Mise en œuvre de la politique monétaire congolaise en 2007 (Le Potentiel)

 

L’objectif déclaré de la politique monétaire que mène la Banque
centrale du Congo est d’obtenir et de maintenir la stabilité des prix à
travers l’ajustement de l’offre de monnaie à la demande de monnaie.
Pour mettre en œuvre celle-ci, la Banque centrale du Congo détermine le
cadre de pilotage à travers lequel la politique monétaire sera mise en
œuvre au cours de l’année. A partir de ce cadre, elle décide la mesure
dans laquelle il convient de resserrer ou d’assouplir les conditions
monétaires.

Théoriquement, le cadre de pilotage de la politique monétaire
est constitué de quatre éléments principaux, à savoir les instruments,
les objectifs, les stratégies et le dispositif institutionnel.

Au sujet des instruments, l’institut d’émission combine
l’utilisation simultanée de trois instruments de la politique monétaire
: la modification du taux d’intérêt, la révision du coefficient de la
réserve obligatoire et quelquefois les interventions sur le marché de
change. En clair, la Banque centrale recourt aussi bien aux instruments
indirects que directs. Pour les premiers, il s’agit de l’utilisation du
taux d’intérêt portant d’une part, sur les prêts à court terme et des
facilités permanentes et d’autre part, le taux d’intérêt portant sur
des opérations des billets de trésorerie. L’objectif poursuivi en cette
matière est le maintien de la positivité du taux d’intérêt réel en
référence à l’évolution de l’inflation. Le second instrument indirect
est le dispositif de réserves obligatoires qui permet à la Banque
centrale de renforcer l’efficacité de taux d’intérêt et de créer le
besoin structurel de refinancement des banques auprès d’elle-même et
influe positivement sur les liquidités et crédits bancaires.

De manière pratique, ce coefficient agit sur l’actif et le
passif des bilans de banques en imprimant le comportement sur
l’évolution des crédits à l’économie et la situation des liquidités des
banques. Quant aux instruments directs, ils consistaient, de par le
passé, à l’encadrement direct et portaient sur la capacité de
refinancement et du plafond de refinancement. Ces plafonds ont disparu
avec la suppression de la capacité de financement et sont désormais
fonction exclusive de la capacité de la banque créatrice de monnaie à
présenter des effets de bon standing.

La Banque centrale du Congo poursuit comme objectif final la
stabilité du niveau général des prix. Pour atteindre cet objectif
final, l’institut d’émission considère, d’une part, le stock de monnaie
(M1) augmenté des dépôts à terme en monnaie nationale comme l’objectif
intermédiaire de sa politique monétaire. Et d’autre part, la base
monétaire au sens strict est considérée comme l’objectif opératoire. Au
sujet de ce dernier objectif, il convient de préciser que les
mouvements de la composante circulation fiduciaire sont souvent dictés
par les facteurs autonomes de la liquidité, principalement les
opérations du trésor en recettes et en dépenses et, subsidiairement,
par les retraits des comptes observés lors de la rentrée scolaire et
des fêtes de fin d’année. En outre, la politique monétaire exerce des
effets sur cette composante de la base monétaire à travers les ventes
des devises qu’effectue la Banque centrale auprès des banques
commerciales lorsque les contreparties sont versées en espèces. La
composante « avoirs libres » est celle qui est la plus influencée par
les inflexions de la politique monétaire à travers les billets de
trésorerie.

Hormis les instruments et les objectifs, la Banque centrale
recourt à trois stratégies alternatives dans la conduite de sa
politique monétaire, il s’agit de la stratégie de la règle qui consiste
en l’annonce préalable des objectifs à atteindre et des mesures à
prendre avec engagements fermes, vient ensuite, la stratégie basée sur
la discrétion où la Banque centrale traite les problèmes au cas par cas
de façon discrétionnaire sans pour autant faire une annoncé préalable
des objectifs poursuivis. Vient enfin, la combinaison de deux premières
stratégies par le recours aux règles implicites.

Le dernier élément du cadre de pilotage de la politique
monétaire en République démocratique du Congo est le dispositif
institutionnel. Le cadre institutionnel de la mise en œuvre de la
politique monétaire est l’indépendance de la Banque centrale du Congo
lui conférée par le décret-loi n°005/002 du 07 mai 2002. Cette
indépendance ne signifie pas, comme d’aucuns le pensent, la déconnexion
totale vis-à-vis du gouvernement ou l’indépendance vis-à-vis du
gouvernement. Elle signifie tout simplement l’autonomie dont jouit la
Banque centrale dans les choix des instruments et la définition des
objectifs en vue d’atteindre son objectif final qu’est la stabilité des
prix. D’ailleurs, il convient de préciser qu’en ce qui concerne
l’objectif final, il est défini en concertation avec le gouvernement.
Mais néanmoins, cette indépendance permet à la Banque centrale
d’observer la règle qu’elle définit et qu’elle entend respecter. Ce
cadre étant clairement défini, nous pouvons à présent apprécier la
politique monétaire telle qu’elle a été conduite au cours de l’année
2007 par la Banque centrale du Congo.

FORMULATION ET MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE MONETAIRE EN 2007

A
l’aube de la fin de l’année 2007, l’évaluation préliminaire du cadre de
pilotage de la politique monétaire révèle que les disponibilités
monétaires et la masse monétaire au sens large se sont chiffrées
respectivement à 207.876 millions de francs congolais pour la première
et 524.792 millions de francs congolais pour la seconde à fin septembre
2007 contre 211.983 millions et 436.922 millions de francs à fin
décembre 2006, respectivement pour le deux agrégats. Soit une
diminution de -1,94% des disponibilités monétaires et un accroissement
de la masse monétaire de 20,11% entre décembre 2006 et fin septembre
2007. Cette croissance de la masse monétaire, note la Banque centrale
du Congo, est expliquée par l’accroissement conjugué des avoirs
intérieurs nets et des avoirs extérieurs nets. Au cours de la même
période, le cumul des émissions s’est situé à 87.503 millions de francs
contre 61.182 millions à fin décembre 2006, soit un accroissement de
43,02%, justifié par la comptabilisation des billets immédiatement
disponibles, des billets en cours de comptage et de ceux impropres à la
consommation.

En effet, cet accroissement modéré de l’offre de monnaie fait
suite d’une part, au respect des objectifs de croissance économique, du
taux d’inflation et de change arrêtés respectivement à 6,5%, 12% et à
560 francs congolais le dollar américain à fin décembre 2007 et d’autre
part, à une politique désinflationniste amorcée depuis le mois de mars
2007 et qui s’est poursuivie jusqu’à présent au sein de l’économie
congolaise, en dépit de deux chocs passagers des prix des produits
pétroliers observés au mois de mai et dernièrement au cours du mois de
novembre 2007. Ces chocs font suite à la hausse de prix du baril de
pétrole qui avoisine actuellement 100 dollars américains sur le marché
international, chocs qui ont entraîné plusieurs perturbations au sein
de tous le secteurs de l’économie congolaise. Dans le secteur de
transport, par exemple, on a enregistré une augmentation de prix de
transport tant de personnes que des biens et services, hausse qui s’est
répercutée sur l’ensemble des prix de biens de consommations tant
importés que produits localement.

Pour contrer les chocs inattendus dans le sens de la hausse
ou de la baisse tant de liquidités intérieures globale que des prix, la
Banque centrale dispose de trois instruments pour la mise en œuvre de
la politique monétaire : le coefficient de réserve obligatoire, le taux
d’intérêt tant directeur que sur les billets de trésorerie et les
interventions sur le marché de change. Quoique ces instruments soient
indirects c’est-à-dire dépendants des forces du marché, ils sont
d’habitude déterminés d’une manière discrétionnaire par l’institut
d’émission et l’objectif poursuivi est celui d’atteindre la stabilité
des prix.

Au sujet du taux directeur, l’objectif poursuivi par la
Banque centrale en cette matière est le maintien de la positivité du
taux d’intérêt réel. En référence à l’évolution de l’inflation,
l’institut d’émission a procédé à trois reprises à sa modification dans
le sens de la baisse au cours de onze derniers mois. Au début de
l’année, ce taux était de 50% et passe successivement à 40%, 30% pour
enfin se situer à 22,5% respectivement au 11 avril ; au 31 mai et 12
juillet 2007. Cette baisse du taux directeur fait suite à la
décélération de l’inflation obtenue par des mesures de désinflation
amorcées en mars dernier. Pour rappel, le taux directeur joue le rôle
central comme instrument de régulation monétaire et de guidage de la
politique du crédit à l’économie. Il est, d’ailleurs, le canal de
transmission du développement du marché interbancaire et le signal du
financement bancaire des investissements. Il est toujours positif et
légèrement supérieur de 10% au taux d’inflation objectif (soit 22,5%
contre 12% du taux d’inflation objectif).

Comme le précédent, le taux d’intérêt des billets de
trésorerie est un taux créditeur des actifs financiers émis par la
Banque centrale du Congo en vue de la régulation de la liquidité de
l’économie. Les différentes modifications du taux directeur intervenues
au cours de l’année ont entraîné ipso facto la modification du taux de
refinancement du billet de trésorerie à 28 jours. Il a été ramené au
niveau du taux directeur et ce, dans le cadre de la hiérarchisation des
taux de la Banque centrale du Congo.

Depuis son lancement en décembre 2002, l’encours du billet de
trésorerie est resté positif et va même croissant. Entre fin décembre
2006 jusqu’au 24 octobre 2007, cet encours est passé de 13.061,50
millions de francs à 26.671,00 millions de francs congolais, soit une
ponction de la liquidité globale évaluée à 13.609,5 millions de francs
congolais, contre de frais financiers de 3.791,00 millions de francs à
fin septembre 2007. Il convient de préciser que l’essentiel des
souscriptions sont opérées par le débit des comptes des banques
créatrices de monnaies en avoirs libres auprès de la Banque centrale du
Congo et une infime partie des souscriptions est réalisée en espèces
notamment par les particuliers auprès des banques commerciales. De ce
fait, les billets de trésorerie jouent non seulement un rôle important
dans la régulation des réserves libres alimentées par les virements du
Trésor à plusieurs titres (paie, fournisseurs) mais également ces
titres permettent une allocation de ressources et une réduction de
pressions exercées sur la demande des devises souvent pour les motifs
de précaution et de spéculation. En définitive, les billets de
trésorerie touchent à toutes les composantes de la liquidité (espèces
et monnaie scripturales) et constituent ainsi un instrument de
régulation de la liquidité globale à la différence des instruments de
refinancement. La conjugaison de ces divers instruments a permis de
ramener le taux d’inflation de son point le plus haut enregistré à fin
février, soit 25,56% à 9,69% à fin octobre 2007.

En conclusion, le caractère pro-actif de la politique
monétaire menée jusque là laisse présager une conclusion heureuse des
objectifs fixés en termes d’expansion monétaire, d’inflation et du taux
de change pour cette année.

CRISPIN MALINGUMU SYOSYO, ASSISTANT UNIKIN ET ENAP-KIN

Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel 2005

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