26.05.09 Le Potentiel: Cinq questions à Judith Lavoie (*)

1.
Quel est votre constat sur l’évolution de la situation en matière de
protection de l’enfant en République démocratique du Congo?

Il y a eu plusieurs progrès dans le cadre normatif et opérationnel
et aussi dans le secteur de justice et impunité. A mon arrivée en 2005,
on ne voyait pas beaucoup par exemple de cas de violence sexuelle
interpellés par la justice et aboutir avec une condamnation.
Aujourd’hui, on en rapporte chaque semaine. Pour le recrutement des
enfants par les groupes armés, la RDC a pu mettre en place les éléments
normatifs qui interdisent et pénalisent le recrutement. Récemment, en
janvier 2009, nous avons aussi vu l’adoption de la Loi portant
protection de l’enfant, qui regroupe tous les éléments de protection
sociale et légale pour l’enfant. Les premiers cas à être retenus par le
Cour Pénale Internationale concernent le recrutement d’enfants.

2. Quels sont encore les défis à relever?

La protection de l’enfant est un domaine complexe d’interventions
multidisciplinaires. Les stratégies de protection ne sont pas des
stratégies statiques mais toujours en évolution. Ainsi pour une mission
de maintien de la paix comme la Monuc, même si on arrive à réduire
significativement l’impact du conflit armé sur un ou des milliers
d’enfants, ces enfants ne seront pas vraiment protégés si les milieux
dans lesquels ils évoluent ne sont pas en mesure de les prendre en
charge et leur donner accès à des services de base tel que
l’encadrement familial, l’éducation, la santé et les réseaux sociaux
économiques. Il est donc essentiel de prendre dès maintenant des
mesures afin d’encadrer la jeunesse et éviter une recrudescence de
violence et d’activités criminelles, surtout pour les jeunes qui
sortent des zones de conflits, ceux qui sortent des groupes armés et
qui retournent dans des communautés démunies.

3. Disposez-vous des moyens nécessaires pour accomplir votre mandat?

Un des premiers rôles de la Section est de faire en sorte que la
Monuc travaille en matière de protection de l’enfant dans
l’accomplissement de son mandat. D’autre part, le rôle de la section
est aussi de s’assurer que toutes les composantes de la Monuc, civiles
et militaires – sont informées et savent comment ils peuvent et doivent
contribuer à la protection de l’enfant dans leur rôle respectif. Par
exemple, comme nous intervenons dans une mission sous Chapitre VII, il
est essentiel que nos militaires et leur chaîne de commandement –
interviennent en conformité avec les règles de combat et les principes
qui font référence à la protection des enfants et autres groupes
vulnérables de la communauté. A ce niveau, tous les militaires de la
Monuc connaissent les règles concernant la présence d’enfants dans les
groupes armés et ont pu assister directement plus de 1000 enfants à
sortir des groupes armés du Kivu en 2008. Pour 2009, nous sommes déjà à
plus de 1300 sorties d’enfant des groupes armés effectuées grâce au
support de nos militaires et du personnel civil de la Monuc.

4. Q’est-ce qu’on fait pour réintégrer les enfants sortis des groupes armes dans leur milieu d’origine?

Malheureusement, on peut difficilement réintégrer les enfants dans
leur communauté quand ces communautés sont encore aux prises avec des
situations qui les mettent à risque et où les enfants seraient encore
plus vulnérabilisés s’ils y retournaient. Par exemple, un enfant sorti
d’un groupe armé est encore plus vulnérable au recrutement si la
communauté dans laquelle il évolue est toujours sous la menace ou
l’oppression du groupe qui l’a recruté initialement. D’ailleurs, la
section protection de l’enfant n’est pas le principal acteur de la
réintégration en tant que tel. La Monuc est d’abord active dans la
sortie des enfants des groupes armés et nous travaillons en coopération
avec le gouvernement, UNICEF et leurs partenaires nationaux pour
intervenir dans des approches de réintégration. Actuellement, il reste
beaucoup à faire à ce niveau. D’ailleurs les institutions devraient se
sentir beaucoup plus concernés par la réintégration des enfants. Une
vraie stratégie de réintégration contribuerait au rétablissement de la
paix et la sécurité et à la relance des systèmes socio économiques,
puisqu’elle viserait à donner aux parents, familles et communautés, la
capacité de protéger ses propres enfants.

5. Comment se passe la coopération avec le gouvernement
notamment en ce qui concerne la démobilisation des enfants associés aux
FARDC?

Le gouvernement a fait ses devoirs sur le plan des directives
militaires et du cadre normatif. De plus, le PNDDR (Programme National
de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion) a permis, en 2005, de
sortir plus de 30.00 enfants des groupes armés de la RDC. Actuellement
le gouvernement s’est engagé à mettre en oeuvre un Plan d’action qui
vise à procéder de façon systématique et organisée la sortie de tous
les enfants qui peuvent se trouver encore aujourd’hui au sein des
FARDC. (Forces armées de la République démocratique du Congo). La mise
en oeuvre de ce plan devra se faire en étroite coopération avec nous la
Monuc, le UEPNDDR, les FARDC et UNICEF en vue de prendre en charge les
enfants séparés et si on abouti à un résultat probant, cela pourrait
ainsi permettre au Conseil de Sécurité des nations unies d’envisager le
retrait des FARDC sur la liste des forces armées qui recrutent des
enfants.

TIREES DU SITE DE LA MONUC

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