Le Fmi et l’Afrique : un partenariat pour l’avenir, par RODRIGO DE RATO, Directeur général du FMI

L’environnement propice offre aux Etats d’Afrique l’occasion d’avancer à grands pas vers les objectifs du Millénaire pour le développement et de faire reculer significativement la pauvreté. L’infrastructure appelle l’amélioration significative en matière d’énergie, d’approvisionnement en eau et d’assainissement ou encore de transports, pour que les gouvernements assurent à leurs populations les prestations de services les plus élémentaires, qui font encore cruellement défaut parfois. La santé et l’éducation sont des domaines tout aussi importants, auxquels il faut allouer des ressources pour une croissance durable et de qualité.

Pour y parvenir, des mesures volontaristes s’imposent, tant des autorités africaines que de leurs partenaires internationaux. A cet égard, les trois conditions suivantes doivent être réunies. Premièrement, les gouvernements doivent maintenir et, sur certains aspects, renforcer les politiques économiques. Les ressources additionnelles, qu’elles proviennent de la poussée des exportations ou de l’aide extérieure, sont à la fois une chance et un défi. Pour en tirer pleinement parti, les gouvernements doivent veiller à la bonne utilisation de ces ressources. L’investissement public, en particulier, doit être soutenu sur le long terme. Cela signifie une meilleure gestion des finances publiques, en veillant par exemple au bon entretien des routes et à une dotation adéquate des nouveaux hôpitaux en personnel et en matériel médical. Dans le même temps, les secteurs financiers doivent être renforcés afin de mieux mobiliser l’épargne pour mieux l’affecter à l’investissement. Au regard des indicateurs classiques de profondeur des marchés financiers, l’Afrique subsaharienne accuse un grand retard par rapport aux autres pays en développement. A titre d’exemple, en part du Pib des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne, le niveau des impôts bancaires représente la moitié de celui d’autres régions en développement. Des secteurs financiers plus robustes sont essentiels pour une croissance durable, tirée par le secteur privé.

NECESSITE DE DEVELOPPER LE SECTEUR PRIVE

Deuxièmement, une croissance économique durable et la création d’emplois exigent qu’une attention particulière soit accordée au développement du secteur privé. Le récent rapport publié par la SFI (Société financière internationale) du groupe de la Banque mondiale, intitulé : Doing Business 2007 : How to Reform, qui classe 175 pays selon la facilité avec laquelle les transactions commerciales s’effectuent situe en moyenne les pays d’Afrique subsaharienne à la 131ème place. Des entraves existent à une série d’activités du secteur privé et portent entre autres, sur les procédures d’agrément, d’emploi, de crédit et des transactions avec l’Etat. A titre d’exemple, il faut effectuer en moyenne 11 formalités pour créer une entreprise en Afrique subsaharienne, contre 8 en Asie du Sud, ce qui prendrait en tout deux mois en Afrique subsaharienne et un mois à peine en Asie du Sud. En outre, créer une entreprise dans un pays d’Afrique subsaharienne coûte en général très cher et représente près du triple du montant correspondant, en termes de revenu par habitant, qu’en Asie du Sud. Accroître la transparence est aussi une étape clé du renforcement de la gouvernance de la responsabilisation. Les pays africains producteurs de pétrole sont de plus en plus nombreux à adhérer à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE). Le Gabon, qui a été l’un des premiers à publier un rapport ITIE est désormais membre du Conseil de l’ITIE récemment mis en place. Cette initiative et d’autres encore, offrent aux investisseurs plus d’informations essentielles et de meilleure qualité, ce qui atténue par conséquent les risques et permet d’abaisser le coût des transactions.

L’APPUI INTERNATIONAL TOUJOURS INDISPENSABLE

La troisième condition importante a trait à l’appui international qui est indispensable dans la plupart des pays africains et qui le restera encore pendant quelque temps. On ne peut que se féliciter de l’intensification de l’aide au développement mais il importe, dans le même temps, d’en assouplir les modalités et de la rendre plus prévisible. La coordination des interventions des donateurs est donc une priorité.

Le renforcement des capacités institutionnelles apportera une contribution majeure à la croissance et au développement. Un nouveau centre régional d’assistance technique pour l’Afrique (AFRITAC) ouvrira ses portes le 9 janvier prochain à Libreville. Il s’ajoutera à ceux qui sont déjà en activité à Dar Es Salaam et Bamako, ce qui permettra une augmentation très sensible de l’assistance technique et des actions de formation offertes. Ces centres sont une création du Fonds monétaire international. Le nouveau desservira les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale – Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad – ainsi que le Burundi et la République démocratique du Congo. Il interviendra principalement sous la forme d’appuis d’experts résidents, ainsi que de spécialistes en mission de courte durée, dans les domaines qui relèvent de la compétence directe du Fmi.

Il s’agira notamment de la supervision bancaire, de la gestion de la dette publique, des dépenses et des recettes publiques, ainsi que de statistiques macroéconomiques. Un comité d’orientation encadrera le travail du nouvel AFRITAC. Il sera composé de hauts cadres des pays desservis, de représentants des organismes et des donateurs qui financent le centre, ainsi que des services du Fmi. Les pays bénéficiaires ont montré leur ferme attachement à la réussite du nouveau centre en acceptant de prendre en charge la majeure partie de son financement. Le Fmi et d’autres donateurs multilatéraux et bilatéraux lui apportent aussi un appui financier. Ces actions complètent bien évidemment les multiples efforts que les institutions africaines elles-mêmes déploient pour stimuler le développement et susciter des progrès dans la région. Différentes initiatives de renforcement des capacités prises dans le cadre de l’Union africaine et du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) se poursuivent aussi, ce qui est de nature à affermir les perspectives de réduction de la pauvreté en Afrique et à pérenniser la croissance.

L’amélioration des résultats économiques de l’Afrique subsaharienne est un signe encourageant mais la région a un important retard à combler pour atteindre les objectifs du Millénaire. La bonne orientation actuelle de la conjoncture mondiale ouvre des perspectives de croissance qui peuvent constituer un bon tremplin. Un calendrier de réforme axé sur l’avenir devrait viser à maintenir la stabilité macroéconomique, à améliorer le climat des affaires, à renforcer le secteur financier, à promouvoir le commerce et, plus encore, à renforcer les institutions budgétaires et à améliorer la gouvernance. Pour sa part, la communauté internationale doit tenir son engagement à accroître l’aide à l’Afrique et à assouplir les modalités de mise en œuvre tout en la rendant plus prévisible. C’est un réel défi. Mais le relever sera le gage d’importants effets positifs, offrant notamment à des millions d’Africains, la possibilité de vaincre la pauvreté et de tirer pleinement partie de la prospérité mondiale.

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