28.02.09 Le Potentiel: Cinq questions à Marcel Victoire Panda Kani Beya

 

1.Que pensez-vous de la fin de la guerre dans l’Est de la RDC?

Penser que la guerre a pris fin dans l’Est de la République
démocratique du Congo, et que la paix y est définitivement revenue,
c’est trop dire. Pour moi, ce n’est pas encore la paix, mais un répit.
Je suis sceptique parce que je crois que ceux qui avaient financé cette
guerre n’ont peut-être pas tous trouvé leur compte. Ils n’ont pas tous
atteint leurs objectifs. Ces laissés-pour-compte vont-ils abandonner la
lutte et croiser les bras ? C’est ainsi que je suggère l’organisation
par le gouvernement d’une concertation en vue de la réconciliation
notamment entre ceux qui sont au pouvoir et les hommes politiques
congolais qui ne sont pas au pouvoir pour parvenir ainsi à une sincère
réconciliation. C’est, selon moi, une voie obligée pour le retour d’une
paix durable dans le pays. Je ne parle pas de la réconciliation avec la
population congolaise, dans la mesure où cette population est tout
simplement victime d’ambitions des politiciens. Elle n’a pas financé la
guerre. Dans ce contexte, en tant qu’écrivain j’ai actuellement sous
presse, mon troisième livre intitulé ‘’Le vent divin’’. Je tiens dans
ce livre à souffler le vent de l’espoir pour la population congolaise
toute entière, qui est démunie et marginalisée par ses propres
dirigeants. Ceux-ci n’ont fait depuis l’indépendance que financer de
multiples guerres afin de se hisser ou s’éterniser au pouvoir. Ils ont
utilisé la population comme chair à canon afin de se positionner. C’est
tout simplement abominable.

2. Ressortissant du territoire de Dimbelenge (Kasaï Occidental), que dites-vous du développement de cette province?

Je n’ai pas de projets, mais des propositions. Pour le
développement de ces deux provinces et pour bien lutter contre la
pauvreté dans cette partie de la RDC, ces entités devraient avoir au
moins une autonomie. Je crois que les deux Kasaï n’ont pas intérêt à
tout attendre du gouvernement central. Ils doivent avoir une politique
visant à attirer directement les investisseurs étrangers sans passer
par Kinshasa, afin de donner du travail à la population et de lutter
contre le chômage. Vous vous souviendrez que depuis longtemps les
étrangers étaient interdits de séjour au Kasaï sous prétexte qu’il
s’agit d’une zone minière. Présentement, cette interdiction a été levée
avec raison d’ailleurs, puisque le territoire congolais dans son
ensemble est une zone minière. Dieu merci. Pour ce qui touche
particulièrement le territoire de Dimbelenge, je suis étonné de
constater que certaines personnes qui n’y ont jamais vécu se permettent
de prendre des engagements pour des buts cachés ou des visées
politiques au nom de la population de cette entité. C’est scandaleux,
puisqu’ils ne font rien pour cette population quasiment abandonnée à
son triste sort.

3.Le deux Kasaï voient actuellement leur économie se
détériorer davantage suite à l’effondrement des cours du diamant.
Quelle est votre réaction ?

L’économie du Kasaï en général et du Kasaï Oriental en particulier,
une province fabriquée par les politiciens avec la complicité des
colons belges, était fondée sur les recettes provenant de la vente du
diamant. Aujourd’hui, les trafiquants qui s’enrichissaient du produit
des pierres précieuses sont aux abois. Ils ne savent plus à quel saint
se vouer avec l’effondrement des cours de leur marchandise préférée.
Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. De par le monde les
trafiquants sont considérés comme des personnes malhonnêtes à cause de
leur commerce illicite. Moi je n’ai qu’un conseil à leur donner :
retourner à l’agro pastoral pour mieux servir sa province, et son pays.
Souvenez-vous que du temps colonial, nous ne connaissions pas très bien
l’or et le diamant. Pourtant, le Kasaï occupait une place de choix dans
l’histoire du Congo parce qu’il était le grenier du pays. On y
produisait tout ce dont la population avait besoin pour se nourrir et
pour exporter le surplus : caoutchouc, coton, manioc, maïs, riz,
arachide, etc. Si on est devenu pauvre et affamé maintenant, c’est en
partie à cause du commerce des pierres précieuses dont la vente n’a
profité qu’à une poignée d’individus. D’où la nécessité impérieuse de
retourner à la terre.

4.Kinshasa est appelée aujourd’hui « Kin-la-poubelle » Que préconisez-vous pour changer cette image hideuse?

Je pense que le problème revient aux dirigeants qui doivent avoir
de la personnalité et surtout avoir le courage d’écouter les opinions
des autres. Si cet effort n’est pas fait, la ville restera encore
longtemps la poubelle comme elle l’est maintenant. Elle est gérée donc
comme un dépotoir. Nous vivons dans une ville des gens masqués où les
propriétaires sont devenus des prédateurs et où la population elle-même
est devenue prédatrice. Personne ne fait confiance à personne ! C’est
dommage.

5. Que conclure?

Mon message s’adresse d’abord au journal ‘’Le Potentiel’’ qui doit
rester au milieu du village. Il ne doit ni devenir un journal
gouvernemental ni celui de l’Opposition. Il doit jouer son rôle
franchement pour informer la population sans parti pris. Je m’adresse
ensuite au chef de l’Etat afin qu’il puisse se situer du côté de la
population et améliorer son vécu quotidien et sa sécurité. Il ne doit
pas se laisser enfermé dans la prison dorée de qui que ce soit. Il ne
doit pas non plus hésiter à se débarrasser des affameurs du peuple qui
se trouveraient dans son entourage, car même si la vérité est une
pilule dure à avaler, elle ne reste pas moins une vérité. L’intérêt
national reste toujours au-dessus des intérêts particuliers.

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