1973 Dr Jean-Louis Lamboray (Journal du Médecin N° 1868 – 23.10.2007 )
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Médecin itinérant
Le Dr Jean-Louis Lamboray est resté un médecin itinérant, mais il a
changéde méthode, en mettant les personnes au centre des solutions.
changéde méthode, en mettant les personnes au centre des solutions.
Médecin généraliste, titulaire dune licence spéciale de santé publique à
lUCL,
lUCL,
et plus tard dune maîtrise à la Johns Hopkins University à Baltimore,
il
il
célèbre dans quelques jours ses 60 ans tout rond. Issu dune famille
très
très
catholique, il est né à Leuven dune mère qui était pharmacienne et
dun
dun
père qui travaillait à la Société générale des minerais. De là, sans
doute,
doute,
est né son goût pour laventure. «Andrée, mon épouse qui sest entichée
de
de
généalogie, a découvert que nous venons tous dun Jean Lamboray, un
basque
basque
arrivé au 15e siècle en Belgique. Il avait fait le coup dépée à lépoque
et
et
sétait battu contre les Français, avec les Bourguignons et
Luxembourgeois.
Luxembourgeois.
Mes ancêtres étaient toujours intéressés au gouvernement local. Cest
peut-être de là que vient cette volonté de rester indépendant dans ma
façon
façon
de penser.»
Ajoutons que chez les Lamboray, on a pour habitude de se réunir en
famille,
famille,
entre médecins. «Quand mon père invite ses enfants et beaux-enfants,
tous
tous
sont médecins. Ma sœur, anesthésiste, a en effet épousé un pédiatre, et
jai
jai
moi-même épousé une généraliste». Et parmi ses quatre enfants, lun
deux
deux
est aussi médecin généraliste.
Cet ancien chef scout hésita à devenir ingénieur ou curé. Son côté
altruiste
altruiste
le poussa jusquà Lourdes, comme brancardier. Cette proximité avec le
malade
malade
le fit entamer des études de médecine à lUCL, dont il sortit diplômé
en
en
1972. Avant une année spéciale de santé publique, tout en faisant une
année
année
de chirurgie à Bree, dans le Limbourg, pour se préparer à partir au
Congo.
Congo.
Au Pr Kestens, visiblement interpellé à lidée de le voir partir au
Congo
Congo
pour y organiser les dispensaires de soins, Jean-Louis Lamboray répondit:
«Jaime
«Jaime
lAfrique et les Africains. Je suis heureux là-bas. En outre, jaime
la
la
médecine, mais ce qui mattire plus encore cest de permettre aux
Congolais
Congolais
de lexercer dans de bonnes conditions. Ce qui, trop souvent, nest pas
le
le
cas». Il partit donc, en 1973, avec sa fiancée, rencontrée en faculté
de
de
médecine et née à Léopoldville. Son futur beau-père, Charles Liétaer,
était
était
lui-même médecin et fit toute sa carrière comme médecin-chef de la
minière
minière
de diamants de Bakwanga, à Mbujimayi, au Kasaï oriental. Il en profita
pour
pour
prendre contact avec la médecine locale et fut ainsi nommé, par la
Coopération belge, médecin à lhôpital de Disele, chargé dorganiser
le
le
réseau des dispensaires de brousse qui gravitaient autour de cet hôpital
de
de
la Fomulac, la Fondation médicale de lUniversité de Louvain au Congo.
«Cétait
«Cétait
assez extraordinaire, se souvient-il. A la suite dune erreur dordre
géologique, les carottes de terre avaient été retenues négatives, alors
quon
quon
était en plein terrain diamantifère. Aussi, lhôpital trônait comme sur
une
une
presquîle, avec la mine tout autour et une languette de terre nous
reliant
reliant
au reste du monde».
Débarqué à Washington
Mais bloqué sur place, car de garde jour et nuit dans cet hôpital
comme
comme
responsable du service de médecine interne, le Dr Lamboray décide de
sen
sen
aller et rejoint lhôpital de Kisantu au Bas-Congo, où demblée il
remplaça
remplaça
le Dr Jancloes qui avait démarré le sous-secteur médical. Médecin
itinérant
itinérant
de la colonie, il y travailla durant onze ans, ainsi quà Kinshasa, à
la
la
supervision des centres de santé de lensemble de la zone, en
conjonction
conjonction
avec la réforme des soins au Congo, à lorigine de la création des zones
de
de
santé. Mission qui lamena à avoir des contacts avec lOMS et la
Banque
Banque
mondiale, avant dy être recruté début 1987. «Débarqué à Washington,
mon
mon
premier job aura été de conseiller la Banque sur le sida. A la lumière
de
de
mon expérience congolaise, jétais considéré comme un expert.» Huit ans
plus
plus
tôt, linfection nétait encore quune petite tache rouge sur la carte de
lAfrique.
lAfrique.
Mais les recommandations quil rédige pour le président de la Banque
sont
sont
rejetées. «Pourquoi centrer le rapport sur lAfrique? Il y avait
dautres
dautres
enjeux, notamment asiatiques, alors que javais connu, parmi mes amis et
mes
mes
collègues, des gens qui se mourraient du sida ou qui en étaient morts.
Le
Le
caractère massif de lépidémie, et de ce quelle allait représenter,
navait
navait
manifestement pas percuté les hautes sphères.»
Devant fournir lappui technique au chargé du portefeuille santé en
Afrique,
Afrique,
en tant que conseiller ad interim pour la Banque, il participe, à ce
titre,
titre,
à la négociation entre six agences des Nations unies pour la création
dOnusida.
dOnusida.
Et il propose alors de développer la première équipe inter-pays
dOnusida,
dOnusida,
basée à Bangkok. Remplacé dans ses fonctions, après avoir recommandé que
ce
ce
poste soit dirigé par un asiatique, il devient libre dexplorer les
raisons
raisons
pour lesquelles la Thaïlande du nord progresse dans la lutte contre le
VIH.
VIH.
Une étape déterminante dans sa vie. Jusquen 2004, ce «médecin de
lONU»
lONU»
travaillera à Genève, se consacrant à «la réponse locale» et au
développement des réseaux techniques pour Onusida. Lidée du partage
des
des
expériences ne le quitte plus. Dans la province de Phayao, qui était
au
au
départ lune des plus touchées par le VIH en Asie, il sintéresse aux
progrès, qui sont réels, dans la lutte contre cette maladie. Pourquoi
de
de
tels progrès en Thaïlande et pourquoi pas en Afrique, sinterroge-t-il.
Lexplication
Lexplication
lui apparaît comme une révélation: il découvre vite quun des éléments de
la
la
réponse se trouve dans la modification radicale de lattitude du
personnel
personnel
de santé en matière de conseil. «Avec le sida, la nature du conseil a
radicalement changé. Tout ce que nous cherchons à faire, cest daider
les
les
gens à décider par eux-mêmes.»
Lappropriation locale
En désaccord stratégique, il démissionne dOnusida et démarre alors
«la
«la
Constellation pour la compétence face au sida», qui prône une
nouvelle
nouvelle
approche face à lépidémie. «Dans tous les pays qui ont progressé face
au
au
sida, quils soient riches ou pauvres, lélément caractéristique reste
lappropriation
lappropriation
locale de leur santé. Ce nest quaprès que les gens en ont
réellement
réellement
discuté entre eux, une fois quils se sont eux-mêmes chargés du problème,
quon
quon
avance. Aujourdhui, la priorité stratégique mise en place pour
lutter
lutter
contre le sida reste laccès universel aux moyens de prévention et de
soins,
soins,
et non pas lélément coadjuteur qui doit être la stimulation de
lappropriation
lappropriation
locale. On peut mettre en place un accès, mais cela ne veut pas dire
quil
quil
sera utilisé pour autant.»
Pour Jean-louis Lamboray, le changement viendra donc de ce qui va bien.
Il
Il
ne viendra pas de ce que nous allons apporter aux populations, quelles
que
que
soient les choses que nous apportons. Le sida est, à cet égard, un
exemple
exemple
typique. «Quand on va au devant dendroits où les gens sont infectés,
dans
dans
quelle position se trouve-t-on? On voit ce qui ne va pas ou ce qui va?
Notre
Notre
attitude de base reste de voir ce qui ne va pas, dans le monde
occidental.
occidental.
Au lieu dapprécier les forces vives et les choses qui vont bien dans
toutes
toutes
situations.»
Mais avant darriver à cela, et pour espérer des résultats significatifs,
la
la
première chose à changer cest le regard, «the way of thinking».
«Nous
«Nous
devons tous être convaincus que chaque personne, chaque communauté a
en
en
elle-même les ressources pour résoudre ses problèmes. «The ways of
working»
working»
signifie que lorsque nous sommes en interaction avec ces gens, nous
sommes
sommes
aussi là pour apprendre deux, et non pas seulement pour enseigner.»
Le Dr Lamboray en est persuadé: la bataille du sida peut être gagnée. Il
sen
sen
explique dailleurs dans un livre1, rédigé avec Jean Legastelois,
journaliste ayant travaillé à Europe 1. «Quand on dit que lon est train
de
de
perdre la bataille du sida, je ne trouve pas cela intéressant. Ce que
je
je
sais, cest quon peut la gagner! Il ny a pas un pays qui ne puisse
gagner
gagner
cette bataille en dix ans, cest évident. Il faut changer lapproche
et
et
notre regard, croire en les capacités des gens et arrêter de penser que
nous
nous
avons la solution à leur place pour tout.» Cette bataille ne se gagne
ni
ni
dans les cabinets ministériels ni dans les buildings des grandes
institutions internationales, mais dans les chambres à coucher, dit-il.
Cest
Cest
en sappuyant sur les solutions conçues par les communautés locales,
les
les
malades et leurs familles, que le sida recule. La question du sida est
donc
donc
sociale, avant dêtre médicale. Bien sûr, elle est économique aussi, car
il
il
existe un lien direct entre lévolution de lépidémie et notamment la
scolarisation, la prostitution, la création demplois locaux.
«Linformation,
«Linformation,
les préservatifs, largent, sont des éléments essentiels de la lutte,
mais
mais
ils ne peuvent pas se substituer à ce que les gens vont faire pour
eux-mêmes. Ce qui a fonctionné à Phayao, cest la combinaison des
deux.»
deux.»
NOTE:
1. Sida la bataille peut être gagnée, récit et révélations dun médecin de
lONU,
lONU,
aux Editions de lAtelier, Collection la vie au cœur, Paris 2004.
Thierry Goorden