05.05.09 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Michel Losembe, , par St. Augustin Kinienzi

 

 

1. La dépréciation continue du Franc Congolais inquiète la
population Congolaise, comment vous opérateurs économiques pensez-vous
répondre pour arrêter ce cycle ?

Après plusieurs années de stabilité, il est normal que la
dépréciation du Franc Congolais inquiète les populations et les
opérateurs économiques. Le spectre de l’hyperinflation des années 90
revient hanter les esprits. Malheureusement, arrêter ce cycle ne dépend
pas des opérateurs économiques. En effet, la valeur d’une monnaie
reflète la santé de l’économie d’un pays. Ainsi, les opérateurs
économiques que nous sommes subissons de la même façon que la
population, les conséquences d’un ralentissement de l’activité
économique, de la récession qui s’exprime à travers le taux de change.
La seule recommandation que je peux faire aux opérateurs économiques
est de ne pas aggraver les symptômes de cette dépréciation en ne cédant
pas à la panique et en ne se livrant pas à la spéculation.

2. Pensez-vous que les mesures d’adjudication de la Banque Centrale du Congo permettraient de stabiliser la devise nationale?

Les interventions de la Banque Centrale du Congo sur le marché des
changes, aussi symboliques soient-elles, sont nécessaires pour calmer
le phénomène de surchauffe. Elles passent un message selon lequel les
autorités monétaires sont conscientes de difficultés et s’attellent à
chercher une solution. Cependant, je ne pense pas que ces modestes
ventes de devises soient suffisantes pour régler le problème
structurellement. Elles peuvent pendant un certains temps stabiliser la
monnaie, phénomène que nous constatons depuis une dizaine de jours,
mais tant que les fondamentaux économiques, c’est-à-dire l’équilibre
dans la balance de paiement et la reprise des activités de production
dans le pays ne se redressent pas de façon soutenable et pérenne, les
interventions de la Banque auront une limite, car elles ne remplaceront
pas les exportations.

3. Quelle chance donnez-vous au gouvernement de réussir
ses pourparlers avec les institutions de Bretton Woods, prélude à la
conclu sion du PEG II ?

Le Programme Economique du Gouvernement est la charpente sur
laquelle doit se construire la reprise économique et le progrès sans
lesquelles il n’y aura pas de croissance ni de mieux-être des
populations. Il est dès lors important que ceux qui nous gouvernent
s’accordent sur ce programme et le défendent d’une même voix auprès des
bailleurs de fonds, comme une entreprise défend son Business Plan
devant un banquier dont elle attend un soutien financier. Je ne dispose
pas encore d’informations sur le déroulement des discussions à
Washington, mais je peux vous dire ce que le gouvernement dispose de
bonnes dispositions des bailleurs. En effet, depuis le début de
l’année, la RDC a réussi à obtenir des bailleurs de fonds, dans le
contexte de la crise financière internationale, d’interventions
substantielles pour nous permettre de pallier les conséquences des
chocs exogènes sur notre économie : le Fonds Monétaire International a
déjà accordé et libéré près de 200 millions de dollars, la Banque
Mondiale a fait un don de 100 millions de dollars et plusieurs autres
partenaires tels la Banque Africaine de Développement et l’Union
Européenne s’apprêtent à participer à cet effort. La crise dont souffre
l’économie congolaise aujourd’hui est une conséquence directe de la
récession mondiale qui a suivi la plus grave crise financière que
l’économie moderne ait connu, il est dès lors compréhensible que nous
puissions bénéficier de l’effort international déployé pour tenter de
la résorber. Nous espérons qu’à l’occasion de la session de Printemps
du FMI et de la Banque Mondiale, le gouvernement soit capable de
mobiliser des ressources supplémentaires à celles déjà obtenues et
qu’au travers du PEG II, soit à même de les allouer aux secteurs de
l’économie nationale qui créeront de la richesse et favoriseront la
reprise de la production afin d’éviter que cette récession ne
s’installe de manière permanente.

4. Quelles sont, pour vous, les causes de la surchauffe sur le marché de changes?

Comme indiqué précédemment, la dépréciation de la monnaie est
essentiellement liée à l’effondrement des réserves de change de notre
économie suite à la dégradation de la balance des paiements. En effet,
nos ressources en devises ont fortement souffert de la réduction de la
demande mondiale pour nos produits d’exportation (cuivre, diamant,
bois, etc.) et de la baisse de leurs cours, notamment pour le pétrole.
C’est donc la loi de l’offre et de la demande de devises qui détermine
le taux. L’offre ayant pratiquement disparu, une demande insatisfaite
crée la tension sur le prix de la devise étrangère devenue désormais
une denrée rare.

La demande s’est elle aussi exacerbée depuis le début de la
crise. Je l’évoquais tout à l’heure, le phénomène d’inquiétude ou de
panique des populations le poussent à chercher des devises au-delà de
leurs besoins immédiats pour se préserver d’une dépréciation future et
d’une disponibilité incertaine. Pour y parvenir, d’aucun sont près, par
anticipation ou par spéculation, à payer plus cher que le marché, ce
qui contribue fortement au phénomène de surchauffe.

5. Comment la RDC peut-elle sortir de la crise?

L’économie congolaise traverse actuellement une phase très
difficile, elle est pour la première fois depuis 2002 en récession,
malheureusement comme conséquence directe de la récession mondiale.
Nous souffrons au même titre que les plus grandes économies mondiales.
La RDC ne s’en sortira donc pas seule et devra se mettre en phase avec
les efforts globaux qui tentent de résorber cette crise. Cependant, la
RDC, pour être certaine de parvenir à réduire les effets néfastes sur
son économie et pour être capable d’accompagner les programmes de
relance de façon optimale, devra compter sur la capacité des ses
dirigeants politiques et économiques à lever les meilleures options
possibles et surtout à appliquer sans compromission les règles
élémentaires de bonne gouvernance. Ainsi, le peu de ressources dont
nous disposons auront un véritable effet multiplicateur sur notre
économie fragile et contribueront à améliorer les conditions de vie de
nos concitoyens.

PROPOS RECUEILLIS PAR SAINT AUGUSTIN KINIENZI

Président de l’Association Congolaise des Banques (ACB) et
Vice-Président chargé des Finances de la Fédération des Entreprises du
Congo (FEC)

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