascinante. En effet, il dit : Je suggère que la création des camps dinitiation chrétienne( …). On y prierait, danserait, on y travaillerait de ses mains, on y apprendrait des beaux textes, on y discuterait et lon sy instruirait. Un programme serait mis sur pied, échelonné suivant les classes dâge (…) avec ses rites dintégration progressive dans la chrétienté adulte »[82].
Mais il ne faut pas se tromper dun instant. Petit à petit, le continent noir, et le milieu nande en particulier, cesse dappartenir à lAfrique des villages pour contenir des centres urbains et des villes. Il convient donc que les spécialistes pensent autrement linculturation de l'initiation chrétienne en milieu nande. Pour notre part, sans prétendre à une exhaustivité, nous estimons avoir répondu, tant soit peu, à notre questionnement. Loin de penser linitiation nande du lusumba et linitiation chrétienne en rapport de rupture, discontinuité pure et simple, il faudrait considérer les deux types dinitiations dans un rapport de continuité anthropologico-chrétienne. Malgré les différences, linitiation traditionnelle yira, lusumba, trouve sa plénitude dans linitiation chrétienne, a-t-on affirmé ci-haut.
Le risque de concordisme demeure énorme et notre quête présente peut bien le friser. Mais, maintenant que le Christ a achevé la révélation naturelle, nous ne devons pas, fût-ce au nom dune phobie exagérée de la théologie des pierres dattentes, nous méprendre de valeurs religieuses qui continuent dexercer un attrait irrésistible sur les chrétiens africains et qui mènent à pratiquer un christianisme folklorique. Cest dans le souci déviter ce concordisme que nous navons pas jugé bon dopposer les valeurs du lusumba à celles du christianisme. Nous avons insisté sur le dépassement de la pratique traditionnelle yira de linitiation par le christianisme (le lusumba, en effet, trouve sa plénitude dans le christianisme). En outre, nous avons volontairement laissé sous silence les valeurs négatives de linitiation yira parce que, selon François Kabasele, ‘le mouvement liturgique africain tend à dépasser le pseudo-débat de théologie dadaptation, quand il sagit des rites[83].
5. Bibliographie
Sources scripturaires et Magistère
Ø Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 2001.
Ø Catéchisme de lEglise catholique, Paris, Mame- Plon, 1992.