La RDC : deux revirements qui risquent de coûter cher au pays (JP Mbelu)

Le premier revirement

 

La
réponse à cette question se révèle de plus en plus négative : les
Institutions Financières Internationale et les autres « bienfaiteurs »
appelés communément chez nous « bailleurs de fonds » n’acceptent pas de
donner au Congo le beurre et l’argent du beurre. La main qui donne
tient à contrôler celle qui reçoit. L’évocation du plan Marshall ayant
aidé l’Europe à se reconstruire après la guerre néglige le fait que
cette reconstruction a coûté à l’Europe de vivre pendant très longtemps
comme un « Etat satellite » des Etats-Unis. Cela peut-être jusqu’à ce
jour. Contrairement aux apparences !

Donc,
bénéficier de l’argent des IFI et de ceux des partenaires traditionnels
du Congo et chercher à accorder à la Chine un marché de plusieurs
milliards de dollars, dans un pays où les matières premières
stratégiques constituent le nerf de la guerre est une erreur
stratégique qui explique le soutien des « maîtres du monde » au Rwanda
et aux différents seigneurs de la guerre dépendant de ce pays ; et face
au caractère irréversible que certains gouvernants congolais donnent à  ce
contrat léonin, ladite erreur stratégique risque d’être fatale pour
l’ensemble de notre pays. Et si nous ajoutons à cette erreur
l’impopularité du pouvoir actuel de Kinshasa, il ne serait pas trop osé
de croire dans la possibilité de grands bouleversements dans les jours
à venir chez nous.

Ce premier revirement des
gouvernants congolais risque de faire des élections de 2011 un vœu
pieux. Les idolâtres de l’argent ne supportent pas l’humiliation
marchande : les beaux principes du droit et de la
démocratie n’ont pas d’ascendant sur le principe de compétitivité et de
concurrence sur le marché capitaliste.

Plusieurs
compatriotes « souverainistes » (et à raison !) ne comprennent pas que
tous ces pays qui remettent en question les contrats chinois soient
ceux-là mêmes qui sont prêts à sacrifier la défense des droits humains
et du droit international sur l’autel de « leur amitié » avec le pays
de Mao. Ces compatriotes vous disent : « Tout le monde fait les
affaires avec la Chine. Pourquoi pas nous ? » Mais cet argument ne
prend pas en compte le nerf de la guerre géostratégique et la stratégie
du choc de la coalition des pays capitalistes contre le reste du
monde ; la lutte du centre contre la périphérie qui est toujours
d’actualité.

La résistance dans cette  lutte
se gagne petit à petit à partir de la mobilisation des masses
populaires, de la redistribution nationale de la manne minière et d’une
appartenance à des blocs politiques (et géostratégiques) qui pèsent
dans la balance du monde. Or, à ce point nommé, le Congo n’est nulle
part. La navigation à vue de ses gouvernants, leur égoïsme et leur
égocentrisme, en ont fait, à plusieurs points de vue, un colosse aux
pieds d’argile, un Etat manqué.

 

Le deuxième revirement

 

Le deuxième revirement est la rupture de l’alliance entre le gouvernement de Kinshasa et les  combattants
Hutu (dont les FDLR). Après avoir été accusé à plusieurs reprises de
soutenir « les forces génocidaires », le Congo, à travers quelques-uns
de ses gouvernants, a rompu cette alliance pour obéir aux desiderata du
Rwanda. Mais bien que les FDLR soient impliquées dans les atrocités qui
ont lieu à l’est de notre pays, au moment de cette rupture, les motifs
évoqués par le Rwanda pour justifier ses attaques contre notre pays
sont battus en brèche par les différents rapports des organismes
internationaux tels que Human Right Watch et l’ONU. Les
gouvernants Congolais eux-mêmes affirment à qui veut les entendre que
le Rwanda déstabilise le Congo avec l’appui des « maîtres du monde »
pour des motifs de prédation et de pillage des matières premières du
pays. L’évocation de certains  de
leurs discours tenus à ce propos dans le dernier livre de Charles Onana
intitulé « Ces tueurs Tutsi » se passe de tout commentaire. Cerise sur
le gâteau : la Norvège, les Pays-Bas et la Suède ont coupé leur aide
bilatérale au Rwanda pour désavouer le soutien avéré des extrémistes
Tutsi au pouvoir aux différentes rébellions opérant sur le sol
congolais.

Rompre l’alliance avec les combattants Hutu assimilés tous aux « forces génocidaires » après de longues années de travail en commun, sans
discernement, pour obéir à Kagame aux dépens des populations
congolaises est un revirement qui risque de coûter très cher à notre
pays et cela pour plusieurs raisons.

Tous les combattants Hutu ne vont pas accepter d’être payés en monnaie de singe et connaissant le modus operandi
des FARDC de l’intérieur, ils peuvent leur infliger de pertes immenses.
Cela d’autant plus que ces dernières sont indisciplinés et mal (ou pas)
payés. Et si avec Charles Onana, elles adhèrent à l’hypothèse selon
laquelle  la guerre contre tous les combattants Hutu
indistinctement est une guerre des extrémistes Tutsi contre les Bantous
(avec la complicité de certains de ces derniers), cette rupture
d’alliance peut pousser certains compatriotes résistants et les
déserteurs de l’armée nationale à rejoindre le camp des combattants
Hutu.

Aux
dernières nouvelles, les échanges entre les combattants Hutu et les
forces de la résistance congolaise se passent bien. Donc, la
possibilité d’une autre coalition (différente de celle de janvier 2009)
n’est pas à exclure ; cela même si la présence des forces génocidaires
sur notre sol est désapprouvée par nos populations.

Hélas !
Petit à petit, nos populations et les résistants à l’est du pays
commencent à hésiter sur le traitement à réserver aux combattants Hutu.
 A l’est, plusieurs compatriotes font de
plus en plus la part des choses entre « les forces génocidaires » et
les résistants Hutu à la dictature sanguinaire de Kagame. Néanmoins,
ils souhaitent que cette résistance les aide à rentrer se battre chez
eux au lieu qu’ils se servent du Congo comme base-arrière, avec tout ce
que cela entraîne comme pillage des richesses du sol et du sous-sol et
comme morts d’hommes.

 J.-P. Mbelu

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