14.03.09 AEM: Nyoka Longo : « Je demande à nos aînés Lutumba et Bombenga de nous rassembler »

samedi 14 mars 2009


Paul Kabeya (AEM) Kinshasa-RDC

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Après un séjour de 6 ans et 7 mois en Europe, Jossart
Nyoka Longo a surpris son monde pour la conférence de presse qu’il a
animée en conviant à ses côtés Lutumba Simaro, Jeannot Bombenga, Pépé
Ndombe, Félix Wazekwa et Fally Ipupa, tandis que Papa Wemba, Koffi
Olomide et Bimi Ombale se sont excusés. Volonté d’unité et de
solidarité qui a fait l’objet de plusieurs questions de la presse sans
occulter d’autres sujets liés à son long séjour et à l’état de la
musique congolaise. L’essentiel des échanges entre la presse et Ya
N’Yoch.

PRESSE(PR) : Comment expliquez-vous ce séjour très long en Europe ?

NYOKA LONGO (NL) : Je
voulais réaliser certains objectifs, notamment celui de disposer d’un
équipement de musique. Chose faite à moitié mais avec de fermes
promesses. Mais en fin de compte, ma famille m’a beaucoup manqué sans
oublier que nous, créateurs des œuvres d’esprit, sommes mieux inspirés
au pays qu’ailleurs. Je saisis l’occasion pour remercier la presse
ainsi que la société civile pour leur soutien surtout pendant la dure
épreuve de mon emprisonnement. Je remercie aussi le Président de la
République et toutes les autorités dont je ne peux citer les noms ici,
qui, d’une manière ou d’une autre m’ont soutenu à un moment ou à un
autre.

PR : Certaines rumeurs ont laissé
entendre que vous auriez une dette colossale envers des gens à qui vous
auriez promis un visa pour l’Europe et que cela ne vous incitait pas
particulièrement à rentrer ?

NL : On voudrait me faire
passer pour le Madoff des « ngulus » (un trafiquant des êtres humains)
au pays. On raconte par ailleurs que certains musiciens ont amassé
beaucoup d’argent et doivent aussi à des gens et pourtant ils sont
rentrés au pays. Si c’était le cas, pensez-vous que je sois le plus
malheureux des musiciens, donc incapable de rembourser ? C’est un faux
débat. On a également raconté que j’avais demandé l’asile politique en
Europe, que j’avais contracté un mariage blanc, que j’aurais fait un
enfant pour obtenir des papiers… Tout cela s’avère aujourd’hui faux.
Dans mon dossier judiciaire, il y avait des documents venus de Kinshasa
avec ma signature imitée et certains de mes collègues artistes et des
journalistes en ont été soit des instigateurs, soit les auteurs de ces
faux.

PR : Que peut-on attendre de Zaiko Langa-Langa avec votre retour ?

NL : On va travailler plus qu’avant et grâce à vos critiques nous espérons être encore meilleurs.

PR : Beaucoup estiment que notre
musique s’est enfermée dans un ghetto, partagez-vous cet avis après
votre long séjour en Europe ?

NL : La musique
congolaise évolue bien en Europe mais reste dans le ghetto faute
d’accès dans les différents médias. Nous avons l’habitude, au Congo, de
nous attaquer aux effets plutôt qu’aux causes. Le nœud du problème est
au niveau des textes, de la diffusion et de la promotion. Dans le
temps, ce sont les étudiants boursiers et les diplomates qui, à
l’occasion des fêtes ou des « boums » faisaient découvrir notre musique
aux non Congolais. Actuellement ceux-là, faute de moyens financiers, ne
peuvent plus promouvoir notre musique. Il faut aussi signaler que la
plupart des « DJ » dans les discothèques africaines d’Europe sont des
Ouest-africains et quoi de plus normal qu’ils privilégient leur musique
au détriment de la musique congolaise. Parmi les solutions, je propose
l’organisation des états généraux de la culture mais également l’audit
du Fonds de Promotion Culturelle.

PR : Personnellement comment
entendez-vous sortir notre musique du ghetto en sachant que vos
derniers albums sont passés inaperçus dans le pays alors que Zaiko LL
est une référence aux Antilles où il pourrait rivaliser avec le groupe
Kassav ?

NL : Je ne peux faire
sortir notre musique du ghetto que sur le plan artistique. Le problème
se pose essentiellement au niveau de la communication et de la
diffusion de nos œuvres. Cette tâche revient à la presse et aux
autorités du pays. À notre niveau, il nous faut faire du lobbying. Je
ne serais pas gêné, au cours de mes concerts à l’étranger,
d’interpréter une chanson de Félix Wazekwa. Une fois, Likinga et moi
avions interprété la chanson « Shama Shama » au
Ghana et j’avais fait la voix de Mopero. Le temps n’est plus à la
polémique et à des rivalités stériles, je lance un appel à mes aînés
Jeannot Bombenga et Lutumba Simaro pour nous rassembler. Pour la
promotion de notre musique, il faut féliciter nos jeunes qui abattent
un grand travail. La musique jouée en Afrique aujourd’hui est la leur.
Que dire de l’espace audiovisuel congolais ? Contrairement à nos
médias, en Europe et en Amérique on conserve de la considération pour
les anciens succès, les anciennes gloires. Qui diffuse encore
aujourd’hui les chansons de Vox Africa ? de Cobantou ? de l’OK Jazz ?
Pourtant ce sont des modèles par lesquels nous sommes arrivés dans la
musique. Il est déplorable que nos guitaristes focalisent leur
apprentissage sur ce que l’on appelle les sébenes au lieu de s’inspirer
aussi de la musique de leurs aînés. C’est comme ça qu’on peut retrouver
cinq albums d’orchestres congolais différents donnant l’impression
qu’il s’agit d’un seul groupe.

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PR : Y a-t-il du brouillard dans vos relations avec vos collègues du Clan Langa Langa et avec Koffi Olomide ?

NL : Je n’ai aucun
problème avec les amis et j’ai beaucoup de respect à leur égard. Je me
suis entretenu avec Bimi Ombale au téléphone mais il n’était pas
disponible pour cette conférence de presse. Papa Wemba est occupé sinon
il serait ici avec nous, pareil pour Koffi Olomide que j’ai eu au
téléphone avant mon retour à Kinshasa.

PR : Cette conférence de presse a
débuté par une prière de l’abbé Joseph Lukelu et pourtant on vous prête
un attachement pour les fétiches illustrés par le cri « ZAIKO eyi nkisi
eyi magie »

NL : Le cri « eyi nkisi,
eyi magie » n’est pas une allusion aux fétiches. C’était lors d’une
fête ; une connaissance a constaté que les invités ne s’intéressaient
pas à la danse et lorsqu’on a balancé une chanson de Zaïko, la piste
était pleine. Alors il s’est écrié, « Zaïko eyi nkisi, eyi magie ».
C’est de là que nous avions tiré ce cri. Quant à l’abbé Joseph c’est un
ami de longue date.

PR : Un débat divise aujourd’hui
les mélomanes sur les chansons à texte et celles très dansantes… Et
aujourd’hui, Félix Wazekwa a déclaré qu’il va vous dépasser en matière
de danse.

NL : Les deux styles de
musique se complètent mais on doit faire les choses dans les normes.
Pour répondre à Wazekwa, « nga nazokola, soki aleki ngai où est le
problème », traduisez « J’avance en âge si Wazekwa me dépasse, tant
mieux ».

PR : Pendant votre absence du
pays, le gouvernement a promis une cagnotte de deux millions de dollars
américains aux artistes et cette cagnotte les a divisés. Un groupe
était partisan du partage de cette somme d’argent entre artistes,
tandis que d’autres souhaitaient la réalisation des infrastructures.
Quelle est votre opinion à ce sujet ?

NL : Il faudra d’abord
connaître les arguments des une et des autres avant de se prononcer.
Mais concernant les infrastructures, si je prends le cas d’un studio,
je suis partisan d’un partenariat État-privé parce que dans ce secteur
l’État a toujours démontré ses limites. Ce fut le cas avec le studio
IAD de Brazzaville qui n’a pas marché parce que l’État était le seul
gestionnaire.

PR : À quand votre première apparition sur scène à Kinshasa ?

NL : L’annonce sera faite
prochainement par notre comité organisateur après le travail de
jonction entre les musiciens de Zaiko revenus d’Europe et ceux recrutés
à Kinshasa.

PR : Justement, quels sont les artistes qui sont revenus à Kinshasa avec vous ?

NL : Il y a Gégé
Manganya, Shango (guitaristes), Chou Lay et Prince Bela (chanteurs).
Doudou Adoula (animateur) et Adamo (chanteur) vont peut-être rejoindre
le groupe en ce mois de mars. Je ne vais pas trop me prononcer
là-dessus et on fera le compte lors de notre premier concert (ndlr.
Selon une information du Bureau de Zaïko LL à Bruxelles, le chanteur
Malage de Lugendo et le bassiste Montingiya sont également prêts à
rejoindre le groupe à Kinshasa).

PR : Avez-vous un mot pour Evoloko qui se trouve en prison ?

NL : Je compte lui rendre
visite en prison et je présente des excuses à nos mamans et à nos
autorités au nom de mon frère Evoloko.| Paul Kabeya (AEM), Kinshasa, RDC

AUTRES LIENS

Reportage photo de la conférence de presse de Nyoka Longo au Grand hôtel de Kinshasa

play Extraits audio à écouter sur Radio Okapi>>>>

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