03.07.07 Est-ce le début de la stabilité du franc congolais ? (Le Potentiel)

En dehors de la « stabilité » du taux de change qui est une situation d’équilibre, la dépréciation et l’appréciation fortes d’une monnaie nationale par rapport aux devises étrangères constituent des « chocs » – des situations de « déséquilibre » sur le marché des changes. Elles représentent des écarts par rapport à l’objectif, autant qu’elles ne sont pas souhaitables au sein d’une économie. Ces déséquilibres entraînent des répercutions négatives à la fois sur l’évolution de la conjoncture, que sur la croissance économique.

Dans une économie fortement dollarisée par exemple, la « persistance des dépréciations » du taux de change amène les agents économiques – qui anticipent des dépréciations futures – à se prémunir contre celles-ci. Ils se dessaisissent de la monnaie qui perd sa valeur et acquièrent des devises étrangères et/ou des actifs réels (terrains, bijoux, tableaux ou autres objets de valeur): des valeurs refuges. Ces anticipations entraînent (i) la demande des devises étrangères à la hausse et accélèrent la dépréciation de la monnaie nationale. Comme les prix des biens et services sont indexés sur l’évolution du taux de change, ils auront tendance également à augmenter. Ce qui, in fine, entraîne l’inflation. De même, dans le cas d’une économie avec un « coefficient d’ouverture » à l’extérieur – ou une propension à l’importation – très élevé. Les prix des produits offerts – qui, pour l’essentiel, sont des biens importés –, voire ceux des services, étant indexés sur l’évolution des monnaies étrangères, la dépréciation de la monnaie nationale conduit les opérateurs à des réajustements automatiques des prix à la hausse. L’appréciation d’une monnaie, quant à elle, aura pour effets, d’une part, d’augmenter les prix des produits exportés du pays par rapport aux produits offerts par les autres nations et, d’autre part, de baisser les prix des importations et de stimuler celles-ci – donc, de favoriser une fuite des devises. Dans ce cas, du fait de la hausse des prix des biens et services nationaux, la demande extérieure des produits du pays peut baisser au profit des produits étrangers. Cette situation pourra entraîner la baisse des recettes d’exportation, voire des réserves de change, créer de l’instabilité macroéconomique, et influer négativement sur la croissance économique via la baisse des exportations.

Ces deux situations de déséquilibre (Dépréciation et appréciation du taux de change)ont prévalu au sein de l’économie congolaise de janvier jusque mai 2007. Cependant, depuis le début du mois de juin 2007, il s’observe une relative stabilité sur le marché des changes.

Evolution observée à partir de décembre 2006

A fin décembre 2006, le taux de change de la monnaie nationale était de 503,43 FC/1USD (cours indicatif) et de 515,93 FC/1USD (cours libre). A fin juin 2007, le cours indicatif du Franc congolais a renseigné un taux de 493,59 FC pour 1 Dollar américain. Ce qui correspond à une appréciation de la monnaie nationale contre le Dollar américain de près de 2 %. Cependant, considérée en termes mensuels, cette évolution du taux de change au premier semestre 2007 est passée par plusieurs étapes : (i) d’abord, une période de dépréciation entre janvier-février 2007, (ii) ensuite, celle d’appréciation du Franc Congolais depuis le mois de mars 2007 et, enfin, (iii) celle de stabilité relative observée au mois de juin 2007. Comment appréhender ces différentes évolutions ? Et, quelles en sont les enseignements ?

A supposer qu’au 31 décembre 2007, on était dans une situation d’équilibre sur le marché des changes, où le taux de change (e0) était égal à 503,43FC/1USD. Cela peut être illustré par le graphique n°1.

Entre début janvier et fin février 2007, le taux de change est passé de 503,43 FC/1USD à 562,62 FC/1USD, soit une dépréciation du Franc congolais de 10,52 %. Comparée à la situation à fin décembre 2006 considérée comme celle d’équilibre, cette dépréciation du taux de change du Franc traduit un déséquilibre sur le marché des changes : celui-ci est perçu au niveau du graphique n°2 ci-haut avec le déplacement du point d’équilibre de e0 (503 FC/USD) à e1 (562,62 FC/USD). Les conséquences dans ces cas seront celles décrites à la première section ci-haut, notamment le développement et l’incrustation des tensions inflationnistes. Les causes profondes de ce déséquilibre entre janvier-février 2007 se trouvent notamment dans la désarticulation des finances publiques, comme l’indique le tableau 1 ci-dessous.

En effet, le solde consolidé des finances publiques (Trésor et Banque Centrale du Congo) est passé d’un déficit de 11 milliards de FC à plus de 15 milliards de FC entre janvier et février, soit un cumul de près de 27 milliards de FC. Ce déficit a été totalement financé par la « planche à billets », comme peut l’indiquer l’évolution du « Crédit Net Bancaire à l’Etat » – ou la Position Nette du Gouvernement (PNG). Le stock du Crédit Net Bancaire à l’Etat est passée de 141 milliards de FC en décembre 2006, à 148 et 169 milliards de FC en janvier et fin février 2007. Ce qui correspond à une hausse de 28 milliards de FC, exactement le « cumul du solde consolidé des finances publiques » entre janvier et février 2007(voir tableau 1 ci-dessus). Ce volume exorbitant des Francs congolais lâché en circulation par la « Banque », sans que l’économie n’en ait réellement besoin, justifie les pressions sur le taux de change du Fc et, donc, l’instabilité macroéconomique encourue durant ces deux mois.

Appréciation (fin fev.06 – fin mai 07)

Le taux indicatif du Franc congolais est passé de 562,62 FC/USD à fin février 2007 à 496,33 FC/USD à fin mai 2007, soit une appréciation cumulée d’environ 13,03 %. Celle-ci constitue le second cas de déséquilibre de change enregistré depuis le début 2007. Graphiquement, il est appréhendé par le déplacement de l’équilibre au point (e3) du graphique n°2. Cette forte appréciation du franc congolais est le fait de l’application, depuis mars 2007 à la fois : (i) d’une politique budgétaire restrictive par le Gouvernement : la réalisation des excédents publics (tableau 2 ci-dessous) et ; (ii) d’une politique monétaire prudente par la Banque Centrale du Congo : maintien du coefficient de réserve obligatoire à 4 %.

L’effet combiné de ces deux politiques a été l’assèchement des « comptes courants créditeurs des banques en les livres de la Banque Centrale » – les « Avoirs Libres des Banques » (AL) qui constituent le « réceptacle » de ces différentes politiques. Ceux-ci sont tombés de 9,5 milliards de FC à fin janvier 2007 à environ 2,9 milliards de FC à fin mai 2007. Pour reconstituer leurs comptes courants, les banques ont procédé, entre autres, à la vente des devises sur le marché des changes ou à la Banque Centrale du Congo. L’accroissement de l’offre des devises face à une demande en régression serait à la base de la forte appréciation du Fc et, donc, du déséquilibre du taux de change.

Stabilité (1er Juin – 29 Juin)

La « stabilité », en économie, reflète une situation d’équilibre tendancielle, où l’on passe des fortes fluctuations à l’amélioration de celles-ci. C’est la situation « souhaitable » dans la mesure où, elle permet la préservation du cadre macroéconomique. A cet effet, la stabilité du taux de change est constatée depuis le début de juin 2007 : la variation de la monnaie nationale est passée des fluctuations « amples » aux fluctuations relativement « faibles » (voir le graphique 3 ci-après).

En effet, de 495,09 FC/USD à fin mai 2007, la valeur du Franc congolais s’est stabilisée autour de 502 FC/USD les semaines du 1erau 06 juin 2007 et celle du 06 au 12 juin 2007. Il s’est stabilisé autour de 495 pour le reste des semaines : en moyenne, le taux de change a tourné autour de 500 FC/USD, tandis que les fortes pressions à l’appréciation se sont estompées. Ce frein imprimé à la tendance explosive du taux de change, à partir de début juin 2007, serait la résultante de la politique monétaire prudente – d’accompagnement à la politique budgétaire restrictive –, menée par la Banque Centrale du Congo. En effet, étant donné que la politique gouvernementale est restée fortement restrictive jusqu’au mois de juin – avec un cumul de plus 76 milliards de FC d’excédents depuis mars 2007, qui représente une ponction énorme de liquidité au sein de l’économie –, la Banque Centrale a volé de façon « contracyclique », afin (i) de lisser les dommages collatéraux que pouvait causer la politique budgétaire et (ii) alimenter l’économie en liquidité nécessaire à son fonctionnement. C’est ainsi que la BCC procède à l’achat des devises étrangères sur le marché des changes, selon que l’atteste l’évolution positive de ses réserves de change (voir tableau 3).

Cette opération qui permet indirectement à la BCC de reconstituer ses réserves internationales, vise surtout à faire le contrepoids de la politique budgétaire, en injectant de la liquidité dans l’économie ; et cela, en respectant les limites circonscrites par l’évolution des prévisions et des programmations de sa « base monétaire » (voir tableau n°3 ci-dessus).

Ainsi, l’opération « achat des devises par la BCC » viserait à stabiliser la valeur du Franc congolais dans la fourchette de 500-510 FC/USD jusqu’à la fin de l’année, de manière à permettre aux agents économiques (ménages, entreprises,…), d’intérioriser la stabilité monétaire. Cependant, comment rester dans ces fluctuations faibles de la monnaie nationale ? Note finale

Pour maintenir les faibles fluctuations, les politiques budgétaire et monétaire doivent rester prudentes, autant qu’une coordination parfaite doit être assurée (entre le Gouvernement et la BCC) dans la mise en œuvre de ces deux politiques. La discipline budgétaire doit être préservée (par le Gouvernement et la Banque Centrale), tandis que les brusques retournements des tendances sont à proscrire. Cela assurera une évolution correcte des avoirs libres des banques et, partant, une certaine stabilité à la base monétaire.

Au cas où le Gouvernement poursuivrait la politique des excédents budgétaires, la politique monétaire de la BCC doit demeurer prudente. Et, tant que la base monétaire reste en deçà des programmations et des prévisions, la BCC peut continuer à acheter des devises. Cela aura deux effets positifs : (i) alimenter l’économie en liquidité et, pourquoi pas, (ii) reconstituer les réserves internationales.

BENOIT KUDINGA, ASSISTANT/UNIKIN

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