La Belgique et le Congo. L’exemple d’une coopération unilatérale

 L’aide au développement n’est qu’économique. La Belgique, Etat de droit, peut coopérer avec un Congo où la mort est quotidienne sans qu’elle ne se mêle de la politique intérieure du pays. Et pour ceux qui savent que les démêlées de notre ex-métropole avec Mobutu et la suspension de sa coopération avec notre pays étaient liés aux massacrés qui auraient été perpétrés par le pouvoir dictatorial sur le Campus universitaire de Lubumbashi, le silence du ministre wallon et belge sur ces morts de trop ne peut qu’éveiller notre attention au sujet des soutiens inconditionnels de la Belgique au nouveau pouvoir congolais. De là à conclure que la nouvelle ligne de la coopération bilatérale n’est qu’économique, il n’y a qu’un pas que nous pouvons allégrement franchir. Donc, elle est « unilatérale ». Et au sujet de cette coopération, qu’est-ce qui fait courir la Belgique au Congo ? Pourquoi n’attend-elle pas la mise en place de toutes les nouvelles institutions ? A-t-elle peur de perdre son marché classique, actuellement courtisé par les coréens, les chinois, les libanais  et tous les autres affairistes du monde ? Le Potentiel croit que « le Royaume de Belgique et la République (démocratique) du Congo sont en train de développer des relations adultes, marquées par le respect mutuel et des échanges réciproquement avantageux. » (Lire la une du Potentiel du 02/02/2007). Curieux ! Devient-on adulte en refusant de régler ses comptes avec un passé-présent ? Quels sont les signes de la maturité de ces relations ?

Suffit-il que le ministre belge de la coopération dise qu’il y a de l’argent pour l’ « aide bilatérale » pour que les congolais puissent rapidement croire que les relations entre la Congo et la Belgique ont mûri ? Il est scandaleux qu’un journal de la trempe du Potentiel puisse rapidement croire à l’évolution positive de la coopération entre la Belgique et le Congo à partir du ballet diplomatique des ministres et parlementaires belges au Congo. Nous ne le dirons jamais assez, le Congo souffre du déficit de la pensée et d’une pensée responsable et responsabilisante. Tenez. Pendant que certaines ONG belges tentent de prouver la complicité de la Belgique dans  les « prêts odieux de la Banque mondiale à la métropole coloniale belge pour coloniser le Congo », les congolais, eux, plus belges que les belges eux-mêmes, croient béatement à la redynamisation de la coopération bilatérale en voyant dans le prochain voyage du roi belge au Congo les signes d’un avenir radieux pour ce pays. C’est simplement triste.

Pauvres d’esprit, la majorité des Congolais serait incapable de comprendre que la Belgique a  contracté sur le dos de sa colonie « une dette odieuse » et que ce qu’elle appelle aide bilatérale devrait être considéré comme une réparation d’un usage abusif des prêts octroyés par la Banque mondiale au Congo par le canal de la Belgique. Pour cause. « Lorsque le Congo  accède à l’indépendance, les principaux actionnaires se mettent d’accord pour lui transmettre la charge de la dette contractée par le pouvoir coloniale belge auprès de la Banque mondiale. Les prêts contractés par la Belgique auprès de la Banque mondiale afin de mieux exploiter le Congo belge sont devenus une dette du Congo indépendant. La Banque a généralisé ce procédé qui consiste » à transférer la dette contractée par un pouvoir colonial au nouvel Etat indépendant. » (E. TOUSSAINT, Prêts odieux de la Banque mondiale à la métropole coloniale belge pour coloniser le Congo, dans www.cadtm.org/article.php3?_article=2421) Pourquoi ne donnerait-on pas la preuve de la maturité entre la Belgique et le Congo en constituant des commissions mixtes qui appuieraient le travail de la CADTM belge sur « la dette odieuse » de notre pays ? Dans un article intitulé « Qui paye ses dettes », (transmis au Potentiel), Guy De Boeck, un belge de souche, demandait à son pays de commencer par payer les siennes (historiques) à l’endroit du Congo. Il est étonnant que l’orientation de la recherche (et des  journaux) chez nous soit très peu attentive à tous ces belges de bonne volonté et épris de justice pour notre pays !

Tant que nous nous ne nous serons pas penchés sur cette histoire pour l’élucider et comprendre les rouages de notre esclavage volontaire, nous n’irons nulle part. En effet, notre navigation à vue nous confine dans des retranchements d’une pensée simpliste croyant naïvement et rapidement en la bonne volonté des « petites mains du capital », ces insatiables libéraux aux discours mielleux !

La philosophie du « londeshila londeshila » nous somme de réexaminer notre « dette odieuse » et de nous démarquer des Institutions Financières Internationales l’ayant favorisée. Il est révoltant de nous réaliser que quand la reprise de nos relations « unilatérales » avec notre ex-métropole est évoquée, aucune allusion n’est faite à notre histoire. Comme si parler des « sommes mirobolantes » destinées à « une nouvelle dette odieuse » de notre pays à l’endroit de cette ex-métropole suffisait à rendre justice à notre histoire commune de l’exploitation d’un peuple par un autre. Malheureusement, pendant que certains belges  croient que « les réparations devraient être exigées des anciennes puissances coloniales via la Cour de Justice internationale de la Haye,  à noter que tant que les agences de l’ONU, dont la Banque mondiale fait partie, continueront à bénéficier de l’immunité et tant que les statuts de la Banque ne seront pas modifiés, des Etats membres de la Banque peuvent difficilement aller en justice contre celle-ci. Par contre, des associations citoyennes représentant les victimes peuvent traîner la Banque en justice soit dans leur pays soit dans un pays où la Banque dispose d’une représentation ou là où elle a émis des emprunts », (E. TOUSSAINT, art. cit.) les Congolais, eux, recommandent à leurs nouveaux gouvernants de reprendre la coopération avec leur ex-métropole et les Institutions de Breton Woods ! Le monde à l’envers ! Mais où se situe le problème ?

Dans les têtes et les cœurs. Il serait réaliste que le nouveau président de l’Assemblée nationale (et le nouveau pouvoir) reçoive et échange avec « les bailleurs de fonds ».     Cela l’introduit  dans le monde des grands et inscrit son nom dans les annales de l’histoire. Il y a toujours cette propension à sauver les apparences et à aller rarement au fond des choses ! Dans ce marché des dupes, la mémoire historique ne fonctionne presque pas. La remise en question des liens historiques problématiques passe à l’arrière-plan. L’imaginaire gagné par « les fonds » cherche à rencontrer « les bailleurs de fonds » réduits à leur plus simple expression. Il faut alors être un Kadhafi pour comprendre que « ces fonds », ils les ont pris et continuent de les prendre chez nous, en Afrique, au Congo ; les contrats léonins aidant ! Non ! Pour « les carriéristes-m’as-tu vu », il faut jouer au grand en recevant ceux que l’on classe parmi « les maîtres du monde » !

Tant que nous n’aurons pas compris les véritables enjeux de la coopération dite bilatérale qui sont prioritairement une falsification d’une histoire de pillage, d’exploitation, d’infériorisation et d’insertion aveuglante  de notre pays dans le marché mondialisé, nous nous contenterons de jouer notre rôle des figurants au cœur d’une histoire que les autres font et défont en fonction de leurs intérêts. La coopération dite bilatérale ne sera qu’unilatérale,  au profit de notre ex-métropole et de ses garçons de course et au grand dam de nos populations.

Est-ce facile de comprendre les enjeux de la coopération  entre le Nord et le Sud ? Non. Cela s’apprend et exige une attention particulière accordée aux nouveaux interstices créés par des femmes et des hommes de bonne volonté. Pour le cas de la coopération entre la Belgique et le Congo, par exemple, une fréquentation assidue du site de CADTM et une lecture attentive de certains articles publiés sur le site  Congoforum peuvent être d’un secours certain. Hélas ! Avons-nous le temps de lire et de nous instruire ? Siéger dans la cour des grands a pris toute la place dans nos têtes et dans nos cœurs. Plaise au Ciel que nous n’en payons pas lontemps le prix !

 

J.-P. Mbelu

 

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