Joseph Kabila face au déballage de Colette Braeckman (JP Mbelu)

Dans une interview accordée au Journal Le Potentiel (ce mercredi 13 mai 2009), le Prof. Biyoya avoue qu’ «  il
est démontré que les Congolais ne veulent pas qu’on les domine. Et je
crois qu’aujourd’hui, si on parle encore du Congo, c’est parce que,
psychologiquement, moralement, culturellement et spirituellement, les
Congolais n’acceptent pas la domination. Je crois que, même si on vient
aujourd’hui avec des bombes, on peut bombarder les Congolais, mais tous
ne mourront pas. Ceux qui résisteront aux radiations seront
toujours-là. Ils seront toujours fiers d’être Congolais. En ce
moment-là, il faudra qu’on enterre tous les Congolais, même ceux de la
diaspora. Tant qu’il y aura un Congolais sur la terre, je crois qu’on
n’aura pas fini avec les Congolais. A moins que Dieu descende du ciel
pour modifier les structures mentales du Congolais, je ne vois pas tout
cela arriver. » Or, dans le commentaire que Colette Braeckman fait de l’interview qu’elle a accordée à Kabila, elle avoue subtilement que
Joseph tient à dominer les Congolais en personnalisant le pouvoir.
Parlant de la solitude dans laquelle « le raïs » congolais s’est
enfermé comme étant une « mauvais conseillère », Colette émet cette
hypothèse : «  C’est pour cela peut-être que des mesures sont prises à
l’encontre de RFI, que des journalistes se sentent menacés, que le
« cabinet présidentiel » prend de plus en plus le pas sur le
gouvernement, que les forces de sécurité ont souvent la main lourde, sinon meurtrière, que l’Assemblée nationale a été sérieusement reprise en main… »

Quand
on sait que l’un de nos sites Internet congolais a reçu le texte de
l’interview de Joseph Kabila par le biais de la primature, on ne pose
la question de savoir si ce commentaire a été lu et approfondi. En
filigrane, Colette Braeckman affirme que la personnalisation du pouvoir
conduit Joseph Kabila à l’effacement de l’espace public du débat, des
sons de cloche contraires à ceux de son « héraut » Lambert Mende, à la
transformation de l’Assemblée nationale en une caisse de résonance, à
l’instauration d’une police politique chargée de tuer, à la
consolidation de son gouvernement parallèle, etc.  L’hypothèse de Colette
Braeckman semble être une façon polie de décrier la dictature
joséphiste ; après coup, sans qu’elle renonce à caresser « le raïs »
dans le sens de ses poils. Colette a peur de la consolidation de la
dictature de Kabila. Elle écrit : « Or la jeune démocratie congolaise
est encore fragile, trois décennies de dictature et une décennie de
guerre ont laissé des traces dans les mentalités et les
comportements. » Donc, il est important que Joseph Kabila change son
fusil d’épaule. Même si « le président Kabila, aujourd’hui encore plus
clairement qu’hier, sait où il va » -ce qui n’est pas très évident-,
Colette souhaite que « de grâce, il n’y aille pas seul, suivant la
piste dangereuse du pouvoir personnel… » Ce conseil dit tout. Il invite
à l’examen de la partie de la piste dangereuse déjà suivie par « le
raïs » et à lui demander des comptes. (Le prochain gouvernement d’union
nationale ( ?) risque de remettre aux Calendes grecques cet examen.
L’opposition institutionnelle y viendrait jouer le rôle de figurant.)

Contrairement
à ce que pense Colette Braeckman, plusieurs Congolais ont une autre
appréhension des acteurs politique de notre pays, Joseph Kabila y
compris. Dans l’interview accordée au journal Le Potentiel, Philippe Biyoya exhorte ses compatriotes à ne pas « trop tirer sur nos acteurs (politiques) qui sont, en fait (…) des pions c’est-à-dire qu’ils sont partenaires des jeux qui ne sont pas les leurs. Alors, quand on est partenaire des jeux qui ne sont pas les siens, c’est qu’on n’a pas la planification stratégique et géopolitique. »

Les pions, agités de l’extérieur, n’ont pas le sens de l’orientation à imprimer à leurs actions.

Ils peuvent s’entourer des milliers « d’oiseaux rares », le jeu leur échappera toujours. Ils n’en sont pas « les acteurs pléniers ». L’une des réactions possible dans le jeu de cette télécratie est d’accuser les autres : les corrompus et ceux qui ne veulent pas délier le cordon de la bourse.

Joseph
Kabila se livre à ce jeu sans convaincre. Parmi les Occidentaux qu’il
accuse de n’avoir pas tenu leurs promesses, il y en a qui, à un certain
moment, pour avoir parlé « des privilèges fabuleux » de certains
Congolais occupant les hautes fonctions dans les parages
du « raïs », ont provoqué des réactions souverainistes. Et en
échangeant avec certains d’entre eux sur la machine électoraliste de
l’AMP dont Joseph Kabila est « l’autorité morale » ( ?), ils vous
disent : « Nous savons que l’AMP n’est pas une plate-forme politique.
C’est un conglomérat de perdiémistes et de tous les assoiffés
de l’enrichissement sans cause, sans convictions politiques, sans idéal
et sans un quelconque projet de société. En son sein, on se distribue
l’argent à tout bout de champ. »

Allez demander à ces messieurs de tenir à leurs promesses tout en sachant qu’ils ne pourront pas contrôler
l’argent qu’ils déboursent, c’est prendre des vessies pour des
lanternes. Ils ont compris, malgré la part importante qu’ils prennent
dans la télécratie de notre pays, que notre drame, comme celui
de plusieurs pays africains, « c’est que les administrations ne sont
pas professionnelles et que l’on ne fait pas les choses de façon
rigoureusement administrative. » Ils ont compris que chez nous, «  le
réflexe administratif n’existe pas. Nous sommes un peu dans un espace
où l’on joue le « one man show », comme disent les Anglais. C’est un
peu de la politique spectacle. » (Lire l’interview de Philippe Biyoya
au journal Le Potentiel)

Dans
les réponses de Joseph Kabila à Colette Braeckman, la question de la
reconstruction du Congo n’est abordée que du point de vue matériel :
reconstruire les routes et créer les emplois, trouver un financement
extérieur pour cela. Les questions de la géopolitique et de la
géostratégie, de la reconstruction de l’homme et de la femme
Congolaise, de la participation de tous les Congolais et de toutes les
Congolaises, etc. sont absentes. Dans l’entretien de Colette Braeckman
avec Joseph Kabila, ce jeune président donne l’impression d’être
l’unique personne capable de sortir le Congo du bourbier, avec « ses
quinze oiseaux rares ». Il apparaît comme « un surhomme », capable de
travailler 24 h sur 24 ; un président infaillible, empêché dans la réalisation de « ses
chantiers » par « les autres », disposé à réaliser dans deux ans ce qu’il n’a pas pu faire dans huit ans. Incroyable !

Et
pourtant, il devrait être jugé sur la partie de la piste dangereuse
qu’il a déjà parcourue en recourant à la main meurtrière de ses forces
de sécurité…Colette nous met sur cette piste. Elle devrait nous livrer,
dans les détails, sa part de vérité. Certains fils et filles de notre
peuple ne semblent pas avoir lu et compris le commentaire de Colette
Braeckman. Un jour, l’histoire y reviendra…

J.-P. Mbelu

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