05.06.09 Le Potentiel : Cinq questions à M. Victor N’Joli Balanga

 

1. C’est par égard à votre passé d’ancien dirigeant du
tourisme pendant la 2ème République que les organisateurs des Etats
généraux du Tourisme vous ont invité à parler de ce secteur. Que
retenir de votre exposé ?

J’ai dirigé le secteur du tourisme dans notre pays d’abord comme
ministre de la Culture et du Tourisme de 1966 à 1968, ensuite comme
Commissaire général au Tourisme de 1966 à 1978 et, enfin, de nouveau
Commissaire général au Tourisme et Commissaire d’Etat à
l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme de 1983 à 1986.

En juin 1966, je quitte le Haut Commissariat aux Sports pour
me retrouver à la tête du ministère de la Culture et Tourisme. Je dois
avouer qu’au début, je n’avais qu’une idée vague sur le tourisme, bien
que dès l’accession du pays à l’indépendance en juin 1960, un Office
national du tourisme avait été créé et fonctionnait rattaché au nouveau
ministère de l’Information. Fort heureusement pour moi, le ministère de
la Culture et Tourisme que je venais d’occuper était encadré par des
hauts fonctionnaires et agents très qualifiés et très dévoués, tous
disposés à me faciliter la tâche. Une documentation très riche trouvée
sur place m’a aidé à améliorer mon initiation.

Par ce biais, j’ai dû découvrir que le tourisme était bien
présent au Congo depuis l’époque coloniale, marqué, entre autres, par
la création de plusieurs parcs nationaux, dont le plus célèbre, celui
des Virunga, premier parc national africain, créé en 1925, est
considéré à juste titre comme une des plus belles réserves naturelles
mondiales.

2. Comment le tourisme fonctionnait-il à l’époque coloniale…?

A l’époque coloniale, le tourisme congolais était dirigé à partir de
Bruxelles, où siégeait l’Office de l’information et des relations
publiques pour le Congo Belge et le Ruanda-Urundi, INFOR-CONGO.
Celui-ci avait ouvert des bureaux de liaison dans presque toutes les
capitales européennes, en Amérique, en Egypte, en Angola, au Kenya et
en Afrique du Sud.

Au Congo même, INFOR-CONGO avait des bureaux à Kinshasa et
dans d’autres chefs-lieux provinciaux, de même qu’à Muanda, ville
balnéaire. Sa mission principale était la promotion des beautés
touristiques du Congo à travers le monde pour y attirer les touristes
étrangers.

A cet effet, INFOR-CONGO avait produit d’innombrables
matériels de promotion publicitaire sur les beautés touristiques
congolaises sous forme de dépliants, de brochures, plaquettes, cartes
géographiques, cartes postales, films et ouvrages divers, comme
l’incomparable « Guide du voyageur » de 798 pages, publié en quatre
éditions, dont la première en 1949 et la dernière en 1958.

Ainsi, pendant toute la période coloniale, des dizaines de
milliers de touristes étrangers étaient venus au Congo Belge admirer
ses beautés naturelles, et découvrir la diversité des tribus
congolaises, leurs coutumes, leurs folklores et leurs réalisations
artistiques anciennes et modernes.

3. Et la suite ?

Quand vint l’indépendance en juin 1960, l’INFOR-CONGO a cessé
d’exister en même temps que tous ses bureaux à l’étranger. Seuls sont
restés en fonction les bureaux propres au pays et regroupés sous un
nouvel organisme, l’Office national du tourisme congolais, placé sous
la tutelle du jeune ministère de l’Information. C’est en septembre 1969
que fut créé le Commissariat général du Tourisme près la Présidence de
la République, dont je fus appelé à prendre la direction avec le titre
de Commissaire général. Le rattachement à la présidence de la
République a permis au Commissariat général au tourisme de se doter
d’un budget consistant, avec des décaissements garantis et réguliers.
On était donc à l’aise pour élaborer un plan ambitieux de relance, de
promotion du Tourisme. Un plan fait essentiellement de conception,
d’édition, de diffusion, à grande échelle, des matériels de promotion
de très haute facture, unanimement appréciés par les touristes
étrangers qui les recevaient auprès des agences de voyages, des
tour-opérateurs et des compagnies aériennes, à l’époque très
nombreuses, qui desservaient régulièrement Kinshasa.

Sur le plan logistique, le Commissariat général du Tourisme
naissant installa son siège principal à Kinshasa au rez-de-chaussée de
l’Immeuble Virunga, situé sur le Boulevard du 30 Juin, et bénéficiant
d’imposantes vitrines publicitaires. Les bureaux de Goma, de Bukavu et
de Muanda étaient réhabilités et dotés, pour la première fois, de bus à
usage touristique. Et en 1972, le Commissariat général du Tourisme
avait ouvert son bureau à l’étranger, précisément à Bruxelles, dans un
immeuble situé en plein centre de la capitale belge.

Ce bureau, baptisé Office congolais du tourisme, servait de
liaison avec les principales agences de voyages des pays européens et
participait chaque année aux différents salons et foires organisés dans
des villes comme Berlin, Frankfort, Paris, Genève, Rome, Milan, etc,
pour présenter et vendre l’image touristique du pays avec plein succès.

4. Qu’avez-vous récolté comme résultat ?

Résultat de cette promotion de grande envergure : en 1976 pour la
première fois, le Congo, notre pays, pouvait se vanter d’enregistrer le
chiffre historique de 100.000 touristes étrangers.

Sur le plan des infrastructures hôtelières, le Commissariat
général au Tourisme a réalisé, sous sa direction, la construction de
l’Hôtel Karavia à Lubumbashi, dont il avait confié la gestion d’abord à
l’Union touristique hôtelière (UTH) et, par la suite, au groupe
américain Sheraton. Malheureusement, après notre départ, Sheraton fut
remercié et la gestion confiée au ministère du Portefeuille. On connaît
la suite.

5. Votre dernière expérience dans le domaine…

Elle se situe entre 1983 et 1986 quand j’ai été rappelé pour
intégrer le gouvernement du Premier Commissaire d’Etat Kengo wa Dondo.
En qualité, d’abord, de Commissaire général au Tourisme membre du
gouvernement et, très rapidement, de Commissaire d’Etat à
l’Environnement, Conservation de la nature et Tourisme.

A ce poste et sur le plan touristique, j’épinglerai deux
points que je considère de haute portée pour la promotion touristique.
D’abord la sortie de la note circulaire du 24 août 1983 portant mesures
de facilitation des conditions d’entrée, de séjour et de sortie des
touristes étrangers en République du Zaïre, mesures qui permettaient
d’améliorer l’image de marque du pays à l’étranger et par conséquent
d’y attirer toujours plus de touristes qu’avant…

En deuxième lieu, l’ordonnance initiée par le Commissariat général au Tourisme.

De
1983 à 1986, si mes souvenirs ne me trahissent pas, le Fonds de
promotion du tourisme avait totalisé plusieurs dizaines de millions de
francs belges. Et dire que la taxe prélevée à l’époque n’était qu’au
taux de 3% contre 5% actuellement, selon les informations en ma
possession.

PROPOS RECUEILLIS PAR M.L.

Ancien Commissaire général du Tourisme, ancien ministre du Tourisme. Témoignage

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.