Le fleuve Congo (Buisine, A. et A.)

Présentation du fleuve Congo.

Le fleuve Zaïre – nommé ainsi par le Président Mobutu de 1971 à
1997, du nom donné au 16ème siècle par les Portugais –Congo,
depuis, est le plus grand fleuve de la partie ouest de l’Afrique
centrale, il sert de frontière naturelle entre notre pays et la
République du Congo.

 

Avec ses 4700 km de longueur, le fleuve Congo est le deuxième plus
long fleuve d’Afrique après le Nil. Avec ses affluents, il irrigue la
deuxième plus grande foret tropicale humide au monde. Il détient, en
outre, par son débit, le second rang mondial après l’Amazone et, est le
deuxième bassin versant en terme d’importance.

 

S’agissant du bief moyen qui va de Kinshasa à Kisangani, il
totalise 13 450 Km de voies navigables en y ajoutant ses affluents dont
la rivière Kassaï. Le tirant d’eau varie entre 1.3m et 2m.

 

Le fleuve s’écoule vers l’ouest depuis Kisangani, juste au bas des
chutes Wagenia, puis s’écoule peu à peu vers le sud ouest en passant
par Mbandaka, se joignant à l’Oubangui puis se précipitant dans le pool
Malebo. Kinshasa et Brazzaville se situant de chaque coté du fleuve à
ce niveau, sont les portes d’entrées vers les cataractes,
collectivement connues, sous le nom de chutes Livingstone. Le Congo
s’ébroue ensuite en direction de Matadi et Boma, puis accède enfin à
l’océan atlantique, vers la petite ville de Moanda.

 

La largeur de son lit est très variable, au confluent de
l’Oubangui, cette dernière peut atteindre jusqu’à 15 Km, environ 23 Km
au pool Malebo et moins de 2 Km à Kinshasa.

De par sa position médiane de l’équateur, le débit du fleuve est
stable et, est de fait navigable tout au long de l’année et, en toute
saison. Ce qui représente un phénomène unique au monde ; en effet, 1/3
du bassin du fleuve se trouve dans l’hémisphère nord et 2/3 dans
l’hémisphère sud. Conséquence : la saison sèche de l’hémisphère nord
apparait vers le mois de janvier, alors que dans l’hémisphère sud, elle
n’apparait que vers juillet. Il y a donc une opposition entre le régime
de l’Oubangui au nord et celui du Kassaï au sud. Le Haut Congo (Zaïre),
appelé Lualaba, connait d’abord un régime d’hémisphère sud qui
s’atténue près de Kisangani. En aval de cette ville, le régime
s’inverse grâce à l’apport des eaux des rivières venant du nord, dont
l’importance devient prépondérante en aval du confluent de l’Oubangui.
Il en résulte que le fleuve Congo, en aval de Kisangani est caractérisé
par un régime d’une certaine régularité.

 

Dans un pays comme la République Démocratique du Congo, où la
construction et l’entretien des routes terrestres sont très couteuses
et dévastatrices pour notre environnement (déboisage, destruction de la
faune et la flore…), et cela, aussi bien dans le relief tourmenté de la
ceinture montagneuse qui borde la cuvette centrale marécageuse que dans
cette cuvette même, la nécessité s’est très vite fait ressentir
d’organiser un trafic plus rentable, plus abordable et plus écologique
sur le fleuve.

C’est dans cette optique que l’exploitation intensive du fleuve, par le
Royaume de Belgique, s’est opérée. Aujourd’hui, le trafic de ces
centaines de tonnes de marchandises ne sont plus que réduites à leur
simple expression. La crise financière internationale qui vient
d’ébranler les économies puissantes aidant, a entrainé une chute
considérable des volumes de marchandise transportés dans le secteur
fluvial, à titre d’exemple l’arrêt brutal de la filière forestière. Les
effets de cette crise ont des implications sur les autres secteurs de
l’économie congolaise, notamment les brasseries, les
télécommunications, les cimentiers, les commerces généraux et sur les
prévisions d’exportations.

 

Les tronçons navigables du bassin, du fait des caractéristiques
géographiques et hydrologiques mentionnées plus haut nécessitent un
entretien continu et indispensable afin d’assurer la navigabilité
sécurisée. Il ya en premier lieu, le grand écart entre le débit
d’étiage et celui des hautes eaux, résultats des précipitations de la
zone climatique Aw dans laquelle nous nous situons. Mais également, de
cet écart de débit le remaniement de la morphologie du fond du lit du
fleuve est perpétuel. Les bancs de sable changent de volume et se
déplacent sous l’influence d’un débit variable. Devons nous ajouter
entre autres obstacles à la navigation les snags, la végétation
aquatique flottante et la prolifération de la jacinthe d’eau qui semble
avoir trouvé en notre fleuve des conditions optimales de développement.

 

La Régie des Voies Fluviales, en charge du balisage et de la
sécurisation du fleuve, se trouve limité dans ses moyens d’intervention
faute de ressources financières suffisantes. Les travaux de balisage
récemment effectués s’avèrent inadaptés, inappropriés et inefficaces
face aux défis de la navigation fluviale et aux réalités de terrain.
Les conséquences de l’impraticabilité du fleuve Congo sont
considérables.

Caractéristiques du réseau

Les freins et obstacles à la libre circulation des biens et des
personnes par voies fluviales et lacustres limitent de manière
drastique, la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs. D’une
part dans la réalisation de ces 5 chantiers et d’autre part, dans la
réalisation de ces objectifs de croissance économique à court et moyen
terme.

Tel est le postulat de base. En effet, fort de ses 13 450 km de
voies navigables, le fleuve Congo et ses affluents assurent
naturellement et historiquement la desserte de toutes les provinces de
la République.

 

En effet, cette desserte se présente de la façon suivante.

– Matadi/Kinshasa/Lubumbashi

– Lubumbashi/Kindu/Kisangani

– Kisangani/Kinshasa/Matadi

Elle s’articule autour du réseau routier, ferroviaire, aéroportuaire,
maritime, fluviale et lacustre interfacés, cependant cet interface
vital, colonne vertébrale d’une économie ralentie n’est plus assuré,
son financement et son entretien reposant presque intégralement sur
l’Etat et entreprises publiques…

 

3 axes principaux donc, qui assurent tant bien que mal le trafic
des échanges nationaux et internationaux. Tant bien que mal
effectivement, compte tenu de l’état de déliquescence des voies de
communication. Cet état se traduit non seulement par un temps
d’acheminement des produits nationaux prohibitifs, en défaveur des
échanges internationaux, mais aussi par l’enclavement économique des
provinces du pays dont les conséquences tant politiques et sécuritaires
que sociales sont significatives.

Les infrastructures sont telles qu’elles ne permettent plus le
transport intensif des biens destinés au marché intérieur ou à
l’export, pourvoyeur des devises nécessaires à la stabilité économique
et financière du pays. La conjoncture que nous subissons actuellement
le prouve à suffisance.

 

Conséquences

D’un point de vue social, l’acheminement des produits de première
nécessité, denrées alimentaires et produits pharmaceutiques, dont
dépend une majeure partie de notre population ne peut se faire
actuellement qu’au péril d’une navigation dilettantiste donc
dangereuse. Il en va de même, des flux migratoires des populations. Le
lot régulier d’accidents funestes tend à dépasser en nombre de mort
celui des accidents d’avion voir de véhicules.

 

Le fleuve Congo est la voie naturelle toute tracée pour
l’approvisionnement en produits agricoles et vivriers de l’ouest et de
Kinshasa en particulier. En effet, l’interface dont on parlait plus
haut ne peut être que le fruit d’un plan d’action concerté entre
plusieurs acteurs et institutions publics. L’approvisionnement agricole
de Kinshasa ne peut s’entrevoir que par la promotion de l’agriculture.
L’agriculture remise au rang des priorités urgentes limitera l’exode
rural d’une part et soutiendra d’autre part, la mise au chômage des
agents des secteurs miniers, forestiers et autres. En parallèle, les
routes de desserte agricole sont à ce jour également impraticables
rendant difficile l’évacuation des récoltes au point d’enlèvement que
sont les ports.

 

L’aspect sécuritaire et stratégique n’est pas en reste, l’état
actuel de la navigation telle que pratiquée aujourd’hui, l’amateurisme,
faute de formation des personnels navigants, le manque d’actualisation
des données fluviales conduisent à des lacunes graves dans la défense
du territoire par les voies fluviales et lacustres.

 

Au-delà des efforts financiers nécessaires à fournir pour la
réhabilitation des infrastructures de transport, des problèmes de
nature différente affectent également la filière. Il s’agit
particulièrement de l’absence de balisage et du défaut de dragage, la
multiplication des tracasseries (plus de 16 taxes ou dimes dont bon
nombre illicite). L’absence des installations portuaires, le
désengagement total de l’Etat en matière de transport de passagers,
normalement sous la responsabilité du Gouvernorat ; le défaut de
contrôle en matière de conditionnement des produits agricoles (voir sac
de 150 kg au lieu de 60kg autorisé). Mais également, le déficit criant
en ressources humaines qualifiées dans le secteur du transport fluvial,
l’inaccessibilité du chantier naval, etc…

Un autre aspect, mais non des moindres est à prendre en considération
et deviendra de plus en plus d’actualité : la pollution. A l’heure du
passage à l’industrie propre et verte, la République Démocratique du
Congo, ne serait restée sur le banc des mauvais élèves. En effet, nous
avons fait remarquer plus haut, que le transport par voies navigables
est certes plus écologique que le transport routier et ferroviaire, ce
n’est sans compter le comportement de certains armateurs adeptes des
vidanges sauvages dans le fleuve par exemple.

 

Le manque d’analyse pertinente sur le rôle clé que peut jouer
l’assainissement et le rétablissement de ce secteur entraine la
méconnaissance des défis posés par la détérioration certaine de ce pan
économique.

 

Présentement les questions relatives au fleuve Congo et ses affluents relèvent des institutions étatiques suivantes :

– Office National des Transports

– Régie des Voies Fluviales

– Direction de la Marine et des Voies navigables

– Commissariat fluvial

– Régie des Voies Maritimes

– Office des routes

Ces dernières ont, à ce jour le monopole, quasi exclusif du
financement, de la réhabilitation et de la construction des
infrastructures du réseau, mais également de son entretien et des
opérations commerciales y afférentes, particularité congolaise.

En situation d’étouffement au vue de leur performance toute relative,
il semble qu’il faille restaurer impérativement la notion de service au
usager dont les contours devraient être identifiés et mesurables en
terme d’accessibilité, de coûts et de qualité de service.

L’expertise développée à ce jour, par les armateurs privés devrait
suffire à imposer leur participation dans la conception de stratégie de
développement du secteur.

 

En effet, le secteur privé pallie, efficacement, au déficit des
services publics, qu’il s’agisse du transport de passagers ou de
marchandises. Or les partenaires privés du secteur sont victimes de
ponctionnements abusifs, de tracasseries récurrentes de la part de ces
institutions.

 

D’une part, les frais exorbitants inhérents à l’exploitation
fluviale mais d’autre part, le manque de services tels que les visites
techniques, le balisage, le dragage, l’entretien et la rénovation des
infrastructures portuaires limitent conséquemment les investissements,
pourtant nécessaires à la modernisation de la filière et au
développement économique du pays.

 

Possibilités d’actions à entreprendre

Une feuille de route établissant les principes de réformes
auxquels devra se contraindre l’ensemble des acteurs de la filière
devra être rédigé, un cahier des charges appelant secteur public et
privé à collaborer pourrait être envisagé comme point de départ d’une
analyse d’ensemble du secteur. En effet, il est important d’insister
sur le caractère multimodal et interfacé du secteur des transports afin
d’en cerner la problématique réelle et d’en déduire des solutions
réellement efficientes.

 

Impulsée par le Ministère des Transports et Communications dont
vous avez la charge, il doit être, en premier lieu, formuler une
stratégie globale du développement de ce secteur aboutie et cohérente
auxquels auront été associés les professionnels de la filière tant
privés que publics. Tel que préconisé par la Banque Mondiale, une
démarche consultative pourra être initiée afin de recueillir les
informations nécessaires. Mais compte tenu de l’urgence que doit
requérir votre attention, des actions doivent être menées à court et
moyen terme afin de tenter d’endiguer la crise de la filière.

 

Fondé sur les éléments ci hauts présentés, qu’il nous soit permis
de proposer qu’ une concertation avec les Ministères en charge des
activités périphériques au transport fluvial doit impérativement être
réalisée afin d’avoir une vision d’ensemble du secteur. Activités
périphériques telles que l’agriculture, les finances, le portefeuille,
le plan… Car en effet, la relance du secteur des transports ne peut
s’envisager sans une relance parallèle de l’agriculture par le biais,
notamment, d’appui aux campagnes agricoles, de restauration des routes
de desserte agricole, la mise à disposition de lieux de stockage des
récoltes…

 

– Doit être élaboré un plan, une prévision de croissance du
secteur chiffré et séquencé. Ainsi que les actions à mener pour y
parvenir.

– Une série d’amendements législatifs et réglementaires,
accompagnée de nouveaux arrangements institutionnels doivent être
appliqués afin de soutenir le plan de croissance adopté et
particulièrement afin de déterminer les possibilités d’entreprise des
acteurs privés dans le financement et les opérations du transport
fluvial tels que :

o La manutention portuaire et lacustre

o Le transport de passagers et de marchandises

o Le chantier naval

o Le balisage et le dragage

o La gestion du personnel

o La documentation et l’archivage

– Un tableau de bord doit être conçu afin de réinvestir
massivement dans la réhabilitation et la modernisation des
infrastructures portuaires.

–  Des mesures incitatives favorisant l’investissement privé
soient initiées, notamment en termes d’allègement fiscaux, de
subventions, de contrôles des cours du carburant, d’accès aux prêts à
taux préférentiels, d’abolition des taxes et dîmes cités ci haut…

– Un intérêt majeur doit être apporté dans le recyclage des
connaissances des personnels navigants existants y compris des
fonctionnaires et dans la formation professionnelle. 

 

Conclusion

Nous avons tenté de vous présenter succinctement la nécessité
impérieuse de repenser le transport fluvial comme une priorité dont
l’engagement ne peut se réaliser autrement que par le biais d’une
impulsion étatique forte dans la définition de la stratégie et de la
réforme globale du secteur. Que cette stratégie ne pourra être
cohérente sans la concertation des Ministères dits périphériques au
transport et que l’application et le succès de cette stratégie ne
pourra être réalisée que par l’implication directe du secteur privé. 

Fait à Kinshasa, le 28 janvier 2009

 

Buisine Albert – Henri 

Buisine Angélique Nyota

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