26.03.09 Le Potentiel: Cinq questions à Brigitte Kapinga S. Kanika
1. La notion de la société civile demeure encore un
concept aux contours flous en RDC. Quelle est votre propre explication
de ce terme ?
Le concept de société civile a plusieurs connotations selon quon
se trouve dans un pays où dans un autre. Dans beaucoup de pays, il est
défini comme «les citoyens organisés» en vue de se prendre en charge et
de participer activement au fonctionnement du pays. Sur le plan formel,
la Société civile sappose aux pouvoirs publics. En dautres termes, la
société civile peut constituer un contrepoids des pouvoirs publics
nantis de fonctions normative, régulatrice, indépendante et autonome
face à lEtat. Ceci veut dire que la société civile est là pour
corriger les erreurs ou les dérives du pouvoir dEtat sagissant par
exemple de la bonne gouvernance, de la gestion des finances publiques
ou de la réalisation des projets de développement du pays. La société
civile est là aussi pour constituer un appoint aux pouvoirs publics.
Une organisation des Sociétés civiles peut, par exemple, dans une
contrée, jeter le pont dune rivière en lieu et place des pouvoirs
publics qui se montrent incompétents, indifférents ou peu soucieux.
Dans plusieurs pays, toute organisation, qui soit différente
des pouvoirs publics, est considérée comme «société civile». Dans
dautres, dans lequel se situe la RDC, on distingue trois grandes
catégories dorganisation à savoir lEtat qui garantit les conditions
de vie et de travail favorable à lesprit dinitiative, le secteur
privé marchand qui crée lemploi et la Société civile appelée à animer
la population. Dans cette dernière optique, la Société civile est
définie comme étant lensemble des organisations multiformes qui
sefforcent de faciliter lexpression des populations et de mobiliser
celles-ci pour quelles apportent leur contribution à lamélioration de
la qualité de vie dans un processus de responsabilités et de solidarité
pour un développement durable.
2. Après la mise en place des institutions démocratiques en RDC, que peut être le rôle de la société civile ?
Pour ce faire, la société civile est appelée à jouer plusieurs
rôles dont les principaux sont les suivants : médiation, contrepouvoir
accroissant la responsabilité de lEtat, promotion de la cohésion et de
la qualité sociales, intermédiation de la participation citoyenne,
contribution à un sentiment de solidarité de toutes les provinces,
initiative qui leur a permis de soutiller en matière de plaidoyer.
3. Que pensez-vous de la liberté dassociation en RDC ?
Il va de soit que la société joue pleinement tous ces rôles dont la
liste nest pas exhaustive, elle a besoin dune certaine liberté
garantie du reste par la Constitution de la République. En effet, la
liberté dassociation est lune des libertés fondamentales de lhomme
reconnues par autant de textes juridiques du pays et de la communauté
congolaise. Les constituants congolais réaffirment lattachement de la
RDC aux droits dassociation ou liberté dassociation sous réserve de
respect de lordre public. Cependant, beaucoup de points restent
obscurs quant à lapplication stricte de cette disposition. Cest
notamment la contradiction qui réside entre la Constitution qui stipule
que les membres dune association peuvent se réunir tout en prenant
soin davertir au préalable lautorité. Que toute manifestation
publique doit obtenir au préalable lautorisation des autorités
compétentes. Cette dernière proposition est en contradiction avec la
Constitution et dautres instruments des droits de lhomme. Cest
pourquoi beaucoup dassociations nont jamais pu se réunir, faute
dobtenir lautorisation préalable.
4. Lobtention de « documents officiels » continue à se poser. Comment mettre un terme à cette situation ?
Il y a une vraie problématique de lobtention de «documents
officiels». La personnalité juridique dune organisation de société
civile sacquiert à Kinshasa, au niveau du ministère de la Justice. Il
se pose un réel problème pour les personnes domiciliées dans les
provinces ou encore dans les milieux ruraux difficilement accessibles,
de pouvoir atteindre la capitale. Et pourtant, les bailleurs exigent
cette reconnaissance avant de signer un quelconque partenariat avec les
associations. Ce qui les préjudicie énormément. Alors quelles
travaillent déjà pour le bien-être de leurs membres et de la toute la
population, elles nont pas de possibilité darriver dans la capitale
pour obtenir la personnalité juridique. Pour mettre fin à cette
situation, il faut mettre en place des actions allant dans le sens
damener les décideurs à prendre des mesures «souples» pouvant amener
la société civile à jouer pleinement son rôle et corriger certaines
faiblesses du pouvoir politique. Cest la raison pour laquelle
linitiative de la Fondation Konrad Adenauer, en partenariat avec le
CNONGD (Conseil national des organisations non gouvernementales de
développement) et lappui de lUnion européenne, a été applaudie par la
société civile.
5. De quelle manière la société civile entend-elle mener son plaidoyer auprès des décideurs ?
Les membres de la société civile doivent mener le plaidoyer sur la
liberté associative dune façon soutenue pour influencer réellement la
prise de décision sur la liberté dassociation, sans toutefois entraver
les textes régissant les droits de lhomme. Ils doivent sefforcer à
user de quatre types daction, à savoir les actions de renforcement des
capacités (celles qui visent à accroître les connaissances, les
compétentes des groupes ciblés), les actions de campagnes
publiques (celles qui sont menées en vue de mobiliser lopinion en
faveur de notre position et requérir un soutien démonstratif en faveur
de notre position par la mobilisation de masse), les actions
médiatiques (celles qui amènent lopinion publique à comprendre vos
préoccupations en vue de changer la mentalité, les attitudes et les
comportements des individus et dencourager un soutien en faveur de vos
actions) et les actions de lobbying qui visent à exercer une certaine
pression sur les décideurs pour les amener à apporter une solution à
vos préoccupations. Pour son efficacité, le plaidoyer doit avoir un
support qui est généralement un mémorandum. Nimporte qui ne peut mener
une action de plaidoyer. Le meneur ou le porteur dune action de
plaidoyer doit être un leader sachant parler, écouter, être et agir, de
manière à renforcer et aider une communauté à surmonter efficacement
ses défis.
Propos recueillis par B.BM
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