03.07.07 Conjoncture économique au premier semestre 2007 : de « 1+4 » inflationniste au « Yandi kaka » désinflationniste ( Le Potentiel)

L’analyse de l’évolution de la conjoncture économique de la République démocratique du Congo au cours du premier semestre 2007, inciterait certes à une certaine satisfaction sur le front de la, stabilisation des prix intérieurs et du taux de change, eu égard, à son évolution au cours de la période « 1+4 ». En effet, depuis le second semestre 2004 jusqu’en fin février 2007, l’économie congolaise a été caractérisée globalement par un environnement de fortes instabilités des prix intérieurs et du taux de change qui semblait avoir imprimé des tendances défavorables aux autres variables. Il en était ainsi des finances publiques ainsi que de la monnaie.

On peut affirmer sans risque d’être contredit que l’environnement macroéconomique a évolué comme si aucune action sérieuse n’avait jamais été entreprise pour orienter significativement la tendance défavorable du comportement des prix intérieurs, du taux de change et des autres variables économiques.

LES CONTRE PERFORMANCE MACROECONOMIQUE « PROVOQUEES » OU « VOULUES »

Depuis 2003, l’économie congolaise a vécu sous l’emprise de l’inflation et de la dépréciation de la monnaie nationale en dépit des « efforts » fournis par le gouvernement de transition « 1+4 ». Des taux d’inflation à un chiffre, nous sommes passés au taux à deux chiffres. De 4,4% et 9,2% respectivement à fin décembre 2003 et 2004, nous sommes passés à 21,3 % à fin décembre 2005, 18,5% à fin décembre 2006 et 25,56% à fin février 2007 en rythme annualisé. Au cours de cette période, le cours de la monnaie nationale par rapport aux principales devises s’est caractérisé par des dépréciations de l’ordre de 16,1% à fin 2004, soit de 372,52 Fc à fin 2003 à 444,09 Fc à fin 2004, une légère appréciation de 2,97% à fin 2005 et de fortes dépréciations de 14,33% en décembre 2006 et 10,52% à fin février 2007 consécutive aux déficits budgétaires à répétition comme nous le verrons plus loin.

CONTEXTE HISTORIQUE

Lors de la quatrième revue du programme économique du gouvernement de la République démocratique du Congo en juin 2004, le Fonds monétaire international avait suggéré au gouvernement congolais de procéder à l’augmentation de l’offre de monnaie pour deux raisons. Car, disait-il, la politique monétaire congolaise était trop prudente et trop tatillonne et d’autre part que l’augmentation de la demande de monnaie nationale suggérait une réponse en terme de l’accroissement de l’offre de monnaie. La politique monétaire expansive s’en trouvait par là même privilégiée.

A partir du second semestre 2004, il a été observé de fortes pressions inflationnistes et des dépréciations de la monnaie nationale, défiant systématiquement les différentes politiques mises en œuvre aux fins de correction, mettant ainsi à rude épreuve la poursuite du programme d’ajustement économique et financier avec le Fonds et la Banque mondiale. Entre fin 2003 et fin décembre 2004, le franc congolais a enregistré une dépréciation de 16,1% par rapport à la devise américaine passant de 372,52 francs congolais le dollar à 444,40 francs congolais le dollar.

Cependant, cette période couvre deux réalités, à savoir d’une part de janvier à juillet 2004, il était observé une relative stabilité des prix intérieurs et de change. Par contre, à partir de septembre 2004 la situation s’était fortement détériorée. Et cette détérioration s’est poursuivie jusqu’à fin février 2007. Le dérapage du cadre macroéconomique observé au cours de cette période était attribuable à plusieurs facteurs parmi lesquels nous pouvons citer sans être exhaustifs : la hausse des prix de produits pétroliers au cours de l’année 2004, les dépenses liées aux événements de l’Est du pays depuis le mois de juillet 2004 ayant occasionné des émissions monétaires incompatibles aux besoins de l’économie, la mauvaise gestion du cadre macroéconomique caractérisé par le non respect partiel ou total de certains critères quantitatif à savoir le plafond des avoirs extérieurs net de la Banque centrale, le plafond du crédit net à l’Etat et le plancher des avoirs extérieurs nets ayant conduit au dépassement de la programmation monétaire et à l’accélération de l’inflation et de la dépréciation du taux de change, le mauvais diagnostic posé par le fonds au cours de la quatrième revue, etc.

Globalement, entre septembre 2004 à février 2007, les mauvaises politiques budgétaires et quelque fois monétaire menées se sont avérées d’autant plus incohérentes qu’elles ont attisé l’instabilité macroéconomique qu’elles étaient censées corriger.

La politique budgétaire a été caractérisée par des déficits systématiques financés essentiellement par les avances du système bancaire, comme illustré dans le tableau ci-après :

Comme nous pouvons le remarquer depuis pratiquement 2003 jusqu’à fin février 2007, l’exécution des opérations financières de l’Etat s’est caractérisée par des déficits cumulés à fin décembre de chaque année. Ainsi, nous pouvons conclure sans risque d’être contredit que depuis fin 2003 jusqu’à février 2007, la recherche des excédents budgétaires dans le but d’améliorer de la conjoncture macroéconomique n’était jamais apparue comme un souci permanent du « 1+4 » comme qui dirait « les déficits budgétaires constitués la règle et les excédents son exception ».

Ainsi, dans la gestion macroéconomique du « 1+4 », on passait allégrement à des déficits aussi vite après que l’on ait réalisé des excédents : à un mois d’excédent devrait à tout pris correspondre deux à trois des déficits. Le laxisme dans la gestion des finances publiques n’a eu d’incidence fâcheuse que sur la conjoncture économique, plus clairement sur les prix des biens et services et sur la monnaie nationale que la Banque centrale cherchait le plus souvent à camoufler grâce notamment au rachat et à la résorption des surplus monétaires éventuels par les interventions de cette dernière sur le marché de change. A titre de rappel, entre septembre 2004 et décembre 2004, les interventions sur le marché de change se sont élevées à 55 millions de dollars américains, elles ont représenté 44 millions au cours du seul mois de janvier 2005 et ce comportement d’atténuation de la surchauffe s’est poursuivi pratiquement bien que rarement au cours de la transition « 1+4 ».

« YANDI KAKA » : UNE GESTION MACROECONOMIQUE DESINFLATIONNISTE

La politique de change était devenu le seul instrument d’ajustement macroéconomique avant que les billets de trésorerie ne viennent à sa rescousse. Oubliant que le défaut majeur de cet instrument dans nos pays en développement est le risque d’épuisement des réserves de changes. En guise de conclusion, la gestion macroéconomique de « 1+4 » a été « purement et simplement inflationniste »

Les performances de mars à juin 2007

Globalement, le rythme des prix est à la baisse depuis mars jusqu’au 17 juin 2007 avec des taux respectifs de 1,65% en mars, 1,10% en avril, 1,26% en mai et -0,11% au cours des 17 premiers jours du mois de juin 2007. Cette situation de désinflation observée depuis mars au sein de l’économie congolaise et qui s’est poursuivie au cours du mois de juin, en dépit du choc passager des produits pétroliers en mai, montre une tendance au recul sinon à la stabilité des prix sur le marché des biens et services ainsi que sur celui de change. L’analyse détaillée indique que l’évolution des prix est liée au comportement de la monnaie nationale. L’appréciation du franc congolais par rapport aux principales devises étrangères explique en grande partie la baisse de prix observée. Ce bon comportement de la monnaie serait dû d’abord au choix des politiques monétaire et financière opérées récemment par les nouvelles autorités du pays issu des élections. Ensuite, de la stabilisation du taux de change et enfin, de la révision à la baisse des prix des produits pétroliers. Comme illustré dans le tableau ci-après :

Il ressort de ce tableau que l’option prise par les nouvelles autorités d’exécuter pour l’année 2007 un budget en équilibre semble avoir donné un signal d’orthodoxie budgétaire aux agents économiques qui ont donc moins spéculé sur la perte du pouvoir d’achat de leurs revenus au cours de quatre derniers mois de ce semestre. Ce tassement ou cette « oppression » des anticipations spéculatives semble expliquer l’accalmie observée sur les marchés des biens et services ainsi que sur celui de change. Sur l’ensemble du premier semestre 2007, de 23,67% d’inflation annualisée à fin janvier à 17,32% au 17 juin 2007, par contre, la monnaie s’est appréciée de 0,91% par rapport à son niveau de fin décembre 2007.

LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DE LA MONNAIE

Le contexte dans lequel évolue l’économie congolaise a changé du tout au tout, si l’on s’en tient au comportement des variables macroéconomiques de notre économie. En effet, la nouvelle classe politique congolaise semble avoir imprimé un nouveau mode de gestion des finances publiques depuis mars 2007. L’exécution des opérations financières de l’Etat s’est soldée par un excédent cumulé de l’ordre de 38.980,2 millions de francs congolais en fin mai 2007. Comme on peut le remarquer dans le tableau synthèse ci-après :

Ouverte sur une gestion chaotique des finances publiques en janvier et février 2007, le mois de mars s’est soldé sur un excédent de 44.015,6 millions de francs congolais. A priori, d’aucuns ont semblé dénigrer les excédents enregistrés au cours du mois de mars, qui coïncident avec la période des dépôts de bilans des entreprises (déclarations fiscales et donc d’importantes rentrées fiscales) et l’on a qualifié d’un simple effet saisonnier et donc influencés largement par le comportement ponctuel des opérateurs économiques en matière de respect des engagements fiscaux. Fort heureusement nous constatons que ce comportement excédentaire des finances s’est poursuivi jusqu’à fin mai et semble imprimer une nouvelle philosophie managériale des affaires publiques. Comme la note de conjonctures arrêtée au 15 juin 2007, du 1er janvier au 30 mai 2007, la situation provisoire des opérations financières du Trésor renseigne des recettes de 299.307,5 millions de francs et des dépenses de 260.327,3 millions, soit un solde cumulé excédentaire de 38.980,2 millions de francs congolais, coïncidant avec l’arrivée aux affaires de l’actuel gouvernement et qui ont permis d’éponger tous les déficits enregistrés en janvier et février derniers.

CONCLUSION

La réalisation des excédents budgétaires et une bonne tenue de la monnaie est un indice de bonne gestion de la part de nouvelles autorités, surtout dans une économie caractérisée par des déficits à répétition. Ce pas important que viennent de franchir les nouveaux dirigeants marque une voie vers la stabilisation du cadre macroéconomique pourvu que ce résultat s’inscrive dans la durée. Ainsi, pour que ce résultat ait un impact significatif sur l’évolution de la conjoncture, il faudra pour les nouvelles autorités de redoubler d’efforts dans le sens du respect strict des mesures prises en vue d’assainir le cadre macroéconomique et de s’en tenir sur la rigueur dans la gestion pour éviter de retomber dans des déficits à répétition en temps de vaches maigres. La gestion de l’économie congolaise a besoin d’hommes qui ont un cœur et non des pierres.

PAR CRISPIN MALINGUMU SYOSYO, ASSISTANT UNIKIN ET ENAP-KIN

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