Jérôme Roux : « Le développement de la RDC doit partir de lagriculture qui est une richesse certaine »
M. Jérôme Roux est Conseiller économique et commerciale à lAmbassade de Belgique en RDC. Cest lui qui identifie les opportunité daffaires en RDC au profit de milieux daffaires belges en vue déventuels partenariats avec les opérateurs économiques congolais. Dans le cadre de sa mission, il a déjà organisé plusieurs missions économiques des entrepreneurs belges vers la RDC. Il projette dorganiser une prochaine mission économique belge en RDC du 29 avril au 13 mai 2007. Ce énième voyage daffaires des investisseurs belges sera centré sur lAgriculture mais aussi lénergie et le transport. Ce fonctionnaire belge est convaincu que le développement de la RDC doit commencer par lagriculture qui est, selon lui, une richesse certaine du pays et qui nest pas sujette aux fluctuations des cours mondiaux.
Vous êtes Conseiller économique et commercial de lAmbassade de Belgique en RDC, de quoi soccupe exactement votre département ?
Je suis Conseiller économique et commercial pour les trois régions du Royaume de Belgique : la région bruxelloise, la région wallonne et la région flamande. Mon rôle consiste essentiellement à faire connaître aux entreprises belges le potentiel daffaires dont regorge la RDC ou, si vous voulez, les opportunités daffaires province par province. Une fois que jai identifié ce quil y a à faire, je me mets alors en relation pour favoriser le partenariat entre entreprises belges et congolaises. Donc, dune part, identifier les opportunités daffaires y compris du coté des bailleurs de fonds et, dautre part, trouver des partenaires en Belgique mais également au Congo.
Plusieurs missions économiques belges vers la RDC ont été organisées par votre département. Quelles sont les retombées de ces voyages daffaires à ce jour ?
Les missions économiques, cest laboutissement de tout ce que je fais ici sur terrain. Au fait, une fois quon a identifié ce quil y a à faire, la clientèle solvable aussi, où on en est du coté financement, il faut maintenant essayer de mettre en relation Belges et Congolais. Et ça se passe notamment lors des missions économiques. Conscient de critiques formulées lors des précédentes missions économiques, je voudrais, pour les prochaines missions, aller de plus en plus vers des voyages daffaires plus ciblés, plus sectoriels et, si possible, avec moins de monde et davantage à lintérieur du pays et pas seulement à Kinshasa et Lubumbashi. Pour revenir aux retombées des précédentes missions économiques, je dirai quil y a certainement eu des réalisations. Il faut voir mission après mission. Par exemple, la mission économique de mars 2004 à la quelle jai participé, il y a une société, dont je tais le nom, qui est active dans les matériels électriques, qui dit avoir participé à toutes les missions précédentes sans avoir une seule affaire concluante. Et puis, tout à coup, lors de la mission économique de 2005, elle a décroché de nombreux contrats. Cette société a maintenant un chiffre daffaires de 400.000 Usd sur le Congo. Voilà un exemple. Il y a en a dautres. Par exemple un bureau détudes, ARCADIS Fally, qui a créé une structure en RDC qui a fait des nombreuses réalisations à commencer par le Consulat de Lubumbashi et des travaux ici dans la capitale ainsi que des études pour la réfection des murs des quais des ports de Mbandaka et de Kinshasa. Il y a aussi le bureau détude FIGEPAR qui a participé à une mission économique en 2004. Il a accompagné le président Kabila en Belgique. A lissue de cette mission, il a noué des nombreux contacts avec des bureaux détudes en Belgique, avec notamment un Cabinet davocat belge grâce auquel ils ont emporté de nombreux appels doffres dans le cadre du COPIREP ou du BECECO. Il y a également une société, active dans le chantier naval, qui a réalisé un audit du chantier naval de lONATRA. Une autre société a réhabilité plusieurs barges avec des privés sur le port. Il y a le pont de Nyemba dont on parle beaucoup. Il a été réalisé par Les ateliers Pont Saint. Dans le domaine de lagriculture, une société flamande SOMERS, qui nest jamais venue en RDC mais suite à la mission 2005, a eu plein de contacts au Katanga et maintenant a un carnet de commandes rempli. Il y a également lécole hôtelière de Namur, mais cest en cours. Jessaie de la mettre en contact, dans le domaine du tourisme et de la formation, avec une société qui a des plantations et de lélevage, et qui fait aussi de lécotourisme et qui a besoin de former son personnel. Voilà autant dexemples qui ont souvent lieu après les missions économiques belges en RDC.
Vous préparez une mission économique belge vers la RDC en mai 2007. Quelle sera la particularité de cette énième mission économique belge ?
Cest dabord une mission un peu particulière parce quil ne devrait pas y avoir un ministre qui la conduit comme cétait le cas auparavant. Cette mission nest même pas inscrite dans lagenda officiel de cette année. La mission officielle devra avoir lieu en octobre 2007. Cette mission devrait, au fait, avoir lieu en novembre et décembre 2006. Avec le calendrier politique de la RDC, il ma semblé souhaitable de la rapporter au mois de mai 2007. Elle va se faire du 29 avril au 13 mai 2007. Dune certaine manière je nai pas envie de faire trop de publicité sur cette mission parce que, justement, fort de critiques qui mont été adressées lors des précédentes et dont je suis parfaitement conscient. Ce que je veux dans cette mission est dêtre plus précise, plus professionnelle mais aussi, quil y ait davantage de contenu. Le thème retenu est celui de « Développement rural ». Le développement rural comporte en premier lieu lagriculture au sens large avec un accent particulier sur la transformation des produits agricoles. Concrètement, je vais rechercher en Belgique une entreprise spécialisé par exemple dans la transformation des tomates pour le Bas-Congo ou le Katanga parce que là il ny a pas de société de transformation de tomates. Donc, il y aura lagriculture au centre. Mais pour que lagriculture marche, il faut quil ait de voies dévacuation des produits. Par conséquent, le 2ème secteur sera le transport, transport en tant que activité de services mais également dinfrastructures. Je suis en contact avec SOCOGETRA, le numéro de la route en Belgique. Si je réussi à faire venir SOCOGETRA lors de cette mission alors je serai le plus heureux des hommes. Je ne dis pas que je vais y arriver mais tout le travail est de cibler un par un pour avoir des meilleurs entrepreneurs en Belgique qui viendraient lors de la mission. Dailleurs je ne veux pas faire des effets dannonce ici. Je vais convaincre ces gens à venir. Lidée cest davoir vraiment une mission où il y a des gens qui ont vraiment quelque chose à apporter. Le 3ème secteur, qui sera visité, cest lénergie. Je recherche en Belgique de sociétés spécialisées en micro centrale. Le dernier secteur cest le tourisme. Le tourisme ça fait parfois souffrir au Congo mais je pense plutôt à lécotourisme. Cest pour ça que je pense quon peut le rattache à lagriculture parce quil y a une synergie entre ces deux secteurs. Nous mettrons aussi un accent sur un concept très peu développé au Congo mais, à mon sens, promis à un avenir : le commerce équitable. Il y a le CDI Buamanda qui doit en partie son succès à lexportation du café avec le label « Max Havelaar ».
Donc, la première particularité de la prochaine mission ce sont les secteurs retenus plus ciblés autour dun thème cohérent. La deuxième particularité est que cest une mission itinérante de 15 jours au lieu dune semaine. Quinze jours, cest pour montrer aux hommes daffaires belges que le Congo ce nest pas que Kinshasa et Lubumbashi, de leur offrir une vision globale du marché congolais.
Dans le cadre de vos fonctions, vous avez beaucoup circulé à travers la RDC. Quelles sont les opportunités dinvestissement que vous avez pu déceler ?
Dans un pays comme le Congo, on dit souvent que tout est à faire et on ne sait par où commencer. Il y a des chiffres effrayants. Le Congo en 1960 avait le même niveau de développement que le Canada et lItalie. Aujourdhui, le Canada et lItalie sont membres du G8 (le groupe des pays les plus industrialisés du monde) alors que le Congo est le 8ème pays le plus pauvre au monde. Ainsi, de 1960 à nos jours, lon se dit mais « quest-ce qui se passe ? » le constat est parfois un peu amer mais le Congo cest un pays formidable. Cest une tarte à la crème dont on parle toujours en termes de scandale géologique, agricole, énergétique. Donc, un formidable potentiel mais on tait un constat pourtant dun pays encore très pauvre : 75% de la population vit avec moins dun dollar par personne et par jour. Quand on me parle de secteurs porteurs, cest une question qui me hante mais à laquelle il est difficile dapporter une réponse. Pour moi, il faut commencer par la vraie richesse du Congo qui est lagriculture. Lagriculture permet davoir des recettes beaucoup plus pérennes et moins sujettes aux fluctuations des cours internationaux. A mon sens, il faut commencer par lagriculture où seulement 10% de terres sont exploitées et où il y a un potentiel certain. Des études récentes de la Banque mondiales ont montré que pour les cultures pérennes surtout le cacao, le caoutchouc, lhuile de palme, le café, le Congo a un avantage comparatif indéniable. Surtout le cacao avec un marché en croissance avec la Chine et lInde, qui commencent à consommer du café et du cacao. Avec ses 40% de parts de marché mondial, la Côte dIvoire est un peu en déclin et a des problèmes politiques. Dans ce contexte là, le Congo a un potentiel formidable pour le cacao notamment. Le Centre de Yangambi a dans son parc à bois des ressources génétiques résistantes aux maladies parmi les meilleurs au monde. Une société comme la sucrière de Kwilu Ngongo fonctionne entièrement sur la cabas, les déchets de la canne à sucre, pour faire fonctionner son usine et même produit suffisamment de lénergie pour alimenter toute la ville de Kwilu Ngongo. La sucrière de Kwilu Ngongo est, elle-même, intéressée dans tout ce qui est projets de biocarburant. Une opportunité daffaires de taille, cest notamment aussi la transformation des produits agricoles. En dehors de lagriculture il y a le transport, la potabilisation de leau, la fourniture de micro centrale et de panneaux solaires et le tourisme qui offrent des opportunités dinvestissement.
Envisagez-vous dorganiser un jour une mission économique congolaise vers la Belgique ?
Cest un de mes chevaux de bataille depuis que je suis ici. Cest bien de faire des missions économiques dhommes daffaires belges vers le Congo, mais il faut absolument un retour. Les affaires, le commerce international cest un échange. Avant même darriver au Congo, jai commencé par accueillir une délégation congolaise. En novembre 2006, une mission de la Chambre de commerce belgo-congolaise sest rendue en Belgique avec une étape à Anvers, une autre à Bruxelles et à Liège. Même si jai fortement encouragé cette initiative mais, à lavenir, jaimerais vraiment développer le secteur. Il y a tout un travail à faire également en Belgique. Beaucoup dentreprises sont frileuses de venir au Congo dans un premier temps. Pourquoi ne pas dabord venir les rencontrer sur place en Belgique pour les rassurer ? Je suis moi-même très demandeur dune mission économique congolaise vers la Belgique. Cest normal que ça aille dans les deux sens.