19.02.09 Le Potentiel: Cinq questions à Jean-Philippe Tipoy
1. En tant que Congolais vivant en Afrique du Sud, comment réagissez-vous face au drame humanitaire dans lEst du pays?
Nous sommes tous Congolais et avons le souci de notre pays, la RDC.
Nous avons limpression que nous qui sommes à létranger, avons plus de
souci de notre nation par rapport à ceux qui sont au pays. Nous
déplorons cette situation malheureuse dans lEst de la RDC. Nous savons
que Mobutu avait détruit le pays, mais ne disait-il pas que «la paix au
Zaïre ne se discute pas». Aujourdhui, le Rwanda, autrefois considéré
comme une zone du Zaïre, nous fait la loi. A ce sujet, les Latinistes
disent «qui veut la paix prépare la guerre». Si nous ne préparons pas
la guerre, cest nous qui ne voulons pas de la paix. La solution réside
dans le camp des dirigeants qui doivent à tout moment assurer
lintégrité territoriale.
2. Est-il facile pour les étrangers et particulièrement les Congolais de vivre et de travailler en Afrique du Sud?
Ce nest pas facile de travailler à létranger. En Afrique du Sud
comme ailleurs, avant de travailler, il faudra dabord remplir un
certain nombre de critères. Il faudra avoir ses papiers en ordre
(permis de travail), remplir les conditions du travail dont la société
a besoin, déposer une demande, passer linterview, etc. En Afrique du
Sud, il y a ce que lon appelle «Affirmative action» et le «Employment
equity» qui sont en place. Cest-à-dire quon ne peut engager un
étranger sil y a un citoyen sud-africain en quête demploi avec la
même qualification que la vôtre pour le même poste. Entre la femme et
lhomme, la femme a la priorité dêtre engagée et entre un Noir et un
Blanc, la priorité sera accordée à un Noir. Dès quon est engagé, il
ny a pas de disparité pour les salaires. Je suis médecin-directeur
dun des grands hôpitaux de Johannesburg. Il y a beaucoup de Congolais
qui occupent de grandes fonctions tant dans le secteur public que
privé.
3. Que conseillez-vous aux jeunes qui veulent à tout prix quitter le pays pour sépanouir à létranger?
Les jeunes quittent le pays pour létranger parce quil ny a pas
demplois. Et ceux qui travaillent narrivent pas à prendre en charge
leurs familles et nouer les deux bouts du mois. La solution, pour eux,
cest de quitter le pays pour létranger. Mais la situation à
létranger nest pas aussi facile quon ne le croit. Cest vraiment
trop dur. Il est, pour cela difficile de conseiller les jeunes de ne
pas sortir du pays. Pour nous qui sommes à létranger, ils diront que
nous sommes jaloux et ne voulons pas quils nous rejoignent. Avant
toute chose, il faudra au moins être porteur dun diplôme universitaire
avant de quitter le pays et avoir de bons renseignements sur le pays
daccueil. Par exemple, quand on est médecin et que lon veut
travailler en Afrique du Sud, il faudra avoir des informations sur
lAfrique du Sud sil y a une opportunité dans ce secteur.
4. La réhabilitation des infrastructures de la santé
figure parmi les 5 chantiers prioritaires de la République. Pensez-vous
revenir au pays pour participer à sa reconstruction?
Comme je lai dit au début, on a envie de participer à la
reconstruction du pays. Le comble est quil ny a pas de lois qui
protègent les travailleurs. Les emplois ne sont pas sécurisés.
Actuellement, il ny a pas une bonne politique sanitaire. Beaucoup de
gens meurent, faute dargent pour se faire soigner et lEtat ne sen
offusque.
5. Quelle est, daprès vous, la thérapeutique de choc pour éviter la fuite des cerveaux?
Il ne faudra pas traiter les symptômes, mais plutôt les causes de
la maladie. Il faudra avoir une bonne politique, notamment sur la
création des emplois, la diminution du taux de chômage, les salaires
minimum pour les travailleurs, lappel des investisseurs au pays et non
leur rançonnement, la santé et la gestion des entreprises de lEtat.
Sans oublier le respect des biens de lEtat et la lutte contre la
corruption. Il faudra également que la magistrature soit indépendante
et joue pleinement son rôle. Et que la Police joue aussi son rôle et
quil ny ait pas dinterférences dans les affaires de lEtat.
Par exemple, il ny a aucun pays au monde qui peut fonctionner pendant
plus dune année sans passeport. Les autorités ont trouvé cela normal.
Les ministres qui singèrent dans les affaires qui ne relèvent pas de
leurs attributions. Bref, beaucoup de choses restent encore à faire.
Propos recueillis par O.D.
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