12.06.09 Le Potentiel : Cinq questions à Charles Blé Goudé

1. Les « Jeunes patriotes » ont-ils un rôle à jouer dans le processus électoral en cours?

Bien sûr que oui. Nous avons un rôle à jouer: donner à la Côte
d’Ivoire un président digne, qui puisse diriger ce pays, orienter les
Ivoiriens. Nous allons jouer un rôle de mobilisation, autour des
valeurs, non autour des ethnies, des religions ou des individus.

2. Compte tenu des violences passées, n’avez-vous pas un problème de légitimité?

Nous avons su adapter notre combat à l’évolution de la situation en
Côte d’Ivoire. Et aujourd’hui, personne ne peut voyager du Sud au Nord,
de l’Est à l’Ouest en passant par le centre aussi facilement que
Charles Blé Goudé. J’ai tendu la main à ceux qui hier étaient des
ennemis. J’ai retrouvé mon ami Guillaume [le Premier ministre Guillaume
Sora, NDLR], j’ai gagné un ami, Wattao, qui fut un chef de guerre. Je
suis allé dans les mosquées avec mes amis, dans les églises, dans les
quartiers dioulas. Aujourd’hui, les Dioulas m’ont accepté comme leur
fils et ont apprécié ma sincérité. J ai été le premier à demander
pardon pour tout ce que j’ai pu faire moralement ou physiquement.
Aujourd’hui, je pense que cela a élargi notre base.

3. Paris et l’Onu vous tiennent pour responsable des violences qui ont eu lieu contre la communauté française…

J’ai pris une position contre les autorités françaises, je n’ai
jamais pris position contre les Français. Il faut faire la différence
entre les autorités françaises et la population française. Ce que j’ai
fait pour libérer mon pays, je l’ai calqué sur l’histoire de France,
quand les Français ont résisté face à l’envahisseur nazi. Résister,
c’est ce que nous avons fait. Pour le reste, les dérapages sont à
regretter. Nos relations sont à reconstruire. La Côte d’Ivoire a eu des
relations difficiles avec la France à un moment donné de son histoire,
nous nous efforçons aujourd’hui de rapprocher nos deux peuples. Qu’on
se pardonne les uns les autres et que l’on passe d’un stade de tutorat
à un stade de partenariat.

4. Vous allez faire campagne pour qui? Pour le Front populaire ivoirien [FPI] ? Pour Gbagbo?

Pour Gbagbo! Je ne suis pas au FPI, on peut ne pas être encarté et
se battre pour un dirigeant dont on partage les valeurs. Aujourd’hui,
avec la guerre, la politique en Côte d’Ivoire a changé. Nous parlons
non pas en termes de parti, mais en termes de générations et de
nouvelle vision des rapports Nord-Sud. Gbagbo n’est plus seulement le
porte-étendard du FPI, il est le candidat de la dignité de l’Afrique
au-delà même de la Côte d’Ivoire. Il faut éviter que le président qui
sera à la tête de notre pays soit encore un partisan de la
Françafrique. Ici, les élections ne vont pas seulement opposer le FPI
au RDR, ou le FPI au PD CI-RDA, non! Ce sont des élections qui vont
opposer à ses concurrents le candidat de la « digne Afrique », celui
qui pense que les chefs d’État africains sont élus d’abord pour le
peuple africain.

5. Quel a été le rôle, dans cet examen de conscience, des sanctions que l’Onu vous a imposées?

Ces sanctions, je les trouve injustes. Mandela a appelé à poser des
bombes et aujourd’hui c’est un homme respecté. On ne peut pas lui
reprocher d’avoir pris un fusil. Moi je n’ai ni pris un fusil ni posé
des bombes, je n’ai pris que la parole. On ne peut sanctionner un
supporteur qui est dans les tribunes pour une faute qu’un joueur a
faite sur le terrain. Ceux qui sont sur le terrain sont ceux qui sont
au gouvernement. Quand ils font une réunion de réconciliation, je n’y
suis pas, ce qui veut bien dire que je ne suis pas un acteur direct. Je
refuse ce carton rouge. À un moment de l’histoire de la Côte d’Ivoire,
j’ai estimé qu’il fallait résister, et nous avons résisté mes amis et
moi. Et à un autre moment, j’ai estimé qu’il fallait faire la paix.
Nous avons organisé des meetings dans le Sud, puis nous sommes allés
dans les zones tenues par la rébellion et nous avons commencé à
discuter. Nous sommes allés vers la paix et cela n’a aucun rapport avec
les sanctions. Il faut que ces sanctions soient levées. J’ai été un
catalyseur, un élément important pour la paix. Pendant que les gens
discutaient à Ouagadougou, je faisais le tour de la Côte d’Ivoire pour
appeler à la paix. Nous avons joué le rôle des Casques bleus à leur
place.

TIREES DE JEUNE AFRIQUE N°2525, DU 31 MAI AU 6 JUIN 2009

Président du Congrès panafricain des jeunes et des

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