22.08.06 Effet direct de la mondialisation : Les pays africains peuvent-ils survivre à la flambée du prix du pétrole ? (Le Quotidien)

Les économies africaines, à l'instar de la plupart des économies mondiales, ressentent la pression que l'augmentation du prix du pétrole exerce sur elles, du fait de leur dépendance accrue de l'énergie. Au cours des deux dernières années, le prix du pétrole est passé de 40 dollars le baril en 2004 à plus de 70 dollars en 2006. Les raisons de cette augmentation sans précédent sont incontestablement la forte demande des pays d'Asie de l'Est, notamment la Chine, qui connaît une expansion économique phénoménale, la violence en Irak et les perturbations dans d'autres pays producteurs de pétrole comme le Nigeria.

E niveau élevé des cours du pétrole s'explique en grande partie par la demande de pétrole de la part de l'Asie de l'est, spécialement de la Chine. La demande chinoise a connu une hausse de 15,4 pour cent en 2004, alors que la demande mondiale de pétrole ne s'est accrue que de 3,8 pour cent. Aucun indice ne permet d'envisager une baisse de la demande chinoise qui a augmenté de 2,5 pour cent en 2005 selon les observateurs ; lesquels la situent à 5,6 pour cent pour 2006.

En plus de cette forte demande, les ruptures observées dans les pays producteurs de pétrole, et les contraintes au niveau de la capacité de production des raffineries, ont suscité des tensions supplémentaires sur le marché du pétrole. Même si les contraintes d'approvisionnement peuvent être résolues à moyen terme, la forte demande quant à elle persistera et confortera la hausse des cours du pétrole.

Alors que l'augmentation du prix du pétrole représente une chance unique pour bon nombre de pays producteurs du pétrole, y compris les pays africains, cette hausse vertigineuse constitue un véritable défi pour les importateurs nets du pétrole sur le continent, du fait que leurs récents progrès économiques et développement peuvent être anéantis. Il en résultera de sérieuses contraintes financières pour plusieurs pays pauvres très endettés importateurs du pétrole, en particulier les pays d'Afrique de l'Est qui continuent de subir l'effet néfaste de la grave sécheresse récurrente qui, malheureusement, réduit leur capacité à produire l'hydroélectricité.

Les inquiétudes de la BAD

Selon la Banque africaine de développement (BAD), l'actuel prix se traduira par une inflation moyenne de 2,6 pourcent pour les pays africains importateurs du pétrole en 2006. Une très forte augmentation du prix exercera une énorme pression sur les finances de bon nombre de pays africains importateurs du pétrole.

L'augmentation des prix du pétrole constitue un véritable danger pour ces économies, étant donné que les entreprises incapables de faire face aux factures d'énergie astronomiques chercheront à réduire les coûts, et finiront par prendre des mesures, dont le licenciement massif de travailleurs. Dans cette situation, les gouvernements des pays concernés verront leurs recettes d'impôts grignotées.

Les licenciements dans un secteur de l'économie pourraient avoir de lourdes conséquences sur l'économie entière et de nombreux pays africains, déjà touchés par la tourmente des crises économiques, se retrouveraient dans des situations politico-économiques encore plus complexes à gérer.

Des perspectives d'emplois aléatoires et des taux d'inflation élevés affecteront le pouvoir d'achat des populations démunies, et par ricochet, aura des effets multiplicateurs sur l'économie entière. Evidemment, l'augmentation du prix du pétrole permettra aux frais de transport de grimper et dans le cas des économies agricoles, – que représentent nombre de pays africains – les coûts de transport de la récolte vers les marchés grimperont, se traduisant ainsi par une flambée des produits vivriers pour les populations démunies, qui, bien avant la flambée du prix du pétrole, avaient des difficultés à se procurer le minimum vital.

Quel peut être alors l'impact réel de la hausse des cours du pétrole pour les pays africains importateurs du pétrole tels que la RDC ?

Possible perturbation du cycle économique

La hausse du prix du pétrole se ressent directement sur les entreprises, les consommateurs et les gouvernements. Premièrement, elle provoque l'augmentation du prix des produits pétroliers au plan national, celui de plusieurs intrants intermédiaires, et entraîne finalement l'envolée des coûts de production. Par voie de conséquence, elle peut amener les entreprises à réduire leur demande de main-d'œuvre, leurs investissements et leur production. Deuxièmement, la demande de pétrole à court terme étant hautement inélastique, les consommateurs sont amenés à réduire leur consommation des biens et services pour honorer des factures d'énergie plus salées. Troisièmement, les pays importateurs de pétrole connaissent des problèmes de balance des paiements puisqu'ils doivent disposer de plus de ressources pour régler des factures plus élevées au titre du pétrole qu'ils importent. Les gouvernements eux aussi se voient contraints de faire face à des engagements budgétaires plus importants qui peuvent compromettre leur capacité à financer des programmes sociaux.

L'importance de la menace de la flambée des cours du pétrole sur les pays importateurs dépend aussi de la part que détient le pétrole dans leurs importations et leur activité économique. Dans l'ensemble, on peut s'attendre à ce que cet impact ne soit pas du tout négligeable puisque le pétrole représente 10 à 15 pour cent des importations de la moyenne des pays africains.

Face au manque de devises, les pays importateurs de pétrole ont le choix entre plusieurs options. Certains consommateurs et certaines entreprises pourraient décider de réduire leur consommation de pétrole, mais la demande de pétrole étant hautement inélastique à court terme, ils peuvent être amenés à réduire leur consommation au niveau de certains autres produits importés. Ce qui pourrait compromettre la croissance économique si les importations de biens d'équipement sont affectées. Ou alors, certains pays pourraient essayer de se procurer des devises pour combler le déficit et financer la facture énergétique. Seulement, l'obtention de ressources auprès des marchés privés, des sources bilatérales et multilatérales, devra s'inscrire dans la logique de la durabilité à moyen terme et de la saine gestion de la dette.

Dans les pays pauvres très endettés, la seule solution pour combler le déficit financier et pour ne pas faire baisser la croissance est d'obtenir des dons ou des prêts hautement concessionnels. Plus important encore, il va falloir envisager un plan de financement durable puisque tout porte à croire que les cours du pétrole se maintiendront à la hausse.

Au niveau des finances publiques, les cours élevés du pétrole risquent de peser lourd sur le budget tant au niveau des recettes qu'à celui des dépenses. Du point de vue des recettes, l'assiette fiscale s'en ressentira si la rentabilité des entreprises consommatrices de pétrole est mise à rude épreuve et si le chômage grimpe. Les dépenses pourraient s'accroître là où les gouvernements subventionnent les produits pétroliers ou les programmes axés sur une utilisation intensive des produits pétroliers. A cet égard, une question importante qui se pose est de savoir s'il devrait y avoir répercussion totale de la hausse du prix du pétrole.

Les gouvernements font l'objet d'une forte pression pour amortir les effets de la hausse du prix du pétrole. Si les cours du pétrole ne reviennent pas à la moyenne, les contrôles des prix conduiront à d'interminables hausses des prix qui seront en dernier ressort supportées par les contribuables actuels ou futurs.

Les subventions accordées aux services publics peuvent également aggraver le déficit budgétaire global du gouvernement. Dans de nombreux pays, l'électricité est produite à partir pétrole et est vendue officiellement en dessous de son coût de production. Dans ce cas, c'est le gouvernement qui supporte les charges additionnelles découlant d'une hausse de la facture du pétrole.

Si le gouvernement ne dispose pas des ressources nécessaires pour y faire face (par exemple, si ses réserves de change sont trop faibles), il pourrait être amené à recourir à des délestages sélectifs aux conséquences néfastes. En outre, le gouvernement devra lui-même supporter la facture énergétique plus élevée du fait de ses propres activités et celles des sociétés d'Etat.

En matière de politique monétaire, les banques centrales pourraient être tentées de la resserrer en réaction aux poussées inflationnistes induites par la hausse des prix du pétrole. Les chocs pétroliers passés ont entraîné de fortes hausses des taux d'intérêt qui ont fragilisé l'investissement intérieur, poussé davantage les pays dans la récession et provoqué la stagflation.

En outre, le creusement du déficit budgétaire, conjugué à l'accroissement des dépenses publiques résultant de la consommation de pétrole par les entités publiques, peut inciter les autorités à recourir à la création monétaire pour financer les dépenses supplémentaires.

L'augmentation du prix du pétrole étant analogue à un choc d'approvisionnement, une politique monétaire d'accompagnement favoriserait l'inflation. Il vaut mieux adopter une politique non inflationniste, afin d'éviter l'inflation galopante et de préserver la crédibilité monétaire.

Faustin Kuediasala

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