10.06.09 Réveil FM : 10 Questions à Anicet Mobe, par Freddy Mulongo
Anicet Mobe
En
écoutant Anicet Mobe, on a le sentiment que la violence et la loi des
armes ont façonné notre culture politique en République Démocratique du
Congo et que ce sont les gestionnaires de la violence qui dirigent le
Congo.
Les élites congolaises sont discréditées, Anicet Mobe
compte sur les engagements intellectuels des étudiants et des
universitaires qui acceptent de nouer une alliance de classe
privilegiée avec les masses pour redorer le blason de la République
Démocratique du Congo terni.
Avec le massacre des étudiants, Kinshasa a connu aussi son "Mai 68" et son "Tiennamen", il est important de s'en souvenir.
Kinsahasa,
août-septembre 1969, salle ASSANEF: François Kandolo, président de
l'Association Général des étudiants de Lovanium (AGEL) entouré de ses
camarades de Lovanium, de l'ENDA et d'autres instituts Supérieurs,
répond aux questions du Tribunal de première instance lors du procès
intenté contre les étudiants. Archives Mobelis Tar
1. Réveil-FM: Le mois de juin est très commémoratif en République Démocratique du
Congo: 04 juin pour le massacre des étudiants de Lovanium, 30 juin pour
l'indépendance politique…Qu'est-ce que ces événements ont changé dans la
prise de conscience des congolais ? Quel bilan faites-vous ?
Anicet Mobe: En réalité, la contestation estudiantine exprime une
conscience intellectuelle et politique aigüe, fruit du militantisme du
mouvement étudiant. Le 04 juin 1969 restera à jamais une date sombre
dans l'histoire de l'enseignement universitaire au Congo. Avec une
violence inouïe, l'armée a réprimé une manifestation pacifique des
étudiants.
La
répression se prolongea avec la fermeture de l'université de Lovanium
et de quelques instituts supérieurs de Kinshasa, leur occupation par
l'armée; des poursuites judiciaires à l'encontre des responsables des
associations estudiantines condamnés à de lourdes peines ainsi que le
renvoi des étudiants dans leurs familles.
Ce forfait créa un
énorme fossé entre d'une part le pouvoir politique et d'autre part les
étudiants, ainsi que les intellectuels réduits au silence.
Par
ailleurs, une analyse critique des mécanismes-administratifs,
judiciaires et politiques-de cette répression et des logiques qui les
sous-tendent, met en évidence la véritable nature sociale d'un régime
arbitraire et oppressif jusqu'à l'obsession.
Pour comprendre la
portée exacte de ces événements et de leurs impacts, il faut les
restituer dans leur contexte socio-politique d'une part et souligner le
sens de ce que fut l'essentiel du mouvement étudiant entre 1961-1971,
d'autre part.
2. Réveil-FM: Quel est ce contexte et qu'entendez-vous par l'essentiel du mouvement étudiant ?
Anicet Mobe: L'essentiel du mouvement étudiant !
Du 04 au 07 mai 1961, plusieurs dizaines d'étudiants délégués par leurs
collègues se réunirent à Kinshasa (Lovanium). Ils vinrent de Bruxelles
(Jacques Bongoma), de Liège (André Bols), de Louvain (Léon
Nusis-Baumer), de France (Bernard kalombo), des Etats-Unis d'Amérique
(André Kanza-Ndolumingu, Robert Kiley, Vincent Ngoie, et Thomas
Turner), de Lovanium (Joseph N'Singa, Joseph Kabuya, Félix Malu,
Théophile Ntela, Léon Mamboleo, Gérard Kamanda, Albert Isiaka,
Joseph-Alidor Kabeya, Alexis Dede, Michel Elongo, Jules Emoni, Alphonse
Falaki, Charles Huysmans-Bofossa, Nicolas Kabamba, Célestin Kabundi,
Kizito Kalala, François Kitoba, Albert Mbulamoko, Bernard Ngonda,
Valentin Phanzu, Joseph Vita et Antoine Wembi.
Pendant que les
hommes politiques-incapables de s'entendre-se débattaient dans une
crise politique interminable (depuis septembre 1960), les étudiants se
réunissaient, se regroupaient et réflechissaient ensemble pour jeter
les bases d'une organisation estudiantine capable " d'éveiller chez les
étudiants congolais une conscience nationale et un sens élévé des
responsabilités et capable de coordonner leurs activités tant sur le
plan national qu'international pour se prononcer sur toutes les
questions importantes touchant les intérêts du pays". C'est ainsi que
naquit l'Union Générale des Etudiants Congolais (UGEC). A l'issue des
travaux, les étudiants ont élu un comité exécutif que préside Henri
Désiré Takizala avec le concours de Kalala Kizito, secrétaire aux
Affaires internationales; de Nestor Watum, secrétaire aux Affaires
nationales; d'Alexis Dedé, chargé de la Culture et de Joseph N'Singa,
trésorier de l'Union.
La tenue de ce congrès et le contenu des
résolutions sont tout à l'honneur des étudiants congolais de l'époque.
Leur mérite est immense, car leurs réflexions critiques agissantes
rompirent radicalement avec d'autres démarches intellectuelles
antérieures. D'une part rupture par rapport aux associations
d'intellectuels datant de l'époque coloniale, qu'il s'agisse des
cercles des évolués ou d'associations d'anciens élèves des pères de
Scheut (ADAPES) ou des Frères (ASSANEF).
Ces cercles et
associations furent créés avec la bénédiction soit de l'administration
coloniale soit des missions catholiques. Ils jouèrent surtout sans le
vouloir et sans le savoir peut-être-un rôle de "soupape de sécurité" en
canalisant les revendications des évolués afin d'éviter des explosions
populaires.
Certes, à partir de 1955-1956, leurs Manifestes
(Conscience Africaine, Abako) mirent en branle la réflexion qui aboutit
au processus de l'émancipation politique; malheureusement, les uns et
les autres étaient handicapés dans leurs actions (handicap
confessionnel, idéologie et tribal…).
D'autre part, la
création de l'UGEC rompit avec l'aveuglement politique du "collège des
commissaires généraux"-composé surtout des étudiants de
Louvain-institué après le premier coup d'Etat militaire du chef d'état
major de l'armée (le colonel Mobutu) le 14 septembre 1960.. Ce
gouvernement " des techniciens" tirait la légitimité de son pouvoir
d'un acte illicite et séditieux.
Certes, certains d'entre eux
étaient animés de bonne volonté et du désir sincère de servir leur
pays, mais cela ne pouvait remplacer une analyse politique lucide
indispensable à tout engagement conséquent.
Dès Leur premier
congrès, les étudiants "congolais" revendiquent la cogestion des
affaires universitaires par la direction, les professeurs et les
étudiants. Ils amorcèrent ainsi une démarche critique vis-à-vis de
l'institution universitaire qui, malgré le dévouement et les
compétences professionnelles de certains responsables, était encore
marquée par les pesanteurs socioculturelles de ses origines coloniales.
Cette démarche critique culmina en mars 1964 avec une grève
spectaculaire des étudiants de Lovanium. En effet, quatre ans avant le
Mai 1968 français, les étudiants Congolais vont contester l'autorité
académique pour revendiquer le droit d'être associés à l'exercice du
pouvoir académique. La grève traduisit la volonté des étudiants de
rompre avec l'académisme universitaire, souvent teinté d'idéalisme
naïf.
En juillet 1961, les étudiants de l'Université Lovanium
adoptent les statuts rédigés par Joseph N'Singa, étudiant en droit; ils
créent ainsi l'Association générale des Etudiants de Lovanium (AGEL).
Joseph N'Singa présida de juillet 1961 à octobre 1962, le premier
comité de l'AGEL qui remplaça celui de l'Association des étudiants de
Lovanium qu'avait présidée Marcel Tshibamba, un étudiant en médecine.
Le comité Matene ( étudiant en philologie africaine) succéda à celui de
N'Singa d'octobre 1962 à décembre 1962. Gérard Kamanda présida l'AGEL
de décembre 1962 à décembre 1963 et Hubert Makanda de décembre 1963 à
novembre 1964 et de novembre 1964 à juillet 1965.
Etaient
membres de son comité: Elliud (étudiant ougandais en économie),
ministre des finances; Patrice Munabe (étudiant en médecine), ministre
des relations extérieures: Pierre N'Dolo (philosophie et lettres),
ministre de l'intendance et José Nimy (droit), ministre de
l'Information. Tharcisse Mwamba succéda de 1965 à 1966.
De 1966
à 1967, le comité de l'AGEL, fut dirigé par Mathias Nzanda-Buana et
Etienne Kashama. Hubert Tshimpumpu présida l'AGEL de 1967-1968.
François Kandolo a été président de 1968-1969.
A partir de
novembre 1965, le mouvement étudiant va exercer ses activités dans un
contexte politique façonné par un régime qui abolit le pluralisme
politique (interdiction des partis politiques dès le 12 décembre 1965)
et institutionnel ( exclusion du parlement du champ de la décision
politique).
Dès 1968, le régime déploie avec une redoutable
férocité les appareils de répression afin de réprimer toute velleïté de
contestation estudiantine.
Le 04 juin 1969, les étudiants de
kinshasa (université de Lovanium, Ecole Nationale d'Administration,
l'Ecole Normale Moyenne, Institut Pédagogique national…) organisent
une manifestation pacifique.
Soeur Nyapoudre, étudiante à l'Ecole Normale Moyenne (Isp-Gombe), devant la barre à l'ASSANEF, août-septembre 1959
1969:
Le tribunal de Première Instance était présidé par le juge Bonkanga et
le procureur Georges Bienga représentait le ministère public.
La
défense des étudiants prévenus était assurée notamment par maitres
Yoka, Nkuba, Izazaw, Mukelenge avocats au barreau de Kinshasa.
1971: Le juge Nestor Bokuma présidait le Tribunal et le procureur Nestor Mboma représentait le ministère public.
Maîtres Akiewa, Mukendi et Sabi-avocats au barreau de Kinshasa assuraient la défense des étudiants.
Le
05 juin 1971, le Président de la République décide d'embrigader les
étudiants de Lovanium dans l'armée pour deux ans. Cette décision
intervint 20 ans après qu'il ait été lui-même enrôlé de force dans
l'armée coloniale, la Force Publique. Affligeant paradoxe pour un
régime qui se voulait le chantre de l'authenticité africaine de copier
servilement les pratiques coloniales les plus rétrogrades !
Ainsi
en juin 1969, le gouvernement congolais expulsa le correspondant de
l'Agence France Presse (AFP), Jacques Rivière, lequel a décrit
minutieusement la brutalité de la répression dont furent victimes les
étudiants.
Dix ans auparavant, c'est le gouvernement colonial
belge qui décida d'expulser Claude Imbert, correspondant de l'AFP à
Léopoldville-kinshasa, futur directeur de l'hebdomadaire Le Point ,à
cause de son analyse critique de la répression du 04 janvier 1959; mais
la décision ne fut pas appliquée. En
1972. L'arrêt rendu le 26
mai 1972 par la cour d'appel de Kinshasa reforma ce verdict, ramenant à
12 ans la peine de perpétuité.
3.Réveil-FM: Pourquoi les étudiants manifestent-ils le 04 juin 1969 ?
Anicet Mobe: Les étudiants veulent :
-Réclamer du gouvernement, de meilleures conditions de vie
estudiantine. La plupart d'entre eux sont issus des couches sociales
modestes vivant dans la précarité alors qu'à l'ombre du pouvoir, une
oligarchie étale un luxe insolent.
-Protester contre l'orientation politique de plus en plus
totalitaire et antidémocratique du régime (ex rejet de la charte de
Goma qui avait été pourtant élaborée dans un esprit de concertation).
-S'insurger contre l'inféodation de plus en plus manifeste du
gouvernement aux intérêts économiques et financiers étrangers qu'allait
illustrer la première Foire internationale de kinshasa.
-C'est d'ailleurs à travers ces intérêts financiers étrangers à
protéger au détriment des aspirations légitimes de masses, que la
presse belge minimisa l'ampleur de la répression, en célébrant au
contraire le dynamisme économique des autorités de Kinshasa.
Dans
la Revue Nouvelle de septembre 1969 (Bruxelles), un observateur averti,
Marc Delepeleire, n'hésita pas à parler de " véritable conspiration du
silence des grands journaux belges qui, lors de la congolisation de
l'Union minière du Haut katanga, ont montré moins de scrupules en
publiant des articles incendiaires sur Mobutu et ses amis.
En
juin 1969, les milieux d'affaires ne voulaient pas compromettre la
visite présidentielle prévue en octobre et qui ouvrait de larges
perspectives aux industries belges d'exportation".
Ainsi s'explique les pressions exercées sur le monde politique et sur la presse.
Le
04 juin, sans sommation, l'armée ouvrit le feu sur les étudiants en
plusieurs endroits: particulièrement au croisement des avenues
Kapela-Université, entre Yolo-Nord et Yolo-Sud; à la Place de la gare
centrale, devant la Poste (Bld du 30 juin); au Rond Point de la
Victoire (Matongé), devant le journal la Tribune Africaine (Elima).
Alors
que la presse officielle parle de 6 tués et de 12 blessés, un relevé
établi auprès des hopitaux a laissé apparaitre treize victimes
identifiées au soir du 04 juin et dont les dépouilles mortelles n'ont
jamais été rendues aux familles. Sont décédés à l'hôpital Général: Jean
Mayamba, Albert Mandefu, Hubert Mwamba, Alphonse Mazamba, Symphorien
Mwamba, Marc Mayemba, kalonji. Sont décédés à la Clinique universitaire
de Lovanium: Augustin Kabamba, François Nami et Pierre-Oscar Bayemeka.
Sont décédés à la Clinique danoise (Kinoise): Antoine Kalenda, Albert
Kumbu et Edmond Tshibuku. Devant la commission des assassinats à la
conférence nationale souveraine, le procureur général de la République
Kengo Wa Ndondo avança le chiffre de 40 tués, sans autre précision.
Ont été grièvement blessés:
-Generose Ndaya, Léonie Kipili, Sylvain Ntudi, Emmanuel Kalubi,
Thomas Newavuma, Gaston Kuyu, Ntikala, Clément Lufuluabo, Thomas Maketa
et Gakuru.
Pour illustrer le cynisme du régime de Mobutu, les
militaires ont brutalement arraché la dépouille mortelle d'un étudiant
tué au moment où ses parents la récupéraient aux Cliniques
universitaires de Kinshasa.
Après la manifestation estudiantine
réprimée dans le sang, une enquête judiciaire est ordonnée par le
Procureur Général afin de déterminer les responsabilités.
Deux
groupes de leaders des associations estudiantines sont appelés à
comparaitre devant les tribunaux. Le premier groupe, composé de 19
étudiants arrêtés le 04 juin 1969, comparaît le 04 août mais à la suite
d'une irrégularité-l'assignation des prévenus n'avait pas été signifiée
dans les délais réglementaires-le tribunal reporte l'audience au 14
août 1969.
Ils étaient accusés de complot contre la sûreté de
l'Etat, d'organisation sur la voie publique d'une manifestation non
autorisée et de rébellion contre les forces de l'ordre.
Le second groupe était composé de 12 étudiants arrêtés les 16 et 21
juin sur le campus de l'Ecole Nationale d'Administration. Leur procès
s'ouvre le 27 août et le verdit est rendu le 05 septembre 1969.
Ils sont accusés d'avoir excité leurs camarades à se révolter contre le
pouvoir, d'avoir formé une barricade à l'entrée principale de l'Ecole
afin d'en interdire l'accès aux cours et d'avoir résisté avec violence
ou menaces envers les autorités civiles et militaires.
Le 5 septembre 1969, le tribunal de première Instance de Kinshasa condamna (le Progrès, Kinshasa 6 septembre 1969):
-A 20 ans de servitude pénale principale: François Kandolo, Milingo, Kodasso, Shematsi et Senga
-A 10 ans de servitude pénale principale: Muzuimba, Tshitenge et Mway.
-A 2 ans de servitude pénale principale: Malemba, Ngongbo, Nkay,
Lumingu-Simba, Samy kalongo, Toma-Toma, Nyapoudre (religieuse), Alice
Kuseke (veuve Makanda Kabobi), Joséphine Charlotte Mumbala (Madame
Ngal) et Zuka Germaine, toutes les quatre étudiaient à l'école Normale
Moyenne (ENM) de Kalina (Isp-Gombé). Alphonse Maleka a été acquitté.
Tel est le verdict rendu contre le groupe arrêté le 04 juin 1969.
-A 6 mois de servitude pénale: Assumani, Manasse
-A 4 mois de servitude pénale: Kayembe, Mutombo
-A 3 mois de SPP: Kabongo
-A 2 mois de SPP: Kabunda, Makelelo, Musungayi, Ndala,
Badibanga, Kabinda-Ngoy, Kishabongo, kabeya, kalala, et Mukabale. Tel
est le verdict rendu contre les étudiants arrêtés le 16 et 21 juin 1969.
le 26 août 1971, le tribunal de ère instance condamne les étudiants
arrêtés sur le campus universitaire de Lovanium après les incidents qui
ont marqué le deuxième anniversaire de la manifestation du 4 juin 1969.
Sont condamnés à une peine de servitude pénle principale à perpétuité:
Tshibalabala, Mulumba, kabuya celestin, J-Baptiste Sondji, pondja,
kayembe, Iyanda José, Tshinkuela, Yangu et Jean-Marie Kinkela.
4. Réveil-FM: Qu'advient-il de l'UGEC et de l'AGEL après cette
tragédie du 04 juin 1969 ? Quarante ans après, quel est l'intérêt
d'évoquer ces épisodes des contestations estudiantines ?
Anicet Mobe: Bien avant le 04 juin 1969, le bureau politique du
MPR avait dissout le 22 février 1968, le comité exécutif national de
l'UGEC que présidait depuis le 3ème congrès (8-16 octobre 1966) André
N'Kanza Ndolumingu assisté d'Anatole Malu, chargé des affaires
nationales; Delphin Banza, chargé des Affaires internationales;
Tharcisse Mwamba, chargé de la culture et ancien président de l'AGEL:
Pierre Mwanza, chargé des Affaires politiques; François Kibula,
secrétaire aux affaires syndicales et Colette Bafundisa, trésorière.
Le 23 février 1968, le ministre de l'intérieur et membre du bureau
politique, Etienne Tshisekedi signe un arrêté ministriel confirmant la
dissolution décidéee par le MPR. Arrêté le 16 janvier 1968, André
N'kanza Ndolumingu est détenu sans jugement jusqu'au 30 août où il est
liberé avec d'autres étudiants, en l'occurrence Kayembe et françois
Kalonji-Tshiabola. Quant à l'AGEL, elle est dissoute par le bureau
politique du MPR, le 12 juin 1969
Dès l'arrivée au pouvoir de
Laurent Désiré Kabila, les étudiants ont été parmi les premiers
citoyens à dénoncer la présence militaire des Rwandais, ainsi que leur
poids politique au sein de l'AFDL.
cela prouve qu'en dépit de
la violence des répressions subies sous Mobutu et des falsifications de
l'histoire que ce régime a fabriquées pour jeter l'opprobre sur le
mouvement étudiant, les étudiants congolais n'ont guère perdu le sens
de l'engagement intellectuel.
Dans un contexte historique
différent de celui d'hier, il appartient à la génération actuelle
d'évaluer les avancées et les écueils des contestations des années
60-90; de renouveler les modes de penser et de militer, d'intégrer
l'étude du mouvement étudiant dans les champs de leurs recherches
universitaires à l'occasion des travaux de mémoire et des thèses de
doctorat.
Instance critique d'une société civile qui se veut
dynamique et vivante, la jeunesse estudiantine ne doit jamais s'enliser
dans le mimétisme social et le conformisme culturel.
Il importe
donc que la jeunesse estudiantine congolaise-au milieu de tant
d'incertitudes et d'injustices-garde le courage de penser pour susciter
dans le monde universitaire et au delà dans la société toute entière-la
passion des idées pour revaloriser les intellectualités estudiantines.
Cette
revalorisation devant servir de socle pour que les Congolais se
ménagent un espace intellectuel tonifiant, offrant à chaque citoyen des
instruments culturels pertinents afin qu'il exerce avec discernement
une citoyenneté responsable.
Depuis le 04 juin 1989, d'année en
année, les grands médias occidentaux déploient un vaste show médiatique
pour commémorer l'écrasement du mouvement étudiant chinois par l'armée
et fustiger le cynisme des autorités chinoises, tant celles de l'époque
que celles qui sont actuellement au pouvoir. En revanche, une chape de
plomb couvre les répressions des contestations estudiantines en
Afrique.
Sans doute parce que les armées africaines ont été
longtemps encadrées, entraînées et équipées par la coopération
militaire française, belge, britannique et américaine.
Tel est le cas de l'armée congolaise.
c'est
donc tout à l'honneur d'une publication comme la vôtre que de consacrer
un espace médiatique pour évoquer et analyser correctement le martyre
enduré par les étudiants congolais.
5. Réveil-FM: Le cardinal Malula est mort le 14 juin 1989. Cela fera 20 ans que
l'archevêque de Kinshasa a quitté cette terre des hommes, l'avez-vous
connu ? Qu'est-ce que notre génération et celles qui viendront après
devront retenir de cet intellectuel, homme d'église, qui a connu l'exil
pour ses convictions politiques sous Mobutu ?
Avez-vous connu le cardinal Malula ? Quels souvenirs gardez-vous de lui ?
Anicet Mobe: Oui, j' ai personnellement connu le Cardinal
Malula, grâce à la Constellation, mouvement des étudiants fondé en
1967. Dès 1969, il n'a manqué aucun congrès de Constellation. Fondé par
Paul Musangi en 1967, elle regroupait différents cercles paroissiaux
nés de l'initiative des jeunes.
D'inspiration chrétienne, la
Constellation était de caractère culturel, elle se proposait comme
buts: constituer au sein de la société, des groupes de jeunes
convaincus d'un idéal et prêts à le poursuivre jusqu'à la réalisation.
Cet
idéal est de former des jeunes habiles dans l'art de réflechir et
d'être responsables, capables de mener une vie sérieuse et de réaliser
demain leur mission par un engagement conséquent dans leur société.
Constellation
faisait partie de la branche estudiantine de l'Union de la Jeunesse
Catholique (U.J.C) qui fut supprimée le 29 novembre 1972 par le bureau
politique du parti unique M.P.R.
Dès 1969, il n'allait plus
manquer un seul congrès de Constellation pour exhorter la jeunesse
estudiantine à la réflexion critique pour un engagement conséquent dans
le cours des choses afin qu'elle soit le levain dans la pâte. Son
intervention la plus mémorable est certainement, celle faite au 5è
congrès en 1971 à N'Ganda. "Pour un dialogue en vérité avec nos aînés",
thème du congrès.
" Parmi les aînés invités à ouvrir le
dialogue avec les jeunes au congrès, le Cardinal fut, de l'avis de tous
les participants, un des plus appréciés.
Il leur a confié ses
grandes inquiétudes en tant que pasteur, inquiétudes dont il attribue
l'origine à la défaillance de la société dans sa mission éducatrice,
société où les chrétiens ne vivent pas leur christianisme."
Par
ce dialogue avec les étudiants, le Cardinal Albert Malula demeurait
fidèle à ses engagements de jeunesse: en effet, dès le début de son
apostolat, il a donné le meilleur de lui-même pour la formation des
intellectuels: d'abord en tant que professeur aux petits séminaires de
Bulongo et Bikoro, ensuite en créant le groupe de Conscience Africaine
en 1953.
Celui-ci réunit des anciens élèves des écoles catholiques engagés dans la vie sociale.
La
publication du "Manifeste de Conscience Africaine" en juillet 1956 eut
un grand retentissement et mit en branle la réflexion"Congolaise" qui
enclencha le processus de l'émancipation politique de notre pays.
Ensuite, dès janvier 1960, jusqu'en 1971, il est président du conseil
d'administration de l'Université Lovanium. Dès août 1963, il siège au
conseil central de l'enseignement catholique national.
Il était
aussi membre du conseil d'administration de la Faculté de Théologie
Catholique de Kinshasa. Il fut un des promoteurs de la semaine
philosophique régulièrement organisée par la Faculté. Le thème retenu
en juillet 1981 portait sur "le rôle des intellectuels chrétiens dans
la société africaine contemporaine".
6. Réveil-FM: Que retenir de ses itinéraires ecclésiastiques ?
Anicet Mobe: Ordonné prêtre le dimanche 09 juin 1946, il est
nommé curé en 1954 de la paroisse Saint-Christ-Roi dans la commune de
Dendale, actuellement Commune de kasa-Vubu. A l'époque, il y retrouve
Joseph Kasa-Vubu qui fut son condisciple au petit séminaire de
Mbata-Kiala et au grand séminaire de kabwe.
Il est sacré évêque le 20 septembre 1959.
Il
trace son programme d'action qu'il résume en une phrase: "Une Eglise
congolaise dans un Etat congolais." Travailler au salut des âmes- selon
lui- n'était pas incompatible avec l'émancipation politique du pays.
C'est
ainsi que le 28 mai 1958, à Bruxelles au congrès de l'humanisme
chrétien organisé en marge de l'exposition universelle, il déclare
devant un auditoire stupéfait "qu'il vaut mieux donner l'indépendance
un quart d'heure trop tôt qu'un quart d'heure trop tard".
Rappelons
qu'à l'instar d'autres prêtres congolais, il s'abstint de demander la
carte de mérite civique que le pouvoir colonial institua en 1948 pour
récompenser les évolués.
Les ecclésiastiques congolais ne voulaient pas créer des barrières avec la masse des chrétiens.
Les relations entre le Cardinal Malula et le pouvoir de Mobutu
commencent à se dégrader à partir de 1968-1969 face à l'intransigeance
du prélat d'exiger la justice sociale au bénéfice des masses
congolaises écrasées par une politique économique de non développement
que leur impose le régime Mobutu.
C'est ainsi que le 04 janvier
1969-journée commémoranttive des martyrs de l'indépendance-le Cardinal
Albert Malula dans son homelie pronconcée en présence du Président
Mobutu exhorte les autorités de faire de 1969, l'année du bien-être des
ouvriers pour que les fruits du travail de cette année soient partagés
dans la justice distributive. L'hebdomadaire "Afrique chrétienne" qui a
accordé une longue place à l'homélie du Cardinal est frappé
d'interdiction.
Son rédacteur en chef, Cyrille Momote est
arrêté et emprisonné sans jugement, victime de sa rigueur
professionnelle et de sa vigueur de pensée dans l'analyse du contexte
socio-politique des évènements qu'il traite.
Cette prise de
position provoque l'ire du Président Mobutu qui réagit vivement, le
lendemain lors d'un meeting à Kenge. Cependant le courroux présidentiel
n'entame guère le courage du Cardinal Malula déterminé à défendre les
exigences de justice. C'est ainsi que lors de la célébration
eucharistique du 29 juin 1970, devant les souverains Belges et le
Président Mobutu, il fustige la colonisation qui a étouffé " les
possibilités d'expression de notre dynamisme culturel et qui nous a
transformés en un peuple d'exécutants d'un travail sans intérêt…".
Par
ailleurs, le Cardinal Malula développe une critique acerbe contre le
libéralisme économique choisi par le gouvernement arguant que ce
système engendre de criantes inégalités sociales, réduit l'homme à une
simple dimension économique, asphyxiant ses besoins spirituels et
culturels.
En juillet 1971, le bureau politique du Parti unique
(M.P.R) décide de nationaliser l'enseignement universitaire; le
processus de recours à l'authenticité se déploie à travers des
décisions spectaculaires qui bouleversent fondamentalement la vie des
Congolais et de la collectivité nationale.
Malheureusement, ces
importantes décisions sont prises sans un débat contradictoire
associant l'ensemble de la collectivité nationale ou les associations
représentatives des citoyens.
Certaines de ces décisions qui
restreignent considérablement l'espace des libertés individuelles et
publiques, visent directement l'Eglise Catholique, une institution
échappant encore à la tutelle politique du régime. Dès décembre 1971,
le processus s'amplifie et atteint son point culminant en 1972, par une
ignoble campagne de diffamation dirigée, sans un minimum de retenue,
contre le Cardinal Malula.
Grâce à une intense et bruyante
pression psychologique, déployée par la radio et la télé, le régime
s'emploie à diviser les évêques en personnalisant le problème autour du
Cardinal, qualifié de traître et d'élément subversif, alors qu'en
réalité, le pouvoir voulait embrigader toute la hiérarchie
écclésiastique dans la structure du M.P.R afin de domestiquer l'Eglise
catholique pour en faire un relais du M.P.R.
Le cardinal
Malula qui a été délogé manu-militari de sa résidence, le 25 janvier
1972, transformée en quartier général de la J.M.P.R, fut contraint de
s'exiler au Vatican. En regagnant le pays le 28 juin 1972, il chercha
surtout à détendre une atmosphère malsaine qui avait profondément
choqué les chrétiens de Kinshasa, injustement privés de leur archevêque
pendant 5 mois.
Cette volonté d'apaisement n'arrêta cependant
pas l'ire du régime mobutiste qui imposa l'installation des comités de
la jeunesse du parti-unique (J.M.P.R) dans les séminaires (petits et
grands) et les autres maisons de formation religieuse.
Le 29 novembre 1972, le bureau politique du parti supprime les mouvements de jeunesse confessionnels.
En
1972 également, suppression de la presse chrétienne; notamment Afrique
Chrétienne dont le directeur, Louis Kalonji est arrêté le 24 janvier
1972. Aux yeux d'une grande partie de l'opinion publique (nationale et
internationale) le Cardinal Malula symbolise la volonté de l'épiscopat
d'être le défenseur des "opprimés".
7. Réveil-FM: Les Mobutistes sont aujourd'hui des apparatchik du joséphisme après
avoir été au passage Kabilistes avec M'zée Laurent-Désiré Kabila au
Congo-kinshasa. Etre Mobutiste disent les Congolais, c'est être caméléon,
prendre la couleur de son environnement, de chaque pouvoir qui change au
pays. Pourquoi les Mobutistes n'ont jamais eu le courage d'assumer leurs
forfaits ? Pourquoi n'ont-ils jamais eu ne fut-ce que le courage d'honorer
celui qui les avaient faits: Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza banga?
Anicet Mobet:Plusieurs facteurs expliquent cet état des choses. Trois points essentiels méritent d'être soulignés:
1. Le régime Mobutu, dans son essence profonde était un cloaque d'inculture.
Il n'est donc pas étonnant que la majorité des dignitaires de l'ancien
régime ne disposent guère des instruments culturels pertinents ni
d'outils conceptuels appropriés pour une analyse critique aigüe de ces
trois décennies politiques qui ont profondément perverti, voire
détruit, les fondamentaux indispensables sur lesquels édifier un Etat.
Organiser
l'économie en une activité de production des richesses dont il faut
répartir équitablement les résultats afin que les populations façonnent
lucidement la politique pour gérer leur société, selon leurs
aspirations et au mieux des intérêts vitaux du pays.
2. L'inculture du régime a tellement perverti les esprits des
élites-politiques et intellectuelles-qui ont été cooptées dans les
structures corruptrices du pouvoir qu'elles n'ont plus qu'une vision
instrumentalisée du politique.
3. Par ailleurs, la plupart des dignitaires n'ont aucun intérêt
à se dévoiler car ils risquent de laisser tomber le masque de jade qui
couvre leurs visages souillés par des laideurs nauséabondes faites de
compromissions dans les assassinats politiques, des moeurs politiques
dépravées et de coupables complicités dans la criminalisation de
l'économie congolaise qui a engendré des violences sociales
meurtrières.
Ils préfèrent donc se taire notamment pour se
refaire une virginité afin d'appliquer les recettes qu'ils ont apprises
de la 2è République: utiliser à bon escient les techniques d'encenser
un pouvoir, sensible aux louanges afin d'extorquer des prébendes pour
fructifier des rentes de situation.
8. Réveil-FM: Pourquoi le Rwanda impose son tempo à un grand pays comme la République Démocratique du Congo ?
Anicet Mobe: Si le Rwanda impose au Congo son tempo, c'est parce
que notamment, il utilise malicieusement la pusillanimité, l'incurie et
l'infatuation d'une fraction des élites politiques et intellectuelles
congolaises.
Qu'il s'agisse de celles qui-soutenues par les
Usa, la Belgique et la France-ont confisqué le pouvoir pendant 32 ans
et qui ont voué aux gémonies la Conférence nationale Souveraine parce
qu'elles craignaient cette reprise de l'initiative historique par le
peuple.
Qu'il s'agisse de celles que le Rwanda, l'Ouganda et
accessoirement l'Angola et le Zimbabwe fabriquent depuis 1996-1998,
avec la bénédiction des Usa.
Appréciée à l'aune de l'histoire
du Congo, la tutelle militaire, politique et diplomatique qu'exercent
l'Ouganda et le Rwanda sur les "rébellions" de 1996-1997,1998-2000 et
sur celle du CNDP s'analyse comme une lamentable régression
intellectuelle et politique de 50 ans.
Celle-ci contraste avec
la clairvoyance, l'intelligence et le courage dont firent preuve le
mouvement nationaliste anti-colonial à partir de 1956-1958; ainsi que
les contestations estudiantines et les "rébellions " de 1963-1966.
Cette
tutelle a contraint le pouvoir issu de l'AFDL à jeter l'opprobre sur la
conférence nationale souveraine qualifiée-à tort-de récréation. En
réalité, le gouvernement de Laurent Désiré Kabila devait rassurer ses
tuteurs Rwandais, Ougangais, irrités par l'indocilité et l'esprit
d'insoumission des Congolais qui ont vivement dénoncé la mainmise
Rwandaise sur l'armée et les secteurs stratégiques de l'Etat où Kigali
avait introduit un monstrueux cheval de Troie drivé par quatre
principaux jockeys: Bizima Kahara, Déogras Bugera, James kabarere et
Masasu qui vont minutieusement préparer de l'intérieur l'agression dont
le Congo a été victime en août 1998.
9. Réveil-FM: Comment analysez-vous cette régression intellectuelle et politique ?
Anicet
Mobe: En octobre 1958, lorsque Patrice Lumumba et les intellectuels
issus du groupe "Conscience Africaine (Iléo, Ngalula); du syndicat
(Cyrille Adoula); ainsi que de l'Amicale socialiste (Nguvulu) fondent
le Mouvement National Congolais, leur démarche politique s'inscrit dans
une dynamique supra-ethnique et répond aux aspirations des Congolais de
se libérer du joug colonial.
Dès 1961- il en sera ainsi pendant
quatre décennies, en dépit de la dissolution de l'UGEC et de l'AGEL- le
mouvement étudiant est demeuré dégagé de toute tutelle idéologique et
politique tant nationale qu'étrangère.
La création de l'UGEC est
l'aboutissement d'une longue maturation intellectuelle et politique-
amorcée dès 1956- parfaitement maîtrisée par les étudiants.
1956: le ministre belge des Affaires étrangères, Paul-Henri
Spaak s'apprête à se rendre au Congo, à l'occasion du cinquantenaire de
l'Union minière du Haut-katanga.
Il reçoit une délégation des
étudiants Congolais qui lui dressent un tableau saisissant de
l'oppression coloniale que subissent les Congolais et qui contraste
avec les récits hagiographiques des laudateurs de la colonisation.
Le
03 mars 1958 à Louvain, cinq étudiants congolais: Charles Bokanga,
Albert Bolela, Maris Cardoso (Losembe), Jonas Mukamba et Paul Mushiete
participent à un colloque organisé par l'Union générale des étudiants
de Louvain.
Le thème de l'indépendance du Congo y est abordé.
Le
18 mars 1958, l'Association des étudiants noirs en Belgique adresse aux
parlementaires un mémorandum exigeant l'instauration d'un régime de
représentation démocratique à l'échelle nationale et protestent qu'il
n'y ait aucun Congolais au sein du groupe de travail constitué par le
ministre des des colonies Maurice Van Hemelrijck, pour étudier les
problèmes politiques du Congo belge.
Après le soulèvement
populaire du 04 janvier 1959 à Léopoldville (Kinshasa) reprimé dans le
sang, les étudiants congolais de Lovanium se mirent en grève, le 8
janvier pour protester contre la répression et marquer leur solidarité
avec les victimes.
Le 18 janvier 1960, à l'invitation de
l'association des étudiants noirs que préside Marcel Lihau, étudiant en
droit à Louvain; les leaders politiques congolais se réunissent dans
les locaux des "Amis de Présence Africaine" à Bruxelles, sis rue
Belliard n°220.
Exhortées par les étudiants(François Ngyesse, Ferdinand Mandi, Félicien
Lukusa, Ernest Munzadi, Zéphyrin Konde, Justin Bomboko, Marcel Lihau,
Jonas Mukamba..,les personnalités politiques s'unissent et constituent
un "Front Commun" qui prend à contre-pied la stratégie du gouvernement
belge.
En 1963, une partie de la classe politique se rend compte que
l'indépendance n'a pas mis fin à la domination politique ainsi qu'à la
mainmise de la métropole sur les rouages économiques du pays.
C'est
alors qu'est crée le Conseil national de Libération (CNL) afin de
concrétiser les revendications du peuple pour une deuxième et réelle
indépendance.
En revanche, en 1996 l'AFDL est instrumentalisée
par le Rwanda et l'Ouganda qui capitalisent à leur profit les
revendications démocratiques du peuple congolais.
Deux ans après
les élections tant vantées par la " Communauté internationale", force
est de constater qu'en dépit de la légitimité issue des urnes, le
pouvoir de kinshasa n'arrive pas-le veut-il ?-à déserrer l'étau
militaire et politique du Rwanda ni à se défaire du parrainage
diplomatique de la Belgique et des Usa, fidèles soutiens du Rwanda qui
se sent ainsi réconforté dans ses entreprises diaboliques au Congo.
Déjà en 1996, l'état désastreux de l'armée zaïroise a largement
facilité la conquête militaire du Zaïre par le Rwanda qui, en deux ans,
a réussi à se doter d'une force militaire aguerrie et disciplinée.
Ainsi les soldats Rwandais n'ont eu aucune peine à mettre en déroute
les indisciplinés et les soudards des Forces armées zaïroises qui ne se
distinguaient que pour rançonner , terroriser les civils.
Plutôt
que de bâtir une armée qui soit un corps de défense nationale assurant
l'intégrité territoriale du pays, Mobutu a préféré construire un outil
militaire qui soit à sa dévotion pour réaliser ses ambitions
politiques. Ils s'est servi de la coopération militaire étrangère pour
se doter d'une redoutable garde prétorienne dressée à la répression
contre les populations civiles.
Dépités, les Congolais se
rendent compte que sur ce plan comme dans tant d'autres domaines, le
mobutisme reste si vivace que les observateurs évoquent un
présidentialisme par défaut.
10. Réveil-FM:Vous mentionnez des journaux que beaucoup des Congolais ne connaissent pas (plus)…
En février-mars 1972, le régime Mobutu réduit considérablement l'espace
intellectuel , de la presse écrite et audiovisuelle. C'est ainsi que la
Tribune Africaine (Elombe) et Courrier d'Afrique fusionnent pour former
ELIMA dont la direction est confiée à René Essolomwa Nkoy de la
Tribune. L'ancien directeur de rédaction de Courrier d'Afirique,
Gabriel Makosso dont l'indépendance d'esprit déplaît au pouvoir, est
brutalement evincé. Le Progrès et l'Etoile du Congo (Myoto) fusionnent
pour former SALONGO confié à Paul Bondo Nsama, ancien directeur de
l'Etoile. Raphaël Mpanu-Mpanu-directeur du Progrès est promu
Directeur-général de l'agence zaïroise de presse et est coopté depuis
le 21 février 1972, membre du bureau politique du M.P.R
Le
régime impose alors un journalisme orienté, instrument de
conditionnement idéologique pour anesthésier l'esprit critique des
citoyens et la presse devient outil de propagande pour encenser le
"guide" et glorifier son pouvoir.
1980, Mobutu expulse un autre correspondant de l'AFP qui décrivait les brutalités contre les étudiants.
Conscience Africaine, Abako, Mouvement national
Congolais, Parti Solidaire Africain et l'UGEC émament des initiatives
jaillies des profondeurs de la société congolaise et consolidées par
une conscience intellectuelle et politique sans cesse en éveil.
En
revanche, le MPR et l'AFDL ont été imposés aux Congolais d'en haut par
des pouvoirs politiques soutenus de l'extérieur pour garantir des
intérêts économiques et géopolitiques étrangers au détriment de ceux du
Congo. L'adhésion aux options idéologiques et aux décisions du
Parti-Etat (MPR) ne résultait pas d'une démarche libre et reflèchie
mais plutôt d'un embrigadement dans les structures corruptrices du
parti qu'appuyait une féroce terreur policière.
Commentaires
1.
Le mardi 9 juin 2009 à
10:44, par
Armand Mavinga
Cher Freddy,
Je vous remercie pour cette précieuse interview de mon frère et ami Anicet
MOBE. Je ne peux m'empêcher d'adresser mes sincères félicitations et
remerciements à MOBE pour ce témoignage important qui éclaire l'histoire du
combat de Congolais pour l'avènement d'un Congo réellement libre,
démocratique, prospère et pacifique. Merci aussi à vous Freddy MULONGO qui,
au travers votre stratégie médiatique de 10 questions, permettez aux
Congolais d'être en contact avec le richesse et la profondeur de leaders,
chercheurs et acteurs appelés à jouer un rôle important en vue de
l'émergence du Grand Congo du XXIème siècle.
Une fois de plus, merci et félicitations.
Armand MAVINGA TSAFUNENGA
2.
Le mardi 9 juin 2009 à
11:34, par
Nambo
Merci, cher compatriote MOBE et à vous aussi compatriote Mulongo d'avoir permis cette interview.
Nous sommes victimes, effectivement, de l'inculture inoculée en nous
par Mobutu-MPR pendant trois décennies, comme un vénin difficile à
extirper.Et le plus dramatique, quand on lit l'extraordinaire récit de notre
compatriote MOBE, ce sont ces noms, ces certains noms parfois les mêmes
qui ont été à la base de formations des mouvements estudiantins (UGEC,
AGEL) qu'on retrouve auprès de Mobutu, pour l'édification du MPR.Et certains plus acrobatiques ancore se sont rués au Parlemnet actuel (Assemblée Nationale et Sénat).
A un certain temps, pendant qu'un N'Kanza Ndolumingu croupissait en
prison au pays et qu'un MALU Anatole exilé à Genève au BIT (que j'ai eu
l'honneur de connaître), d'autres se retrouvaient au faîte de
l'Etat-Mobutu-MPR qui décidaient le sort de leurs anciens camarades.Où est notre fiereté ?
Quant au cheminement de la conscience politique aboutissant à la
révendication radicale de l'indépendance, il est capital que notre
compatriote MOBE ait rappelé l'existence de 1950 à 1960 de l'ABAKO, de
la Conscience Africaine, du PSA, du Mouvement National Congolais.L'histoire de ces mouvements politques, leurs écrits, objectifs
politiques, professions de foi doivent être connus et c'est la moindre
des choses, de tout compatriote congolais se destinat à l'exercice de
responsabilté politique dans notre pays.Et lorsque l'on veut aborder l'étude de ces mouvements, il faut se
dépouiller dès le départ des a priori idéologiques, dans la mesure où
ces mouvements ne sont pas nés après de multiples participations à des
congrès internbatioinaux et internationalistes, genre Inrenationalisme
socialiste ou Internationalisme libéral.C'est de la tripe que le Congolais éprouva le besoin et le devoir de se
libérer du colonialisme. Les clivages idéologiques quant à la forme à
imprimer au contenu et à la forme de cette lutte de libération ne sont
que construction intellectuells ultérieure.Le français qui font la révolutionfrançaise, c'est enrévolte contre
leurs compatriotes profiteurs regroupés dans les deuxclases de la
Noblesse et du Clergé.les Congolais ont fait la révolution contre leurs opprésseurs colonialistes belges.
Autant les Français n'avaient eu besoin en 1789 d'un Marx et forcément
d'un Lénine, les Congolais aussi entre 1950 et 1960 n'eurent pas besoin
des forces extérieures pour comprendre pourquoi ils étaient dominés et
qui,les dominaient.Même KIMPA VITA n'avait pas eu besoin de tout cela pour observer que
c'est le Portugais venu chez elle qui dominait son pays et ses frères
et soeurs.Car, chers compatriotes, les confusions que nous entretenons dans la
compréhension et la reconnaisance à chacun son, apport, c'est
simplement parce que nous nous dotons d'instruments d'analyse non
conformes à notre situation réelle.Le compatriote MOBE nous a relaté une Histoire réelle, tirée de la réalité de notre pays.
Si certains actes de nos dirigeants, de 1960 à nos jours peuvent se
comprendre en analysant les forces extérieures qui y interagissent, par
contre la volonté séculaire de tout peuple, congolais compris, de se
debarasser du joug intérieur ou extérieur est ancrée en lui.Les révolutions genre "la victoire est au bout du fusil", en RDC ce sont souvent soldées en "les massacres au bout du fusil".
Et voilà, non seulement les "vraies" révolutions armées chez nous n'ont
jamais abouti, mais elles nous ont ponctionné des milions de
compatriotes à notre population, pour rien.Alors, soyons nous-mêmes, authentiques, en puisant nos forces endogènes dans le passé des luttes de nos anciens.
3.
Le mardi 9 juin 2009 à
11:35, par
Toussaint T
salut,
je viens de lire l'interview de Mr Anicet Mobe, voila je me permet de vous feliciter
et je garde ca comme archive et je me demande si votre interlocuteur n'a pas ecris
un livre sur ce sujet? si il en a ecris! comment s'en a procurer?
je suis congolais resident a Londres. Merci
Toussaint T
4.
Le mardi 9 juin 2009 à
11:38, par
Médard MBUYAL MANGALA
Cher Freddy,
Je suis personnellement très ravi par une analyse perspicace de notre
conpatriote, ANICET MOBE que je connais à travers RFI. Cet effort
intellectuel nous révèle des pans entiers de notre histoire qui n'est
pas connue du grand public. Il faut encourager Anicet MOBE à écrire des
ouvrages ou même à rediger un livre-Intervieuw pour documenter cette
phase. A partir de Kinshasa, on est très gêné de la promotion que des
animateurs des émissions culturelles audiovisuelles mettent l'accent
sur des Congolais qui travaillent dans les magasins comme vigiles et
qui sont célébrés par des musiciens.Dans le cadre de mon émission 'DEFIS ACTUELS' diffusée sur la RTNC, je
suis tout à fait disposé, moyennant quelques arragements de diffuser
des intervieuws des toutes ces élites qui honorent la RDC en occident.Notre défi est de dépasser les étiquettes des danseurs, des musiciens
pour donner aussi l'image de la RDC à travers ces élites. Si
l'Harmattan fait un effort louable pour non seulement s'installet à
Kinshasa, mais également d'accorder des espaces aux congolais , qui,
sur place, ne pouraient pas faire imprimer leurs manuscrits.L'année dernière, comme journaliste reporter, j'ai accompagné Arthur
Zahidi Ngoma, Ex-Vice Pr"ésident de la République à la place
Bongolo/Université pour le dépôt d'une gerbe des fleurs en mémoire des
étudiants tombés, ce document été percu comme un acte d'un revenant qui
ne veut pas oublier.Je vous encourage.
5.
Le mardi 9 juin 2009 à
13:44, par
Freddy Luzambu Lua toko
Je
viens de lire avec un grand interêt cet interview de Mobe.D'abord, je
remercie Freddy Mulongo ( je pense que c'est le footballeur et
ambassadeur….). Mais voilà, il nous faut sortir de la tradution
orale. C'est regrettable que notre histoire reste orale et ce au 21ème
siècle. Il faut écrire, l'histoire est une répetition, et pour prevenir
l'avenir, il faut avoir connaissance du passé. Et comment peut-on avoir
connaissance du passé ? Il faut écrire, le peuple, la jeunesse a droit
à connaitre. Merci, vous avez réveillé quelque chose qui dormait en moi.Freddy
6.
Le mardi 9 juin 2009 à
13:50, par
Base Kidilimi
Cher Freddy,
Bonjour et félicitation sur le travail abattu de nous informer par une source sure en la personne de monsieur anicet Mobe.
Merci également à monsieur Annicet de sa disponibilité sur ce long
interview qui a éclairé bien des esprits en brossant succintement mais
clairement les grandes lignes de la vie en générale de la République
démocratique du Congo, de Mobutu à ce jour. Il est vraiment un monument
et une bibliothèque vivante à ne pas négliger surtout pour la jeunesse
qui aspire à la politique pour un devenir meilleur de notre pays.Je suis personnellement très flatté de son style facile à comprendre et de ses analyses objectives.
Que Dieu le Tout Puissant le protège pour qu'il voit le redressement de ce beau pays convoité par tous.
Je crois au changement dans mon pays avec l'aide de Dieu et de tous les fils dignes de la RDC.
Encore une fois merci à Freddy et Merci à monsieur Anicet.
Que Dieu bénisse le Congo
Base Kidilimi
7.
Le mardi 9 juin 2009 à
17:34, par
Nzogu bin Kyantede Pascal Robert
Merci
nà vous Freddy Mulongo, journaliste intrerviewer, et Anicet Moba,
chercheur interviewé, pour ce rappel de la part digne de notre histoire
intellectuelle!Ayant participé à un mouvement étudiant qui a abouti à la fermeture de
l'Unikin en avril 1980 (juste avant la venue de sa SS le Pape Jean-Paul
II à Kinshasa), j'avais perdu dans la fuite les documents d'archives
sur les révoltes étudiantes antérieures, archives que nous avions pu
constituer, et qui nous avaient inspiré. Sans ces aînés, nous n'aurions
pas non plus pu analyser de maniètre critique et avec discernement
l'avénement malheureux, dès 1996-1997, de la dictature exogène AFDListe
qui continue à détruire l'appareil d'état congolais et à essayer
d'enterrer les rêves de liberté et de prospérité de notre nation.Fassent Dieu et nos ancêtres que nos cadets vivant et étudiant au pays
reprennent le flambeau de la révolte contre la tyrannie, aujourd'hui
personnifiée par Joseph Kabila, homme d'inculture ainsi qu'homme
d'arrogance voire de haine envers les Congolais instruits!Nzogu bin Kyantede P R
8.
Le mardi 9 juin 2009 à
18:33, par
A Ku Ema Na Ku Malengye
10 Questions à Anicet Mobe
Par Freddy Mulongo, lundi 8 juin 2009 à 23:23
• Le 23 février 1968, le ministre de l'intérieur et membre du bureau
politique, Etienne Tshisekedi signe un arrêté ministériel confirmant la
dissolution décidée par le Mouvement Populaire de la Révolution [MPR]
Arrêté le 16 janvier 1968, André N'kanza Ndolumingu est détenu sans
jugement jusqu'au 30 août où il est libéré avec d'autres étudiants, en
l'occurrence Kayembe et François Kalonji-Tshiabola.Quant à l'AGEL qui
elle est dissoute par le bureau politique du MPR, le 12 juin 1969.Pour le besoin de mémoire historique, il serait indiqué dinterroger
quelques personnes encore en vie que vous citez parmi les étudiants et
les professeurs de lépoque:1. Clément Lufuluabo qui a été suivi et soigné durant la garde de Mr.
le médecin stagiaire Miatadula Malonga qui seraait aux cliniques
universitaires ce jour.2. Dr. Alhadeff Victor était Professeur Assistant en
cardiologie-médecine interne et superviseur des stagiaires médecins le
jour de protestation des étudiants et des quelques professeurs dont le
feu Azama Paul Economiste Chef des travaux qui fut interné dans la même
cellule que François Kandolo dans la prison de Ndolo.3. Mr. Kengo wa Dondo, né Léon Lubicz, changea son nom en Kengo Wa
Dondo en 1971, suite à la campagne dafricanisation du président
Mobutu, a dit devant la commission des assassinats à la conférence
nationale souveraine, quand il était le procureur général de la
République en avançant le chiffre de 40 tués, sans autre précision doù
sa déclaration que nous devons prendre en considération, car pour les
cliniques universitaires, rien na été publié ni le rapport fait au
sujet de la trouvaille des cercueils dans le grenier du département de
chirurgie. Le 11 mai 2007, Kengo wa Dondo a été élu président du Sénat
de la DRCongo, il devient de ce fait depuis le 14 mai 2007, date de son
investiture, la deuxième personnalité politique de la DRCongo ne
pourrait-il pas contribuer un peu plus aujourdhui au devoir de mémoire
sur ce sujet ?
9.
Le mardi 9 juin 2009 à
20:37, par
Nkolo M'pifo
Mobe,
Bravo pour votre clairvoyance.
De la part d'un ancien colégien comme vous
10.
Le mercredi 10 juin 2009 à
12:15, par
FELIX BOKASSIA
je
me suis toujours rendu compte de cette richesse en matières grises
congolaises comme c'est le cas très éloquent de mon frère ANICET M.et
tant d'autres élites qui se défendent avec conviction et détermination.Leur perpétuel combat de nous sensibiliser et mobiliser à travers le
média et tant d'autres moyens restera un outil incontestable à plus
forte raison de pouvoir forger notre conscience.Mais,hélas!Nos sectes et musique restent encore un moyen de combat pas
facile à ajuster aux normes d'un monde en plein de mutation.Bien au
contraire ils servent davantage d'opium.Enfin,bravo à vous qui militez pour un Congo meilleur!
Pour finir,je souhaite entrer en contact avec Mr ANICET MOBE.
11.
Le mercredi 10 juin 2009 à
12:26, par
BOMA OMENA Henri
Merci à vous, Monsieur MOBE Anicet et Monsieur MULONGO Freddy.
Merci mille fois.
Grâce à des actions comme votre entretien, nous savons que les
instruments culturels et les outils conceptuels existent pour espérer
et croire en l'avenir de la Grande Nation qui est actuellement enfantée
au centre de l'Afrique et dans les pays où sont accueillis les natifs
de la République Démocratique du Congo. Merci.