15.05.09 Le Potentiel : Cinq questions à Martin Lofete, par Louis-Paul Eyenga Sana

 

1. Quel regard portez-vous sur la réforme des entreprises du Portefeuille ?

Nous avons contesté la réforme telle que initiée par le
gouvernement pour plusieurs raisons. D’abord, il y a parmi ces
entreprises, celles qui ont une vocation économique et sociale de par
la nature de leur prestation ; notamment de la SNEL, la Regideso et de
l’OCPT. La SNEL et la Regideso, par exemple, assurent également le
progrès social et même la sécurité des personnes. Elles ont un
caractère social du fait de la qualité des services qu’elles rendent au
public. C’est dire que les transformer en sociétés commerciales risque
de leur enlever la vocation sociale pour ne viser que la rentabilité.
Pourtant, la tentative de privatiser les entreprises publiques, tout au
moins, en Afrique subsaharienne a échoué notamment au Sénégal où le
président de la République a réussi à «renationaliser» la SENELEC. Il
est de notoriété publique que les privées n’investissent pas dans les
infrastructures de base, car leur rentabilité n’est pas immédiate donc
l’idée de faire participer les privées dans ce secteur relève d’un
miracle.

2. Il semble que les lois sur les réformes des entreprises soulèvent quelques interrogations…

C’est la seconde raison de mon inquiétude. Nous avons contesté la
réforme parce que dans la stratégie visée recourt comme toujours au
Plan d’ajustement structurel de triste mémoire. Ces lois visent le
dégraissement des effectifs alors que les entreprises souffrent de
mauvaise gestion et que leurs ressources humaines sont négligées. Nous
pouvons citer en exemple, le travail fourni par le COPIREP au sein de 4
entreprises  publiques; notamment l’ONATRA, la SNCC, la RVA et la RVM.
L’audit n’a concerné que les charges ou le coût du personnel. Ce qui
explique que le ministère du Portefeuille, après avoir constaté l’état
dans lequel se trouvaient ces entreprises, a passé à la phase
d’exécution des décrets n° 11, 12, 13, 14 et 15 du Premier ministre
sans prendre en compte le résultat de l’évaluation du patrimoine de
l’Etat. Il sied de souligner que les audits réalisés n’ont pas été
validés par d’autres experts et que l’absence d’audits contradictoires
risque de faire avaliser des hérésies. Cela pourrait provoquer des
mouvements sociaux alors que tout le monde réclame un meilleur climat
pour des investissements productifs. En plus, le gouvernement ne
connaît pas la valeur exacte de ses propres entreprises. C’est dire que
les vendre ou les privatiser dans des conditions actuelles
signifieraient ni plus ni moins le bradage du Portefeuille de l’Etat.

3. Que révèle la démarche ayant justifiée la réforme des entreprises publiques ?

Les audits à sens unique souvent dictés par les tenants de la
politique des privatisations visaient plus le coût du personnel. C’est
la troisième raison qui dicte mon inquiétude. A titre illustratif,
l’audit réalisé dans le secteur de transport et communication traduit
cette ferme volonté de crucifier le personnel de l’ONATRA, de la SNCC,
de la RVA et la RVM sur l’autel de l’instabilité de la carrière en
justifiant l’incapacité de ces unités rien que par les charges du
personnel. Mais les convictions du syndicat sont en train d’être
vérifiées dans une des quatre entreprises visées par la privatisation.
En effet, l’actuel comité de gestion piloté par un expatrié vient de
prouver qu’il suffit de la bonne volonté pour assainir petit à petit la
gestion de la RVA. Cet expatrié dont nous saluons le courage et la
bonne vision a réussi à restaurer la trésorerie de la RVA rien qu’avec
sa détermination de démasquer tous les petits malins qui
s’enrichissaient sans être inquiétés. Et ici, c’est l’Etat propriétaire
qui cherche à lui mettre le bâton dans les roues en lui refusant de
recouvrer ces créances auprès de certaines sociétés privées de la
place. Que dire des maisons de l’ONATRA occupées, entretenues et
gardées au profit des tiers ?
La seconde observation est celle des avis des commissaires aux comptes,
des auditeurs externes et des experts indépendants qu’il faut prendre
en compte. Ce qui a toujours constitué notre revendication en tant que
syndicat.

4. N’y a-t-il pas nécessité d’associer les autres partenaires sociaux dont les syndicats pour accompagner cette réforme?

C’est ma troisième préoccupation. Bien que prévues dans le cadre du
dialogue social, le processus en cours a carrément ignoré le syndicat
alors qu’il est indiqué que dans pareille cas les partenaires examinent
ensemble les questions d’intérêts national avant toute mise en œuvre.
Malheureusement, cela n’a pas été le cas à l’instar des autres pays où
les représentants des travailleurs sont associés à des discussions du
début à la fin quel que soit l’ampleur des problèmes. Il était
souhaitable que les pouvoirs publics corrigent les erreurs en associant
à travers les consultations les autres partenaires et la mise en place
des commissions ad hoc qui devraient se pencher sur la réforme.

Je vous informe que l’Intersyndicale du Congo, organe
représentatif des travailleurs mène des démarches auprès du
gouvernement pour l’inviter à surseoir à l’exécution des décrets. Cette
démarche prévoit dans un bref délai la possibilité pour déterminer la
position officielle des syndicats. La Confédération syndicale du Congo
organise dès la semaine prochaine un atelier de réflexion, d’analyse et
… de proposition d’alternative sur les quatre décrets du Premier
ministre portant mesure d’exécution de la réforme des entreprises
publiques du Portefeuille.

5. Que doivent faire les travailleurs et agents concernés par cette réforme ou/et les quatre décrets du Premier ministre ?

Nous leur disons que les temps sont durs et leurs carrières mises
en danger ! Nous leur demandons d’être vigilants, courageux et de se
ranger derrière leurs syndicats à travers l’Intersyndicale du Congo,
car tout peut arriver. Qu’ils soient rassurés de notre encadrement.

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