De la musique traditionnelle à la musique nationale congolaise (Le Potentiel)

La musique congolaise moderne est issue des sources traditionnelles et modernes. Les anciennes provinces de la Rd-Congo sont donc les berceaux historiques les plus influents qui ont été exploités par les compositeurs congolais. Plusieurs groupements musicaux résultent des ensembles ethniques. Le professeur Michel Lonoh Malangi Bokelenge, dans son ouvrage « Essai de commentaire de la musique congolaise », Ed. SEI/ANC, 1963, Kinshasa, a subdivisé la musique traditionnelle congolaise en six zones musicales, obéissant aux divisions politiques et administratives de l’ancienne colonie belge :

1) Zone de Kinshasa, avec des groupements musicaux les plus importants qui ont un répertoire de chants folkloriques capables de susciter l’enthousiasme de la masse. Elle est classée en danseurs Ekonda, groupes traditionnels des danseurs Pende, Yanzi et Bamboma, des rythmes folkloriques Basakata et des chants Yombe et Ndibu ;

2) Zone de l’Equateur avec des danses et rythmes Ekonda, des groupes de danseurs Mongo, des chateurs et danseurs Mbuza et des rythmes et chants folk Ngombe ;

3) Zone de la Province orientale regroupe plusieurs foyers musicaux qui gardent encore des traditions ancestrales avec des groupes des danseurs Topoke, des joueurs de la musique traditionnelle Bangelema, des danseurs Bakumu et Wagenia, et des danseurs Azande et Makere ;

4) Région Kivu avec des groupes folkloriques des chanteurs Warega, des danseurs Bangubangu et les rythmes et chants Babembe ;

5) Zone Kasaï avec les grands berceaux de la musique traditionnelle congolaise comme les rythmes et chants folkloriques Baluba et Kuba, groupes de chanteurs et danseurs Lulua, Pende du Kasai, et aussi les chants et danses Tetela ;

6) Et dans la région du Katanga avec les principaux groupements qui conservent les vestiges de la musique traditionnelle : les danseurs Balubakat, chanteurs et danseurs Chokwe, rythmes et chants Basanda, chants folkloriques Lunda, Songe, Babembe et Bahemba.

FONCTIONS SOCIALES

La musique traditionnelle avait ses fonctions dans la société. Ces notions ne sont pas loin de celles accordées à la musique actuelle. Il n’y a que l’évolution des données vers un nouvel univers qui leur donne des aspects différents. Au centre de la musique se trouve toujours la vie sociale, religieuse, de la chasse, de la guerre, de l’agriculture, de l’éducation morale et civique, etc. Dès ses origines, la musique congolaise était éducative et fonctionnelle. La société primitive et ses exigences, la conduite à l’égard des supérieurs, les vices et les vertus, les contes, les légendes et les devinettes, etc. en constituaient les thèmes. C’était des chansons documentaires. Elles avaient un sens rituel, religieux et historique. Cette musique avait aussi un aspect agrémentaire, circonstancielle ou occasionnelle.

CHANT, DANSE, CRIS TRADITIONNELS DANS LA MUSIQUE CONTEMPORAINE

La danse et les chants traditionnels, en Rd-Congo en particulier, et en Afrique en général, sont étroitement liés. Qui dit chanson, dit danse. Une chanson est une condition suffisante pour qu’il y ait danse. Les premières danses introduites dans les années 1930-40 et même 1950, par des Coastmans furent le « Maringa » (Malinga), la « Rumba » et les danses folkloriques d’origine afro-cubaine teintées d’ingrédients africains. Durant ces décennies, sur la scène musicale, il y a eu la création d’une nouvelle chorégraphie qui se nourrissait régulièrement de nouvelles danses sorties du moule congolais. Le chant est en général en lingala ; c’est le début d’un processus qui va développer un genre de musique urbaine composée des chansons en langues vernaculaires dominées par le « Zebola », « Agbaya », « Maringa », « Rumba », « Nzango », « Kebo » et « Polka pike ».

Les danses traditionnelles elles-mêmes ont subi au cours de ces deux décennies le même sort que les rythmes, bien qu’elles ne portent pas des dénominations bien définies, comme la danse tetela « Nieka-nieka », que Viva La Musica dansait en 1977 sous la dénomination « Mukonyonyo ». Déjà en 1974, l’orchestre Isifi Lokole avait inséré le « lokole » parmi ses instruments de musique, et vers la fin des années 70, le groupe folklorique Bana Odéon de la commune de Kintambo, dirigé par Beta Kumaye et Zumbu Sonnery, le groupe Pamba-Pamba, toujours de Kintambo, et le groupe folklorique Nzila Sambila de Bahumbu de Matadi-Kibala, ont commencé à apporter un souffle nouveau dans la musique congolaise.

Le premier groupe qui a utilisé ce genre musical fut le Tout-Choc Zaiko Langa- Langa en 1979, à travers la chanson « Ba mbuta ye baleke » (1979), une composition de Manuaku Waku. Ce même orchestre a privilégié les cris traditionnels en 1982, avec un instrument fabriqué à l’aide d’une boîte d’insecticide, introduite des morceaux de cailloux et des débris de bouteilles, qui sont généralement d’usage dans la musique traditionnelle africaine. Dans cette dernière, les batteurs de tam-tam et leur co-équipiers répètent aussi harmonieusement et facilement les sons qui conviennent avec telle danse ou telle autre. Ils établissent méthodiquement la différence entre les sons d’un tam-tam qui annonce la mort, la chasse, de ceux qui servent d’alerte pour un combat éventuel.

Cette musique du village, de la tribu ou du groupement ethnique a été mariée par le compositeur moderne congolais, avec les éléments nouveaux, issus du contact avec les instruments modernes : d’abord par la guitare introduite par le Belge Bill Alexandre, et ensuite par l’introduction des cuivres par les Coastmans et les Kru boy’s, ainsi que par l’Armée du Salut. L’introduction du tumba occidental et la batterie électrique aussi a fait changer beaucoup de choses dans le rythme traditionnel. Cette musique est sortie du cadre ethnique, tribal ou régional. Présentement, elle englobe des éléments disparates, produits de mélange des ethnies dans un Etat, la Rd-Congo. C’est la conséquence de la mutation des hommes et de leur regroupement en grande société organisée. C’est alors qu’il faut parler de musique nationale.

LE TAMBOUR : SOURCE DE LA WORLD MUSIC

Depuis la fin des années 60, l’enracinement à les traditions bantou a permis l’épanouissement des groupes folkloriques africains, qui sont invités dans des festivals en Europe et en Amériques. Le tambour africain a été considéré comme un support d’affirmation culturelle à travers le monde. Le tam-tam africain a pris une place et est allé à la conquête du monde. Il est la source de la World Music, comme l’affirmait le regretté musicologue et écrivain camerounais Francis Bebey. Le groupe de petits chanteurs de Kenge, le Chem Chem Yetu, et aujourd’hui Tuta Ngoma, Ballet Walo Wafeka, Ballet Umoja, Ballet Kiti na Mesa, etc., en passant par l’animation culturelle, issue de l’authenticité mobutienne, animé par des groupes chocs, tels que « Kake » de Kinshasa, « Okapi » du Haut-Zaire, « Mbengo-Mbengo » du Bas-Zaire, « Nkashama » du Kasai Occidental, « Mikenia » du Kasai Oriental, « Mukuba » du Shaba, « Molunge » de l’Equateur, « Moto-Moto » du Kivu et « Bilombe » de Bandundu.

La musique traditionnelle présente une diversité étonnante. La musique d’aujourd’hui, issue du contact avec l’extérieur, est incontestablement la continuité de la première, et mérite l’épithète de musique nationale. Elle est une superposition des éléments disparates, un mélange de mélodie, des accents, des tonalités et des rythmes inter-tribaux au contact de l’extérieur.

JEANNOT NE NZAU DIOP

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