Madilu System : Le meilleur était pour la fin
Le samedi 11 août 2007, la voix de velours de Madilu System (photo ci-contre) connaissait une extinction définitive. Dans une chambre des Cliniques universitaires de Kinshasa, en labsence des éblouissants spots des scènes musicales sous lesquels il a brillé pendant des décennies, le Grand Ninja a rendu lâme. Vaincu à priori par le diabète et lhypertension qui lhandicapaient déjà dans ses productions. On n entendra ainsi plus jamais en live, comme on dit maintenant, ce chanteur qui avec brio sétait imposé comme le dépositaire de la rumba Odemba née de lécole du Tout Puissant OK Jazz. Madilu aura été une sorte dhéritier du grand Maître Luambo Makiadi, avec cette particularité de transférer la primauté de la guitare de Franco au chant solo basé sur sa voix.
En analysant la carrière et lœuvre discographique de Madilu, trois parties bien distinctes se dégagent : les débuts avec ce talent qui se cherchait un nid pour éclore ; ladoption et lintronisation par Luambo Makiadi au sein du TP OK Jazz ; et enfin, une carrière solo qui consacre un talent arrivé à maturité.
Ébloui et inspiré par Sam Mangwana
Il était écrit que Madilu ne reculerait devant rien pour faire une belle carrière dans la musique. La voix de Sam Mangwana séduit le gamin Bialu Jean de Dieu qui veut approcher la star à tout prix. Rusé, il va se lier damitié avec son domestique et préférera traîner au domicile du chanteur que daller à lécole. Dès quil put, il intègre différents groupes où il essaye de chanter comme son idole, et plus tard comme Pépé Kallé.
Son entregent et sa détermination vont lamener jusquà lAfrisa International de Tabu Ley qui montra très peu dintérêt pour lui. Tabu Ley le lui montra parfois de façon blessante obligeant le jeune chanteur à aller voir ailleurs. Un ailleurs qui ne sera que du bonheur
Luambo ladopte et le fait roi
Réputé pour ne pas être un employeur très social, Luambo Makiadi a dû gérer difficilement les ressentiments et les velléités démancipation de ses talentueux chanteurs comme Ntesa Dalienst, Kiambukuta Josky, Youlou Mabiala, Wuta Mayi… Pour y faire face, il jouait souvent à les « diviser pour mieux régner ». Cest ainsi quil fera très vite de Madilu son chouchou, mais pas uniquement par stratégie, mais le talent du chanteur avait tôt convaincu le Grand Maître.
Plusieurs tubes vont consacrer cette collaboration particulière : « Non », « Mario », « Mamou », etc pour ne citer que ceux-là. Même Lutumba Simaro qui ne jurait que par Sam Mangwana, puis par Carlyto et Malage, finit par faire allégeance à la voix de Madilu même si, quelquefois, il lui fit des infidélités en sollicitant Pépé Kallé, comme pour la nouvelle version de sa chanson Cœur artificiel sous le titre Motema libanga. Mais quelques titres plus tard (« Eau bénite », « Ofela », « Daty Pétrole », « Merci bapesa na mbwa »…), le Poète Lutumba ne pouvait plus se passer de Madilu. Et depuis la séparation de ces deux artistes, Simaro lun des tout meilleurs auteurs-compositeurs de la musique congolaise, na plus réussi un seul tube…
Tout seul et bien plus fort encore
La mort de Luambo aura été fatale à son orchestre le Tout Puissant OK Jazz. Des tiraillements entre ayants droit et les musiciens vont causer la scission du groupe avec le Bana OK mené par Lutumba, Ndombe et Josky notamment, et Madilu qui va rester fidèle à OK Jazz et à la famille de Luambo avant finalement de lancer son propre groupe.
Interprète adulé, Madilu va devoir se lancer aussi en tant quauteur-compositeur et responsable dun groupe. À ses débuts, lélève veut copier le maître en montrant un penchant pour la satire à la Luambo Makiadi, mais cest dans le registre du cœur, du romantisme quil va lancer le troisième étage de la fusée Multi System qui va enrichir le répertoire de la musique congolaise des titres incontournables pour les radios et pour toutes les soirées et fêtes congolaises : « Ya Jean », « Faute ya visa », « Si je savais ça », « Bonheur Plus » et surtout « Juste un peu damour » qui restera sans doute la meilleure chanson de Madilu.
À lécole de Luambo, Madilu a appris à peindre la société sans concession, sans complaisance. La cause des veuves et orphelins quon déshérite et la misère exploitée par des églises de réveil auront été des thèmes que Madilu a exploités avec justesse et talent dans plusieurs de ses chansons. Son talent était arrivé à maturité et cest en ce moment quil prit rendez-vous avec léternité. À deux mois près, cest 18 ans jour pour jour après la mort de son maître Franco Luambo Makiadi.
Ombres et lumières
Comme toutes les stars, Madilu na pas été épargné par la rumeur. Dabord celle de trahison de Lumabo Makiadi. Ce dernier avait toujours déclaré souffrir des reins tandis que la rumeur lui attribuait une maladie incurable. Hospitalisé en Belgique, un chanteur congolais lui rapporta que Madilu se répandait dans les milieux congolais le donnant mourrant puisque atteint de la maladie en question. Madilu dut aller se recueillir à la tombe de Luambo pour demander pardon.
Ses liens si particuliers avec Luambo firent lobjet de suspicion, la rumeur parlant dun pacte mystique passé entre les deux. Certains iront même jusquà dire que Madilu souffrait dune plaie incurable et que cétait un sacrifice quil avait fait pour avoir du succès. Le problème cest que lui-même jouait avec cette rumeur et quand des musiciens qui laccompagnaient au studio demandaient à refaire certaines prises, Madilu leur disait : « Bomôna rien nakofula » (Ne vous en faites pas des forces mystiques vont porter lalbum).
Mais lhistoire dun grand artiste comme Madilu ne peut reposer que sur la rumeur. Ainsi, sur son parcours, sur sa vie, sur sa personnalité, sur la maladie qui la emporté… AfriquEchos Magazine (AEM) a choisi de vous proposer un dossier enrichi par des sources autorisées comme on dit. Témoignages et analyses qui constituent un document que, nous lespérons, vous encouragera à maintenir votre intérêt pour notre magazine. Nhésitez surtout pas à nous faire parvenir vos réactions à ladresse e-mail suivante redaction@afriquechos.ch Ou par courrier postal à AEM, Case postale 304 , 1024 Ecublens- Lausanne, Suisse
ENQUÊTE
Madilu nétait pas affilié à la Sacem, sa famille nhéritera donc pas des droits dauteur
TEMOIGNAGES
Dinastar Shango : « Madilu sétait fait ami du domestique de Sam Mangwana pour approcher ce dernier »
Papy Tex : « Pépé Kallé avait donné 500 dollars à Madilu pour quil monte son orchestre »
Paul Kabeya "Kapo" : « Kinshasa la mélomane, ainsi que ses pairs, pleurent Madilu System »
FICHE
Fiche de Madilu Bialu Jean de Dieu
| La Rédaction, AfriquEchos Magazine (AEM)