COMMENT ORGANISER LES VACANCES DES JEUNES ? , par Germain NZINGA MAKITU


PREAMBULE

 

Dans un mois et demi, nos
jeunes vont laisser les bancs de l’école et débuter leurs vacances de quatre-vingt-dix
jours. Les us et coutumes de notre pays ne nous ont pas habitués à les occuper.
Tout le monde, dirigeants et dirigés,
parents et enseignants, croient dur comme fer qu’il revient aux enfants
eux-mêmes d’employer leur temps de congé comme ils entendent. Ce mode de penser
est une grosse erreur. Plus qu’une erreur, il traduit le déficit d’organisation
d’une société qui prétend former l’élite de demain en se limitant à
l’enseignement classique hérité des pays colonisateurs, oubliant par là que la
formation est continue et implique plusieurs variables. De celles-ci, les
vacances en sont une dans la mesure où elles ne sont qu’un changement de manière
d’apprendre et d’éduquer. Une façon de continuer à s’informer autrement sans
être devant un  tableau noir mais cette
fois-là aux prises avec d’autres secteurs de la vie quotidienne aux réalités
desquelles, par manque d’initiation jadis pratiquée dans la société
traditionnelle, les jeunes ont besoin d’être entraînés.

  Cette présente réflexion qui veut proposer de
nouvelles pistes d’exploiter les vacances, prend très au sérieux cette autre
dimension de la formation de notre jeunesse. En parlant d’une formation en
temps de vacances, elle vise à mettre en valeur une éducation axée sur des principes directeurs régissant
l’entrée de ces adolescents dans l’esprit de la mondialisation qui régit
l’univers de la pensée moderne, tout en promouvant au plus haut point le
respect de leurs racines. Elle veut stimuler un esprit d’équipe qui les entraîne
aux valeurs du respect de l’autre, du partage et service gratuit; de l’amour de
son pays et de l’ambition de travailler à sa grandeur ; de la sensibilité
envers les plus faibles ; du goût très aiguisé pour la culture et les
choses de l’esprit.

 Et puisque gouverner, c’est prévoir, je
voudrais  proposer à l’élite politique et
religieuse de notre province,  les voies
et moyens d’encadrer notre jeunesse en vacances  pour faire de ce temps de congé, un moment riche
d’enseignement et d’initiation à tous ces principes de vie. Ces pistes
permettront à nos gouvernants de pouvoir ouvrir de nouvelles opportunités aux
jeunes qui s’emploieront  à se former et à
s’éduquer aux valeurs civiques, culturelles, morales et spirituelles. En guise de ces propositions, suggérons-en
dix principales qui auront l’honneur d’être comprises comme le décalogue des
vacances.

 

1. La foire aux livres.

 

Le plus grand investissement
qu’un gouvernement puisse faire pour préparer l’avenir prospère de son peuple,
c’est bien d’inciter les plus jeunes au goût de la lecture. Le livre contient
la plus grande richesse culturelle et sa lecture ouvre à une mine de trésors.
Il ouvre de nouveaux horizons, élargit le champ de réflexion et affine les
débats interactifs. Le livre, c’est le moteur du développement. C’est le fil
conducteur de tout progrès. Il commande le progrès économique, social, culturel
et technologique Il élève la qualité du débat politique de toute une nation. Pour
tout dire, un peuple qui sabote le livre, se met sans le savoir à saborder les
chances de sa prospérité future.  

 Aussi, tout ministère de l’éducation et
de la culture doit en faire la priorité des priorités. Créer un lien quasi affectif entre les jeunes et les livres,
les pousser à la lecture et  leur fournir
des méthodes scientifiques appropriées qui leur permettent de lire utilement un
ouvrage. C’est en d’autres mots s’appliquer à élever les esprits  de l’élite de demain et les préparer à
affronter les défis multiformes que requiert la marche en avant d’un pays.

  Pour
parvenir à cette fin, il va sans dire
qu’une foire aux livres joue l’effet d’un déclic. L’autorité organisatrice peut
prendre langue avec les grands éditeurs du pays, en l’occurrence les éditions Saint
Paul, la maison Cepas, la maison Cedi , les éditions Karthala dont le siège est
déjà implanté dans la capitale, les éditions de la Presse Universitaire du
Congo ou encore d’autres officines de la culture telles que le Centre Culturel Français (CCF), le Centre
Wallonie Bruxelles (CWB), la Bibliothèque nationale, le centre de recherche de
niveau universitaire en sigle Cedersuk etc. qui peuvent venir organiser des
stands de livres avec possibilité d’animer des ateliers de lecture et des prix réservés
aux dix  meilleurs lecteurs de la
province. A cette occasion, des auteurs de renom peuvent être invités pour animer
des conférences et revoir à la baisse les prix des livres  afin de permettre aux maigres portefeuilles de
pouvoir s’en procurer. La T.V. et la radio nationales seront certes mises à
contribution pour faire des émissions parallèles sur les récentes publications
dans les domaines littéraires, artistiques et pourquoi pas scientifiques. Ici
encore, les institutions universitaires de la place peuvent être impliquées de
manière à ce que la corporation estudiantine forme le fer de lance de cette manifestation culturelle. Les aînés
entraînant les cadets dans une nouvelle dynamique de l’excellence…

En marge de cette foire aux
livres, les organisateurs peuvent projeter les films qui cernent des questions
d’actualité et organiser dans un ciné
forum des débats constructifs où le plus jeunes apprennent à réfléchir, à s’exprimer
et à émettre leurs opinions personnelles sur la marche du monde et de leur
pays.

 

2.
Foire aux quatre cultures congolaises
.

 

Si l’on reste attentif à
l’intitulé de ce second point, il s’agit de deux choses qui retiennent
l’attention. Le chiffre « quatre » et la graphie du mot « Congo »
qui tranche avec kongo. Nos jeunes que la province  propose d’entraîner aux méandres de la vie
courante sont des citoyens congolais. Ils sont pour la plupart nés après
l’indépendance et souvent de parents issus d’ethnies et tribus diverses. Ils ne
se définissent pas par rapport à une ère tribale ou ethnique. Ils ont soif de
communiquer et de se sentir citoyens du monde avec n’importe quelle personne.
C’est ici où nous les éducateurs nous devons faire attention. Nous assistons
souvent à la production des discours réducteurs qui veulent ici et là faire avaliser
une culture au détriment d’une autre. Dans l’ère de la mondialisation, la
meilleure politique pour fournir des références culturelles à nos jeunes
compatriotes nés dans le village planétaire  serait de leur enseigner les quatre cultures
congolaises, à savoir la culture kongo, swahili, luba et ngala. Ceci est le
socle du patrimoine de la nation congolaise. La patrie n’étant pas, comme le
répétait Robert Schuman, une négation
des provinces locales, il importe que les jeunes apprennent à passer d’une
langue à une autre, d’une culture à une autre parmi ces quatre véhicules
culturels du pays. C’est dans cette perspective que nous proposons une foire aux
quatre cultures congolaises. En termes clairs, il s’agit d’organiser une
semaine congolaise avec des stands qui exposeraient chacun les spécificités de
chaque groupe culturel au sein du patrimoine commun de notre peuple. 

L’on pourrait aussi pour des
raisons pratiques organiser successivement des journées dédiées à chaque
entité. A chaque journée sera consacrée l’exposition des us et coutumes qui
scandent la vie en campagne et en ville. Les variétés culturelles, artistiques peuvent être mises
en lumière. Le tout sera couronné le
soir par la richesse et diversité de la cuisine de ce groupe ethnique. Ce n’est qu’au terme de ces quatre jours ayant eu
le succès de faire étalage de la richesse spécifique de chaque groupe que
désormais les organisateurs s’appliqueront à souligner les liens profonds qui
les unissent tous,  la manière dont ces
quatre groupes fusionnent dans l’unique et grande culture congolaise. Autrement
dit, un effort de synthèse doit être trouvé à la fin pour démontrer les harmoniques
tissées entre ces cultures et formant du coup le ciment de l’unité et la force
de la nation. Au-delà de chaque culture prise localement, les jeunes générations
doivent reconnaître distinctivement l’existence d’un Bien commun, supérieur à
l’intérêt provincial, un Bien Commun
dans lequel se fondent et se confondent les intérêts individuels  et collectifs de notre peuple. Emerge ici un
besoin urgent d’oser…Entreprendre est toujours meilleur que se résigner et
l’attente de la perfection est une misérable excuse à l’inaction.

 

3.
Semaine d’éducation civique
.

 

Il n’ y a pas longtemps que je
suivais de la bouche d’une haute autorité politique du pays cette déclaration
selon laquelle « les institutions restent et les hommes passent ».
Cette judicieuse affirmation donne matière à réflexion. Elle nous fait
comprendre que personne d’entre nous n’est éternel et donc dans les responsabilités
que nous occupons aujourd’hui, il nous est un devoir sacré de préparer la
relève. Mais comment le faire si nous
tenons à distance ceux et celles qui sont appelés à nous remplacer ? Voilà
pourquoi s’avère urgente cette plate-forme de rencontres où nos jeunes sont
initiés aux valeurs civiques à travers l’apprentissage des valeurs
fondamentales nous léguées par nos aïeux. Parmi ces valeurs, j’entends l’approfondissement
du sentiment d’appartenance à la nation congolaise, la connaissance de l’hymne
national et l’idéal patriotique ; l’apprentissage de la fierté d’être
congolais et du devoir de parler du bien de son pays à des tiers ; l’éducation
à des travaux d’intérêt communautaire tels que la propreté des quartiers et des
lieux publics ; le curage des cannevaux ; le curage des toilettes
publiques ; la réfection des infrastructures publiques abandonnées ; la
participation à des services gratuits en faveur des  catégories sociales défavorisées etc.

Cet engagement pour le bien  public doit être renforcé à la longue par la
rencontre des jeunes avec l’autorité numéro un de l’exécutif provincial qui
sera accompagnée au besoin de toute son équipe gouvernementale pour les
faire visiter les installations du gouvernorat; avec l’autorité de l’Assemblée
provinciale et de tous ses pairs honorables qui pourraient les recevoir dans
l’hémicycle où se tiennent les forums de députés et enfin avec les
représentants du pouvoir judiciaire qui saisiraient l’occasion pour leur faire
une visite guidée dans les installations judiciaires et au besoin leur faire un tour d’horizon sur les lignes
maîtresses de notre Loi fondamentale et le fonctionnement d’un procès dans les
cours et tribunaux.

Ce qui compte en somme, c’est
de construire la grandeur de futur grand Congo avec de nouvelles générations
entraînées à vivre selon des principes fondamentaux : la dignité de la
personne humaine, la liberté et responsabilité de l’initiative personnelle et
collective et la croissance des énergies morales de tout un peuple.

 

4.
L’informatique pour tous…

 

L’élément clé dans la
formation des futurs leaders du
troisième millénaire, c’est bien  la priorité
accordée à l’informatique dans les programmes de cours. Et cela, dès les
niveaux les plus élémentaires des écoles. Tout pays ambitieux de son devenir
meilleur ne peut s’en passer tant il est vrai que l’informatique s’est imposée
de nos jours comme l’outil de développement des sociétés du 21e
siècle. A elle seule, elle réduit des distances, permet une communication rapide et, mieux
encore, ouvre les jeunes à un vaste univers de communication et à des banques
de données que ne possèdent ni nos bibliothèques communales ni nos écoles
encore mal équipées. L’informatique crée la compétitivité entre services
publics et réduit le facteur temps dans la rapidité d’exécuter un service public.
L’on peut ici prophétiser pour l’Afrique de demain que quiconque aura la
maîtrise de l’informatique possèdera ipso facto la croissance intégrale de son peuple. 

 C’est fort de toute cette vérité que nous
devons d’ores et déjà nous inquiéter de la carence quasi généralisée de cet
outil de formation dans nos écoles congolaises. En attendant que le pouvoir central en prenne
conscience et réélabore de fond en comble les programmes scolaires  conçus jusque là sous un modèle obsolète, il
faut bien parer au pire. Il faut trouver des raccourcis de peur de perdre toute
une génération. La province pourra ainsi concevoir l’idée de l’école des
vacances où l’informatique serait à la portée de tous. Quand bien même les jeunes en seraient privés
durant l’année scolaire, ils peuvent au moins récupérer le retard durant les
trois mois de grandes vacances.

 Deux stratégies peuvent être
envisagées : la première imposerait au Maire de chaque ville ou cité de
voter un budget à cet effet ou de lever des taxes adaptées au revenu du
contribuable. L’acquisition d’une centaine d’ordinateurs, fussent-ils
d’occasion, donnerait aux jeunes les clefs du succès pour l’avenir. L’on ne peut
cependant réussir pareille démarche sans penser au préalable à une équipe bien préparée des
formateurs. A ce niveau, l’on peut revaloriser
les étudiants des écoles informatiques qui seront eux aussi en vacances. Les
salles des paroisses peuvent être mises à la disposition des jeunes pour cette
formation.

La deuxième stratégie renvoie
au pouvoir central qu’est l’Etat, la responsabilité de pouvoir penser instituer
à moyen terme l’insertion obligatoire de cette matière dans les programmes
scolaires. Les deux stratégies ne s’opposent pas, peu s’en faut. La première,
une fois appliquée au niveau provincial, peut entraîner et favoriser aisément l’application
de la deuxième. 

 

5.
Les vacances par le sport
.

 

Le sport est le domaine favori
des jeunes. Ils s’y appliquent sans effort particulier de leur part. Ce qui
manque, c’est une organisation systématique et méthodique qui crée un état
d’esprit et produit un sentiment d’appartenir à une communauté nationale.

Il n’est donc pas de moindre  importance de cibler les domaines où se
déployer : le football ; le basket-ball ; le volley-ball et le
tennis de table. Soit dit en passant, je suis tenté de proposer la natation mais
l’inexistence des piscines publiques me l’interdit.

 Pour revenir aux quatre sports
classiques mentionnés supra, il importe d’organiser des tournois inter
quartiers, puis urbains ensuite interurbains ou provinciaux. La présence d’une
autorité de l’Etat à chaque étape de ce tournoi suscite encouragement aux
jeunes et les motive à l’émulation et la culture de la victoire.  A la fin, lorsque les compétitions atteignent
le  niveau de l’autorité provinciale, un
prix ou une coupe provinciale peut être décerné aux cinq meilleures équipes.
Ici encore pour ne pas laisser en marge les parents, un marathon urbain rassemblant
les citoyens de tous les âges peut couronner les derniers jours de cette
organisation sportive.

Voyez-vous, l’important ici
n’est pas seulement de divertir les jeunes. Le sport est devenu un instrument
politique de grande valeur. Bien organisé au niveau de la base, il peut plus
tard produire de grands champions qui font l’honneur et la fierté d’une ville
et de tout un peuple. Les quelques jeunes qui réussiront à se hisser au plus
haut sommet du sport international hisseront de facto l’image de la ville ou du
pays d’où ils sont issus. Là ù flotte le drapeau congolais, là aussi croît la
fierté d’être congolais. Là encore se hisse en honneur l’image positive du
pays. Point n’est besoin de répéter que
dans l’actuelle civilisation de la communication, l’image d’un pays est
fondamentale. Quand elle est positive, elle fait affluer des investisseurs
et touristes qui gonflent les caisses
publiques.

 

6.
Visite guidée de sites historiques
.

 

Ce qui éveille dans les jeunes
la conscience et la fierté d’appartenir
à une nation, c’est le type de regard qu’ils portent sur ce qu’ont fait les
compatriotes qui les ont précédés. Les traces de ces aïeux, on les démasque dans
ce qu’ils ont gravé dans la pierre : constructions, monuments ou autres
exploits. Ils apprennent du passé pour mieux faire dans le futur. Voilà
pourquoi il est important au gouvernement provincial d’initier les jeunes à
l’histoire de leur pays. Il faudra répertorier les sites qui parlent de
l’histoire de la nation et inciter les jeunes à les visiter avec le concours
des guides touristiques qui fourniraient des explications appropriées. Les
connaissances livresques seront complétées par des connaissances du terrain et ce
supplément leur donnera plus d’argument et plus d’initiatives pour rivaliser
avec les prédécesseurs.

 

7. Pèlerinages dans d’autres villes du pays

 

 La menace la plus dangereuse contre les gens
appelés à entrer dans l’ère de la mondialisation, c’est l’étroitesse d’esprit.
Cette tendance d’esprit qui consiste à penser en termes de son village ou de sa
contrée, de ne voir le monde que limité aux mots et à la conception du milieu où
l’on vit. Ce type de vision est périlleux et réduit au strict minimum les
chances de réussite pour un pays appelé à
percer l’avenir et à prendre place dans le concert des nations.

 Dans le projet de rentabiliser le temps de
vacances, les jeunes peuvent suivre une formation parascolaire qui leur
inculque le sentiment d’être des citoyens d’un pays et non seulement d’une
province. Il faut pour cela provoquer des déplacements des jeunes d’une ville à
une autre, d’une province à une autre. Cela peut être organisé au niveau de
deux entités territoriales qui feraient un échange d’un groupe de jeunes qui
séjourneraient ailleurs que chez eux pendant un minimum d’une semaine. Au cas
où les salaires des parents ne permettaient pas une telle audace, l’autorité
publique la rendrait possible en entretenant avec les cités voisines une
courroie de concertations réciproques. Ce groupe des jeunes qui auraient
visiter une autre ville ou une autre province pourra, dès son retour au
bercail, être reçue par la T.V. et la
radio nationales pour rendre compte de leurs expériences, des rencontres
contractées et des ouvertures que cela aura pu porter à l’avenir de la
province.  

 

8.
Organiser des concerts musicaux.

 

Lorsqu’on observe la courbe
qualitative de la musique congolaise des années de l’indépendance à nos
jours, nous ne pouvons qu’en constater
une paupérisation thématique. Pire qu’une pauvreté, c’est en effet d’une
paupérisation qu’il s’agit, un processus qui amène tout un peuple à effectuer
une descente vers la médiocrité.

Du tsha tsha tsha  au ndombolo,  la perte  de la qualité artistique se conjugue avec
celle de l’identité d’un peuple. La musique congolaise n’exprime plus ce qu’est
l’identité congolaise. Partout où elle se joue, elle expose à la risée
populaire. Si le congolais a  le courage
de l’autocritique, il doit reconnaître une grande régression dans ce domaine
musical où les coups des reins ont eu le dessus sur l’exercice de l’esprit. Il
faut à tout prix inventer quelque chose
de neuf en vue de retrouver les valeurs artistiques perdues de notre patrimoine
tout en maintenant le principe qui encourage la créativité de génies en
herbe. Ici encore, les quatre groupes
culturels peuvent servir d’un grand prix. Il s’agira de récupérer cette musique
traditionnelle et laisser aux experts de l’institut national des Arts (INA) le
professionnalisme  de la mouler dans les
solfèges sophistiqués de la musique moderne. La symbiose créera à coup sûr
quelque chose de neuf où nous nous retrouvons nous-mêmes. Quelque chose qui
exprimerait une partie de nous-mêmes et nous permettrait  de porter notre contribution au patrimoine
mondial de la musique. Il faut un travail titanesque d’examiner en toutes ces
cultures des villages et des villes ce qui en reste du legs de nos ancêtres et de
la contribution que nous pouvons porter
à la modernité. Il faut en plus une volonté politique d’initier les jeunes à ce
patrimoine menacé par une nouvelle vague de charlatans qui, ignorant le b-a-b-a
des solfèges, n’ont plus à livrer aux mélomanes que des
cris obscènes et la déclamation des dédicaces (mabanga) à  des personnes à moralité douteuse. La musique
étant le véhicule de toute une culture, nous courons là le risque très grave
d’instaurer le règne de la médiocratie dont le philosophe Kä Mana a déjà sonné
l’alarme dans ses nombreuses publications. Si l’on maintient une indifférence
têtue à ces avertissements, nous pouvons être certains que le prix à payer sera
très salé pour les générations à venir.

 

9.
Semaine de rencontres des religions
.

 

Tout opérateur politique doit
prendre très au sérieux les thèses du professeur Samuel Huntington qui, dans
son ouvrage Le choc des civilisations, démontre avec force arguments que dans les
prochaines années, les guerres ne seront plus dictées par des raisons
politiques mais plutôt culturelles. Et parmi ces raisons culturelles, la
religion occupe une place de choix. Tout l’équilibre géopolitique du monde reposera
en grande partie sur le facteur  religieux. Pour preuve, les discours des
terroristes usent de cette fibre religieuse pour séparer la communauté humaine  et y semer la  graine de la haine. Mais avouons que ces
terroristes barbus ne sont pas bien hélas tout seuls. A leur registre, l’on est
bien forcé d’adjoindre les dirigeants du monde civilisé qui versent dans la
même logique au moment où ils imposent le schéma de l’Axe du mal et, par une
vision manichéenne, divisent la planète entre deux blocs : celui des bons
et celui des mauvais. Plus près de nous, des blessures ne sont pas encore tout
à fait cicatrisées dans certaines provinces congolaises où la fibre religieuse  s’est faite parler d’elle avec morts d’hommes
et accumulations de frustrations sociales. C’est fort de toute cette expérience
qu’il est urgent de préparer de nouvelles générations à ne pas se  servir du nom de Dieu pour diviser. Au
contraire elles l’invoqueront pour rassembler et unir suivant le dessein même du
Créateur.

Pour concrétiser ce voeu,
l’élite politique et religieuse doit travailler de concert pour créer une
coexistence pacifique entre les confessions religieuses. Suivant la Charte
Universelle de Droits de l’Homme, chaque individu est libre de professer la
religion de son choix mais cela doit se faire dans le strict respect de la
pratique religieuse de l’autre. Cette tolérance s’apprend et enrichit. Voilà
pourquoi je propose un forum de religions, une espèce de journées de rencontres
de foi au cours desquelles pourrait être promu l’esprit d’Assise, lequel esprit
encouragerait les responsables de grandes religions reconnues par l’Etat
congolais de se mettre ensemble et de se serrer la main comme geste symbolique
très fort de fraternité et de respect mutuel. Toujours au cours de ces
rencontres, cet esprit de fraternité doit avoir un effet de contagion sur toute
la base. Les gens se feront des visites dans leurs milieux de culte respectifs
et chaque religion aura l’opportunité d’expliquer sa pratique sans aucun besoin
du prosélytisme. La tolérance et la coexistence pacifiques commencent par la
connaissance de l’autre et l’appréciation à sa juste valeur de ce qui est bon
et positif chez lui ; ce qui unit les
humains en fin de compte. Oui, ce qui nous unit…

Ce ciment d’unité est
essentiel et fondamental pour construire une nation dans la paix. Les jeunes
apprendront dès lors qu’il y a plusieurs voies, qu’il y a diversité de styles
dans le mode de prier selon qu’on est catholique, protestant, kimbanguiste ou
musulman mais que c’est le même Dieu que nous invoquons et ce Père à nous tous  demande de toute urgence l’unité de ses
enfants et le respect de la dignité de toute personne humaine quelle que soit son
appartenance religieuse. Cette dynamique peut devenir un ferment de paix,
d’unité et de fraternité entre le genre humain. Le devoir des religions est de
donner une âme à une nation. Au-delà des constructions des routes et des
usines, des ponts et des hôpitaux, des écoles et des universités, cette
croissance et cette indépendance économiques ne serviront à rien si nous les
aînés nous n’enseignons pas à nos enfants quel est le meilleur usage il faut en
faire, si nous ne les mettons pas en garde contre les abus qui peuvent en
résulter et les dégâts collatéraux qui en résulteront. Il est urgent que la
croissance s’accompagne de l’éducation morale sans laquelle devient réel le
risque de retomber dans l’anarchie et les barbaries violentes. Chaque peuple a
besoin d’une âme commune pour avoir droit à l’existence. La tâche de religions
est ici irremplaçable dans la mesure où elles aideront à construire une
communauté généreuse des hommes et des femmes qui se reconnaissent libres,
fraternels et responsables et conscients de partager un destin commun. 

 

10.
Planter un arbre…

 

De nos jours la plupart des
politiques prônant la bonne gouvernance sont liées au concept clé de
l’environnement et du soin que chaque habitant de la planète est appelé à déployer pour le rendre effectif. La
planète Terre que nous avons héritée de nos ancêtres est menacée. L’effet du
réchauffement climatique pourra, si l’on ne prend garde, faire disparaître des pays entiers de la
carte géographique. L’enjeu de la survie de la Terre n’a jamais été aussi
crucial et mondial qu’aujourd’hui. Mais, là où les bâts blessent, dans la
constellation de familles politiques  congolaises,
aucun parti ne prend en compte ce facteur. Aucun ne se réclame du Vert,
laissant ainsi l’opinion nationale dans l’ignorance crasse de ce qui constitue
une question de vie ou de mort pour son futur. Même la sonnette d’alarme tirée
par le professeur Francis Nzuzi Lelo dans sa récente publication à l’Harmattan,
à savoir Kinshasa ville et environnement,
n’a pas réussi à faire bouger l’opinion publique nationale.

 Le gouvernement provincial doit mesurer
l’importance de cette problématique et appuyer toutes les mesures qui iront
dans le sens inverse. Ceci n’est pas un jeu des mots. Ceux qui ont connu la
province il y a un siècle, disent que le ¾ du territoire du Congo furent
couverts des forêts. Les feux de brousse pratiqués anarchiquement chaque année et
les défrichages des forêts pour les activités agricoles, sans parler de
l’envahissement des « congo ya sika » (herbe qui n’a de nouveauté que
dans sa capacité de nuisance), font avancer à pas de géant la désertification
du territoire provincial. Il est urgent de créer un débat public sur cette
question. Il est urgent de former les mentalités à une autre manière de gérer
la création.

 L’école des vacances voudrait alors  conscientiser les jeunes à vivre autrement
avec la nature. Elle voudrait les former à prendre en charge l’espace vital. Pour
cela, le gouvernement devra se donner deux priorités.

 La première revient à réfléchir sur les mangues et autres fruits que tout habitant de cette province se plaît à aller
cueillir ou ramasser le long de routes et d’anciens vergers. Tout le monde en
mange. Tout le monde s’en déguste sans jamais se demander comment ces arbres
sont là, qui les a plantés et jusqu’à quel âge ils continueront à nous donner
des fruits. Il faut faire comprendre à l’opinion que ces arbres ne sont pas là
par génération spontanée, qu’il y a eu des gens qui ont eu l’idée ingénieuse de
les planter pour des générations futures mais aussi qu’un arbre vieillit comme
tout organisme vivant et a besoin d’être renouvelé. Dans cet ordre d’idée, les
jeunes en vacances peuvent devenir une main-d’oeuvre précieuse pour passer de
la parole à l’acte. Le principe « planter un arbre » doit être sacré.
Il forme des jeunes à cultiver pour moissonner demain  et à penser à ceux qui viendront après eux, en
somme à travailler pour l’avenir. Il faut faire passer la population de la
civilisation de la cueillette à celle de la culture, de la culture domestique
à la culture intensive. Oui,
intensive ! Chaque province pourra alors disposer d’un grand verger qui fera de chaque ville
la productrice d’un type de fruits et un grenier pour tout le pays.

 La deuxième stratégie de planter un arbre
répond au besoin des espaces verts
dans nos villes. Aucune norme
urbanistique ne vise à les respecter. Au contraire, le peu laissé par les
colons ont été détruits, donnant ainsi lieu à des plans cadastraux qui bafouent
la nécessité de respirer un air frais ou de faire une promenade au jardin avec
la famille ou encore de prendre un temps de méditation utile à tout humain. On
détruit impunément l’environnement avec comme conséquences directes : les
érosions, l’insalubrité, la pollution. Curieusement, tout le monde s’en plaint
sans jamais se rendre compte que l’on contribue soi-même à détériorer son
espace vital.

  Le
temps de vacances étant le moment où les populations se libèrent enfin de vivre
sous les poids de bétons pour aller communier au vert de la nature doit donner
en même temps l’impulsion de redonner vie à cet environnement. Les nouvelles
générations doivent planter l’arbre pour créer dans les villes et cités des
espaces verts, de grands jardins, voire de grands parcs publics où ils pourront,
eux-mêmes et ceux qui viendront après eux, s’émouvoir, jouer et respirer pour
se refaire.

 

11.
S’il faut conclure

 

En fait, l’on ne peut
logiquement conclure là où l’on a fait qu’ouvrir de nouvelles pistes. Ces dix nouveaux
chantiers deviennent comme le décalogue
de vacances
pour les jeunes générations. En résumé, l’on dira :

 

 1. La lecture du livre, tu feras
quotidiennement

 2. Les quatre cultures congolaises, tu approfondiras ;

 3. Tu t’imprégneras de la culture civique
nationale ;

 4.
A
l’école de l’informatique, tu t’appliqueras ;

 5. Tu soigneras ton corps par le sport
sain ;

 6. Tu connaîtras ton passé par ses
monuments ;

 7. Intéresse-toi aux habitants d’autres
cités ;

 8. Chante sain pour élever l’esprit ;

 9. Sème la paix et l’unité avec les autres
religions ;

10. Plante l’arbre pour mieux
respirer et mieux vivre.

 

 Ces dix commandements de vacances
forment la charte qui va guider les orientations des encadreurs des jeunes et
la conduite de ces derniers. Ce qui est
visé en premier lieu, c’est la formation de générations nouvelles avec un
esprit innovateur et créateur qui prend en compte le génie congolais. Cela ne
tombera pas du ciel. Il est demandé à tous de mettre la main dans la pâte.

  Les
vacances cesseront d’être alors un temps de non travail, encore moins
d’oisiveté, pour se convertir en un espace de récupération des énergies neuves.
Le congé entrera dans le programme politique de notre pays pour faire croître
la bonne qualité des futurs cadres du pays. Loin d’être un temps vide et mort,
les vacances deviendront plutôt l’occasion de communier à d’autres activités
plus culturelles et distrayantes, avec la possibilité des contacts humains plus
diversifiés. 

  A
leur tour, les confessions religieuses invitées au rendez-vous répandront l’onction
de leurs prières sur ce temps de divertissement. Elles provoqueront une petite
révolution du palais en créant un nouvel état d’esprit qui va contre l’esprit
mercantiliste de la civilisation moderne. Bien que le travail soit nécessaire
pour le gagne-pain, les églises présentes à ce rendez-vous feront comprendre
que les vacances sont d’abord le lieu privilégié accordé à l’homme de
développer ses autres facultés, en
particulier son esprit, sa vie de foi et sa participation à la vie de la
communauté nationale. Participation où se trouveront valorisées au plus haut
point la gratuité des actes, la liberté de rencontrer qui l’on veut au-delà des
barrières sociales et religieuses, les valeurs de partage et d’intériorité qui
donnent aux vacances un ton spirituel,  la capacité d’écoute et de respect de l’autre
pour rencontrer l’Autre et le Tout-Autre. C’est là le fin mot des
vacances : construire en nos jeunes l’Homme intégral, l’Homme nouveau avec
une mentalité mieux adaptée aux grands changements que connaît notre société
humaine. De cette façon, l’on dira aisément : dis-moi quel homme, quelle
femme es-tu durant le temps des vacances et je te dirai ce que tu mets dans la
quête de type de société de demain… Ce
Congo de demain, nous voulons commencer
désormais sa construction. Conscients qu’au génie de commencer s’unit la
patience de persévérer et à l’inspiration des pionniers la ténacité des
concitoyens…   

 

 De Rome,  Germain NZINGA MAKITU

 

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.