L’imprécision de l’ordre social de Tenke Fungurume Mining

Les expressions «toutes autres substances minérales concessibles et substances minérales valorisables» sans préciser lesquelles prêtent à confusion et pourraient amener TFM à produire d’autres minerais dont le produit de la vente ne profiterait qu’à TFM et non à la GCM. Le «bien» constituant l’apport de la GCM, signifie les concessions incluant les gisements de cuivre, de cobalt et de toutes autres substances minérales concessibles de Tenke et Fungurume. «Installations» signifie toutes les mines et usines en ce compris, sans que cette énumération soit limitative, toutes les mines souterraines ou à ciel ouvert, les voies de roulage et tous les bâtiments, usines et autres structures, installations fixes et améliorations et tous les autres biens, meubles ou immeubles, pouvant exister à un moment donné sur ou dans le Bien ou hors Bien.

L’immensité et l’imprécision de l’apport de la GCM traduisent l’état d’esprit et les intentions malveillantes de ceux qui ont négocié : tirer le plus d’avantage financier possible au détriment de la GCM et de l’Etat congolais. Comment peut-on, en âme et conscience offrir de tels avantages à un partenaire si ce n’est pour en retirer des gains personnels substantiels ?

LES EXONERATIONS FANTAISISTES DES DROITS, TAXES ET REDEVANCES DUS AU TRESOR PUBLIC

Les exonérations accordées par l’Etat congolais à TFM dépassent les limites de l’imaginable et de l’acceptable, le privant ainsi d’une manne financière susceptible de lui permettre de faire face à ses obligations. «l’Etat accorde à TFM, pour toute la durée de la convention, l’exonération totale et complète de tous taxes, charges et redevances, cautionnements, droits aux autres impositions généralement quelconques, de quelque nature que ce soit, directs ou indirects, fiscaux ou parafiscaux, au bénéfice de l’Etat, des collectivités locales ou territoriales, des organisations professionnelles ou para étatiques, existantes ou à venir, en ce compris, sans que cette énumération soit limitative».

Il était également prévu des exonérations sur la contribution professionnelle, sur les bénéfices, sur les rémunérations des expatriés. Pendant la période de prospection et de construction des mines et usines et les 15 premières années suivant la date de début d’exploitation de chaque mine TFM sera exonéré de tous les droits et taxes de sortie pour l’exportation des produits marchands ou autres produits résultants de l’exploitation minière.

Plus grave encore, le bénéfice des avantages et exonérations prévus par la convention est étendu à toute personne physique ou morale participant à la réalisation et à l’exploitation du projet. Les dividendes distribués aux actionnaires, leur part du produit de liquidation de TFM, les intérêts, produits et charges des enfants, contractés par TFM ainsi que les redevances payées par TFM, sont exonérés de la contribution mobilière.

L’Etat congolais est–il si naïf pour se permettre de priver le trésor public d’une telle source de revenus ? Quelles ont été les motivations profondes de ceux qui ont traité ce dossier avec autant de légèreté et de désinvolture ?

VIOLATION MANIFESTE DE LA SOUVERAINETE ET DE LA LEGISLATION NATIONALE

A l’article 3 de la convention «l’Etat autorise conformément à la loi, TFM et ses contractants à prendre toutes les dispositions nécessaires et à faire tout ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité de leurs employés, des membres de leurs familles, de leur patrimoine ainsi que du patrimoine de TFM et de ses contractants». L’Etat congolais ne dispose-t-il pas de services de sécurité capables d’assurer la sécurité des biens et des personnes ? Pourquoi avoir introduit une clause aussi liberticide et violant la souveraineté de l’Etat car profitant de cette brèche, TFM peut mener des actions subversives qui risqueraient de compromettre l’ordre public?

Par ailleurs, l’art 37 énonce que les parties à la convention, aux fins de la clause d’arbitrage, se conviennent de considérer TFM comme un ressortissant d’un autre Etat en raison du contrôle exercé sur elle par des intérêts étrangers. La RD Congo applique, quant à elle, le principe du lieu du siège social en matière de société. Le siège social de TFM étant fixée en RDC, le droit applicable en cas de conflit est celui du territoire sur lequel est situé le siège social de TFM. Cette contradiction est une violation flagrante de la législation nationale et elle est préjudiciable à une bonne administration de la justice en cas de conflit dans l’application de la convention. D’autre part, il existe en RDC un arsenal juridique (nouveau code minier, nouveau code des investissements, un nouveau règlement minier) qui du reste est en contradiction flagrante avec la convention minière créant TFM. Puisque des clauses essentielles de la convention violent à dessein certaines dispositions légales, la convention nécessitait une annulation pure et simple. D’ailleurs, sous le prétexte fallacieux de force majeure, les Lundin ne l’avaient pas exécuté, fait qui constituait une entorse majeure.

Il conviendrait de souligner des dérapages ayant rendu malaisée l’application de la convention. Le 23 février 1999, Lundin et TFM suspendent l’exécution de leurs obligations pour raison de force majeure. En effet, les troupes des Forces armées de la RD Congo (FAC) occupent les concessions minières de Tenke Fungurume et la GCM est en procès avec la TRABECA (société ayant construit les infrastructures de la SMTF) pour non-respect des engagements financiers. Alors que la GCM devait assurer l’évocation de ces cas, l’assemblée générale et le conseil d’administration de TFM avaient fonctionné pendant que, sur le site, l’étude de faisabilité s’y déroulait. Bien plus, Lundin s’est acquitté en 1997 de ses obligations en payant la première tranche de 10 millions $ US avant de compléter avec un montant de 40 millions $ US. Et avant la date de suspension, le 15 décembre 1998, Lundin sans avoir finalisé les travaux ni déposé les résultats de l’étude de faisabilité, avise la GCM qu’elle a négocié avec BHPBILLITON une convention d’option d’achat d’une part majoritaire de ses actions ou des actions qu’il détient dans TFM Sarl. BHPBILLITON le confirme par une lettre.

En octobre 2000, les nouveaux partenaires remettent en question le projet initial Tenke-Fungurume la production annuelle passe de 100.000 t cuivre à 30.000 t et de 8.600 t de cobalt à 2.800 t pour un investissement total de 200 millions $ US au lieu de 350 millions $ US. En mai 2002, BHPBILLITON et PHELPS DODGE Corporation font une troisième proposition basée sur les conventions amendées par les dispositions fiscales du projet du nouveau code minier. La GCM est exclue du projet de développement de Tenke-Fungurume. En fin de compte, passant outre la GCM, ils cherchent à rencontrer le vice-président chargé de l’Ecofin et le président de la République pour une nouvelle et dernière proposition excluant totalement la GCM. Depuis la cession de ses parts, LUNDIN semble s’être totalement effacé de la scène au profit de nouveaux partenaires qui ont cherché à écarter le propriétaire des gisements de Tenke-Fungurume qui est la GCM de 45 % à 17,5 % dans le capital de TFM SARL et majorer la part des investisseurs privés de 55 % à 82,5 %.

Il est inconcevable que la GCM soit exclue de cette convention sans dédommagement alors que les investisseurs payeront certainement à Lundin des substantiels droits d’entrée en plus de remboursement des frais engagés à ce jour. Inexplicablement, l’étude de faisabilité -qui n’avait pas été remise dans les délais requis, c’est-à-dire 24 mois à dater de l’entré- a vu son montant passer de 15 millions $ US à 48 millions $ US, une façon pour Lundin de récupérer les frais engagés comme « pas de porte ».

Au regard de tout ce qui précède, il était clair que le projet TFM était une vaste arnaque et un contrat léonin qui n’a profité ni à la GCM ni à l’Etat congolais. Aussi, devenait-il urgent et nécessaire de le remettre en cause en vue de protéger le patrimoine de la GCM.

Par conséquent, la GCM et l’Etat congolais devaient faire un nouvel appel d’offres et procéder à l’amendement de la convention dans le strict respect de la loi. Quant à l’Assemblée nationale et le Sénat, ils devaient impérativement déclencher la procédure de résiliation de la convention créant TFM pour non respect des clauses. Et dans les cas échéants, saisir les juridictions internationales compétentes pour obtenir réparation. Cette négligence notoire laisse croire que beaucoup d’argent a sûrement circulé.

Il se fait malheureusement que les choses ont pris un autre cours et le peuple congolais a encore été berné avec la bénédiction de puissances étrangères. La convention a certes été révisée, avec quelques amendements légèrement appréciables, sans réparation des préjudices subis par l’Etat congolais. Ce qui ne se passerait pas ainsi aux Etats-Unis, ni moins encore au Canada . Comme qui dirait, le gouvernement de transition du Congo n’est en fait qu’un gouvernement de trahison.

GENTO KOLELA & EMMANUEL KAKWANDA «Les Grands Enjeux» n°003/2005

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