29.01.09 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Philippe Biyoya Makutu.
1. Quelle chance donnez-vous au processus de décentralisation en cours en République démocratique du Congo ?
La chance que je donne à ce mode de gestion de la cité, réside au
niveau de la compréhension que nous tous nous devons avoir de la
décentralisation et surtout celle que les dirigeants congolais
impriment à ce processus. A mon avis, je considère que la réussite de
la décentralisation pourra marquer un tournant décisif dans lhistoire
de la République démocratique du Congo. Je pense que ça devrait être la
réforme la plus fondamentale de ce que nous appelons déjà la troisième
République, qui doit marquer la différence avec le passé. Je le dis
parce que le processus de décentralisation en cours au pays pose un
réel problème lié à la capacité à gérer convenablement lespace et
lactif national et cela suppose que nous puissions partir dun constat
selon lequel notre façon de gérer la République ne nous a pas permis de
rétablir lautorité de lEtat sur lensemble du territoire national et
de disposer des ressources nationales.
Pour faire nouveau, il faut une redistribution des tâches et
des compétences de lEtat de telle façon à provoquer une dynamique qui
donne sens à une démocratie architecturale, esthétique ou de façade. Le
pays na pas besoin dune démocratie réelle consistant à la libération
des expressions, mais de limagination. Je ne sais pas si on a une
telle compréhension partout. Face à ce qui précède, on entreprend la
décentralisation au pays contrairement à la théorie générale de
celle-ci, car on parle de la décentralisation là où on a expérimenté un
Etat fortement décentralisé. Or, au Congo, nous sommes en période de
leffondrement du pays dans lequel lEtat a été détruit de son
autorité, de larmée, de la police et de ladministration.
2.Que pouvait être la contribution des scientifiques pour la réussite de ce processus ?
Ma contribution est dordre intellectuel, je ne peux que
donner mes idées. Je suis très heureux que vous me posiez cette
question. Dans mon livre intitulé : «Transition apaisée », je me suis
penché sur cette question. Lanalyse qui sy dégage est que les
Congolais ont été considérablement affaiblis par lhistoire coloniale
belge, sans oublier le dictat de la communauté internationale. Ce qui
na pas permis aux Congolais de sapproprier des acquis de cet héritage
notamment, lidée de voir un Congo fédéral pour ne pas réveiller les
velléités de sécession dans certaines provinces. La gestion de notre
pays est jugée inefficace et opaque par les uns et les autres et il
fallait pour cela organiser une conférence sur lappropriation de
lhéritage colonial comme on la fait pour la Conférence nationale
souveraine (CNS); le dialogue intercongolais à Sun City pour discuter
du fonctionnement de lEtat que nous ont légué les belges. Avec la
décentralisation, une occasion propice a été offerte aux provinces de
prendre en mains chacune, son destin tout en sadonnant à renforcer
lunité, la cohésion et la solidarité nationales.
3. Le nombre de provinces va passer de 11 à 26. Quel est votre avis sur ce découpage territorial?
Il sagit dun découpage qui va renforcer les
capacités de provinces. Mais, jai limpression que les thèses et la
vision du gouvernement étaient pessimistes. Le gouvernement central ne
veut pas perdre le pouvoir. Depuis que la Constitution a annoncé ceci,
on na pas mis des moyens financiers nécessaires à ce processus.
Jusquici, on ignore la place que le gouvernement central a affectée en
faveur de ce processus de découpage. Celui-ci peut sétendre à 40 voire
100 provinces, mais lessentiel est de redéfinir les tâches dévolues à
la conférence des gouverneurs, qui devrait être une tribune où
sexpriment des aspirations de chaque province pour le développement.
Mais, le nombre de provinces ne pourrait pas faire peur, au contraire,
on craint la spirale des idées qui triomphent, à ce jour, au parlement
où la volonté de coalition prime.
4. A cette étape du processus, quels sont les obstacles à craindre?
Il y a trois obstacles majeurs, à savoir,
labsence du débat sur la décentralisation qui aurait permis une
contribution participative de tous les milieux scientifiques et
universitaires, le manque de volonté politique pour asseoir
véritablement le processus de décentralisation et linterférence du
gouvernement central sur les prérogatives des provinces. En plus, les
élections sénatoriales ont été organisées sur le plan de lactuelle
nomenclature de la décentralisation sans que les entités pour
lesquelles les sénateurs sont issus nexistent.
5.Avez-vous des recommandations à faire pour la réussite du processus?
Oui, la décentralisation est
laffaire de tout le monde. Elle suppose un changement total de notre
philosophie politique, sociale et économique. Ce processus pose
également un sérieux problème qui est celui de vivre ensemble dans la
prospérité.
Tirées de lAgence presse associée, n° 2318, du 28 janvier 2009
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel