03.02.09 Le Potentiel : CINQ QUESTIONS à Pascal Lamy
1. Vous êtes seul candidat à votre succession. Est-ce que le poste nintéresse plus personne?
La vérité, cest que les principaux membres, ou groupes de membres –
comme le groupe africain -, ont envoyé des signaux qui nétaient pas
ambigus sur le fait quils préféraient que je reste. Ce qui nétait pas
automatique dans mon esprit. Jai réfléchi au pour et au contre et, ce
qui la emporté, cest la nécessité de la continuité. Dans les
circonstances actuelles, il faut éviter quune des ancres de léconomie
internationale ne dérive.
2. Vous évoquez la crise. Elle entraîne une volonté
politique de contrôle des économies nationales. Nest-ce pas
incompatible avec le libéralisme que prône lOMC?
LOMC ne prône pas le libéralisme, mais louverture des échanges
régulés. Limage selon laquelle lOMC est contre lÉtat, favorable aux
privatisations ou à la dérégulation, est inexacte. LOMC repose sur
lidée que louverture des échanges, ça marche. Et surtout pour le
développement. Depuis un an, ce sont les pays du Sud qui poussent à la
conclusion de la négociation de Doha et, parmi ceux-là, les plus
pauvres. Plus on ouvre les marchés et plus la globalisation économique
progresse, plus il est nécessaire de disposer de régulation. Il y a
un code sur les subventions à lOMC. Il y a un code sur la propriété
intellectuelle. Un autre sur les biens et les services. Ouvrir les
marchés pour permettre davantage dopportunités, davantage de
spécialisation, davantage de croissance, cest le travail de lOMC.
Ouvrir votre marché ne signifie pas le déréguler, mais soumettre aux
mêmes règles les opérateurs nationaux et étrangers.
3. Quel est lintérêt des économies africaines douvrir
leurs marchés, alors quelles nont pas, ou presque pas, dindustries
en état de tenir tête à celles des pays développés ?
Dans la négociation multilatérale en cours à lOMC, les pays
africains en général nont pas de nouvelles concessions à faire en
vertu du «traitement spécial et différencié», ce qui leur permet de
maintenir des protections à limportation pour ceux qui le désirent.
Ils ont, en revanche, beaucoup à gagner en accédant plus facilement, et
dans des conditions plus équitables, aux marchés des pays développés et
des pays émergents. Par exemple, ils ont un accès en franchise de
droits et de quotas pour les pays les plus pauvres; une réduction
importante de la progressivité des tarifs qui pèse sur les exportations
agricoles de produits transformés et qui compromet les efforts de
diversification et dintégration des filières agricoles. Tout ceci
explique leur volonté de voir conclure la négociation le plus
rapidement possible.
4. Vous avez dit que lun des objectifs de votre prochain
mandat était dintervenir dans la régulation financière mondiale. Vous
voulez donc une OMC de la finance…
Non. LOMC na pas compétence en matière de régulation financière.
Mais les faits sont là. Et lOMC, comme dautres systèmes
multilatéraux, peut servir dinspiration. Par rapport à la santé, au
transport maritime, aux télécommunications ou encore au commerce, qui
sont autant de domaines de régulation internationale, la finance
demeure un trou béant. Je constate, à titre dexpert de la régulation
internationale, que les structures existantes ne sont pas parvenues à
le combler et, de ce point de vue, le processus entamé par le G20
depuis novembre dernier est positif.
5. Avec une réserve en ce qui concerne la représentation de lAfrique…
En effet. La présence de lAfrique du Sud au G20, au demeurant
légitime, nest pas la réponse au problème de la représentation du
continent. Pourquoi ne pas demander au président de la Commission de
lUnion africaine de siéger au G20? Cette solution permettrait déviter
lexercice difficile de décider quel pays inviter. Le président de la
Commission de lUnion africaine, qui, en outre, possède une certaine
expertise de ces questions, peut parler en titre pour lAfrique.
Tirées de Jeune Afrique, n°2506, du 18 au 24 janvier 2009
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