Colette Braeckman déballe "le modus operandi " des politiques occidentaux au Congo (JP Mbelu)
populations congolaises, l'un des derniers articles de Colette Braeckman mérite
une attention particulière. Il dévoile "le modus operandi" des politiques
occidentaux au Congo depuis les indépendances jusqu'à ce jour. Il semble
témoigner que Colette Braeckman est beaucoup plus au courant du calendrier des
voyages du chef de l'Etat (manqué) congolais que les Congolais eux-mêmes. Au
point que certains Congolais posent la question de savoir si elle est devenue
"la conseillère officieuse" en communication de Joseph Kabila. Cet article
traite aussi de l'avenir du Congo de manière à orienter l'histoire présente de
ce pays. Revenons sur certains de ces points.
I. Le modus operandi des
Occidentaux
En soutenant, à la dernière rencontre des ministres européens, que Joseph Kabila était devenu "incontrôlable",
Karel De Gucht aurait utilisé un terme "dangereusement codé". Pour Colette
Braeckman, "il avait naguère été utilisé à l'encontre de Patrice Lumumba, de
Thomas Sankara et plus récemment, il qualifiait Laurent-Désiré Kabila (…)" (C.
BAECK
dans Le Soir du 20 juin 2008)
Ce terme évoque toute une façon de faire et d'agir propre aux "faiseurs
des rois" au Congo et en Afrique. A travers l'histoire officielle,
"l'utilisation du terme "incontrôlable" signifiait ce que l'on pourrait traduire
en anglais par "licence to kill", feu vert pour ce que les Belges, champions de
l'euphémisme, appelaient pudiquement en 19960, "une solution définitive"." (Ibidem) Lumumba, Laurent-Désiré
Kabila et Thomas Sankara ont été victime de cette "solution définitive". Pour
Colette Baeckman, "à chaque fois qu'il s'est agi d'écarter, du pouvoir ou de
la vie, ces leaders nationalistes, "souverainistes" aurait dit De Gucht
aujourd'hui, les méthodes étaient pareilles: diviser l'entourage, découvrir ou
fabriquer des "modérés" c'est-à-dire des pro occidentaux, répandre des rumeurs
'-"Lumumba boit trop, il perd les pédales…" ou "Laurent Kabila est incapable de
diriger un Etat moderne", faire miroiter des possibilités d'accès au pouvoir à
des ambitieux, semer la défiance…" (Ibidem. Nous
soulignons)
Colette Braeckman remarque que bien que les temps aient changé et que le
monde soit devenu multipolaire, les méthodes des "faiseurs des rois", elles,
sont restées identiques à celles utilisées pendant la guerre froide. Elle
partage implicitement la thèse de Raimon Panikkar selon laquelle "il n'est pas
réaliste de rechercher la paix si on ne procède pas à un désarmement de la
culture belliqueuse qui est la nôtre (occidentale)." R. PANNIKKAR, Paix et désarmement culturel,,
Actes du Sud 2008, p.15)
Les confidences des soldats américains blessés de la guerre d'Irak vont
dans le même sens. Elles attestent que la culture occidentale est belliqueuse et
qu'elle opère sur fond du mépris de l'autre assimilé à "une abstraction à forme
humaine". Cet autre peut être "nationaliste", "souverainiste" ou "simple
citoyen".
Relisons un peu ce témoignage d'un GI: « Le premier
briefing, vous le recevez en descendant de lavion, au Koweït, et quand vous
quittez lavion, cest en tenant un sac de marin à chaque main », rappelait
Millard, « vous avez votre flingue en bandoulière et un autre sac sanglé sur le
dos. Vous étouffez de chaleur. Vous êtes crevé. Vous avez en plus le décalage
horaire dans les pattes. Votre esprit est bêtement envahi de sentiments à
par-dessus le marché, vous avez la trouille, parce que, vous savez, vous êtes au
Koweït, vous nêtes plus aux États-Unis… Et ainsi, la crainte sinstalle. Après
ça, ils vous font asseoir dans cette petite salle de briefing et vous subissez
ce briefing sur la façon dont, sachez-le bien, vous ne pouvez faire confiance à
aucun de ces hadjis de merde, parce que tous ces
hadjis de merde vont vous tuer. Et le mot ‘hadji est toujours utilisé comme un
terme de mépris et, généralement, suivi des mots ‘de merde. » C.
HEDGES, La guerre en Irak? Une succession de
meurtres, ni plus ni moins, dans www.michelcollon.be L'autre méprisé est indigne de
vivre. Les Irakiens en savent quelque chose.
"Cet univers irakien à la Hobbes, tel que Flanders le décrit, est un
monde où léthique se résume à tuer ou être
tué. Toute nuance et distinction avait disparu, pour lui. Il avait
limpression, à linstar de la plupart de ses compagnons, dêtre dans un monde
binaire : eux et nous, les bons et les mauvais, ceux qui sont dignes de vivre et
ceux qui ne le sont pas. Limmense majorité des civils irakiens,
pris au milieu du fracas déclenché entre les milices, les escadrons de la mort,
les gangs criminels, les combattants étrangers, les bandes de kidnappeurs, les
terroristes et les troupes doccupation lourdement armées, nétaient juste quun
obstacle de plus qui, sil encombrait daventure la voie, devait être éradiqué.
Ces Irakiens nétaient plus humains. Ils nétaient plus que des abstractions à
forme humaine." (Ibidem)
De ce qui précède, il ressort que la culture occidentale belliqueuse, entretenue par les hommes politiques d'hier et
d'aujourd'hui, -même si elle n'est pas partagée par les occidentaux humanistes-
opère sur fond des clichés dévalorisants de l'autre, du différent dans sa
diversité. Même s'il arrive que les chefs " nationalistes", "souverainistes" ou
"pro africains" soient les plus visés.
Lumumba, Thomas Sankara,
Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila: tous
nationalistes?
Il est rigolo de voir Colette Braeckman aligner l'un après l'autre
Lumumba, Thomas Sankara, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila.
Non. Ils ne sont pas du même acabit. Lumumba a porté dans sa chair, dans
son cœur et dans son esprit l'initiative d'une lutte ardente et idéaliste pour
l'autodétermination du Congo. Victime des clichés colonialistes, il symbolise,
dans l'imaginaire congolais (et africain), l'audace d'une parole libre (et
libérée) et d'une vie livrée pour qu'un jour l'histoire du Congo et de l'Afrique
arrête de s'écrire à partir des bureaux climatisés de Bruxelles, Paris, Londres, Rome et Washington; qu'elle soit
assumée par les dignes filles et fils de nos populations.
Citer Thomas Sankara après ce digne fils du Congo signifie que Lumumba et
Nkrumah ne sont pas morts en vain. Ils ont survécu à travers "cet homme intègre"
qui avait le don "de marteler les mots, de leur assener au point tonal ce poing
qui dompte sans frousse, sans amertume; de leur assigner avec rigueur et méthode
une trajectoire vers le but: la lutte, le combat, la victoire." (K.
L
Dakar, dans PH. REY, L'Afrique écrit à Sarkozy. Contre le
discours de Dakar, Paris, Philippe Rey, 2008, p.181)
Si "le soldat du peuple", Laurent-Désiré Kabila, peut se retrouver aux
côtés de Lumumba et Thomas Sankara, c'est peut-être à cause de son revirement à
180°. Il a voulu, à un certain moment, "renier" son rôle de pantin dans "une
guerre d'agression" faussement qualifiée de "guerre de libération". Son passé de
marxiste a soutenu à un certain moment de ce revirement sa lutte politique quand
il disait aux Congolais(es): "Vous devez être maîtres, chez vous, là". Mais ne
sachant pas trop bien comment faire pour concilier la gestion des intérêts "des
faiseurs des rois" et ceux des Congolais(es), il a été victime de la "solution
finale".
Et "s'il était à ce point urgent de détrôner Kabila (Laurent-Désiré),
écrit Colette Braeckaman, dictateur certes, mais guère plus
que d'autres, n'est-ce pas aussi parce qu'il avait eu l'audace de prétendre
déconnecter le Congo des circuits dominants qui mènent le Sud vers le Nord?
Parce qu'il avait tenté d'aller à contre-courant? Ne serait-ce pas parce que
d'autres pays d'Afrique, suivant l'exemple du Congo, auraient pu être tentés
leur dépendance par rapport au reste du monde?" (C. B
Les nouveaux prédateurs. Politiques
des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2003, p. 187) Colette
Braeckman répond positivement à ces questions qu'elle pose en notant ce qui
suit: "Rappelons que les projets fondés sur l'idée de "renaissance africaine"
ont pour ambition de mieux intégrer le continent aux circuits économiques
mondiaux, et le Congo est un maillon essentiel à la réussite de cette ambition.
Dans cette perspective, il apparaît que l'objectif que l'objectif à long terme
de la guerre menée au Congo fut de remettre le pays sur cette trajectoire-là, de
mieux l'intégrer à l'économie mondialisée." (Ibidem)
Pantin des initiateurs de la guerre d'agression, Laurent-Désiré Kabila a
été, au dire de Colette Braeckman, un dictateur. Que cette dame oublie
rapidement sa classification de 2003, voilà ce qui nous pousse à ne pas trop
nous fier à "son expertise téléguidée".
Et quand elle écrit sur Joseph Kabila aujourd'hui, elle fait comme si ce
n'était pas lui, "l'homme qui poussera le Congo à "rentrer dans le rang" (de
l'économie mondiale de la prédation)! Cela même si elle intitule le point qui
est à la page 207 de son livre susmentionné: "Joseph Kabila s'incline devant le
FMI et la Banque mondiale."
Dans ce contexte, classer un agent de l'économie mondialisée de la
prédation aux côtés des dignes fils du Congo et de l'Afrique ne peut être
interprété que comme une injure à la mémoire historique congolaise et africaine.
Et cela pose les questions autour "des dieux " que sert cet "expert du Congo".
Sont-ce "la vérité" ou "l'or et l'argent"?
Il y a pire. Joseph Kabila fut membre de l'APR/ FPR. Or, il est de plus
en plus établi que l'APR/FPR, pour réaliser ses ambitions hégémoniques en
Afrique Centrale et garantir les intérêts maffieux de ses amis anglo-saxons, a
participé au génocide de 1994 au Rwanda, avec toutes ses conséquences au Congo.
Et " aujourdhui, écrit Colette Braeckman, les relations (entre le Rwanda et le
TPIR) sont empoisonnées par un sujet de litige encore plus important: devant le
Conseil de sécurité, le procureur général du TPIR a répété que les crimes commis
en 1994 par le Front patriotique rwandais étaient bien de la compétence du
tribunal. M. Jallow a précisé quil allait poursuivre quatre hauts gradés
rwandais, accusés davoir tué 13 dignitaires religieux dont cinq évêques et deux
civils à Gitarama le 5 juin 1994. Il a indiqué que des actes daccusation
seraient prochainement présentés. Il sagit là dune première: en 15 ans
dexistence, le TPIR navait jamais mis en accusation que des dignitaires de
lancien régime hutu, omettant de poursuivre des membres du FPR…" (C.
B
rwandaise, dans Le
Soir du 11 juin 2008).
Donc, ce "camouflet" n'est pas tout simplement donné à la justice
rwandaise; il est un puce à l'oreille des Congolais(es) ayant accepté de
légitimer à la tête de leur pays un membre de l'APR/FPR, c'est-à-dire "un
génocidaire éventuel".
Que ce monsieur ordonne à John Numbi et au colonel "Raüs" de tuer dans le
Bas-Congo, cela ne peut surprendre que ceux et celles qui ne connaissent pas les
objectifs poursuivis par l'APR/FPR en Afrique Centrale. Que ce monsieur coopère
avec "la Camora sicilienne", cela ne peut étonner que ceux qui ne savent pas que
le système Kabila participe de la maffia qui, chaque jour met le Congo, à genou.
(Lire le journal Le Potentiel
du samedi 21 juin et du lundi 23 juin 2008)
Que ce monsieur aille chez Sarkozy, cela ne peut inquiéter outre-mesure
que les Congolais(es) et les amis du Congo qui n'ont pas lu le discours de
Sarkozy à Dakar. Les Congolais font partie de ces millions d'Africains qui, au
dire de Sarkozy à Dakar, ne sont pas rentrés dans l'histoire. Les tuer,
criminaliser leur immigration, tout cela fait partie de la culture belliqueuse
occidentale opérant sur fond des clichés. Contrairement à sa rhétorique
électorale, Sarkozy n'a pas rompu avec
C'est
africains pour les intérêts économiques de
la police nationale congolaise que finance la France soit celle-là qui a tué
dans la Bas-Congo.
Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, le système Kabila
conjugue violence, prédation et intérêts du capitalisme financier. Il participe
de réseaux mafieux du capitalisme prédateur et le recours à la violence l'aide à
casser toute résistance à ce "modus operandi". Ceci est devenu un secret de
polichinelle pour des millions de Congolais(es) avertis et leurs amis du monde
entier. Leurs amis Belges y compris. (à
suivre)
J-P.Mbelu